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République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 08/02/2024
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N° de MINUTE :
N° RG 22/05686 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UUHZ
Ordonnance de référé (N° 22/00224)
rendue le 09 novembre 2022 par le président du tribunal judiciaire de Béthune
APPELANTS
Madame [N] [I]
née le [Date naissance 4] 1943 à [Localité 9]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Monsieur [D] [W]
né le [Date naissance 3] 1971 à [Localité 9]
[Adresse 1]
[Localité 8]
représentés par Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué assistés de Me Philippe Vynckier, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant substitué par Me Victoire Eeckhout, avocat au barreau de Lille
INTIMÉE
La SCI [W]
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 6]
[Localité 8]
représentée par Me Stéphane Campagne, avocat au barreau de Béthune, avocat constitué
DÉBATS à l’audience publique du 30 novembre 2023, tenue par Céline Miller magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Bruno Poupet, président de chambre
Samuel Vitse, président de chambre
Céline Miller, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 08 février 2024 après prorogation du délibéré en date du 1er février 2024 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 09 novembre 2023
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La SCI [W] a pour objet social la propriété, la gestion et plus généralement, l’exploitation par bail, location ou autrement de tout immeuble que la société se propose d’acquérir ou de construire, ainsi que la gestion d’un portefeuille de valeurs immobilières ou de parts sociales et toutes opérations civiles pouvant se rattacher directement ou indirectement à l’objet précité.
Elle comporte quatre associés :
– M. [T] [W], gérant, détenant les parts sociales numérotées de 1 à 1280 ;
– Mme [N] [I], détenant les parts numérotées de 1281 à 2560 incluses ;
– M. [U] [W], détenant les parts numérotées de 2561 à 2880 incluses ;
– M. [D] [W], détenant les parts sociales numérotées de 2881 à 3200 incluses.
Le divorce de M. [T] [W] et Mme [N] [I] est effectif depuis un arrêt rendu par la cour d’appel de céans le 24 mars 2011.
Faisant valoir que leurs droits d’associés n’étaient pas respectés, notamment à l’occasion de l’approbation des comptes et en raison de l’absence de réponse idoine à leurs sollicitations de communication de pièces comptables et financières et exposant, en outre, ne pas avoir été mis en mesure d’approuver les comptes des exercices des années 2020 et 2021, et que la ‘vie de la SCI [W] est actuellement paralysée’, Mme'[I] et M. [D] [W] ont fait assigner la SCI [W] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Béthune par acte d’huissier en date du 29 juin 2022 aux fins, notamment, d’obtenir la communication de divers documents relatifs à la gestion de la SCI sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile.
Par ordonnance assortie de l’exécution provisoire de droit en date du 9 novembre 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Béthune a renvoyé les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront mais, à titre provisoire, a débouté Mme [I] et M. [D] [W] de l’ensemble de leurs demandes et les a condamnés, outre aux entiers dépens, à verser à la SCI'[W] la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Mme [I] et M. [D] [W] ont interjeté appel de cette ordonnance et, aux termes de leurs dernières conclusions remises le 27 octobre 2023, demandent à la cour, au visa des articles 1855 et 1844, alinéa 1er du code civil, et de l’article 835 du code de procédure civile, de l’annuler ou de la réformer en ce qu’elle les a déboutés de l’ensemble de leurs demandes et, statuant à nouveau, de juger recevable leur demande et, par voie de conséquence, d’ordonner à l’intimée prise en la personne de son gérant, M. [T] [W], de leurs communiquer les pièces suivantes :
‘ une copie des polices d’assurance souscrites par la SCI [W] pour les locaux situés [Adresse 5], accompagnées des factures émises par les compagnies d’assurances et des pièces justificatives des paiements effectifs de primes opérés par la SCI [W] ;
‘ concernant le compte 455171, la copie de la facture d’achat du coupe-bordure auprès de la société Lidl et la copie du chèque de règlement correspondant d’un montant de 59,99 euros’;
‘ une copie du chèque 7554175, libellé à l’ordre de Lidl au titre de l’achat d’une tondeuse, accompagné de la copie de la facture d’achat de la tondeuse ;
‘ une copie des factures afférentes aux règlements opérés par chèques n° 7554176, 7554193, 7554209 et 7554213 ;
