Parts sociales : décision du 8 février 2024 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/15733

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Parts sociales : décision du 8 février 2024 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/15733
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT

DU 08 FEVRIER 2024

N° 2024/ 18

Rôle N° RG 22/15733 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BKMNB

[R] [E]

C/

[G] [E]

S.C.I. LES MARRONIERS

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Roselyne SIMON-THIBAUD

Me Marie-adélaide BOIRON

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 15 Novembre 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/04295.

APPELANTE

Madame [R] [E]

née le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 6] (13), demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Cyril PRIEUR, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

INTIMES

Monsieur [G] [E]

né le [Date naissance 3] 1959 à [Localité 6] (13), demeurant [Adresse 4]

représenté et assistée Me Marie-adélaide BOIRON, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

S.C.I. LES MARRONIERS représentée par son gérant en exercice M. [G] [E], dont le siège social est sis [Adresse 5]

représentée et assistée de Me Marie-adélaide BOIRON, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 12 Décembre 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Laétitia VIGNON, Conseiller a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Février 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Février 2024,

Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 18 octobre 1991, M. [G] [E], M. [N] [E] et Mme [R] [E] ont constitué la société civile immobilière dénommée Les Marronniers, au capital social de 1.000 francs divisé en 100 parts sociales de 10 francs chacune.

A la création, la répartition du capital social était la suivante:

– M. [G] [E]: 40 parts,

– M. [N] [E]: 40 parts,

– Mme [R] [E]: 20 parts.

Le 13 avril 2010, M. [N] [E] a cédé la totalité de ses parts à M. [G] [E].

Par un second acte authentique du même jour, Mme [R] [E] a également cédé à M. [G] [E] 10 parts sociales sur les 20 qu’elle détenait.

A la suite de ces cessions, la répartition des parts sociales au sein de la SCI Les Marronniers était la suivante:

– M. [G] [E]: 90 parts,

– Mme [R] [E]: 10 parts.

Le 22 juillet 2015, M. [G] [E] a fait signifier à Mme [R] [E] un acte de cession de 9 parts sociales en date du 18 avril 2015 qu’elle aurait souscrit à son profit.

Le 3 juillet 2020, Mme [R] [E] a sollicité devant le juge des référés lé désignation d’un mandataire ad’hoc. Cette demande a été rejetée par ordonnance du 5 mars 2021.

Par acte d’huissier du 29 avril 2021, Mme [R] [E] a fait assigner M. [G] [E] et la SCI Les Marronniers devant le tribunal judiciaire de Marseille aux fins notamment que soient déclarés nuls l’acte de cession du 18 avril 2015 et les procès-verbaux d’assemblée générale des 20 juin 2020, 20 juin 2018, 25 juin 2017, 20 juin 2019, 30 juin 2018 et 14 mai 2021, que soit désigné un mandataire de la SCI avec mission d’accomplir les actes de conservation et d’administration et de condamnation de M. [G] [E] au paiement d’une somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts.

Mme [R] [E] a saisi le juge de la mise en état d’un incident aux fins de :

– constater la cession de parts sous seing privé intervenue le 18 avril 2015 et la juger nulle,

– en tout état de cause juger qu’il y a lieu d’ordonner qu’il soit procédé à la vérification de la signature et désigner à cette fin, un expert graphologue avec mission habituelle en pareille matière, aux fins de comparer les signatures figurant sur les actes contestés, à savoir:

* l’acte de cession de parts sociales daté du 18 avril 2015,

* l’acte de cession de parts sociales daté du 13 avril 2010,

* le contrat de bail daté du 1er novembre 1996,

– constater la nullité des assemblées générales ordinaires qui se seraient tenues aux dates suivantes:

* 20 juin 2020 pour l’année 2019,

* 20 juin 2019 pour l’année 2018,

* 20 juin 2018 pour l’année 2017,

* 25 juin 2017 pour l’année 2016,

* 30 juin 2018 pour l’année 2015,

– constater la nullité de l’assemblée générale qui se serait tenue le 14 mai 2021 ayant modifié les statuts,

– désigner un administrateur provisoire.

