Parts sociales : décision du 1 février 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 23/09374

·

·

Parts sociales : décision du 1 février 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 23/09374
Je soutiens LegalPlanet avec 5 ⭐

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 2

ARRÊT DU 01 FEVRIER 2024

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/09374 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHV2F

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 Avril 2023 -Président du TJ de MEAUX – RG n° 22 / 01080

APPELANTS

M. [M], [Y], [X] [I]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 12]

M. [E], [C], [K] [H]

[Adresse 5]

[Localité 8]

M. [T] [N]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 10]

Ayant pour avocat postulant par Me Sandra OHANA de l’AARPI OHANA ZERHAT CABINET D’AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

Représentés à l’audience par Me Marvin JEQUIER, SCP BENSIMHON – ASSOCIES’ avocat au barreau de PARIS, toque : P410

INTIMEES

Mme [J] [V]

[Adresse 3]

[Localité 9]

S.A.R.L. SPFPL [J] [V], agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 9]

Représentée par Me Nicolas DUVAL de la SELEURL NOUAL DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0493, substitué à l’audience par Me Eric NOUAL

S.E.L.A.S. PHARMACIE [Adresse 15], RCS de Meaux sous le n°813 523 404, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 15]

[Adresse 6]

[Localité 14]

Représentée par Me Cherline LOUISSAINT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0835, présente à l’audience

PARTIES INTERVENANTES :

S.E.L.A.R.L. CHILOT, RCS de Meaux sous le n°423 045 996

[Adresse 16]

[Adresse 16]

[Localité 11]

S.E.L.A.S. LA PHARMACIE DE LA PYRAMIDE I, RCS d’Evry sous le n°342 399 474

[Adresse 1]

[Localité 13]

Ayant pour avocat postulant par Me Sandra OHANA de l’AARPI OHANA ZERHAT CABINET D’AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

Représentés à l’audience par Me Marvin JEQUIER, SCP BENSIMHON – ASSOCIES’ avocat au barreau de PARIS, toque : P410

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 14 Décembre 2023 en audience publique, devant Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et Michèle CHOPIN, Conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Laurent NAJEM, Conseiller,

Qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

La société d’exercice libéral par actions simplifiée Pharmacie [Adresse 15], dont la présidente est Mme [V], exploite depuis le 25 janvier 2021 une pharmacie située dans le centre commercial [Adresse 15], [Adresse 6] à [Localité 14] (77).

Elle est issue de la transformation de la société par actions simplifiée Parapharmacie [Adresse 15] constituée le 27 août 2015 par MM. [I] et [H], qui exploitait une parapharmacie dans les mêmes locaux et qui a acquis, le 28 décembre 2020, l’officine de pharmacie de la société d’exercice libéral à responsabilité limitée FCNG exploitée par celle-ci au [Adresse 7] à [Localité 14] (77).

Le capital social de la société Pharmacie [Adresse 15], divisé en 10.000 actions, est réparti comme suit :

– société de participations financières de professions libérales à responsabilité limitée SPFPL [J] [V] (la SPFPL [J] [V]), dont l’associé unique est Mme [J] [V]: 5.000 actions,

– Mme [J] [V] : 1 action,

– M. [I] : 3.124 actions,

– M. [H] : 1.875 actions.

M. [N] est par ailleurs titulaire de 1249 obligations convertibles en actions.

Le 19 février 2021, les associés de la société Pharmacie [Adresse 15] ont conclu un protocole d’accord contenant notamment une promesse de vente de Mme [V] de ses parts sociales au profit de M. [I] et une promesse d’achats de ces parts par M. [I] à Mme [V], laquelle est qualifiée dans l’acte de professionnel exploitant, avec levée d’option pendant une période de 60 mois au profit de M. [I]. M. [I] a levé cette option d’achat le 28 janvier 2022 mais Mme [V] est en désaccord avec ses coassociés sur le prix d’achat de ses parts.

Se prévalant de la mésentente entre les associés, de la disparition de l’affectio societatis et des fautes de gestion de Mme [V] en sa qualité de présidente de la société Pharmacie [Adresse 15], par actes des 31 octobre 2022 MM. [I], [H] et [N] ont fait assigner Mme [V] et la société Pharmacie [Adresse 15] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Meaux aux fins de voir désigner un administrateur provisoire chargé, pour l’essentiel, de diriger et gérer la société Pharmacie [Adresse 15] jusqu’au départ effectif de Mme [V] et au maximum pour une durée de 9 mois, d’organiser la cession des parts sociales détenues par celle-ci et la démission ou révocation de celle-ci, et de convoquer une assemblée aux fins de désignation d’un nouveau représentant légal de la société Pharmacie [Adresse 15].