‘ une copie de la facture réglée par chèque 219124 et une copie du chéquier dont le chèque a été émis ;
‘ une copie de l’ensemble des quittances de loyers émis au titre des exercices 2018, 2019, 2020 et 2021, accompagnées des pièces retraçant les règlements opérés afin de déterminer le quantum des loyers payés, de ceux impayés, et dès lors la créance de la SCI [W] au titre des loyers;
‘ le bénéficiaire du chèque 2190211 d’un montant de 2 000 euros ;
‘ la copie du bail signé par l’intimée en date du 1er octobre 2004 ;
‘ une copie de la facture relative à l’achat d’une porte séquentielle d’un montant de 4 235 euros figurant dans le bilan 2020 ;
‘ le document certifié conforme par l’expert-comptable retraçant le compte courant de M. [T] [W] en 2019, 2020 et 2021, accompagné d’une copie de l’ensemble des pièces retraçant les mouvements constatés sur ce compte courant ;
‘ une copie des avis de taxes foncières 2019, 2020 et 2021, accompagnés des pièces retraçant les règlements opérés au titre de la taxe foncière ;
‘ une copie du chèque 0761173 d’un montant de 59,99 euros, une autre du chèque 7554175 d’un montant de 49,99 euros, une autre encore du chèque 7554176 d’un montant de 43,97 euros, une copie du chèque 7554193 d’un montant de 255,78 euros, une copie du chèque 7554209 d’un montant de 88,34 euros, une autre du chèque 7554213 d’un montant de 27,85 euros et enfin, une copie du chèque 2191214 d’un montant de 30,95 euros ;
‘ une copie de l’intégralité des contrats de bail signés par l’intimée, des factures de loyers émises, des pièces établissant les règlements opérés par les locataires, ainsi que la copie des quittances délivrées ;
‘ une copie de l’ensemble des pièces comptables remises à l’expert-comptable et sur la base desquelles le projet de bilan 2020 a été préparé, mais non approuvé à ce stade en l’absence d’assemblée générale d’approbation ;
Le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l’arrêt à intervenir.
Ils sollicitent, en outre, la condamnation de l’intimée, outre aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel, à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 26 juin 2023, la SCI [W] demande à la cour de confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, de débouter les appelants de l’ensemble de leurs demandes ‘irrecevables et mal fondées’ et de les condamner, outre aux entiers dépens de première instance et d’appel, à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour le détail de l’argumentation des parties, il sera fait référence à leurs dernières conclusions écrites par application de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture de la mise en état a été rendue le 9 novembre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L’article 542 du code de procédure civile dispose que l’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel.
A titre liminaire, il sera observé que si les appelants demandent à la cour d’annuler ou de réformer la décision entreprise en ce qu’elle les a déboutés de l’ensemble de leurs demandes, ils ne présentent aucun moyen au soutien de leur demande d’annulation, de sorte qu’en application de l’article 954 du code de procédure civile, celle-ci ne sera pas examinée par la cour.
De la même manière, si les intimés demandent à la cour de ‘débouter les appelants de l’ensemble de leurs demandes irrecevables et mal fondés’, ils ne soulèvent aucune fin de non-recevoir et n’articulent que des moyens au fond, de sorte que seul le bien-fondé des demandes des appelants sera examiné.
Alors qu’ils auraient pu invoquer les articles 10 du code civil et 145 du code de procédure civile en vertu desquels il peut être ordonné à des tiers, sur requête ou en référé, de produire tous documents qu’ils détiennent s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les appelants fondent leur demande de communication de pièces, comme en première instance, sur les dispositions de l’article 835 du code de procédure civile, en vertu duquel le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
L’article 12 du code de procédure civile dispose que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu’il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée’; que toutefois, il ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties, en vertu d’un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l’ont lié par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat.
En l’espèce, la cour est liée par le fondement juridique invoqué par les appelants au soutien de leur demande et il leur appartient en conséquence, par la critique de la décision entreprise, d’en démontrer le bien-fondé.
