Parts sociales : décision du 1 février 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 20/17135

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Parts sociales : décision du 1 février 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 20/17135
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 10

ARRÊT DU 01 FÉVRIER 2024

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/17135 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCWWD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Décembre 2017 -Tribunal de Commerce de PARIS RG n° 2014057112

APPELANTS

Monsieur [R] [F]

né le [Date naissance 2] 1939 à [Localité 10] (92)

[Adresse 3]

[Localité 6]

ET

S.A.R.L. ARTHENICE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentés par Me Eric ALLERIT de la SELEURL TBA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241

Assistés à l’audience de Me Dominique PENIN du LLP KRAMER LEVIN NAFTALIS & FRANKEL LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J008

INTIMÉS

Monsieur [X] [F]

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 9] (92)

[Adresse 5]

[Localité 7]

ET

S.A.R.L. VELMA, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentés par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS – AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

Assistés à l’audience par Me Philippe SCARZELLA, avocat au barreau de PARIS, toque : D1281

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été plaidée le 30 Novembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Florence PAPIN, Présidente

Mme Valérie MORLET, Conseillère

Madame Anne ZYSMAN, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Florence PAPIN, Présidente dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Ekaterina RAZMAKHNINA

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Florence PAPIN, Présidente et par Ekaterina RAZMAKHNINA, greffier, présent lors de la mise à disposition.

***

Résumé des faits et de la procédure

Fondée en 1962, la SA Francomet a eu pour activité de représenter les distributeurs et négociants de métaux pour leur distribution sur le territoire national. A compter de 1979, elle a été l’agent en France du groupe chilien Codelco, avant de développer, dans les années 90 une activité de négoce international. Monsieur [R] [F] a été dirigeant de la société Francomet de 1990 à 2012 et actionnaire majoritaire, directement ou indirectement, via la société Arthenice.

Par actes sous seing privés du 12 juillet 2011, Monsieur [X] [F] a acquis auprès de Monsieur [R] [F], son père, 32,79% des actions de la société Francomet tandis que sa holding, la société Velma, a acquis auprès de la société Arthenice 14,21% des actions de Francomet.

Aux termes de ces actes, le prix global de la cession a été fixé à 670.000 euros réparti comme suit :

– une somme de 397.458 euros pour l’achat de 622 actions de Monsieur [R] [F] par Monsieur [X] [F] payable en trois versements de 132 486 euros en 2012, 2013 et 2014,

– une somme de 172.530 euros pour l’achat de 270 actions de la société Arthenice par la société Velma payable en trois versements de 57.510 euros prévus en 2012, 2013 et 2014.

Après avoir racheté les parts d’autres actionnaires minoritaires, Monsieur [X] [F] détenant alors, directement ou indirectement, 95% du capital de la société Francomet, est devenu Président Directeur Général de la société le 16 février 2012. En novembre 2013, Monsieur [R] [F] a démissionné de son poste d’administrateur de la société.

Du 6 décembre 2012 au 27 septembre 2013, la société Francomet a fait l’objet d’un contrôle fiscal concernant la TVA pour la période du 1er janvier 2009 au 30 septembre 2012 sur des achats de cathodes en cuivre à la société Eurocorp Trading, suspectée de faire partie d’un réseau de fraude. Suite au contrôle, elle a fait l’objet d’un redressement fiscal s’élevant à 1.579.027 euros pour les années 2010 et 2011.

A la demande de Monsieur [X] [F], une procédure de sauvegarde de la société Francomet a été ouverte le 16 juin 2014 par le tribunal de commerce de Paris, convertie en procédure de liquidation judiciaire par jugement du 21 avril 2015, Me [B] étant désigné liquidateur.

L’administration fiscale a déclaré au passif de la liquidation une créance de 1.777.415 euros.

Monsieur [X] [F] et la société Velma estimant avoir acquis le contrôle majoritaire d’une société en faillite virtuelle du fait d’opérations possiblement frauduleuses réalisées sous la responsabilité de Monsieur [R] [F] quand ce dernier en était le Président Directeur Général et que le vendeur est dès lors tenu de les garantir en tant qu’acquéreurs ont, par actes extrajudiciaires signifiés les 2 et 7 octobre 2014, assigné Monsieur [R] [F] et la société Arthenice sur le fondement de l’article 1626 du code civil devant le tribunal de commerce Paris.