La société SPFPL [J] [V] est intervenue volontairement à l’instance.

Par actes du 27 décembre 2022, se plaignant de détournements de fonds la société Pharmacie [Adresse 15] a fait assigner en intervention forcée la société Chilot et la société Pharmacie de la Pyramide I (sociétés de M. [I] et son épouse exploitant chacune une pharmacie) et a demandé la condamnation de la première à lui restituer la somme de 300.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2021 et la condamnation de la seconde à lui restituer la somme de 50.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2021, outre la capitalisation des intérêts et la condamnation in solidum des sociétés Chilot et Pharmacie de la Pyramide I à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Par ordonnance contradictoire du 12 avril 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Meaux, a :

– reçu l’intervention volontaire de la société de participations financières de professions libérales à responsabilité limitée SPFPL [J] [V] ;

– rejeté la demande d’extension de la mission d’expertise présentée par Mme [J] [V] et par la société de participations financières de professions libérales à responsabilité limitée SPFPL [J] [V] ;

– rejeté l’exception d’incompétence soulevée par Mme [J] [V] et par la société de participations financières de professions libérales à responsabilité limitée SPFPL [J] [V];

– dit n’y avoir lieu à surseoir à statuer ;

– rejeté la demande de nomination d’un administrateur provisoire ;

– dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de restitution des sommes de 300.000 euros et 50.000 euros présentées par la société d’exercice libéral par actions simplifiée Pharmacie [Adresse 15] ;

– laissé les dépens à la charge des parties qui les ont exposés ;

– condamné in solidum MM. [I], [H] et [N] à payer à Mme [J] [V], à la société de participations financières de professions libérales à responsabilité limitée SPFPL [J] [V] et à la société d’exercice libéral par actions simplifiée Pharmacie [Adresse 15] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

– rappelé que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit.

Par déclaration du 24 mai 2023, M. [I], M. [H] et M. [N] ont interjeté appel de la décision.

Par actes des 14 et 16 août 2023, les sociétés Chilot et Pharmacie de la Pyramide I ont été assignées en appel provoqué par la société Pharmacie [Adresse 15].

Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 20 novembre 2023, MM. [I], [H], [N] et les sociétés Chilot et Pharmacie de la Pyramide I demandent à la cour, de :

– réformer l’ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Meaux en date du 12 avril 2023 en ce qu’elle a rejeté la demande de nomination d’un administrateur provisoire ;

Statuant à nouveau,

– désigner un administrateur provisoire pris sur la liste des administrateurs judiciaires avec pour mission de :

dans l’intérêt social, jusqu’au départ effectif de Mme [J] [V], et au maximum pour une durée de neuf mois, diriger la société Pharmacie des Saisons de Meaux,

prendre toutes les décisions rendues nécessaires par l’état de la société et dans l’intérêt de cette dernière,

gérer et administrer la société conformément à la loi et aux statuts,

dire que cet administrateur provisoire sera autorisé, pour les besoins de sa mission, à se faire assister de toute personne de son choix,

organiser la cession des partis sociales détenues par Mme [J] [V] et la démission ou révocation de celle-ci,

convoquer une assemblée aux fins de désignation d’un nouveau représentant légal de la société Pharmacie des Saisons de Meaux,

dire que sa rémunération sera à la charge de la société,

– réformer l’ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Meaux en date du 12 avril 2023 en ce qu’elle les a condamnés à payer à Mme [V] et à la SPFPL [V] et à la SELAS [Adresse 15] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

– débouter les intimés de cette demande ;

– confirmer ladite ordonnance en ce qu’elle a :

rejeté la demande d’extension de la mission de l’expertise présentée par Mme [V] et par la société SPFPL [J] [V],

rejeté l’exception d’incompétence soulevée par Mme [V] et par la SPFPL [J] [V],

dit n’y avoir lieu à surseoir à statuer,

dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de restitution des sommes de 300.000 euros et 50.000 euros présentées par la SELAS Pharmacie [Adresse 15];