Par ordonnance d’incident en date du 15 novembre 2022, le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Marseille a :

– déclaré irrecevables les demandes tendant à l’annulation d’assemblées générales,

– déclaré prescrite la demande de Mme [R] [E] tendant à l’annulation de l’acte de cession de parts du 18 avril 2015,

– débouté Mme [R] [E] de ses demandes d’expertise et de sa demande de désignation d’un administrateur ad’hoc,

– renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du mardi 3 janvier 2023 à 9heures pour les conclusions au fond de Me Prieur,

– condamné Mme [R] [E] à payer à M. [G] [E] et la SCI Les Marronniers la somme totale de 1.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Mme [R] [E] aux dépens de l’incident.

Ce magistrat a retenu que :

– les demandes tendant à l’annulation d’assemblées générales d’une SCI ne constituent aucune des mesures que le juge de la mise en état pourrait prononcer aux termes de l’article 789 du code de procédure civile et seront donc déclarées irrecevables,

– s’agissant de l’acte de cession de parts du 18 avril 2015:

* cet acte sous seing privé, argué de faux, a été signifié à Mme [R] [E] par procès-verbal de Me [P], huissier de justice, le 22 juillet 2015, dont les mentions se rapportant aux diligences accomplies font foi jusqu’à inscription de faux, procédure qui n’a pas été mise en oeuvre,

* cet acte de signification constitue le point de départ du délai de prescription quinquennale,

* l’assignation en référé du 3 juillet 2020 n’a pas interrompu le délai de prescription en ce qu’elle avait uniquement pour objet la désignation d’un mandataire ad’hoc,

* l’action introduite le 29 avril 2021 pour obtenir l’annulation de cet acte de cession et son expertise est prescrite,

– sur les autres demandes d’expertise:

* l’acte de cession de parts du 13 avril 2010 a été passé en la forme authentique et ne peut donc être remis en cause que par la voie d’une procédure d’inscription de faux et ne saurait faire l’objet d’une simple vérification d’écritures ou d’une expertise préalable,

* ni cet acte, ni le contrat de bail ne sont argués de faux dans les conclusions au fond de la demanderesse, de sorte qu’une telle mesure est inutile,

– sur la désignation d’un administrateur ad’hoc aux motifs que le fonctionnement de la société serait paralysé:

* la société est pourvue d’un gérant, par ailleurs associé majoritaire et la simple dégradation des relations entre associés est insuffisante pour justifier une telle mesure,

* les incidents de paiement ayant affectés les comptes de la SCI ont été régularisés,

* le fonctionnement de la société n’est donc pas entaché.

Par déclaration en date du 28 novembre 2022, Mme [R] [E] a interjeté appel de cette ordonnance.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées et signifiées le 25 avril 2023, Mme [R] [E] demande à la cour de :

Vu les articles 1373, 1851 et suivants, ainsi que 2224 et suivants du code civil,

Vu l’article 2022 et les articles 564 et suivants, 696 et suivants, 789 et suivants du code de procédure civile,

Vu les articles 905 et suivants du code de procédure civile,

– juger recevable l’appel interjeté par Mme [R] [E],

– réformer l’ordonnance d’incident du juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Marseille en date du 15 novembre 2022 en ce qu’elle a:

* déclaré irrecevables les demandes tendant à l’annulation d’assemblées générales,

* déclaré prescrite la demande de Mme [R] [E] tendant à l’annulation de l’acte de cession de parts du 18 avril 2015,

* débouté Mme [R] [E] de ses demandes d’expertise et de sa demande de désignation d’un administrateur ad’hoc,

* renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du mardi 3 janvier 2023 à 9heures pour les conclusions au fond de Me Prieur,

