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délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre civile
ARRET DU 1er FEVRIER 2024
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 23/02430 – N° Portalis DBVK-V-B7H-P2DU
(jonction avec le n° RG 23/2453)
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 20 AVRIL 2023
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NARBONNE
N° RG 22/00383
APPELANTE :
La société EOS FRANCE (anciennement dénommée EOS CREDIREC et venant aux droits de la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE SUD), société par actions simplifiée au capital de 18.300.000 € inscrite au RCS de PARIS sous le n° B 488 825 217, ayant son siège social sis [Adresse 4], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CSA, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me VILANOVA
(appelante dans le dossier RG N° 23/2453)
INTIMEE :
Madame [O] [D]
née le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Olivier MARTIN-LASSAQUE, avocat au barreau de MONTPELLIER
(intimée dans le dossier RG N° 23/2453)
Ordonnance de clôture du 04 Décembre 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 DECEMBRE 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre et Madame Nelly CARLIER, Conseiller, chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre
Madame Nelly CARLIER, Conseillère
Mme Virginie HERMENT, Conseillère
Greffier lors des débats : M. Salvatore SAMBITO
ARRET :
– contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre, et par M. Salvatore SAMBITO, Greffier.
*
* *
FAITS ET PROCÉDURE
Le 19 février 2008, la SCI Marie, ayant pour associés Monsieur [W] et Madame [D], alors épouse [W], a souscrit un prêt immobilier auprès du Crédit Immobilier de France Sud, devenu le Crédit Immobilier de France Méditerranée, puis le Crédit Immobilier de France Développement par fusion-absorption, ce prêt ayant pour objet de re-financer l’acquisition d’un bien immobilier situé à [Localité 7] et faisant l’objet d’un prêt antérieur. À la même date, les époux [W] se sont portés caution solidaire de ce prêt à hauteur de 712’000 €.
À la suite d’incidents de remboursement et de plusieurs actes d’exécution, la société Eos France, venant aux droits de la société Crédit Immobilier de France Développement en vertu d’une cession de créances, a fait pratiquer le 1er février 2022, une saisie attribution sur les comptes bancaires détenus par Madame [D] auprès de la BNP Paribas en exécution de l’acte authentique de prêt aux termes duquel elle s’est portée caution pour avoir paiement de la somme totale de 180’977,01 euros. Cette saisie attribution a été dénoncée à Madame [D] le 7 février 2022.
Le 2 mars 2022, Madame [D] a fait assigner la société Éos France devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Narbonne afin de voir au principal annuler cette saisie attribution.
Par jugement dont appel, le juge de l’exécution a notamment :
‘ rejeté le moyen de nullité de la saisie soulevé par Madame [D] tirée de l’absence de communication du titre exécutoire, la société Éos France ayant versé l’acte notarié aux débats,
‘ rejeté le moyen de nullité de la saisie soulevée par Madame [D] tirée du défaut de qualité du créancier, le créancier originaire étant le Crédit Immobilier de France Méditerranée, le premier juge relevant que de la société Éos France a justifié de l’acte de cession de la créance du 7 mars 2019 à son profit,
‘ rejeté le moyen soulevé par Madame [D] tirée de la prescription du titre,
‘ ordonné la mainlevée de la saisie en raison du caractère manifestement disproportionné de l’engagement de caution de Madame [D],
– condamné la société EOS France aux dépens de la procédure et à payer à Madame [O] [D] la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Le 5 mai 2023 et le 9 mai 2023, la société EOS France a interjeté appel de ce jugement.
Par ordonnances rendues en date du 16 mai 2023, le président de la 2ème chambre civile a fixé l’affaire à l’audience du 11 décembre 2023en application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile.
Vu les conclusions notifiées le 3 août 2023 par la partie appelante;
Vu les conclusions notifiées le 13 juillet et 17 juillet 2013 par la partie intimée ;
Vu les ordonnances de clôture rendue le 4 décembre 2023 ;
PRETENTIONS DES PARTIES
La société EOS conclut à l’infirmation du jugement et demande à la Cour statuant à nouveau :
– valider la saisie-attribution du 1er février 2022 sur les comptes bancaires de Madame [D] détenus auprès de la société PARIBAS,
– débouter Madame [D] de l’intégralité de ses demandes,
– condamner Madame [D] à lui payer la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
L’appelante conteste que l’engagement de caution ait été disproportionné, compte tenu de la valorisation des parts de la SCI Marie, dont Madame [D] détenait la moitié, de la vente de la résidence principale des époux [W] en 2018 ayant permis de solder une grande partie de leur dette, de leur qualité de conseillers bancaires aguerris aux opérations financières de crédit et alors que le premier juge a omis de tenir compte des revenus de Monsieur [W].
Concernant la déchéance du droit aux intérêts, elle déclare qu’elle produit les lettres relatives à l’information annuelle des cautions adressées à Madame [D].
Sur la clause pénale, elle expose qu’elle n’a jamais été contestée par les cautions, l’application de cette clause apparaissant particulièrement adaptée dans le cas présent compte tenu de la mise en oeuvre par le créancier de nombreuses relances amiables et mesures d’exécution forcée pour tenter de recouvrer sa créance.