– faire injonction à Mme [V] de communiquer ses déclarations de revenus et avis d’imposition pour les années 2021 et 2022 ;

– condamner Mme [V] et la SPFPL [J] [V] à payer à MM. [I], M. [H] et M. [N] la somme de 10.000 euros à chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 6 décembre 2023, Mme [V] et la société SPFPL [J] [V] demandent à la cour, de :

– confirmer l’ordonnance du 12 avril 2023 en toutes ses dispositions ;

– débouter M. [I], M. [H] et M. [N] de leurs demandes ;

– condamner solidairement MM. [I], [H] et [N] in solidum au paiement de la somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles en cause d’appel ;

– condamner in solidum MM. [I], [H] et [N] en tous les dépens de première instance et d’appel qui pourront être recouvrés par la Selarl Noual Duval dans les formes prévues à l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 08 décembre 2023, la société Pharmacie [Adresse 15] demande à la cour, de :

A titre liminaire,

– prononcer la radiation de l’affaire ;

– déclarer M.[H] irrecevable en son appel ;

A titre principal,

– déclarer mal fondé l’appel principal interjeté par MM. [I], [H] et [N] ;

– déclarer recevable et fondé l’appel provoqué formé par la SELAS Pharmacie [Adresse 15] représentée par Mme [V] en sa qualité de présidente ;

– confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a débouté les appelants de leur demande de désignation d’un administrateur provisoire ;

– réformer l’ordonnance de référé en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de restitution des sommes de 300.000 euros et 50.000 euros présentées par la SELAS Pharmacie [Adresse 15], laisser les dépens à la charge des parties qui les ont exposées et en ce qu’elle n’a pas condamné in solidum la SELARL Chilot et La Pharmacie de la Pyramide I avec MM. [I], [H] et [N] à payer à Mme [V], à la SPFPL [J] [V] et à la SELAS Pharmacie [Adresse 15] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

– condamner la SELARL Chilot à restituer à titre provisionnel la somme de 300.000 euros à la SELAS Pharmacie [Adresse 15], incluant les intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2021;

– condamner la Pharmacie de la Pyramide I à restituer à titre provisionnel la somme de 50.000 euros à la SELAS Pharmacie [Adresse 15], incluant les intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2021 ;

– ordonner la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil ;

En tout état de cause,

– condamner in solidum les appelants au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur la demande de radiation de l’appel

La société Pharmacie [Adresse 15] sollicite la radiation de l’appel pour défaut d’exécution par les appelants de la condamnation pécuniaire de 3.000 euros mise à leur charge par l’ordonnance entreprise au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En application de l’article 524 du code de procédure civile, la demande de radiation de l’appel relevait en l’espèce de la compétence du premier président de la cour d’appel, en l’absence de conseiller de la mise en état en circuit court.

La société Pharmacie [Adresse 15] a bien saisi le président de la cour d’appel de Paris d’une demande de radiation de l’appel par assignation du 1er août 2023, et par ordonnance du 12 décembre 2023 le premier président a rejeté cette demande sur le constat de la justification par les appelants de l’exécution de la condamnation.

La demande de radiation, maintenue par la société Pharmacie [Adresse 15] dans ses dernières conclusions devant cette cour, sera donc rejetée, étant formée devant une juridiction incompétente et de surcroît devenue sans objet.

Sur la recevabilité de l’appel de M. [H]

La société Pharmacie [Adresse 15] soulève l’irrecevabilité de l’appel de M. [H] pour avoir été formé au-delà du délai de quinze jours, la déclaration d’appel étant datée du 24 mai 2023 alors que l’ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Meaux lui a été signifiée le 28 avril 2023.

Les appelants n’ont pas répondu à cette fin de non-recevoir.

Si l’appel de M. [H] a été effectivement formé tardivement, tel n’est pas le cas de l’appel de ses coassociés, MM. [I] et [N], formé le 24 mai 2023 moins de quinze jours après que l’ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Meaux leur ait été signifiée à chacun le 12 mai 2023.

Or, l’article 553 du code de procédure civile prévoit qu’en cas d’indivisibilité à l’égard de plusieurs parties, l’appel de l’une produit effet à l’égard des autres même si celles-ci ne se sont pas jointes à l’instance.