* condamné Mme [R] [E] à payer à M. [G] [E] et la SCI Les Marronniers la somme totale de 1.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

* condamné Mme [R] [E] aux dépens de l’incident,

Et statuant à nouveau,

– constater la cession de parts sous seing privé datée du 18 avril 2015 et au vu des doutes légitimes quant à sa régularité, suspendre les effets à titre conservatoire,

En tout état de cause, juger qu’il y a lieu d’ordonner qu’il soit procédé à la vérification de la signature et à cette fin, désigner tel expert graphologue qu’il plaira avec mission habituelle en pareille matière et notamment de:

– se faire remettre les documents litigieux en exemplaires originaux et en copies,

– convoquer les parties le cas échéant,

– comparer les signatures figurant sur les actes contestés à savoir:

* le faux acte de cession de parts sociales daté du 18 avril 2015,

* le faux acte de cession de parts sociales daté du 13 avril 2010,

* le faux contrat de bail daté du 1er novembre 1996,

au regard des documents de comparaison originaux remis par la requérante et comportant sa signature ainsi qu’au regard des documents comportant la signature de Mme [O] [E] et dire si les signatures litigieuses sont susceptibles d’être attribuées à Mme [R] [E] ou à défaut, si elles ont été tracées par Mme [O] [E] ou tout autre tiers,

– adresser aux conseils des parties un pré-rapport de ses constatations, ces derniers lui feront connaître leurs observations dans un délai d’un mois, observations auxquelles il devra être répondu dans le rapport définitif,

– adresser, en même temps que le dépôt au tribunal, une copie du rapport définitif aux conseils des parties,

– constater les irrégularités entachant les assemblées générales ordinaires qui se seraient tenues aux dates suivantes:

* 20 juin 2020 pour l’année 2019,

* 20 juin 2019 pour l’année 2018,

* 20 juin 2018 pour l’année 2017,

* 25 juin 2017 pour l’année 2016,

* 30 juin 2018 pour l’année 2015,

et à titre conservatoire, en suspendre les effets,

– constater les irrégularités entachant l’assemblée générale qui se serait tenue le 14 mai 2021 ayant modifié les statuts et, à titre conservatoire, en suspendre les effets,

– désigner tel administrateur provisoire avec pour mission notamment de:

* se faire remettre les livres et les documents sociaux pour les années 2015 à 2021,

* se faire remettre les délibérations et les procès-verbaux d’assemblées générales pour les années 2015 à 2021,

* se faire remettre les originaux et les copies des cessions de parts intervenus entre associés,

* établir les rapports qui devraient normalement être dressés par le gérant pour chacun d’eux,

– réunir l’assemblée générale ordinaire devant approuver les comptes pour elsdites années et affecter les résultats,

* exercer une mission de gestion et d’administration courante de la société,

– juger que le montant de la consignation nécessaire à la mise en place de cette mission sera à la charge de M. [G] [E],

– condamner M. [G] [E], outre aux entiers dépens, à payer à Mme [R] [E] la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– entendre ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Elle soutient que son action n’est pas prescrite en observant que :

– la signification de l’acte de cession dont se prévalent les intimés serait intervenue le 22 juillet 2015 et par assignation du 3 juillet 2020, elle a saisi la juridiction des référés, de sorte qu’aucune prescription ne peut lui être opposée,

– elle ne soutient pas que l’acte d’huissier du 22 juillet 2015 serait un faux mais elle conteste les effets juridiques et notamment l’opposabilité qu’entendent attacher à cet acte les défendeurs,

– la signification d’un acte au cédant est inutile en ce que ledit cédant est réputé avoir signé la cession,

– l’acte de signification ne comporte pas l’acte de cession daté du 18 avril 2015 et mentionne qu’il aurait été remis à personne, alors que l’huissier n’a entrepris aucune diligence en vue de s’assurer de l’identité de la personne à laquelle il a remis en mains propres son acte en ce qu’il n’a pas sollicité la remise d’un titre d’identité et n’a pas attesté avoir corroboré cette identité avec d’autres diligences,