Suite à une plainte déposée par la Direction nationale d’enquêtes fiscales, une procédure pénale pour escroquerie à la TVA a été ouverte. Aux termes d’une ordonnance du 19 mai 2016, Monsieur [R] [F] a été renvoyé pour délit d’escroquerie à la TVA devant le tribunal correctionnel de Paris. Par arrêt du 26 février 2019, la cour d’appel de Paris, infirmant le jugement du tribunal correctionnel du 10 novembre 2016, a relaxé Monsieur [R] [F].

Par jugement du tribunal de commerce de Paris du 13 octobre 2017, Monsieur [R] [F] a été condamné à relever et garantir Maître [B], ès qualités de liquidateur de la société Francomet, à hauteur de la somme de 1.579.027 euros ou de toute somme qui serait définitivement mise à la charge de la société Francomet à l’issue du litige fiscal au titre des opérations intervenues en 2011 et 2012 ainsi qu’à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 8 mars 2022, la cour d’appel de Paris a infirmé le jugement de première instance et, statuant de nouveau, a débouté le liquidateur, ès qualités, de toutes ses demandes.

Suite aux assignations délivrées les 2 et 7 octobre 2014, par jugement en date du 8 décembre 2017, le tribunal de commerce de Paris a :

– Condamné la société Arthenice à payer à la société Velma la somme de 115.020 euros de dommages et intérêts ;

– Débouté Monsieur [R] [F] et la société Arthenice de leur demande reconventionnelle de paiement par Monsieur [X] [F] et la société Velma des sommes, respectivement, de 397.458 euros et 57.510 euros;

– Débouté Monsieur [X] [F] de sa demande de dommages et intérêts de 50.000 euros vis-à-vis de Monsieur [R] [F] ;

– Débouté Monsieur [R] [F] de sa demande de dommages et intérêts de 50.000 euros vis-à-vis de Monsieur [X] [F] ;

– Condamné solidairement Monsieur [R] [F] et la société Arthenice à payer 10.000 euros à Monsieur [X] [F] et à la société Velma au titre de l’article 700 du code de procédure civile, les déboutant pour le surplus ;

– Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au dispositif du jugement ;

– Ordonné l’exécution provisoire ;

– Condamné solidairement Monsieur [R] [F] et la société Arthenice aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 129,24 euros dont 21,32 euros de TVA.

Par déclaration en date du 18 novembre 2019, Monsieur [R] [F] et la société Arthenice ont relevé appel du jugement susmentionné.

Par ordonnance en date du 7 octobre 2020, l’affaire été radiée du rôle pour défaut d’exécution de la décision frappée d’appel.

Suite à la déclaration de saisine de Monsieur [R] [F] et de la société Arthenice du 6 novembre 2020, l’affaire a fait l’objet d’une réinscription au rôle de la cour, Monsieur [R] [F] s’étant acquitté de la condamnation mise à sa charge.

Par conclusions signifiées par voie électronique (RPVA) le 17 octobre 2023, Monsieur [R] [F] et la SARL Arthenice, appelants, demandent à la cour de :

Vu les articles 1582 et 1626 du code civil,

– Déclarer Monsieur [R] [F] et la société Arthenice recevables et bien fondés en leur appel ;

En conséquence,

– Infirmer et réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 8 décembre 2017 par le tribunal de commerce de Paris sauf en ce qu’il a débouté Monsieur [X] [F] de sa demande au titre de son préjudice moral ;

Statuant à nouveau,

– Débouter Monsieur [X] [F] et la société Velma de leur appel incident ;

– Condamner Monsieur [X] [F] à payer à Monsieur [R] [F] la somme de 397.458 euros au titre du prix de cession des actions de la société Francomet sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard à compter du 15ème jour après la signification de l’arrêt à intervenir et jusqu’à complète exécution, augmentés d’intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2014, outre la capitalisation des intérêts ;

– Condamner la société Velma à payer à la société Arthenice la somme de 57.510 euros au titre du prix de cession des actions de la société Francomet sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard à compter du 15ème jour après la signification de l’arrêt à intervenir et jusqu’à complète exécution, augmentée d’intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2014, outre la capitalisation des intérêts ;

– Condamner in solidum ou l’un à défaut de l’autre Monsieur [X] [F] et la société Velma à payer à Monsieur [R] [F] la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi ;

– Condamner Monsieur [X] [F] et la société Velma à rembourser à Monsieur [R] [F] et la société Arthenice les sommes payées au titre de l’exécution provisoire ;

En tout état de cause,

– Condamner in solidum ou l’un à défaut de l’autre Monsieur [X] [F] et la société Velma à payer à Monsieur [R] [F] et la société Arthenice une indemnité à chacun de 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code procédure civile outre aux entiers dépens.

