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COUR D’APPEL DE BORDEAUX
2ème CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 01 FEVRIER 2024
N° RG 20/03736 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LXD2
[F] [K] [S] [V]
[I] [D] [A] [H] épouse [V]
c/
S.N.C. LES TERRASSES DE PERSEE
S.A.S. CAPA PROMOTION
S.A.R.L. CAPA PARTICIPATION
S.A.R.L. PATRIMOINES PARTICIPATIONS
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 03 septembre 2020 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BORDEAUX (chambre : 5, RG : 17/05244) suivant déclaration d’appel du 12 octobre 2020
APPELANTS :
[F] [K] [S] [V]
né le 30 Novembre 1965 à [Localité 6]
de nationalité Française
Profession : Chargé de mission,
demeurant [Adresse 2]
[I] [D] [A] [H] épouse [V]
née le 22 Mai 1965 à [Localité 5]
de nationalité Française
Profession : Professeur des écoles,
demeurant [Adresse 2]
Représentés par Me Servane LE BOURCE, avocat au barreau de BORDEAUX
et assistés de Me Gilda LICATA, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉES :
S.N.C. LES TERRASSES DE PERSEE
représentéepar son mandataire ad hoc la société CAPA PROMOTION prise elle-même en la personne de son Président Monsieur [O] [R] domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 8]
S.A.S. CAPA PROMOTION
société par actions simplifiée au capital social de 37.000,00 euros, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de BORDEAUX sous le numéro 478 042 674, dont le siège social est [Adresse 8], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
société prise en sa qualité d’associé de la SNC LES TERRASSES DE PERSEE, société dissoute, liquidée et radiée
S.A.R.L. CAPA PARTICIPATION
société à responsabilité limitée à associé unique au capital social de 600.000,00 euros, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de BORDEAUX sous le numéro 481 217 719, dont le siège social est [Adresse 8], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège en sa qualité d’associée de la SNC LES TERRASSES DE PERSEE, société dissoute, liquidée et radiée
Représentées par Me Pierre-Olivier BALLADE de la SELARL BALLADE-LARROUY, avocat au barreau de BORDEAUX
S.A.R.L. PATRIMOINES PARTICIPATIONS
inscrite au RCS sous le numéro 47764600400028 prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités au siège social sis [Adresse 1]
en sa qualité d’associée de la SNC LES TERRASSES DE PERSEE
Représentée par Me Sylvain LEROY de la SELARL LEROY AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
et assistée de Me Jacques MONFERRAN de la SCP MONFERRAN-CARRIERE-ESPAGNO, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été examinée le 05 décembre 2023 en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Jacques BOUDY, Président
Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller
Madame Christine DEFOY, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Audrey COLLIN
Le rapport oral de l’affaire a été fait à l’audience avant les plaidoiries.
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE
Le 24 juillet 2006, Monsieur et Madame [V] ont signé un contrat de réservation pour un appartement de type T2 avec parking dans la résidence Les Terrasses de Persée promue par la SNC Les Terrasses de Persée à un prix TTC de 100.820 euros, soit 84.297,65 euros H.T. situé sur la commune de [Localité 7]. La date prévisionnelle de livraison a été fixée au 1er trimestre 2007. Il n’a pas été prévu de dépôt de garantie.
Ils avaient au préalable été démarchés par un représentant de la société Financière Conseil devenue WS Consulting.
Le 24 juillet 2006, ils ont confié la gestion locative de leur bien à la société Elience et ont adhéré en même temps à différentes garanties d’assurance.
Le 27 septembre 2006, suite à l’entremise de l’intermédiaire du commercialisateur, Monsieur et Madame [V] ont conclu un acte de prêt pour un montant de 100.820 euros, auprès de la Caisse régionale normande de financement, pour une durée initiale de 276 mois, au taux initial et révisable de 4,400 %. Ce prêt a été racheté par la suite, le 5 septembre 2016, par la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Val de France pour un montant de 40.000 euros et pour une durée initiale de 60 mois, à un taux d’intérêt initial de 1,736 %.