– en tout état de cause, si la cour venait à considérer que son action en nullité de l’acte de cession de parts sociales du 18 avril 2015 est prescrite, elle ne pourra que constater que sa signature a été imitée ou reproduite pour les besoins de la cause, ce qui est de nature à entacher d’irrégularités les assemblées générales de la SCI postérieures à cette prétendue cession,

– aucune prescription ne peut lui être opposée quant à son action tendant à voir juger nulles et de nul effet les assemblées générales qui se sont tenues postérieurement dès lors qu’elle n’en a eu connaissance qu’à l’occasion des débats devant le juge de la mise en état.

Elle demande à la cour de suspendre les effets à titre conservatoire tant de cet acte de cession que des assemblées générales litigieuses et soutient qu’il ne s’agit pas d’une demande nouvelle en cause d’appel, en ce que la demande de nullité formulée en première instance et celle de suspension à titre conservatoire sont formulées au visa de moyens identiques et que ces deux demandes tendent aux mêmes fins.

Elle précise qu’elle est constante en appel, en ce qu’elle demande toujours à la cour de priver d’effet cet acte de cession ainsi que les décisions prises lors de ces assemblées générales. Elle ajoute que le juge de la mise en état n’est pas compétent pour juger nulle une décision d’assemblée générale d’une SCI, de sorte qu’elle sollicite la suspension à titre conservatoire des effets de ces assemblées.

S’agissant de sa demande de procéder aux vérifications des signatures déniées, elle fait valoir que :

– il convient d’émettre les plus vives réserves quant au rapport d’expertise versé aux débats par les intimés, l’expert ayant été missionné uniquement par eux, sans qu’elle ne soit convoquée, de sorte qu’elle n’a pas reproduit sur papier libre sa signature devant l’expert,

– sur le faux acte de cession de parts sociales daté du 18 avril 2015:

* elle conteste être signataire de cet acte sous seing privé en vertu duquel elle aurait cédé 9 parts sociales,

* elle a déposé plainte le 9 mars 2020 contre M. [G] [E], l’enquête étant toujours en cours,

* en cas de désaveu de l’écriture ou de la signature, la vérification doit être ordonnée ou opérée d’office par le juge,

– sur le faux acte de cession de parts sociales daté du 13 avril 2010:

* elle dénie également la signature qui lui est attribuée dans l’acte notarié litigieux,

* elle a découvert au cours de l’année 2018 et a porté plainte de ce chef,

– sur la faux contrat de bail du 1er novembre 1996:

* elle conteste également sa signature et elle sollicite que la signature apposée sur ce contrat produit pour la première fois le 23 novembre 2021 à la faveur d’une procédure de référé montée de toutes pièces par la SCI Les Marronniers en résiliation-expulsion à son encontre, soit vérifiée,

M. [G] [E] et la SCI Les Marronniers, suivant leurs dernières conclusions signifiées le 23 mai 2023, demandent à la cour de :

Vu l’article 564 du code de procédure civile,

– déclarer irrecevable la demande de Mme [R] [E] portant sur la suspension des effets de l’acte sous seing privé de cession du 18 avril 2015, des assemblées générales d’approbation des comptes de la SCI Les Marronniers des 25 juin 2017, 30 juin 2018, 20 juin 2018, 20 juin 2019 et 20 juin 2020,

– confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance d’incident rendue le 15 novembre 2022 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Marseille,