Mme [I] et M. [D] [W] n’expliquent pas en quoi les communications de pièces qu’ils sollicitent constitueraient des mesures conservatoires ou de remise en état et n’invoquent aucun dommage imminent qu’ils entendraient prévenir, mais font valoir que le refus de la SCI [W] de leur communiquer l’ensemble des pièces qu’ils sollicitent constituerait un trouble manifestement illicite qu’il conviendrait de faire cesser.
Ceci étant exposé, il est constant que constitue un trouble manifestement illicite la violation évidente d’une règle de droit résultant d’un fait matériel ou juridique.
Aux termes de l’article 1844, alinéa 1er du code civil, tout associé a le droit de participer aux décisions collectives.
L’article 1855 du code civil dispose que les associés ont le droit d’obtenir, au moins une fois par an, communication des livres et des documents sociaux, et de poser par écrit des questions sur la gestion sociale auxquelles il devra être répondu par écrit dans le délai d’un mois.
L’article 48 du décret n°78-704 du 3 juillet 1978 précise qu’en application des dispositions de l’article 1855 du code civil, l’associé non gérant a le droit de prendre par lui-même, au siège social, connaissance de tous les livres et documents sociaux, des contrats, factures, correspondance, procès-verbaux et plus généralement de tout document établi par la société ou reçu par elle ; que le droit de prendre connaissance emporte celui de prendre copie ; que dans l’exercice de ces droits, l’associé peut se faire assister d’un expert choisi parmi les experts agréés par la Cour de cassation ou les experts près une cour d’appel.
Le juge des référés a relevé, d’une part, que les convocations aux assemblées générales des 30 mai 2018, 17 juin 2019, 15 juillet 2020, 15 décembre 2021 et 26 juin 2022, envoyées au moins quinze jours avant les dates fixées pour ces assemblées, comportaient la mention de la transmission du texte des résolutions proposées, du rapport d’activité du gérant et des comptes annuels (bilan, compte de résultat et annexe), ainsi que de la mention selon laquelle ‘ces mêmes documents sont tenus à la disposition des associés convoqués au siège social’où il leur est possible d’en ‘prendre connaissance ou copie’, d’autre part qu’il était produit par la SCI [W], au titre de chacune des assemblées générales, un document établi par l’expert comptable mandaté, contenant ‘déclaration des sociétés immobilières non soumises à l’impôt sur les sociétés’, un ‘compte de résultat simplifié’ de l’exercice concerné, un état récapitulatif des ‘immobilisations et amortissements- données comptables’, un ‘bilan simplifié’ de l’exercice, et a justement précisé que dans le cadre d’une SCI composée de personnes physiques, une comptabilité simplifiée, qui reprend les recettes et les dépenses de la société et les soldes de fin d’année correspondant au solde figurant sur le compte bancaire, est admise et suffisante.
C’est ensuite par des motifs pertinents, que la cour adopte, que ce juge, ayant constaté que Mme'[N] [I] et M. [D] [W] ne justifiaient pas de ce que le libre accès et la possibilité de prendre copie des pièces sollicitées leur aient été refusés, a considéré qu’ils ne démontraient pas le caractère manifestement illicite du trouble qu’ils alléguaient subir.
Les conclusions de Mme [N] [I] et M. [D] [W] en cause d’appel reproduisent leur considérations de première instance sur le principe et les modalités du droit à communication des documents sociaux et les manquements allégués de l’intimée en la matière et en ce qui concerne plus généralement la gestion de l’entreprise, mais ne comportent aucune critique de la décision entreprise ni ne précisent en quoi l’absence de communication des documents qu’ils réclament, et dont la cour observe qu’ils excèdent l’obligation de communication prévue par l’article 1855 du code civil, constituerait un trouble manifestement illicite.
Il y a donc lieu, l’examen des dossiers des parties confirmant l’analyse du premier juge et le bien-fondé de sa motivation, de confirmer l’ordonnance.
Il appartient en outre aux appelants, parties perdantes, de supporter la charge des dépens, conformément à l’article 696 du code de procédure civile, et il est équitable qu’en application de l’article 700 du même code, ils indemnisent l’intimée de ses autres frais.
PAR CES MOTIFS
La cour
confirme l’ordonnance entreprise,
condamne Mme [N] [I] et M. [D] [W] aux dépens ainsi qu’à payer à la SCI [W] la somme de 2 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le greffier
Delphine Verhaeghe
Le président
Bruno Poupet