Le 19 octobre 2006, Monsieur et Madame [V] ont signé une procuration à l’étude de Maître [C] [Y], notaire à [Localité 3]. Sur la base de la procuration, le 31 octobre 2006, la vente a été régularisée chez Maître [G] [B], notaire associé à [Localité 4].
Le bien a été livré le 22 décembre 2006.
Le 14 septembre 2007 , un premier contrat de bail d’habitation a été signé jusqu’au 18 novembre 2009 avec M. [E] [X], pour un montant de loyer hors charges de 335 euros. Du 2 août 2011 jusqu’au 29 août 2013, un deuxième bail d’habitation a pris effet avec M. [L] [J], pour un montant de loyer hors charges de 300 euros.
Du 30 septembre 2013 jusqu’au 24 février 2015, un troisième bail d’habitation a été conclu avec Mme [W] [N], pour un montant de loyer hors charges de 310 euros.
Le 27 février 2015 jusqu’au 8 janvier 2019, un quatrième bail d’habitation est intervenu avecM. [T] [Z], pour un montant de loyer hors charges de 311 euros. Le 3 juillet 2019, un cinquième bail d’habitation a pris effet avec M. [U] [P], pour un montant de loyer hors charges de 321 euros.
Les époux [V] ont fait estimer leur bien par la Bourse de l’Immobilier qui l’a évalué, le 21 novembre 2016, à une somme comprise entre 30.000 et 40.000 euros
La société Financière conseil, cabinet d’audit fiscal, devenue WS Consulting, suite au changement de dénomination sociale et appartenant au groupe Prestige Finance, spécialisé dans l’audit fiscal, a fait l’objet d’une liquidation judiciaire le 14 octobre 2015. Elle a agi en qualité de mandataire du Groupe CAPA Promotion ayant pour mission l’ingénierie commerciale dans l’opération.
La venderesse, la société en nom collectif SNC Les Terrasses de Persée, a fait l’objet d’une dissolution anticipée à compter du 19 novembre 2015, suivant assemblée générale extraordinaire, enregistrée le 12 février 2016 au Pôle enregistrement de [Localité 4] Centre, sous les références Bordereau n° 2016/381 – Case n° 23, le siège de la liquidation étant fixé [Adresse 8]. La société CAPA Promotion, représentée par Monsieur [O] [R], a été désignée liquidateur.
La SNC Les Terrasses de Persée a fait l’objet d’une liquidation amiable par assemblée générale extraordinaire en date du 30 novembre 2015, enregistrée le 12 février 2016 au Pôle enregistrement de Bordeaux Centre, sous les références Bordereau n° 2016/381 et a été radiée du registre du commerce et des sociétés de Bordeaux.
Suivant ordonnance en date du 20 décembre 2016, le tribunal de grande instance de Bordeaux a nommé la société CAPA Promotion, mandataire ad hoc avec pour mission de représenter la SNC Les Terrasses de Persée, dissoute, liquidée et radiée, en vue d’une procédure en nullité de la vente.
Suivant ordonnance en date du 27 mars 2018, le tribunal de grande instance de Bordeaux a nommé la SARL CAPA Promotion, mandataire ad hoc avec pour mission de représenter la SNC Les terrasses de Persée, dissoute, liquidée et radiée et pour mission de procéder à toutes les opérations qui résulteront de la procédure en responsabilité délictuelle.
Par assignation du 30 mars 2017, Monsieur et Madame [V] ont assigné devant le tribunal de grande instance de Bordeaux la société CAPA Promotion, la société CAPA Participation et la SARLU Patrimoines Participations, en leur qualité d’associées de la SNC les Terrasses de Persée pour voir rechercher leur responsabilité délictuelle et les voir condamner in solidum au paiement de la somme de 73.063,33 € au titre de la perte de chance de ne pas avoir contracté l’opération litigieuse et 12.000 € à chacune au titre de leur préjudice moral.