Ce faisant,

Vu l’article 789 du code de procédure civile,

Vu le rapport d’expertise de Mme [V] [M] [Y] du 14 avril 2022,

Vu le rapport d’expertise complémentaire de Mme [V] [M] [Y] du 22 juin 2022,

Vu l’article 2224 du code civil,

– débouter Mme [R] [E] de sa demande d’expertise graphologique,

Vu les articles 303 et suivants du code de procédure civile,

– juger que le juge de la mise en état est incompétent pour ordonner une expertise graphologique de l’acte authentique de cession de parts du 13 avril 2010 reçu aux minutes de Me [K] [B], notaire, associé de la SCP [K] [B]- Jean Coulomb, titulaire d’un office notarial à [Adresse 7],

– juger que le juge de la mise en état est incompétent pour statuer sur les demandes de Mme [R] [E] portant sur la nullité des assemblées générales ordinaires, sur la désignation d’un administrateur judiciaire et sur la révocation de M. [G] [E] de ses fonctions de gérant de la SCI Les Marronniers,

– juger prescrite l’action diligentée par assignation du 18 avril 2021 à la demande de Mme [R] [E] en nullité de l’acte de cession de cession des parts sociales sous seing privé du 18 avril 2015 et des procès-verbaux d’assemblées générales extraordinaires des 2 février et 18 avril 2015 de la SCI Les Marronniers,

Vu l’article 789 du code de procédure civile,

– débouter Mme [R] [E] de ses plus amples demandes,

A titre subsidiaire,

– en cas de désignation d’un expert graphologue, juger que la consignation sera à la charge de Mme [R] [E],

– condamner Mme [R] [E] au paiement de la somme de 1.500 € au profit de M. [G] [E] et à la somme de 1.500 € au profit de la SCI Les Marronniers au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [R] [E] aux entiers dépens.

Ils s’opposent à la demande de Mme [R] [E] aux fins de suspension des effets de l’acte de cession du 18 avril 2015 et des assemblées générales concernées en ce que :

– il s’agit d’une demande nouvelle en cause d’appel au sens des articles 564 à 567 du code de procédure civile, comme ne tendant pas aux mêmes fins et comme n’étant ni l’accessoire, la conséquence ou le complément des demandes formées en première instance dans le cadre des conclusions d’incident,

– l’acte de cession du 18 avril 2015 n’est plus attaquable, toute action visant à le remettre en cause étant prescrite au visa de l’article 2224 du code civil.

Ils sollicitent, à cet égard, la confirmation de l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a retenu que l’action de l’appelante portant sur la nullité de l’acte de cession était prescrite dès lors qu’il est établi que M. [G] [E] lui a signifié l’acte de cession litigieux le 22 juillet 2015, signification qui a été faite à personne, date qui constitue le point de départ de la prescription de son action en nullité, de sorte que l’assignation diligentée le 29 avril 2021 est prescrite, l’assignation en référé n’ayant pas interrompu la prescription en ce qu’elle portait sur un tout autre objet.

Ils concluent au rejet de la demande de désignation d’un expert graphologue aux motifs que:

– la demande de vérification de signature de l’acte authentique du 13 avril 2010 ne peut qu’être rejetée, les actes authentiques ne pouvant soumis qu’à la procédure d’inscription de faux,

– la demande de vérification de signature de l’acte de cession de parts du 18 avril 2015 est prescrite,

– la demande relative à la vérification du bail d’habitation du 1er novembre 2016 ne peut qu’être rejetée au regard des conclusions de l’expert qu’ils ont mandaté et qui conclut que la signature apposée sur ce document est bien celle de l’appelante,

– cette demande est également inutile en ce que cette dernière a été à même de discuter des conclusions du rapport de Mme [M] [Y], étant précisé que la mise en cause de Mme [O] [E], qui n’est pas partie à la procédure, n’est pas possible.

Ils sollicitent également la confirmation de l’ordonnance querellée en ce qu’elle a considéré que la demande de nullité des assemblées générales n’entrait pas dans les compétences du juge de la mise en état et en ce qu’elle a rejeté la demande de désignation d’un administrateur ad’hoc, les conditions pour y procéder n’étant pas réunies.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 30 mai 2023.

