Parts sociales : décision du 7 février 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 22/12377

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Parts sociales : décision du 7 février 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 22/12377
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 6

ARRET DU 07 FEVRIER 2024

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/12377 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGCPF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Mai 2022 -tribunal judiciaire de Bobigny – 7ème chambre 2ème section – RG n° 22/00613

APPELANT

Monsieur [J] [U]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me Jeffrey NETRY, avocat au barreau d’ESSONNE

INTIMÉE

LE CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL

[Adresse 4]

[Localité 5]

N° SIRET : B 542 016 381

agissant sur poursuites et diligences de son président du conseil d’administration, et de son directeur général, représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

Représentée par Me Isabelle SIMONNEAU de la SELEURL IS AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D0578, avocat postulant et plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Décembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Marc BAILLY, Président de chambre.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Marc BAILLY, Président de chambre

M. Vincent BRAUD, Président

MME Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marc BAILLY, Président de chambre et par Mélanie THOMAS, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

* * * * *

La société par action simplifiée à associé unique Inter Bat a ouvert un compte dans les livres de la société Crédit Industriel et commercial le 2 août 2016.

M. [J] [U] qui en était le président s’est porté caution solidaire toutes causes des obligations de la société dans les limites de la somme de 48 000 euros et de 5 ans par acte en date du 3 août 2018.

Le 14 février 2020, le Cic a accordé à la société une facilité de caisse de 20 000 euros jusqu’au 23 septembre 2021 et le 22 avril 2020 un crédit dont l’objet était ‘mesure de soutien crise sanitaire’ de 45 000 euros avec la garantie de la BPI dont les conditions ont été modifiées par avenant du 16 février 2021.

La facilité de caisse a été dénoncée par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 juillet 2021 et une résiliation anticipée du prêt a été prononcée le 5 octobre 2021.

Le Cic a assigné la société Inter Bat devant le tribunal de commerce de Bobigny et par jugement du 17 mai 2022 réputé contradictoire à raison de l’absence de constitution d’avocat pour la société, le tribunal a :

‘- Condamné la société INTER BAT à payer au CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL la somme de 22.097,50 € majorée des intérêts au taux de la Banque de France minoré de 0,05 %, soit 13,99 % calculés à compter du 2 décembre 2021 avec anatocisme jusqu’à parfait paiement au titre du compte courant numéro [XXXXXXXXXX01].

– Condamné la société INTER BAT à payer au CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL la somme de 46.067,42 € majorée des intérêts au taux de 0,70 % calculés à compter du 6 octobre 2021 avec anatocisme jusqu’à parfait paiement au titre du prêt numéro [XXXXXXXXXX02].

– Condamné la société INTER BAT à payer au CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL la somme de 2.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– Condamné la société INTER BAT aux entiers dépens.

– Rappelé que l’exécution provisoire est de plein droit.’

Le Cic a assigné M. [J] [U] devant le tribunal judiciaire de Bobigny par acte en date du 14 janvier 2022 et par jugement du 24 mai 2022 réputé contradictoire à raison de l’absence de constitution d’avocat pour M. [U], le tribunal a :

– ‘ Déclaré le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL recevable et partiellement bien fondé en ses prétentions.

– Condamné Monsieur [J] [U] à payer au CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL la somme principale de 22.751,82 €, majorée des intérêts de retard calculés au taux de la Banque de France minoré de 0,05 %, soit 13,99 %, conformément aux conditions de la convention d’ouverture du compte courant professionnel, à compter du 2 décembre 2021 jusqu’à parfait paiement, et ce avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du Code civil.

– Rappelé que la présente décision est assortie de plein droit exécutoire à titre provisoire.

– Condamné Monsieur [J] [U] aux entiers dépens de l’instance’.

Par jugement du tribunal de Bobigny du 22 décembre 2022 rendu à l’initiative de la société Cic la liquidation judiciaire de la société Inter Bat a été prononcée.

M. [J] [U] a interjeté appel du jugement signifié le 14 juin 2022 par déclaration au greffe du 30 juin 2022.

Par ordonnance en date du 21 février 2023, le conseiller de la mise en état, saisi par la société Cic a ainsi statué :

‘- ENJOINT à [J] [U] de produire aux débats l’acte de cession de ses actions de la société Inter Bat à [F] [K] [Z] ;

– DÉBOUTE le Crédit industriel et commercial du surplus de ses demandes de production ;

– DÉBOUTE le Crédit industriel et commercial de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– CONDAMNE [J] [U] aux dépens de l’incident’.