Par acte d’huissier du 27 avril 2018, Monsieur et Madame [V] ont assigné en intervention forcée la CAPA Promotion, prise en sa qualité de mandataire ad hoc de la SNC Les Terrasses de Persée et a dénoncé cette assignation à la société CAPA Participation et à la SARLU Patrimoines Participations
Par ordonnance du 3 juillet 2018, le juge de la mise en état a rejeté le moyen de nullité de l’assignation, celle-ci ayant été régularisée par l’intervention de l’assignation du 27 avril 2018
Par acte d’huissier du 26 mars 2019, Monsieur et Madame [V] ont dénoncé les précédentes assignations à la SNC LesTerrasses de Persée devant le tribunal judiciaire de Bordeaux.
Par jugement rendu le 3 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
– déclaré irrecevables comme prescrites les demandes de Monsieur [F] [V] et de Madame [I] [H], épouse [V], dirigées contre la SNC Les Terrasses de Persée, représentée par la SAS CAPA Promotion, en sa qualité de mandataire ad hoc, la société CAPA Participation et la société Patrimoines Participations
– condamné Monsieur [F] [V] et Madame [I] [H] épouse [V] à payer à la société CAPA Promotion, la société CAPA Participation et la société Patrimoines Participations la somme de 1.000 € chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,
– condamné Monsieur [F] [V] et Madame [I] [H], épouse [V], aux dépens dont distraction en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration électronique en date du 12 octobre 2020, Monsieur et Madame [F] ont interjeté appel total de cette décision.
Monsieur et Madame [F], dans leurs dernières conclusions d’appelants en date du 28 septembre 2022, demandent à la cour de :
– les déclarer recevables en leur appel et les dire bien fondés
– infirmer le jugement rendu le 3 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Bordeaux :
en ce qu’il a déclaré irrecevables comme prescrites leurs demandes dirigées contre la SNC Les Terrasses de Persée, représentée par la SAS CAPA Promotion, en sa qualité de mandataire ad hoc, la société CAPA Participation et la société Patrimoines Participations,
– déclarer que leurs demandes contre la SNC Les Terrasses de Persée représentée par la SAS CAPA Promotion, en sa qualité de mandataire ad hoc, la société CAPA Participation et la société Patrimoines Participations ne sont pas prescrites
Statuant à nouveau,
– déclarer que l’opération présentée à Monsieur [F] [K] [S] [V] et Madame [I] [D] [A] [M] [H], épouse [V], était une opération financière complexe de long terme (i) ayant pour support un bien immobilier géré par un tiers, (ii) intégralement financée par un emprunt remboursé par la perception de loyers, par les réductions d’impôt procurées par le dispositif d’incitation fiscale Robien, avec en complément un effort d’épargne mensuel, (iii) destinée à permettre, suivant la revente du bien au terme de l’engagement de location, le remboursement du prêt contracté et la réalisation d’un capital net supérieur à l’effort d’épargne fourni et donc la constitution d’un capital,
– déclarer que la société WS Consulting est intervenue dans le cadre d’un démarchage pour présenter l’opération à Monsieur [F] [K] [S] [V] et Madame [I] [D] [A] [M] [H], épouse [V], était tenue à leur égard à une obligation d’information et à un devoir de conseil,
– déclarer que dans le cadre de cette opération, les perspectives de valorisation du bien, au terme de l’engagement de location, revêtaient une importance essentielle pour ne pas dire cruciale, dès lors que la possibilité d’atteindre l’objectif assigné à l’opération (la constitution d’un capital) dépendait très étroitement et principalement de la valeur du bien au terme de l’engagement de location,
– déclarer qu’il appartenait en conséquence à la société WS Consulting de se renseigner sur les perspectives réelles de valorisation du bien au terme de l’engagement de location, pour (i) les informer utilement et satisfaire à son obligation d’information, (ii) vérifier que l’opération proposée était adaptée à leur objectif de constitution d’un capital, pour satisfaire à son devoir de conseil,