MOTIFS

Sur l’acte de cession de parts du 18 avril 2015

Cet acte sous seing privé est argué de faux par Mme [R] [E] qui en réclame l’annulation et/ ou la suspension des effets ainsi qu’une expertise graphologique aux fins notamment de vérifier sa signature.

M. [G] [E] et la SCI Les Marronniers lui opposent la prescription de son action au titre de cet acte, sollicitant la confirmation du jugement entrepris sur ce point.

En vertu de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

En l’espèce, l’acte de cession de parts du 18 avril 2015 a été signifié à l’appelante, à l’initiative de M. [G] [E], par acte extra-judiciaire du 22 juillet 2015.

Le procès-verbal dressé par Me [P], huissier de justice, relate que ‘ Nous vous remettons ci-joint copie de l’acte sous seing privé en date du 18 avril 2015 enregistré au SIE [Localité 8]/[Localité 1] le 18 mai 2015, bordereau n° 2015/442, cas n° 14, par lequel vous cédez au requérant 9 parts sociales de la SCI Les Marronniers sur les 10 parts vous appartenant moyennant le prix de 9.000 € et qui mentionne que ledit acte a été remis à la personne de son destinataire qui est présente.

Il convient de rappeler que les constatations de l’huissier font foi jusqu’à inscription de faux, qu’une telle procédure n’a pas été diligentée, de sorte que les mentions qu’il a portées dans l’acte de signification quant à sa date et aux diligences qu’il a personnellement accomplies, et notamment qu’il s’est présenté le 22 juillet 2015 au domicile de Mme [R] [E] qui était présente et à qui il a remis une copie de l’acte de cession de parts du 18 avril 2015, ne peuvent être utilement contestées.

Par conséquent, le point de départ du délai de prescription quinquennale doit être fixé au 22 juillet 2015, date à laquelle Mme [R] [E] a nécessairement eu connaissance des faits lui permettant d’exercer son action.

Or, elle n’a introduit la présente instance de nullité de l’acte de cession du 18 avril 2015 que par exploit du 29 avril 2021, soit plus de cinq après.

Elle ne peut utilement soutenir avoir interrompu le délai de prescription par son assignation du 3 juillet 2020 devant le juge des référés, en ce que ladite assignation avait uniquement pour objet la désignation d’un mandataire ad’hoc de la SCI Les Marronniers et ne comportait aucune demande relative à la nullité de l’acte du 18 avril 2015 ou à l’instauration d’une mesure d’expertise.

De surcroît sa demande a été rejetée par ordonnance de référé du 5 mars 2021, de sorte que l’interruption est, en tout état de cause, non avenue, en application de l’article 2243 du code civil.

L’action introduite le 29 avril 2021 par Mme [R] [E] aux fins d’obtenir la nullité de l’acte du 18 avril 2015 et/ ou la suspension des effets de cet acte ainsi que de désignation d’un expert aux fins de vérifier la signature qui y est apposée, est prescrite.

Sur les autres demandes d’expertise

Mme [R] [E] sollicite également la désignation d’un expert graphologue aux fins d’examen de la signature figurant sur les actes suivants :

– l’acte authentique de cession de parts sociales du 13 avril 2010,

– le bail d’habitation du 1er novembre 2016.

Sur le premier point, il n’est pas contesté que l’acte du 13 avril 2010 a été passé en la forme authentique.

Conformément à l’article 1319 ancien du code civil, l’acte authentique fait pleine foi de la convention qu’il renferme entre les parties contractantes et leurs héritiers ou ayants cause. Néanmoins en cas de plaintes en faux principal, l’exécution de cet acte argué de faux sera suspendue par la mise en accusation; et, en cas d’inscription de faux faite incidemment, les tribunaux pourront, suivant les circonstances, suspendre provisoirement l’exécution de l’acte.

