Parts sociales : décision du 11 mai 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/01944

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Parts sociales : décision du 11 mai 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/01944
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COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 11/05/2023

Me Malika DAOUD

la SELARL CASADEI-JUNG

ARRÊT du : 11 MAI 2023

N° : 87 – 23

N° RG 21/01944

N° Portalis DBVN-V-B7F-GM3J

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce d’ORLEANS en date du 16 Avril 2021

PARTIES EN CAUSE

APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265270014809505

Monsieur [K] [D]

né le [Date naissance 5] 1960 à [Localité 6] ([Localité 6])

[Adresse 4]

[Localité 6]

Madame [U] [J]

née le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 9] ([Localité 9])

[Adresse 4]

[Localité 6]

Ayants pour avocat Me Malika DAOUD, avocat au barreau d’ORLEANS

D’UNE PART

INTIMÉE : – Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265267886723789

Société CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE SAINT FLOUR

[Adresse 2]

[Localité 3]

Ayant pour avocat postulant Me Emmanuel POTIER, membre de la SELARL CASADEI-JUNG, avocat au barreau d’ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Marie-Anne MOINS membre de la SCP MOINS, avocat au barreau d’AURILLAC

DÉCLARATION D’APPEL en date du : 08 Juillet 2021

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 09 mars 2023

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l’audience publique du JEUDI 23 MARS 2023, à 14 heures, Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, en charge du rapport, et Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l’article 805 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel D’ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, et Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :

Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS,

Madame Fanny CHENOT, Conseiller,

Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 11 MAI 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE :

La Caisse de crédit mutuel de Saint Flour (le Crédit mutuel) a consenti deux prêts à la SARL MT-Bouniol, qui exploitait un fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie.

Selon acte sous signature privée du 5 avril 2011, le Crédit mutuel a consenti à la SARL MT-Bouniol, alors en formation, un prêt professionnel n° 0624505923102 destiné à financer l’acquisition d’un fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie d’un montant de 250 000 euros, remboursable en 84 mensualités avec intérêts au taux nominal de 2,70 % l’an stipulé révisable.

Par actes sous signatures privées du même jour, Mme [U] [J], associée fondatrice et gérante de la société MT-Bouniol, s’est rendue caution solidaire des engagements souscrits par ladite société, dans la limite de 30 000 euros, et M. [K] [D], associé fondateur et majoritaire de la société MT-Bouniol, s’est porté caution solidaire à hauteur de la somme de 228 000 euros- chacune des cautions s’étant engagée pour une durée de 108 mois.

Suivant acte sous signature privée du 1er juillet 2011, le Crédit mutuel a par ailleurs accordé à la société MT-Bouniol, représentée par sa gérante Mme [U] [J], un prêt professionnel n° 0624505923101 destiné à financer l’acquisition de matériel, d’un montant de 14 335 euros, remboursable en 60 mois avec intérêts au taux nominal de 3,05 % l’an.

Le remboursement de ce second prêt a été garanti par le cautionnement solidaire de M. [K] [D], donné le même jour à hauteur de 17 202 euros et pour une durée de 84 mois.

Par jugement du 3 décembre 2015, le tribunal de commerce d’Aurillac a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société MT-Bouniol.

Par courrier recommandé du 5 février 2016, le crédit mutuel a déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire, dont 91 692,23 euros à échoir et à titre privilégié au titre du premier prêt, 1 787,00 euros à échoir au titre du second prêt, outre les intérêts.

Par jugement du 6 décembre 2016, le tribunal de commerce d’Aurillac a converti la procédure de redressement en liquidation judiciaire.

Par courrier recommandé du 8 mars 2017, le crédit mutuel a actualisé sa créance en déclarant au passif de la liquidation judiciaire de la société MT-Bouniol une créance échue de 101 158,44 euros, outre intérêts au taux de 4,384 %, au titre du premier prêt, puis une créance échue de 2 060,98 euros, outre intérêts au taux de 6,050 % au titre du second prêt.