– déclarer qu’en s’abstenant de réaliser la moindre étude sur les perspectives réelles de valorisation du bien au terme de l’engagement de location et en leur communiquant une étude financière faisant état de perspectives de valorisation du bien litigieux au terme de l’engagement de location totalement irréalistes et fondées sur des données purement théoriques, la société WS Consulting a manqué à son obligation d’information et à son devoir de conseil,
– déclarer que la société WS Consulting, nécessairement consciente en sa qualité de professionnel des risques qu’elle leur faisait courir devait attirer leur attention sur le caractère purement théorique des informations de l’étude financière relatives aux perspectives de réalisation d’un capital et les risques pour eux à s’engager dans une opération dont la réussite était fondée sur des données purement théoriques, qu’à aucun moment, cette mise en garde n’a été opérée, la seule mention du caractère non contractuel de l’étude financière étant parfaitement insuffisante à caractériser une telle mise en garde,
– déclarer que quand bien même ils n’ignoraient pas que l’investissement proposé (comme d’ailleurs tout investissement) comportait une part d’aléa, l’absence d’étude préalable par la société WS Consulting sur les perspectives réelles de valorisation du bien au terme de l’engagement de location et la communication sans mise en garde d’une information y relative totalement irréaliste, les a conduit à s’exposer à un risque certain ou quasi-certain qui s’est réalisé,
– déclarer que les manquements la société WS Consulting à son obligation
d’information et à son devoir de conseil les ont privés de la chance d’éviter le risque certain ou quasi certain qui s’est réalisé (i) que la valeur du bien au terme de l’engagement de location ne permette pas de réaliser un capital net supérieur à l’effort d’épargne fourni, (ii) que la valeur du bien au terme de l’engagement de location n’a pas permis de rembourser intégralement le solde du capital restant dû auprès de l’établissement ayant financé l’opération litigieuse, (iii) d’avoir ainsi, et pendant de nombreuses années, fourni en vain un important effort d’épargne (sans constituer le moindre capital),
– dire qu’ils sont bien fondés à mettre en cause la responsabilité de la SNC Les Terrasses de Persée, en réparation de ce préjudice, de condamner in solidum avec intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation, la société Les Terrasses de Persée, société en nom collectif, représentée par la société CAPA Promotion, société par actions simplifiée, en sa qualité de mandataire ad hoc de la société Les Terrasses de Persée désignée à cet effet par ordonnance du 27 mars 2018 de Monsieur le Président du tribunal de grande instance de Bordeaux, la société CAPA Participation et la société Patrimoines Participations, prises en leur qualité d’associées de ladite SNC Les Terrasses de Persée à proportion de leurs droits sociaux dans la SNC Les Terrasses de Persée à leur payer la somme de 78.426 euros à titre de dommages et intérêts, – dire que les sommes leur étant allouées à titre de dommages et intérêts, porteront intérêts de droit à compter de la demande en justice, avec capitalisation dans les conditions de l’article 1154 du Code civil.
– déclarer que les manquements de la société WS Consulting à son obligation d’information et à son devoir de conseil sont aussi la cause pour eux d’un préjudice moral distinct du préjudice financier causé par le stress lié à la présente procédure initiée pour faire valoir leurs droits,
– en réparation de ce préjudice moral, de condamner in solidum avec intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation, la société Les Terrasses de Persée, société en nom collectif représentée par la société CAPA Promotion, société par actions simplifiée, en sa qualité de mandataire ad hoc de la société Les Terrasses de Persée,désignée à cet effet par ordonnance du 27 mars 2018 de Monsieur le Président du tribunal de grande instance de Bordeaux, la société CAPA Participation et la société Patrimoines Participations, prises en leur qualité d’associées de ladite SNC Les Terrasses de Persée, à proportion de leurs droits sociaux dans la SNC Les Terrasses de Persée à leur payer la somme de 12.000 euros à titre de dommages et intérêts,
– dire que les sommes qui leur seront allouées porteront intérêts de droit à compter de la demande en justice, avec capitalisation dans les conditions de l’article 1154 du Code civil.