Les appelants font valoir que:

-par un arrêt du 26 février 2019, Monsieur [R] [F] a été relaxé par la cour d’appel de Paris des poursuites pénales dont il faisait l’objet,

-il a été jugé qu’il n’avait commis aucune fraude à la TVA concernant les acquisitions de cathodes de cuivre auprès de la société Eurocorp Trading,

– il n’est pas démontré qu’il avait connaissance de l’existence d’un risque d’éviction lors de la cession du 12 juillet 2011,

– Monsieur [X] [F] était responsable des acquisitions litigieuses, étant l’administrateur de la société Francomet depuis le 27 juin 2005, ses fonctions étant officialisées ultérieurement le 13 janvier 2010,

– le simple constat d’un redressement fiscal, qui n’a pas été contesté devant les juridictions administratives par le liquidateur et par Monsieur [X] [F], est insuffisant à établir l’existence d’une faute de gestion,

– rien ne lui permettait de se douter que la société Eurocorp Trading était l’acteur d’un carrousel de TVA,

– le redressement fiscal n’a pas été contesté en justice et de ce fait la société Francomet a fait l’objet d’une procédure collective,

– le prix de cession des parts sociales de la société Francomet devait’être’versé’par’Monsieur [X] [F] et la société Velma en trois temps les 31 octobre 2012, 2013 et 2014 et le premier n’a rien payé tandis que la société Velma n’a versé que 115’020 euros à la société Arthenice,

– leur demande de condamnation à verser le prix de vente convenu n’est pas prescrite ayant été formulée dans des conclusions du 10 novembre 2016.

Par conclusions signifiées par voie électronique (RPVA) le 7 septembre 2023, Monsieur [X] [F] et la SARL Velma, demandent à la cour de :

– Confirmer le jugement du tribunal de commerce du 8 décembre 2017 ;

– Débouter Monsieur [R] [F] et la société Arthenice de leur appel et de l’ensemble de leurs moyens, fins et conclusions ;

– L’infirmer sur le seul rejet de la demande d’indemnisation de préjudice moral de Monsieur [X] [F]. ;

Et statuant à nouveau sur ce chef,

– Condamner Monsieur [R] [F] à verser au profit de Monsieur [X] [F] la somme 50.000 euros de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral ;

En tout état de cause et y ajoutant,

– Condamner solidairement Monsieur [R] [F] et la société Arthenice à payer à Monsieur [X] [F] et la société Velma la somme complémentaire de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les intimés font valoir que :

– les opérations frauduleuses sur TVA ont été réalisées entre mars 2010 et avril 2011,

– les requérants ont acquis le capital de la société Francomet le 12 juillet 2011,

– la procédure de vérification fiscale ayant conduit aux redressements a été notifiée en novembre 2013,

– le trouble de jouissance que subissent les acquéreurs est total compte tenu de l’ampleur du litige fiscal (de plus de 1,5 millions d’euros hors majoration) représentant le double du montant des fonds propres de l’entreprise cédée,

– la valeur réelle des actions acquises par Monsieur [X] [F] et la société Velma (évaluée à 576,00 euros au moment de la cession) est nulle et annulée par contentieux fiscal ayant conduit à la liquidation judiciaire de la société en avril 2015,

-il est évident que Monsieur [X] [F] n’aurait jamais acheté des actions d’une entreprise s’il avait su que sa valeur serait obérée quelques mois plus tard par un tel passif fiscal,

-avec le recul, ils ont compris les raisons pour lesquelles Monsieur [R] [F] a insisté pour l’insertion d’une clause de « dispense de garantie d’actif et de passif » figurant à l’article 3 des deux actes de cessions de parts,