Par ses dernières conclusions en date du 2 juin 2023 M. [J] [U] fait valoir :

– qu’il n’a jamais demandé à bénéficier d’une facilité de caisse du 21 juillet au 21 septembre 2021 puisqu’il savait la société dans une situation difficile et que, tout au contraire, il avait demandé au chargé de clientèle le blocage de divers paiements,

– qu’il a conclu un protocole d’accord en vue d’un ‘déchargement’ de ses responsabilités avec l’acquéreur de sa société, M. [Z] [F], le 2 mai 2021 qui transférait les charges et obligations y compris bancaires à ce dernier alors qu’il a pourtant été assigné par la banque,

– qu’en vertu des articles 1101 et suivants du code civil, la facilité de caisse nécessitait un accord de volonté qui n’est pas intervenu en l’espèce puisqu’il résulte tout au contraire des échanges de courriels qu’il était désireux de bloquer le fonctionnement du compte – ce à quoi la banque n’a pas répondu – et tous les paiements dans l’attente de règlements à venir de ses clients, de sorte qu’il n’est pas tenu de la rembourser en vertu de l’article 1103 du code civil, n’ayant donné aucune instruction de paiement par débit du compte placé en solde négatif,

– que son engagement de caution était manifestement disproportionné au sens de l’article L332-1 du code de la consommation puisqu’il ne ressort d’aucun des éléments produits par le Cic que sa situation ou celle de la société se serait améliorée tout au contraire, qu’il a cédé le fonds de commerce à la fin de l’année 2021 et exerce la profession de peintre depuis le 1er janvier 2022, qu’il est locataire et père de famille qui ne perçoit que son seul salaire, qu’il n’est pas en mesure de fournir les comptes de la société puisqu’il l’a cédée comme l’a relevé le conseiller de la mise en état qui a débouté la banque de sa demande de communication de pièce de ce chef,

– que le Cic a manqué à son obligation de mise en garde, d’information et de conseil à son égard en sa qualité de caution non avertie en s’informant pas sur sa situation financière et ses connaissances et en ne l’informant pas pour sa prise de décision en toute connaissance de cause, d’autant qu’au mois de juillet 2021, date de l’engagement litigieux, la situation dégradée de la société était connue de la banque, qu’il n’avait pas demandé de facilité de caisse dont il n’a pas même été prévenu, de sorte qu’il demande à la cour de :

‘- INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Bobigny le 24 mai 2022 en toutes ses dispositions ;

STATUANT DE NOUVEAU

– CONSTATER la disproportion de l’engagement et le défaut d’information du CIC à l’égard de Monsieur [U] concernant l’engagement de caution en date du 20 juillet 2021 ;

– CONDAMNER le CIC à payer à Monsieur [U] des dommages et intérêts résultant de la perte de chance de contracter à hauteur de 3000 € ;

– DEBOUTER le CIC de toutes ses demandes, fins et prétention à l’encontre de Monsieur [U] ;

ENCONSEQUENCE,

– CONDAMNER le CIC à verser à Monsieur [U] la somme de 1.500 €uros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile’.

Par ses dernières conclusions en date du 6 novembre 2023, la société Crédit Industriel et Commercial poursuit la confirmation du jugement, le débouté des demandes de M. [U] et sa condamnation à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles aux motifs  :

– que M. [U] a cédé ses parts dans la société Inter Bat à M. [Z] [F] selon procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire du 2 mai 2021 publié le 21 juin prochain, en demandant au chargé de clientèle, compte tenu du solde débiteur à cette date de 21 279,82 euros, de laisser la ‘CB fonctionnelle’ de sorte qu’il est inexact qu’il n’a pas demandé la facilité de caisse dûment sollicitée le 14 février 2020 avec apposition de sa mention manuscrite,

– que la disproportion manifeste du cautionnement doit être appréciée à sa date de souscription d’abord, la charge de la preuve revenant à M. [U] qui ne le démontre pas d’autant que la valeur des parts sociales dans la société doit être prise en compte, à la date à laquelle il est appelé, ensuite, pour la somme de 22 751,82 euros étant observé qu’outre le salaire de M. [U] il y a lieu de valoriser les parts qu’il détient dans diverses sociétés,

– que son manquement à l’obligation de mise en garde est subordonné à la qualité de caution non avertie de M. [U] et au caractère excessif du crédit consenti, ce qui n’est pas le cas puisque la facilité de caisse n’était pas excessive et que compte tenu de ses mandats sociaux M. [U] ne peut qu’être considéré comme averti, aucun préjudice n’étant démontré en tout état de cause.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 novembre 2023.

MOTIFS

Il y a lieu de rappeler préalablement à l’examen des moyens :

– que ce n’est pas au printemps de l’année 2021 que la facilité de caisse a été accordée à la société Inter Bat mais en date du 14 février 2020 au moyen d’une convention dûment produite par la banque, émargée et signée par M. [J] [U], laquelle stipule que le concours est consenti dans la limite de la somme de 20 000 euros moyennant l’application du taux de base bancaire et expressément que le ‘crédit est accrodé pour une durée indéterminée’, de sorte que les considérations de l’appelant sur des échanges de courriels au mois d’avril 2021 selon lesquels il n’aurait pas voulu cette facilité de caisse, qui ne sera résiliée que par le courrier de la banque du 20 juillet 2021 et non par lui-même alors que le solde était déjà régulièrement débiteur de plus de 20 000 euros depuis le mois de mai précédant, sont inopérantes,