Au cas présent, compte tenu du lien d’indivisibilité entre les associés de la société Pharmacie [Adresse 15], l’appel recevable de MM. [I] et [N] a produit effet à l’égard de M. [H] même si l’appel de celui-ci a été formé hors délai.

La fin de non-recevoir sera rejetée.

Sur la demande de désignation d’un administrateur provisoire à la société Pharmacie [Adresse 15]

L’article 835 alinéa 1er du code de procédure civile dispose que le président du tribunal judiciaire peut, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

La désignation judiciaire d’un administrateur provisoire est une mesure exceptionnelle qui suppose que soit rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et menaçant celle-ci d’un péril imminent.

Les appelants fondent leur demande de désignation d’un administrateur provisoire sur la mésentente entre les associés et la disparition de l’affectio societatis ainsi que sur des agissements fautifs de Mme [V] empêchant un fonctionnement normal de la société et la menaçant d’un péril imminent: harcèlement moral et sexuel de Mme [V] à l’égard des salariés, prosélytisme religieux et refus de se faire vacciner contre la Covid 19 ; défaut de mise sous coffre de drogues dans la pharmacie ; défaut de recrutement d’un pharmacien supplémentaire ; disparition d’espèces ; refus de payer les loyers du bail de la société et défaut de réaction à une lettre du bailleur tendant au paiement de la dette locative (que M. [I] a dû payer lui-même) et à la résiliation du bail de la société ; refus de payer le solde du prix de la licence de la pharmacie ; organisation d’une intrusion dans le système informatique, changement des serrures et du logiciel informatique pour empêcher ses associés d’y avoir accès ; changement unilatéral de l’expert comptable alors que cette décision devait être prise à l’unanimité des associés ; défaut d’information des associés par le non dépôt des comptes sociaux, le refus de communiquer les documents comptables y compris à l’expert chargé d’évaluer les parts sociales ; situation déficitaire de la société, son résultat net comptable n’étant que la conséquence du chiffre d’affaire exceptionnel réalisé grâce aux tests Covid.

Les intimés font valoir que la mésentente entre les associés et la perte de l’affectio societatis ne suffisent pas à justifier la désignation d’un administrateur provisoire et résultent de ce que M. [I] entend conserver la gestion de fait de la société Pharmacie [Adresse 15] et n’accepte pas l’implication de Mme [V] dans sa mission de présidente qu’il cherche à évincer en instrumentalisant les salariés contre elle et en lui imputant toutes sortes d’agissements. Elles contestent les fautes imputées à la dirigeante et se prévalent du comportement fautif de ses coassociés, notamment des détournements de fonds commis par M. [G] au profit de ses sociétés Chilot et Pharmacie de la Pyramide I (objets de la demande reconventionnelle). Elles se prévalent de la bonne santé financière de la société et de la progression de son chiffre d’affaires indépendamment même de la vente des tests et vaccins qui a favorisé sa croissance pendant la crise sanitaire, preuve d’un fonctionnement normal et de l’absence de tout péril.

Les faits de harcèlement moral et sexuels dénoncés par les appelants à l’encontre de Mme [V] ont fait l’objet d’une enquête de l’inspection du travail qui les a totalement exclus dans un rapport du 26 avril 2022, dont le premier juge a repris la teneur exacte et dont il ressort que les salariés n’avaient pas dénoncé ces faits spontanément mais sur l’incitation de M. [I] et de Mme [W], précédente gérante de la parapharmacie avant sa transformation en pharmacie sous la direction de Mme [V]. Le premier juge a en outre justement constaté que les conclusions de l’inspection du travail sont corroborées par les attestations des salariés et employés actuels de la société Pharmacie [Adresse 15]. La cour ajoute que le fait, invoqué par les appelants, que ceux-ci ont demandé à l’inspection du travail de rouvrir son enquête, ce qui leur a été refusé dès lors que cette demande ne vient pas des salariés eux-mêmes, n’est pas de nature à remettre en cause les conclusions de l’inspection du travail et les derniers témoignages des salariés dont il ressort clairement que les faits de harcèlement dénoncés ne sont pas caractérisés.

Sur les loyers, il est constant que le 25 octobre 2022 la société Pharmacie [Adresse 15], présidée par Mme [V], a reçu un commandement de payer la somme de 31.831,22 euros correspondant aux loyers dus au titre du bail des anciens locaux de la parapharmacie, qui n’avait pas été résilié, puis le 5 septembre 2023 une assignation en paiement de la dette locative s’élevant à 36.427,37 euros et en résiliation-expulsion.