– Monsieur [R] [F] et la société Arthenice doivent cette garantie en leur qualité de vendeurs, en application des dispositions de l’article 1626 du code civil, la condamnation puis la relaxe par les juridictions pénales important peu,

– le redressement fiscal constitue un trouble du fait du vendeur, la valeur réelle de la participation majoritaire cédée étant quasiment nulle et le trouble étant aggravé par le fait que le passif fiscal a conduit à une procédure collective et à la liquidation judiciaire de la société,

– la relaxe de Monsieur [R] [F] n’a pas fait disparaître la fraude à la TVA de sorte que la rectification et la dette déclarée par l’administration fiscale au passif de la société ont pu être considérées comme fondées,

– la société a mis en ‘uvre des recours en saisissant la commission départementale des impôts directs puis en effectuant une réclamation contentieuse le 21 janvier 2015 qui a été rejetée,

– le liquidateur judiciaire a décidé de ne pas saisir le tribunal administratif ne disposant pas de fonds lui permettant la mise en ‘uvre de ce contentieux et les chances de succès étaient faibles,

– l’appelant et ses conseils se sont vus proposer par le liquidateur judiciaire la possibilité d’engager à leurs frais un contentieux fiscal, proposition à laquelle aucune suite n’a été donnée,

– leur trouble de jouissance a consisté dans la privation de la valeur de leurs actions ainsi que de la possibilité d’exploiter la société Francomet à laquelle les actions acquises leur donnaient droit,

– Monsieur [R] [F], a engagé la société Francomet dans des facturations d’achats de cathodes de cuivre avec la société Eurocorp Trading, comme le confirment ses salariés et sa signature sur les contrats conclus,

– en considération de leurs conditions tarifaires anormales par rapport aux cours du marché, ces opérations pouvaient être considérées comme « à risque » ou litigieuses,

– ce n’est qu’à partir de janvier 2010 que Monsieur [X] [F] a été présent physiquement au sein de la société, son père restant le représentant légal de la société jusqu’en février 2012,

– Monsieur [X] [F] n’avait personnellement aucune expérience du négoce de métaux,

– la demande reconventionnelle en paiement du prix de cession est prescrite ayant été formée pour la première fois le 10 novembre 2016 alors que les actes de cession sont du 12 juillet 2011, irrecevable pour défaut d’intérêt et la valeur des actions est nulle,

– sa demande de dommages-intérêts est fondée sur le fait que son père l’a laissé s’engager pour un investissement de 1,3 millions d’euros dans la reprise de la société, lui présentant une situation comptable embellie par rapport à la réalité, comportement qui lui a causé un préjudice moral certain.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 18 octobre 2023 par une ordonnance du même jour et l’affaire renvoyée pour être plaidée le 30 novembre 2023.

MOTIFS

*Sur les instances contre Monsieur [R] [F] :

L’enquête pénale a permis d’établir que la société Eurocorp trading a acheté 992 932 tonnes de cathodes de cuivre qu’elle a revendues principalement à la société Francomet avec une marge négative en s’abstenant de déclarer et de reverser la TVA collectée. La TVA facturée à cette dernière a généré pour elle le droit à un crédit de TVA d’un montant de 509 000 euros alors qu’aucune TVA n’avait été acquittée par son vendeur.

Par arrêt du 26 février 2019, la cour d’appel de Paris a relaxé Monsieur [R] [F] des faits d’escroquerie au préjudice de l’État français considérant que des éléments certains manquaient pour établir que ce dernier, qui avait pris des précautions d’ordre fiscal et comptable, savait en demandant le remboursement de la TVA qu’il avait réglée que la société Eurocorp trading avait fait des déclarations minorées de TVA et notamment que dès lors que le contrat d’affacturage conclu mentionnait que la marge serait rétrocédée le même jour que l’encaissement du montant de la lettre de change, il pouvait considérer que l’activité de la société Eurocorp trading n’apparaissait pas comme systématiquement déficitaire et que le prix d’achat, inférieur au cours de référence LME, pouvait s’expliquer par le fait qu’il est courant de vendre en dessous du prix des cathodes de moindre valeur que celles dites de stade A (type HK).