En tout état de cause,
– condamner in solidum la société Les Terrasses de Persée, société en nom collectif représentée par la société CAPA Promotion, société par actions simplifiée, en sa qualité de mandataire ad hoc de la société Les Terrasses de Persée désignée à cet effet par ordonnance du 27 mars 2018 de Monsieur le Président du tribunal de grande instance de Bordeaux, la société CAPA Participation et la société Patrimoines Participations, prises en leur qualité d’associées de ladite SNC Les Terrasses de Persée, à proportion de leurs droits sociaux dans la SNC Les Terrasses de Persée, à leur payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens,
– déclarer infondées les intimées en leur argumentation,
– les débouter de toutes leurs demandes fins et conclusions contraires
Dans leurs dernières conclusions en date du 19 juillet 2022, la SNC Les Terrasses de Persée, la société CAPA Promotion et la société CAPA Participation demandent à la cour de :
– les déclarer recevables et bien fondées en leurs demandes,
– confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions
– déclarer prescrites les demandes de Monsieur [F] [V] et de Madame [I] [H], épouse [V],
– constater que les seules obligations de la SNC Les Terrasses de Persée, vendeur en VEFA, société non liée au Groupe Patrimoine Conseils, ont été remplies à l’égard des dispositions du code de la construction et de l’habitation et que le vendeur en VEFA n’a pas une obligation d’information sur la valeur, sauf à avoir commis un dol qui n’est pas invoqué en l’espèce,
– constater qu’en choisissant de poursuivre le contrat, Monsieur [F] [V] et de Madame [I] [H], épouse [V], sont irrecevables à se prévaloir de la perte d’une chance de ne pas avoir contracté,
– condamner Monsieur [F] [V] et Madame [I] [H], épouse [V], à payer par application de l’article 700 du Code de procédure civile en ce qui concerne la première instance :
– à la SNC Les Terrasses de Persée agissant poursuites et diligences de son mandataire la SARL CAPA Promotion une somme de 5000 euros
– à la société CAPA Promotion une somme de 5000 euros
– la société CAPA Participation une somme de 5000 euros
– condamner Monsieur [F] [V] et Madame [I] [H], épouse [V], à payer par application de l’article 700 du Code de procédure civile pour les frais liés à l’appel :
– à la SNC Les Terrasses de Persée agissant poursuites et diligences de son mandataire la SARL CAPA Promotion une somme de 6000 euros
– à la société CAPA Promotion une somme de 6000 euros
– la société CAPA Participation une somme de 6000 euros
– condamner Monsieur et Madame [V] aux entiers dépens
La SARL Patrimoines Participations, dans ses dernières conclusions en date du 10 mars 2021, demande à la cour de :
– déclarer irrecevable ou à tout le moins infondé l’appel interjeté par Monsieur et Madame [V] à l’encontre du jugement du Tribunal Judiciaire de Bordeaux du 3 septembre 2020,
In limine litis,
– déclarer l’action et l’appel de Monsieur et Madame [V] à l’encontre de la SNC Les terrasses de Persée irrecevables, pour cause de prescription, et par voie de conséquence, irrecevables, à son encontre en ce qu’ils sont prescrits,
– confirmer le jugement en date du 3 septembre 2020 en ce qu’il a déclaré prescrites et irrecevables les demandes de Monsieur et Madame [V], et les a condamnés à lui verser une somme de 1000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens
Subsidiairement,
– déclarer irrecevables l’action et les demandes dirigées par Monsieur et Madame [V] à son encontre en ce qu’elle est prématurée,
– déclarer irrecevables l’action et les demandes dirigées par Monsieur et Madame [V] à son encontre en l’absence de toute qualité et d’intérêt à agir à son encontre et de dette sociale existante,
– prononcer sa mise hors de cause,
En toutes hypothèses,
– rejeter l’ensemble des demandes formées par Monsieur et Madame [V] et leur appel à son encontre en ce qu’ils sont infondés,
– rejeter les demandes financières présentées par Monsieur et Madame [V]
Très subsidiairement,
– juger que le préjudice de Monsieur et Madame [V] consiste en une perte de chance
– le réduire à de plus justes proportions,
– rejeter la demande de Monsieur et Madame [V] de condamnation in solidum formée à son encontre,
– juger qu’elle ne peut être condamnée à l’égard de Monsieur et Madame [V], tout au plus, qu’à proportion de ses parts sociales,
– condamner in solidum Monsieur et Madame [V] à lui verser une somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais de défense en première instance,
– condamner in solidum Monsieur et Madame [V] à lui verser une somme de 10.000 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais de défense en appel,
– condamner in solidum Monsieur et Madame [V] aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de la SELARL Leroy-Gras, avocats postulants
L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 novembre 2023.
Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la prescription de l’action indemnitaire engagée par les époux [V],
L’ancien article 2270-1 du code civil dispose que les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation.
La loi du 17 juin 2008, qui est venue réformer le droit de la prescription, a introduit un nouvel article 2224 dans le code civil qui indique que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
De plus, les dispositions transitoires de la loi susvisée prévoient que lorsque la durée de la prescription a été réduite, comme au cas d’espèce, s’agissant des actions en responsabilité civile extracontractuelle, les dispositions de la présente loi s’appliquent aux prescriptions en cours à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription ne puisse excéder la durée totale prévue par la loi antérieure.
Dans le cadre du présent appel, les époux [V], qui exercent une action en responsabilité civile extracontractuelle dirigée contre les intimées pour manquement à leur devoir d’information et de conseil, critiquent le jugement déféré qui les a déclarés prescrits en leur action.
Pour ce faire, ils font valoir, en application de l’article 2224 du code civil, que le point de départ de la prescription de leur action en responsabilité court à compter du jour où le dommage leur a été révélé, c’est à dire au jour de la réalisation du risque, dès lors qu’ils en ignoraient préalablement l’existence et non au jour du manquement lui-même au devoir d’information, c’est à dire au jour de la vente.
S’agissant de la valeur de leur bien immobilier au terme de l’engagement de location, les époux [V] indiquent qu’ils n’ont eu connaissance de la dépréciation de la valeur de leur bien qu’à l’issue d’une évaluation qui a été faite le 21 novembre 2016 par la Bourse de l’Immobilier et que dès lors que leur assignation a été délivrée le 30 mars 2017, leur action n’est nullement prescrite.
Pour ce qui est de la rentabilité globale de l’opération, ils font valoir que leur préjudice, consistant en une perte de chance de ne pas s’engager, dès lors qu’il sont dans l’impossibilité de réaliser un capital supérieur à l’effort d’épargne fourni ne leur a été révélé qu’à l’issue de l’opération elle-même en sorte que leur action n’est nullement prescrite.
La SNC Les Terrasses de Persée, représentée par son mandataire ad hoc, la société CAPA Promotion, la société CAPA Promotion, prise en sa qualité d’associé de la SNC Persée et la société CAPA Participation, prise également en qualité d’associée de la SNC Persée, concluent à la confirmation du jugement entrepris.
Ils exposent à ce titre que la première assignation est intervenue le 14 juin 2017 et que les époux [V] ont eu connaissance de leur dommage avant le 14 juin 2012, puisqu’ils avaient subi déjà à cette date plusieurs vacances locatives à savoir de janvier au 13 septembre 2007, puis de décembre 2009 à juillet 2011. Selon elles, le préjudice dès époux [V] étant né, dès la première période de carence locative significative, à savoir en juillet 2011, ils s’avèrent donc prescrits en leur action.