Par courrier du 7 mars 2017, adressé sous pli recommandé réceptionné le 17 mars suivant, le crédit mutuel a mis en demeure M. [D] de lui régler, en sa qualité de caution, la somme de 101 158,44 euros au titre du prêt n° 0624505923102 et celle de 2 060,98 euros pour le prêt n° 0624505923101.

Par courrier recommandé du même jour, réceptionné le 27 mars suivant, le crédit mutuel a mis en demeure Mme [J] de lui régler la somme 30 000 euros au titre du prêt n° 0624505923102.

Par actes du 9 novembre 2018, le crédit mutuel a fait assigner Mme [J] et M. [D] en paiement devant le tribunal de commerce d’Orléans.

Par jugement du 16 avril 2021 assorti de l’exécution provisoire, en retenant, d’une part que les actes de cautionnement étaient valables en ce qu’ils comportaient, écrite de chacune des cautions, la mention prescrite par l’article L. 331-1 [ancien] du code de la consommation ; d’autre part que le crédit mutuel justifiait avoir régulièrement déclaré ses créances au passif de la liquidation judiciaire de la débitrice principale, le tribunal a :

– dit [que] les actes de cautionnement solidaires accessoires aux prêts n° 0624505923102 et n° 0624505923101 sont valables,

– condamné Mme [U] [J] à payer au titre du prêt n°0624505923102 à la Caisse de crédit Mutuel de Saint Flour la somme de 12 139,00 euros, outre intérêts au taux de 2,72 % à compter du 7 mars 2017,

– condamné M. [K] [D] à payer au titre du prêt n°0624505923102 à la Caisse de crédit Mutuel de Saint Flour la somme de 89 019,44 euros, outre intérêts au taux de 2,72 % à compter du 7 mars 2017,

– condamné M. [K] [D] à payer au titre du prêt n°0624505923101 à la Caisse de crédit Mutuel de Saint Flour la somme de 2 060,98 euros, outre intérêts au taux de 3,26 % à compter du 7 mars 2017,

– condamné in solidum Mme [U] [J] et M. [K] [D] à payer à la Caisse de crédit Mutuel de Saint Flour la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné in solidum Mme [U] [J] et M. [K] [D] aux entiers dépens y compris les frais de greffe liquidés à la somme de 95,66 euros.

M. [D] et Mme [J] ont relevé appel de cette décision par déclaration en date du 8 juillet 2021, en critiquant expressément toutes ses dispositions.

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 29 mars 2022, M. [D] et Mme [J] demandent à la cour, au visa des articles 455 et 458 du code de procédure civile, L. 333-1 et suivants, 343-1 et suivants du code de la consommation, L. 313-22 du code monétaire et financier, 1231-1, 1231-5, 1343-5, 1353, 2293 et 2314 du code civil, de :

– déclarer M. [K] [D] et Mme [U] [J] recevables et bien fondés en leur appel,

Et, y faisant droit,

– déclarer que le jugement du tribunal de commerce d’Orléans du 16 avril 2021 (RG n° 2018006665) n’est pas motivé,

En conséquence,

– prononcer la nullité du jugement du tribunal de commerce d’Orléans du 16 avril 2021 (RG n° 2018006665),

– à défaut, réformer le jugement tribunal de commerce d’Orléans du 16 avril 2021 (RG n° 2018006665) en toutes ses dispositions,

Et, statuant à nouveau,

A titre principal,

– déclarer nul et de nul effet l’acte de cautionnement de M. [D] en date du 5 avril 2011,

– déclarer nul et de nul effet l’acte de cautionnement de Mme [J] en date du 5 avril 2011,

– déclarer nul et de nul effet l’acte de cautionnement de M. [D] en date du 1er juillet 2011,

En conséquence,

– débouter le Crédit mutuel de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions dirigées à l’encontre de M. [K] [D] et Mme [U] [J],

A titre subsidiaire,

– déclarer que les cautionnements souscrits par M. [K] [D] les 5 avril 2011 et 1er juillet 2011 sont disproportionnés à ses biens et revenus au moment de leur conclusion,