Mme [V] reconnaît avoir reçu ce commandement de payer mais indique qu’elle n’avait pas été informée du défaut de résiliation de ce précédent bail, les relances ayant été adressées à M. [I], et ne l’avoir appris qu’en recevant le commandement. Elle justifie par un mail adressé le 19 juillet 2023 au bailleur, la société Habitat 77, avoir pris contact avec ce dernier dès réception du commandement pour lui expliquer qu’elle n’avait pas été informée de cette dette par son associé M. [I], le dialogue étant rompu avec lui. Elle produit aussi une lettre adressée par son conseil à la société Habitat 77 le 12 octobre 2023 et un message électronique du conseil de cette société à la juridiction saisie de l’assignation en résiliation du bail, l’informant qu’un accord de règlement amiable est en cours entre les parties.

S’agissant des loyers dus par la société Pharmacie [Adresse 15] au titre du bail en cours de la pharmacie, il ressort d’un décompte détaillé (pièce 41 bis du dossier de la société) qu’une dette s’est constituée dès le mois d’octobre 2017, bien avant que Mme [V] ne soit présidente, pour atteindre un montant de 152.619,42 euros au 9 décembre 2020, avant que Mme [V] ne prenne la présidence de la société. Mme [V] soutient n’avoir appris l’existence de cette dette qu’à compter de février 2022, après le licenciement de Mme [W] qui assurait jusque là le paiement des loyers.

S’il est incontestablement fautif de la part de la présidente de la société de ne pas s’être assurée dès son entrée en fonction du paiement régulier des loyers du bail en cours, la société Pharmacie [Adresse 15] justifie, par la production de mails que sa présidente a pris contact avec le bailleur dès le 28 février 2022, et par un décompte arrêté au 1er mars 2023 (pièce 41) qu’elle a procédé à compter de cette date à des versements réguliers. Un règlement de 126.417, 56 euros a en outre été effectué, dont M. [I] expose être l’auteur via sa procuration sur les comptes de la société, de sorte que la dette au 1er mars 2023 s’établit à 60.350 euros. Le défaut de paiement volontaire des loyers par Mme [V] n’est donc pas caractérisé, la dette est en cours de règlement et il n’est pas prétendu qu’une procédure judiciaire serait en cours et menacerait le droit au bail de la société.

Il apparaît ainsi que si l’absence de dialogue entre les associés a eu une incidence sur la situation financière de société en contribuant à la constitution de dettes locatives, ces dettes sont en cours de règlement et ne mettent pas en péril la société qui ne rencontre pas de difficultés financières, son chiffre d’affaires ne cessant de progresser. Il résulte en effet des documents comptables produits que le chiffre d’affaires est passé de 871.000 euros fin 2020 à 2.674.014 euros fin 202, que le chiffre d’affaires pour les six premiers mois de l’année 2022 s’est élevé à 2.126582 euros HT (dont 421.237 euros de tests Covid) et à 1.995.466 euros pour les six premiers mois de 2023 (dont 17.880 euros de tests Covid). Il a ainsi progressé en 2023, indépendamment des gains tirés des tests Covid, passant de 1.705.357 à 1.977.577 euros de 2022 à 2023. Cette croissance s’est confirmée puisqu’au 30 novembre 2023, le chiffre d’affaires de la société était de 3.178.978 euros.

Les appelants soutiennent aussi que Mme [V] refuse de payer le prix complémentaire de la licence au cédant de la pharmacie. Ils produisent des courriers échangés en juillet et septembre 2022 entre le conseil du cédant et celui du cessionnaire, la société Parapharmacie [Adresse 15], faisant état d’un avenant à l’acte de cession prévoyant le versement d’un complément de prix en fonction du chiffre d’affaires. Mais outre qu’il n’est pas établi que cet avenant a été porté à la connaissance de Mme [V] lors de la signature du protocole conclu par les associés le 19 février 2021, cet acte n’en faisant pas mention, les appelants ne produisent pas cet avenant pas plus qu’une demande des cédants en paiement d’un prix déterminé que la société Pharmacie [Adresse 15] aurait refusé de payer via sa présidente Mme [V]. Ils ne démontrent pas davantage en quoi cette demande potentielle de prix complémentaire mettrait en péril la société au regard de sa situation financière, son montant n’étant pas même précisé.