La SARL Patrimoines Participations et Patrimoine, prise également en qualité d’associée de la SNC Les Terrasses de Persée, sollicite aussi la confirmation de la décision déférée. Elle estime que s’agissant de la perte de valeur vénale du bien, le point de départ de la prescription ne saurait être postérieur au jour de la vente, date à laquelle M. et Mme [V] ont connu ou auraient dû connaître les conditions du marché immobilier et donc la valeur du bien qu’ils ont acquis. Elle souligne que reporter le point de départ de la prescription à la date à laquelle les époux [V] ont décidé de faire estimer leur bien, le 21 novembre 2016, reviendrait à faire dépendre du seul bon vouloir de l’acquéreur le point de départ de ladite prescription et donc à créer une condition purement potestative prohibée. Ainsi, elle en déduit que le dommage résultant d’un manquement à l’obligation de conseil et d’information, qui consiste en une perte de chance de ne pas contracter, était nécessairement connu de l’acquéreur à compter de l’acte authentique de vente.
A ce titre, la cour ne peut que constater que l’action en responsabilité civile extracontractuelle exercée par les époux [V] fondée sur le manquement des intimées à leur obligation d’information et de conseil consiste en une action personnelle qui relève désormais des dispositions de l’article 2224 du code civil, issues de la loi du 17 juin 2008, emportant réforme du droit des prescriptions, qui dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Il résulte de la disposition précitée que pour fixer le point de départ de l’action en responsabilité civile, il convient de rechercher la date à laquelle les époux [V] ont une connaissance ou auraient dû connaître les faits susceptibles de fonder leur action.
Pour ce qui est de la valeur vénale de leur bien, les époux [V] soutiennent qu’ils n’en ont pris conscience qu’à l’échéance du 21 novembre 2016, c’est à dire à la date à laquelle, ils ont fait estimer la valeur de leur bien et où ils se sont rendus compte que sa valeur réelle était de 50% inférieure à sa valeur d’achat, en sorte que leur action n’est nullement prescrite.
Toutefois, retenir une telle option reviendrait nécessairement à repousser le départ du délai de prescription de l’article 2224 du code civil au seul bon vouloir des acquéreurs, en fonction de la date à laquelle ils auraient décidé de réaliser une estimation de valeur de leur bien immobilier et donc à créer une condition purement potestative prohibée. De plus, retenir une telle date aboutirait à créer une insécurité juridique majeure concernant de telles opérations de défiscalisation qui pourraient être remises en cause, de par la seule volonté des acquéreurs, sur le fondement d’une estimation de valeur intervenant des années plus tard après la signature du contrat.
Il appert au contraire que nonobstant la réalité de l’obligation d’information et de renseignement pesant sur les professionnels, il incombe à tout acquéreur normalement avisé, a fortiori dans le cadre d’une opération de défiscalisation, qui s’inscrit dans le long terme, de prendre toutes informations adéquates concernant la situation des lieux, l’état du marché immobilier, la nature du bien vendu et les perspectives de revente.
Au vu des documents remis à l’acquéreur comportant notamment un descriptif détaillé du bien immobilier, objet de l’opération, ainsi que les éléments propres à son financement, les époux [V] devaient être à même au moment de la signature de l’acte authentique, soit le 31 octobre 2006, et ce, plus de trois mois après la formalisation du contrat de réservation intervenu le 24 juillet 2006, d’apprécier la valeur du bien acquis et ses perspectives de revente, nonobstant le caractère nécessairement aléatoire du marché qui peut varier en fonction d’éléments extrinsèques non maîtrisables des parties.
C’est donc à cette date que les époux [V] auraient dû avoir conscience de l’éventuelle surévaluation du prix du bien qu’ils avaient acquis et des difficultés éventuelles de revente à un prix qui ne saurait être inférieur à celui de l’acquisition.
Partant, la prescription de l’action des époux [V] sur ce fondement a commencé à courir le 31 octobre 2006, date à laquelle était applicable la prescription décennale de l’article 2270-1 du code civil.
Toutefois, compte-tenu de la loi du 17 juin 2008, qui est venue réformer le droit des prescriptions, il a été décidé, pour ce qui était des prescriptions non encore échues à cette échéance, que lorsque la loi nouvelle emportait réduction du délai de prescription antérieur, comme au cas d’espèce, la prescription décennale de l’article 2270-1 étant remplacée par la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil, cette dernière commençait à courir le 19 juin 2008, soit le lendemain de la publication de la loi du 17 juin 2008, sans pouvoir excéder toutefois la durée de la prescription initiale.