L’arrêt du 8 mars 2022 de la cour d’appel de Paris, statuant sur le fondement de l’article L. 225-251 du code de commerce qui prévoit une responsabilité personnelle du dirigeant en cas de faute de gestion, pour retenir que le liquidateur manque à établir l’existence d’une faute de négligence ou d’imprudence imputable à Monsieur [R] [F], mentionne également que ce dernier s’est soucié à deux reprises de la régularité de la situation fiscale de son fournisseur en réclamant des attestations, qui lui ont été transmises sans difficulté, certifiant qu’il était à jour dans le dépôt de ses déclarations de TVA et qu’il ne peut être reproché au dirigeant de la société Francomet de ne pas disposer de plus d’éléments que l’administration fiscale et de ne pas s’en être tenu à ces attestations alors qu’il a été relaxé des poursuites pour escroquerie à la TVA.

Ces décisions pénales ou civiles ont une autorité absolue à l’égard de tous en ce qui concerne la culpabilité Monsieur [R] [F] au regard des faits qui lui étaient reprochés.

*Sur la garantie d’éviction :

Aux termes de l’article 1625 du code civil, la garantie que le vendeur doit à l’acquéreur, a deux objets : le premier est la possession paisible de la chose vendue ; le second, les défauts cachés de cette chose ou les vices rédhibitoires.

Selon l’article 1626 du code civil, quoique lors de la vente il n’ait été fait aucune stipulation sur la garantie, le vendeur est obligé de droit à garantir l’acquéreur de l’éviction qu’il souffre dans la totalité ou partie de l’objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet, et non déclarées lors de la vente.

L’article 1630 du code civil prévoit que lorsque la garantie a été promise, ou qu’il n’a rien été stipulé à ce sujet, si l’acquéreur est évincé, il a droit de demander contre le vendeur :

1° La restitution du prix ;

2° Celle des fruits, lorsqu’il est obligé de les rendre au propriétaire qui l’évince ;

3° Les frais faits sur la demande en garantie de l’acheteur, et ceux faits par le demandeur originaire ;

4° Enfin les dommages et intérêts, ainsi que les frais et loyaux coûts du contrat.

Le vendeur doit donc non seulement s’abstenir de porter lui-même atteinte à la possession paisible de l’acheteur, mais également le garantir contre les troubles émanant des tiers.

Cette dernière garantie est due si le trouble subi par l’acheteur est un trouble de droit, existant au moment de la vente, non déclaré et ignoré de l’acheteur et ne constituant que la déclaration d’un droit préexistant à la vente.

La garantie d’éviction est de droit et la bonne foi du vendeur est inopérante.

Du 6 décembre 2012 au 27 septembre 2013, la société Francomet a fait l’objet d’un contrôle fiscal concernant la TVA pour la période du 1er janvier 2009 au 30 septembre 2012 sur des achats de cathodes en cuivre à la société Eurocorp Trading, suspectée de faire partie d’un réseau de fraude puis a fait l’objet d’un redressement s’élevant à 1.579.027 euros pour les années 2010 et 2011.

Une procédure de sauvegarde a été ouverte puis la liquidation judiciaire de la société a été prononcée par jugement du tribunal de commerce du 21 avril 2015 au regard notamment du montant de la dette fiscale.

La remise en cause par l’autorité fiscale de la taxation d’acquisitions de cathodes de cuivre à la société Eurocorp Trading réalisées antérieurement à la vente de la société Francomet, en l’espèce de mars 2010 à avril 2011, par Monsieur [R] [F] en qualité de PDG de la société Francomet, constitue un trouble de droit émanant d’un tiers (la déclaration par l’administration fiscale d’un droit sur la TVA) affectant la jouissance paisible de l’acquéreur en ce que le redressement opéré en raison de la fraude a généré une dette compromettant l’exploitation de la société Francomet.

Le fait que Monsieur [R] [F] ait été relaxé des faits d’escroquerie au préjudice de l’État français par arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 26 février 2019 puis que sa responsabilité personnelle en qualité de dirigeant de la société Francomet n’ait pas été retenue sur le fondement de l’article L.225-251 du code de commerce pour faute de négligence ou d’imprudence par arrêt de la même cour du 8 mars 2022 importe peu, la bonne foi du vendeur étant inopérante au regard de la garantie d’éviction qu’il doit à l’acheteur.