Madame [O] [D] conclut à la confirmation de la décision en toutes ses dispositions. Elle demande subsidiairement la déchéance du droit aux intérêts et pénalités de la société EOS et que la clause pénale soit limitée à l’euro symbolique. En outre elle sollicite la condamnation de l’appelante aux entiers dépens et à lui payer la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Par application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, la Cour entend se référer aux dernières écritures des parties ci dessus visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions qu’elles ont développés.
DISCUSSION
Sur la jonction :
Dans le but d’une bonne administration de la justice, il convient de prononcer la jonction des affaires N° RG 23/2430 et 23/2453 sous le premier numéro.
Sur la validité de la saisie-attribution :
Aux termes de l’article L.341-4 du code de la consommation dans sa version en vigueur au moment de la signature des actes de cautionnement, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Il résulte de ces dispositions que pour priver le cautionnement de son efficacité, la disproportion doit être manifeste, c’est-à-dire flagrante ou évidente pour un professionnel raisonnablement diligent.
Il appartient à la caution de prouver le caractère manifestement disproportionné de son engagement.
La disproportion s’apprécie en fonction de tous les éléments du patrimoine et pas seulement des revenus de la caution, et en prenant en considération l’endettement global de la caution au moment où l’engagement est consenti.
Si les débiteurs sont des époux, qui se sont engagés ensemble et simultanément, l’appréciation de la disproportion doit se faire au regard des biens et revenus propres et des biens communs.
En l’espèce, il résulte des pièces produites par l’intimée et des justificatifs fournis par les époux [W] pour l’obtention du prêt, que la banque verse aux débats, que la situation matérielle des cautions était la suivante :
Revenus imposables : 3.549 € par mois pour le couple,
Loyers perçus par la SCI : 4178 € par mois pour 8 appartements,
Domicile conjugal : acquis 111.708 € en 1992,
Epargne : 12.542 € et 10.600 € au titre de l’épargne salariale des deux époux,
6.000 et 7600 € au titre des soldes des comptes épargnes de Madame [W],
Parts sociales de la SCI MARIE,
Endettement : 92.234 € au titre de l’emprunt immobilier et de deux prêts à la consommation,
Mensualités de remboursement: 1.248 € par mois.
Pour établir l’activité déficitaire de la SCI MARIE, Madame [D] produit une attestation datée du 1er octobre 2010 dans laquelle le comptable de la société mentionne que la trésorerie de la société est ‘mise à mal’ suite à des impayés et des travaux qu’elle a dû financer récemment. Elle verse aux débats l’ordonnance ayant rejeté la demande de la SCI tendant à la suspension des échéances du prêt.
Ces documents sont cependant postérieurs à son engagement de caution et il n’est pas justifié de la comptabilité de la SCI en 2008, comptabilité qui seule aurait permis de mesurer le déficit allégué et la valeur des parts sociales des cautions.
En l’état de ces éléments qui démontrent des revenus mensuels supérieurs aux charges de remboursement, un patrimoine constitué par un immeuble et de l’épargne, des revenus locatifs tirés de la SCI sans qu’un déficit concomitant à l’engagement des cautions soit établi, il y a lieu de considérer que l’engagement de Madame [D] n’est pas manifestement disproportionné.
La décision sera en conséquence réformée sur ce point.
Conformément au pouvoir de modération de tout juge tiré de l’article 1231-5 alinéa 2 du code civil, le juge peut clause pénale en considérant qu’elle présente un caractère disproportionné. Cependant, l’indemnité contractuelle de 7 % ne peut être considérée comme un taux excessif, au regard des actes d’exécution entrepris par le créancier pour procéder au recouvrement de sa créance, le simple cumul de cette indemnité avec les intérêts de retard dûs contractuellement ne pouvant justifier de son caractère disproportionné.
Or l’intimée ne démontre pas en quoi la clause pénale prévue au contrat présenterait un caractère disproportionné.
Elle sera déboutée de sa demande.
Madame [D] n’excipe d’aucun manquement par la société appelante de son obligation d’information annuelle. Il n’y a donc pas lieu de faire droit à sa demande au titre de la déchéance du droit aux intérêts.
Réformant la décision déférée, il convient en conséquence de valider la saisie-attribution du 1er février 2022 sur les comptes bancaires de Madame [D] détenus auprès de la société PARIBAS.
Sur les dépens et l’article 700 du Code de procédure civile :
Compte tenu de la nature de l’affaire, il convient de laisser à chacune la charge des dépens qu’elle a exposés et de dire n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Prononce la jonction des affaires N° RG 23/2430 et 23/2453 sous le premier numéro,
Réformant,
Valide la saisie-attribution du 1er février 2022 sur les comptes bancaires de Madame [O] [D] détenus auprès de la société PARIBAS,
Y ajoutant,
Déboute Madame [O] [D] de l’ensemble de ses demandes,
Dit que chaque partie conservera la charge des dépens qu’elle a exposés et dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
Le greffier La présidente