Il s’ensuit que l’action en responsabilité civile extracontractuelle des époux [V] fondée sur un manquement des intimées à leur obligation d’information et de conseil quant à la valeur du bien acquis a été prescrite à l’échéance du 19 juin 2013. Dès lors que, les époux [V] ont délivré leur première assignation le 30 mars 2017, leur action était déjà prescrite.
Pour ce qui est de la rentabilité économique de l’opération, les époux [V] soutiennent qu’ils n’ont pu se rendre compte du caractère déficitaire de l’opération qu’au terme de cette dernière, à savoir dès lors qu’ils ont compris que le prix de revente du bien ainsi acquis ne leur permettrait pas de réaliser un capital net supérieur à l’effort d’épargne fourni.
Toutefois, un tel moyen ne pourra être retenu par la cour dès lors qu’il ressort de la chronologie des faits que les époux [V], auxquels le bien acquis a été livré le 22 décembre 2006, ont subi plusieurs périodes de vacance locative, d’abord de quelques mois entre le 22 décembre 2006 et le 14 décembre 2007, puis d’une durée plus conséquente de 19 mois le 18 novembre 2009 et le 2 août 2011.
C’est donc à juste titre que les premiers juges ont situé à l’échéance du 2 août 2011 le point de départ du délai de prescription de l’action des époux [V] sur ce fondement, dès lors qu’ils ne pouvaient ignorer à l’issue de cette période de vacance locative, particulièrement significative, que l’opération qu’ils avaient conclue risquait d’être déficitaire.
Il s’ensuit que telle action s’est prescrite par application de la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil, à l’échéance du 2 août 2016, de sorte que les appelants étaient également prescrits lorsqu’ils ont délivré leur première assignation.
Partant, le jugement déféré ne pourra qu’être confirmé en ce qu’il a déclaré irrecevables comme prescrites les demandes formées par les époux [V] et dirigées conte la SNC Les Terrasses de Persée, représentée par la SAS CAPA Promotion, en sa qualité de mandataire ad hoc, ainsi que contre la société CAPA Promotion, la société CAPA Participations et enfin la société Patrimoines Participations.
Sur les autres demandes,
Les dispositions prises en application de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens en première instance seront confirmées.
Les époux [V], qui succombent en leur appel, seront condamnés à payer la somme de 3000 euros tant à la société CAPA Promotion qu’à la société CAPA Participation. La demande de la SNC Les Terrasses de Persée, représentée par son mandataire ad hoc la société CAPA Promotion, formée à ce titre, sera rejetée cette société ayant été radiée du registre du commerce et des sociétés.
Les époux [V] devront également régler au titre des frais irrépétibles la somme de 3000 euros à la SARL Patrimoines Participations.
Les époux [V] seront enfin condamnés aux entiers dépens de la procédure qui donneront lieu à distraction, en application de l’article 696 du code de procédure civile, au profit de la SELARL Leroy-Gras, avocats postulants.
Les époux [V] seront quant à eux déboutés de leurs demandes formées en application de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire, mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. [F] [V] et Mme [I] [H], épouse [V], à payer la somme de 3000 euros ,en application de l’article 700 du code de procédure civile, tant à la société CAPA Promotion qu’à la société CAPA Participation,
Condamne M. [F] [V] et Mme [I] [H], épouse [V], à payer la somme de 3000 euros ,en application de l’article 700 du code de procédure à la SARL Patrimoines Participations,
Déboute M. [F] [V] et Mme [I] [H], épouse [V] de leurs demandes formées en application de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.
Déboute la SNC Les Terrasses de Persée, représentée par son mandataire ad hoc, la société CAPA Promotion de sa demande formée en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne M. [F] [V] et Mme [I] [H], épouse [V] aux entiers dépens de la procédure qui donneront lieu à distraction au profit de la SELARL Leroy-Gras, avocats postulants
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Madame Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,