Les appelants ne rapportent pas la preuve, alors que Monsieur [X] [F] n’a pas été poursuivi pour escroquerie, qu’il avait connaissance au moment de la transaction que la société Eurocorp Trading était l’acteur d’un carrousel de TVA, le seul accès aux comptes en sa qualité de directeur général délégué ne le permettant pas, les circonstances relatées ci-dessus (notamment les précautions d’ordre comptable et fiscal prises lors de cet achat à savoir les demandes d’attestations fiscales certifiant que la société Eurocorp Trading était à jour de ses déclarations de TVA), ayant conduit la cour d’appel de Paris à relaxer son père ne pouvant que s’appliquer également à lui.

Il ne peut être reconnu responsable de l’absence d’action en justice aux fins de contestation du redressement fiscal dont l’initiative, après l’échec du recours devant la commission départementale des impôts directs et de la réclamation contentieuse, revenait au liquidateur judiciaire et alors que les dirigeants de la société Eurocorp trading ont été condamnés définitivement le 30 mai 2016 par le tribunal correctionnel de Paris, pour escroquerie en bande organisée commise au préjudice de l’État et blanchiment.

La décision déférée, qui a condamné, au titre de la garantie d’éviction, la société Arthenice à payer à la société Velma la somme de 115.020 euros de dommages et intérêts correspondant au prix versé, est par conséquent confirmée.

*Sur la demande de dommages et intérêts de Monsieur [X] [F] :

Monsieur [X] [F] sollicite la réparation d’un préjudice moral au motif que son père lui aurait présenté une situation comptable de la société Francomet enjolivée par rapport à la réalité.

Monsieur [R] [F] a été, concernant les acquisitions de cathodes de cuivre auprès de la société Eurocorp Trading, relaxé des faits d’escroquerie au préjudice de l’Etat Français et la cour d’appel de Paris a considéré que l’existence d’une faute de négligence ou d’imprudence de sa part n’était pas démontrée.

Il sera rappelé que Monsieur [X] [F] était administrateur depuis 2005 de la société Francomet et directeur général délégué depuis le 13 janvier 2010 et dès lors qu’en ces qualités, il avait accès aux comptes et connaissait la situation comptable.

La preuve d’une faute de Monsieur [R] [F] à présenter à son fils une situation comptable embellie de la société n’est ainsi pas suffisamment rapportée.

La décision déférée, qui a débouté Monsieur [X] [F], qui ne rapporte également pas la preuve de son préjudice moral, de sa demande de dommages et intérêts, est par conséquent confirmée.

*Sur la demande reconventionnelle de Monsieur [R] [F] et de la société Arthenice au titre du complément de prix des actions :

Il se déduit de la condamnation de la société Arthenice au titre de la garantie d’éviction à restituer le prix versé par la société Velma qui entraîne une résolution des actes de cession en application de l’article 1630 du code civil que la décision déférée doit également être confirmée en ce qu’elle a rejeté la demande reconventionnelle de Monsieur [R] [F] et de la société Arthenice en paiement par Monsieur [X] [F] et la société Velma des sommes, respectivement, de 397.458 euros et 57.510 euros au titre du complément de prix des actions.

*Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive de Monsieur [R] [F] :

Monsieur [R] [F] soutient qu’en choisissant de concentrer et réserver ses poursuites à l’encontre de son propre père au lieu de saisir le tribunal administratif d’une demande de contestation du redressement fiscal et en utilisant des propos calomnieux, Monsieur [X] [F] lui a causé un préjudice moral qui devra être réparé par l’allocation d’une indemnité.

Il se déduit de la confirmation de la décision déféré, le caractère non abusif de l’action intentée par Monsieur [X] [F].

La décision déférée, qui a rejeté la demande de dommages et intérêts de Monsieur [R] [F], est également confirmée de ce chef.

*Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

La décision déférée est confirmée en ce qui concerne les dépens et l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [R] [F] et la société Arthenice sont condamnés aux dépens et à payer à Monsieur [X] [F] et à la société Velma la somme totale de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme la décision entreprise,

Y ajoutant,

Condamne Monsieur [R] [F] et la société Arthenice à verser à Monsieur [X] [F] et à la société Velma une indemnité totale de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [R] [F] et la société Arthenice aux dépens de l’appel,

Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

 


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