– que c’est à la date à laquelle le cautionnement ‘toutes causes’ dans la limite de la somme de 48 000 euros a été souscrit, soit le 3 août 2018, que sa disproportion manifeste doit être appréciée, la charge de la preuve de cette disproportion incombant à la caution avant qu’éventuellement soit examinée la question de savoir si la caution pouvait faire face au paiement de la somme demandée de 22 751,82 euros lors de son assignation du 14 janvier 2022,

– que la banque teneur de compte et consentant des concours est débitrice d’une obligation d’information sur les modalités des concours accordés – M. [U] ne caractérisant pas en quoi elle aurait manqué à cette obligation en isolant une information qu’il n’aurait pas reçue alors que les pièces sur le prêt et le cautionnement contiennent les éléments usuels en la matière – et d’une obligation de mise en garde à la condition que le crédit octroyé à la débitrice principale soit excessif ou que le cautionnement excède les capacités financières de la caution et aussi que celle-ci soit non avertie mais qu’elle n’est pas débitrice, contrairement à ce que soutient M. [U], d’une obligation de conseil ou encore d’une obligation de s’informer de la situation et des besoins de sa cliente, laquelle n’incombe qu’à un prestataire de services d’investissement dont elle n’a pas la qualité en l’espèce,

– que la banque a déclaré ses créances au passif de la société Inter Bat le 29 décembre 2022 à hauteur de la somme de 25 372 euros au titre du solde débiteur du compte courant – outre intérêts et 2 000 euros de frais irrépétibles- et de 49 539,89 euros au titre des causes du prêt mais que la présente action vise à obtenir la condamnation de M. [U] en sa qualité de caution à garantir les causes du seul solde débiteur du compte courant par le paiement de la somme de 22 751,82 euros constituée de celle de 22 189,47 euros de solde débiteur au 1er décembre 2021 et de 562,35 euros d’intérêts courus arrêtés au 1er décembre 2021.

Ainsi qu’évoqué ci-dessus, il ressort de l’article devenu L 332-1 du code de la consommation que l’engagement de caution conclu par une personne physique au profit d’un créancier professionnel ne doit pas être manifestement disproportionné aux biens et revenus déclarés par la caution sous peine de déchéance du droit de s’en prévaloir.

La charge de la preuve de la disproportion incombe à la caution poursuivie qui l’invoque et celle-ci doit être appréciée à la date de l’engagement, en tenant compte de ses revenus et patrimoine ainsi que de son endettement global.

Aucune disposition n’exclut de cette protection la caution dirigeante d’une société dont elle garantit les dettes.

La banque n’a pas à vérifier les déclarations qui lui sont faites à sa demande par les personnes se proposant d’apporter leur cautionnement sauf s’il en résulte des anomalies apparentes.

Il incombe alors au créancier professionnel qui entend se prévaloir d’un contrat de cautionnement manifestement disproportionné, lors de sa conclusion, aux biens et revenus de la caution, personne physique, d’établir qu’au moment où il l’appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation.

En l’espèce, M. [J] [U] ne produit aucun élément aux débats de nature à établir la disproportion manifeste de son cautionnement dans la limite de la somme de 48 000 euros consenti le 3 août 2018 puisqu’il n’objective aucunement sa situation financière et patrimoniale à cette date mais seulement à compter de l’année 2019 en réponse à la demande subsidiaire de la banque selon laquelle il pouvait faire face à ses obligations lorsqu’il a été appelé.

En conséquence, il ne peut qu’être débouté de sa demande tendant à voir reconnaître son engagement manifestement disproportionné et, dès lors que le jugement n’est pas autrement critiqué, il doit être confirmé en toutes ses dispositions.

De la même manière, c’est à la date de l’engagement de caution du 3 août 2018 que l’obligation de mise en garde de la banque sur les capacités financières de M. [U] doit être appréciée et ce dernier n’établit par aucune pièce utile – son bordereau étant dépourvu de toute pièce financière sur la situation de la société Inter Bat comme sur la sienne propre antérieure à l’année 2019, encore n’est-elle que partielle pour la période postérieure puisqu’il s’agit de deux avis d’imposition de 2020 et 2021 – soit qu’il excédait ses propres capacités financières soit que la facilité de caisse de 20 000 euros qui sera accordée à la société Inter bat le 14 février 2020 créait un endettement excessif de celle-ci.

En outre, sa contestation de la continuation de la facilité de caisse après ses courriels du printemps 2021, alors qu’elle n’avait été résiliée ni par la banque ni par lui-même, sont sans conséquence sur le sort du litige.

En conséquence de ce qui précède, le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions, M. [J] [U] doit être débouté de toutes ses demandes, condamné aux dépens ainsi qu’à payer à la société Cic la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE M. [J] [U] de toutes es demandes ;

CONDAMNE M. [J] [U] à payer à la société Cic la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [J] [U] aux dépens d’appel.

* * * * *

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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