En d’autres termes, l’acte de cession du 13 avril 2010 ne peut être remis en cause que par la voie d’une procédure d’inscription de faux et une expertise sur l’authenticité de la signature apposée sur cet acte, qui a pour effet de mettre en cause la force probante de cet acte authentique, ne peut pas être ordonnée, même préalablement à une procédure d’inscription de faux, procédure d’ordre public et exclusive de toute autre voie judiciaire.

Il est également sollicité une expertise d’un bail d’habitation en date du 1er novembre 1996 entre la SCI Les Marronniers et l’appelante, portant sur une maison située à [Adresse 4].

Or, l’instance introduite par Mme [R] [E] et objet de l’appel a pour objet d’une part, de remettre en cause l’acte de cession de parts sociales du 18 avril 2015 ainsi que les assemblées générales tenues par la SCI Les Marronniers depuis 2016 et d’obtenir la désignation d’un mandataire ad’hoc pour cette société.

Le bail d’habitation en date du 1er novembre 1996 et argué de faux par l’appelante n’a rien à voir avec le présent litige et concerne, ainsi qu’il en ressort de ses propres conclusions devant la cour, une autre procédure pendante devant le juge des référés suite à une assignation qui lui a été délivrée 23 novembre 2021.

Une mesure d’expertise graphologique de cet acte ne présente donc, dans le cadre de la présente instance, aucune utilité.

Sur la demande de suspension des assemblées générales de la SCI Les Marronniers

Mme [R] [E] demande à la cour de suspendre, à titre conservatoire, les effets des assemblées générales tenues par la SCI Les Marronniers entre 2015 et 2021.

Elle se prévaut des dispositions de l’article 789 4° du code de procédure civile qui donnent compétence au juge de la mise en état pour ordonner toutes mesures provisoires, même conservatoires, à l’exception des saisies conservatoires, des hypothèques et des nantissements provisoires.

Les intimés considèrent qu’une telle demande irrecevable comme étant nouvelle en cause d’appel.

L’appelante ne partage pas cette analyse et estime qu’elle tend aux mêmes fins que la demande de nullité qu’elle avait présentée devant le juge de la mise en état.

En vertu de l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer la compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

L’article 565 du même code précise que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

Or, une mesure provisoire est une mesure d’urgence qui visent à geler une situation conflictuelle dans l’attente qu’il soit statué sur le fond du litige. Une telle mesure n’a donc pas vocation à s’appliquer définitivement, de sorte qu’il ne peut être prétendu qu’une demande de nullité de l’assemblée générale qui a pour effet de la mettre à néant de manière rétroactive tend aux mêmes fins qu’une demande de suspension, qui s’applique pour l’avenir et laisse subsister l’assemblée générale.

La demande de suspension des assemblées générales est donc bien une demande nouvelle en cause d’appel au sens des articles 564 et suivants du code de procédure civile, qui doit être déclarée irrecevable.

Sur la demande de désignation d’un administrateur ad’hoc

Mme [R] [E] demande également à la cour d’infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle l’a déboutée de sa demande d’un administrateur ad’hoc pour la SCI Les Marronniers.

Toutefois, dans ses conclusions en cause d’appel, elle n’apporte aucune critique et ne développe aucun moyen au soutien d’une telle demande, alors que le premier juge a, par des motifs pertinents que la cour adopte, à juste titre, rejeté cette demande, en l’absence de démonstration d’une quelconque paralysie du fonctionnement de la société.

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

Vu l’article 696 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,

Confirme l’ordonnance du juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Marseille déférée en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déclare irrecevable la demande de Mme [R] [E] portant sur la suspension des effets des assemblées générales d’approbation des comptes de la SCI Les Marronniers des 25 juin 2017, 30 juin 2018, 20 juin 2018, 20 juin 2019, 20 juin 2020 et 14 mai 2021,

Condamne Mme [R] [E] à payer à M. [G] [E] et la SCI Les Marronniers la somme totale de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,

Condamne Mme [R] [E] aux dépens de la procédure d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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