Si le changement d’expert comptable opéré à compter du 1er janvier 2023 par Mme [V] aurait dû l’être à l’unanimité des associés conformément aux statuts, force est de constater que la mésentente entre les associés nécessitait une décision unilatérale de la présidente et que ce changement a été utile à la société puisque le nouvel expert comptable a relevé des anomalies dans la gestion du précédent (compte rendu de mission du 16 mars 2023, pièce 28 de Mme [V]).

S’agissant de l’information des associés, si les comptes des années 2018, 2019 et 2020 de la société n’avaient pas été déposés à la date de la lettre adressée le 19 juillet 2022 par le greffe du tribunal de commerce de Meaux, ce manquement est imputable à l’ancien gérant et non à Mme [V] comme l’a relevé le premier juge, et la société justifie que sa présidente a aussitôt déposé les comptes à réception de ce courrier du greffe. Concernant la communication des éléments comptables aux associés, il n’est pas justifié par ces derniers d’une demande de communication expressément adressée à Mme [V], qui serait demeurée infructueuse, et cette dernière justifie de son côté avoir convoqué ses associés le 18 janvier 2023 pour tenir l’assemblée générale d’approbation des comptes de l’exercice clos au 31décembre 2021, assemblée qui s’est tenue le 2 février 2023 en présence de MM. [I] et [H] (pièces 38 et 40 de la société). Le manquement à l’obligation d’information des associés n’est donc pas avéré, ce qui commande de rejeter la demande d’injonction de communication de documents formée par les appelants.

Sur la disparition d’espèces, dénoncée par M. [I] dans sa plainte du 10 février 2022 et corroborée par un procès-verbal de constat d’huissier daté des 26 et 28 janvier 2022 faisant état d’un manque de 50.000 euros dans les monnayeurs, le premier juge a exactement constaté qu’aucune pièce ne permet de l’imputer de manière certaine à Mme [V], le même constat s’imposant en appel.

Il n’est pas établi, aucun élément n’étant produit en ce sens par les appelants, que la société Pharmacie [Adresse 15] serait exposée à une sanction du fait de l’absence d’un pharmacien supplémentaire qu’exigerait la réglementation ni du défaut de vaccination de Mme [V] contre la Covid 19 à le supposer avéré.

Par ailleurs, c’est à raison que le premier juge a relevé que le prétendu prosélytisme religieux de Mme [V], évoqué par la seule Mme [W] qui gérait la parapharmacie et nourrit un litige personnel avec Mme [V] ainsi que cela résulte du rapport précédemment cité de l’inspection du travail, ne rend pas impossible le fonctionnement normal de la société et ne la menace pas d’un péril imminent.

Le premier juge a aussi justement retenu que les manquements relevés dans le procès-verbal de constat d’huissier des 26 et 28 janvier 2022 (présence dans la pharmacie d’un carton de médicaments contenant de l’opium en un lieu accessible et ouvert ; client qui s’est vu demander de renouveler son passage faute par l’employée de trouver le médicament prescrit ; défaut de commande du médicament sollicité par un autre client), constituent des manquements ponctuels et anciens dont la gravité n’est pas suffisante pour empêcher un fonctionnement normal de la pharmacie, ce d’autant plus qu’ils ont été constatés à une période où le fonctionnement de la pharmacie était rendu particulièrement difficile par les dissensions créées en son sein par Mme [W] et M. [I] ainsi que cela ressort du rapport de l’inspection du travail et des attestations des salariés de la société.

Quant au changement du logiciel informatique et des serrures auquel Mme [V] aurait délibérément procédé pour nuire à ses associés, cela ne ressort que d’une plainte de M. [I] et se trouve notamment contredit par une lettre adressée par le conseil de Mme [V] au prestataire informatique de la société (la société Inpec, gérée par le frère de M. [I]) auquel elle reproche d’avoir bloqué le 16 février 222 l’accès aux logiciels de la société, reproche que Mme [V] a réitéré dans une lettre qu’elle adressée le 2 mai 2022 à M. [I] en lui indiquant que du fait du blocage intervenu elle le peut répondre au contrôle fiscal dont la société faut l’objet.

Concernant, enfin, le refus opposé par Mme [V] à la cession de ses parts sociales au prix sollicité par ses associés (en exécution de la clause du protocole conclu entre associés) et la perte de l’affectio societatis en résultant, il ne fait pas obstacle au bon fonctionnement de la société sous la présidence de Mme [V], associée majoritaire avec sa société SPFPL [J] [V] et qui en demeure la gérante tant que ses actions n’ont pas été cédées, et dont la gestion va dans le sens de l’intérêt social comme en attestent les résultats comptables de la société.

En conséquence, n’est pas justifiée la demande de désignation d’un administrateur provisoire à la société Pharmacie [Adresse 15]. L’ordonnance déférée sera confirmée de ce chef.

Sur la demande de la société Pharmacie [Adresse 15] en restitution des sommes de 300.000 et 50.000 euros

En application de l’article 835 alinéa 2 du procédure civile, le juge des référés peut accorder une provision au créancier dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

Le montant de la provision en référé n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.

Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l’un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

Il est constant que la demande reconventionnelle de la société Pharmacie [Adresse 15], qui a été rejetée en première instance au motif qu’elle se heurte à contestation sérieuse, correspond à deux prélèvements de 300.000 et 50.000 euros opérés le 23 décembre 2021 sur la trésorerie de la société par M. [I], alors que celui-ci avait procuration sur les comptes de la société du 11 mai 2021 au 14 janvier 2022, date à laquelle Mme [V] a résilié cette procuration.

Les appelants soutiennent que les fonds ont été placés sur un compte séquestre et qu’ils ont été utilisés pour le paiement des dettes de la pharmacie.

La société intimée soutient pour sa part que M. [I] a abusé de sa procuration, vidant la trésorerie de la société qui s’est trouvée subitement réduite à 36.527,35 euros, sans en informer préalablement la présidente et sans justifier de l’emploi des fonds. Elle fait en substance valoir que les fonds ont été placés sur un compte ouvert illégalement et non pas sur un compte séquestre, et conteste que les fonds ont servi à payer les dettes de la société.

S’il est certain que ces prélèvements ont été irrégulièrement opérés, certes en vertu d’une procuration mais sans l’aval de la présidente investie des pouvoirs de gestion de la société, il reste que comme l’a exactement relevé le premier juge au vu des pièces produites, par des motifs exacts et pertinents que la cour approuve, la demande de remboursement opérée par la société intimée se heurte à contestation sérieuse et ne peut être tranchée par le juge de l’évidence. Il apparaît en effet que les fonds «détournés» ont bien été opérés pour régler des dettes de la société Pharmacie [Adresse 15] comme en atteste l’ancien expert comptable de la société, M. [F] de la société Agorex Expertise, qui détaille ces dettes dans son attestation du 14 mars 2023, dont le contenu ne peut d’évidence être invalidé par les irrégularités comptables relevées par le nouvel expert comptable de la société dans sa lettre du 16 mars 2023. Parmi ces dettes énumérées par M. [F], la cour relève, comme le premier juge, que figure une somme de 126.417,56 euros ayant servi à payer une partie des loyers dus par la société par un virement du 17 novembre 2022 ressortant du décompte des loyers précédemment évoqué.

Dans ces conditions, la créance revendiquée par la société Pharmacie [Adresse 15] à l’encontre de ses associés apparaît sérieusement contestable. L’ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu’elle a rejeté la demande reconventionnelle.

Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

La charge des dépens et frais irrépétibles de première instance a été justement appréciée.

Perdant en appel, MM. [I], [H] et [N] seront condamnés aux entiers dépens de l’instance d’appel, déboutés de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et condamnés à payer à ce titre à chacun des deux intimés (Mme [V] et sa société SPFPL d’une part, la société Pharmacie [Adresse 15] d’autre part) la somme de 3.000 euros.

PAR CES MOTIFS

Rejette les demandes de radiation et d’irrecevabilité de l’appel,

Confirme en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise,

Y ajoutant,

Rejette la demande d’injonction de communication de pièces des appelants,

Condamne in solidum MM. [I], [H] et [N] aux entiers dépens de l’instance d’appel, qui pourront être recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile,

Déboute les appelants de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et les condamne in solidum à payer à ce titre, la somme de 3.000 euros à Mme [V] et sa société SPFPL [J] [V], la somme de 3.000 euros à la société Pharmacie [Adresse 15],

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x