– déclarer que le cautionnement souscrit par Mme [U] [J] le 5 avril 2011 est disproportionné à ses biens et revenus au moment de sa conclusion,

En conséquence,

– déclarer que la Caisse de crédit mutuel de Saint Flour ne peut s’en prévaloir et la débouter de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l’encontre de M. [K] [D] et Mme [U] [J],

A titre plus subsidiaire,

– prononcer la déchéance de la Caisse de crédit mutuel de Saint Flour de son droit aux intérêts, commissions, frais et accessoires et en tirer toutes conséquences de droit,

– prononcer la décharge de M. [K] [D] et Mme [U] [J] de leur engagement à hauteur du produit de la vente du fonds de commerce intervenue dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la société MT-Bouniol,

– prononcer la décharge de M. [K] [D] et Mme [U] [J] de leur engagement à hauteur de la somme de 9 935,88 euros correspondant à la différence des montants déclarés dans le cadre des procédures collectives de la débitrice principale,

– prendre acte de l’aveu judiciaire effectué par la Caisse de crédit mutuel de Saint Flour quant au quantum de sa créance et déclarer, en conséquence, que la créance de la Caisse de crédit mutuel de Saint Flour ne saurait être supérieure à la somme de 37 725,31 euros, sous réserve toutefois de la déduction du produit de la vente du fonds de commerce intervenue dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la société MT-Bouniol,

– débouter la Caisse de crédit mutuel de Saint Flour de ses demandes plus amples ou contraires. A titre infiniment subsidiaire,

– déduire des sommes qui seraient dues par M. [K] [D] et Mme [U] [J] en leur qualité de caution celle de 21 270,72 euros au titre des intérêts déchus et pénalités appliquée,

– prononcer la décharge de la caution pour le montant du prix de cession du fonds de commerce intervenue dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la société MT-Bouniol,

– prononcer la décharge de M. [K] [D] et Mme [U] [J] de leur engagement à hauteur de la somme de 9 935,88 euros correspondant à la différence des montants déclarés dans le cadre des procédures collectives de la débitrice principale,

– débouter la Caisse de Crédit Mutuel de Saint Flour de ses demandes plus amples ou contraires,

Reconventionnellement,

– condamner la Caisse de crédit mutuel de Saint Flour à payer à M. [K] [D] et Mme [U] [J] une indemnité égale au montant des sommes sollicitées au titre du cautionnement à titre de dommages et intérêts pour inexécution de son devoir de mise en garde et/ou pour avoir accordé un crédit excessif à la débitrice principale,

– ordonner la compensation de ces sommes avec le montant des éventuelles condamnations qui seraient prononcées à leur encontre au profit de la Caisse de crédit mutuel de Saint Flour,

En tout état de cause,

– déclarer la Caisse de crédit Mutuel de Saint Flour mal fondée en son appel incident et l’en débouter.

– condamner la Caisse de crédit Mutuel de Saint Flour à payer à M. [K] [D] et Mme [U] [J] la somme de 4 000 euros, chacun, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la Caisse de crédit Mutuel de Saint Flour aux entiers dépens de première instance et d’appel,

– débouter la Caisse de crédit Mutuel de Saint Flour de toutes autres demandes, fins ou conclusions plus amples ou contraires.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 2 mars 2023, le Crédit mutuel demande à la cour, au visa des articles 1103 et 2288 et suivants du code civil, avant la réforme du 1er octobre 2016, de :

Rejetant toutes fins, moyens ou conclusions contraires,

– débouter Mme [U] [J] et M. [K] [D] de toutes leurs demandes, fins et conclusions contraires aux présentes,

– déclarer la Caisse de crédit mutuel de Saint Flour recevable et bien fondée en son appel incident du jugement rendu par le tribunal de commerce d’Orléans du 16 avril 2021 en ce qu’il a :

* condamné Mme [U] [J] à payer au titre du prêt n°0624505923102 à la Caisse de Crédit Mutuel de Saint Flour la somme de 12 139,00 euros, outre intérêts au taux de 2,72 % à compter du 7 mars 2017,

* condamné M. [K] [D] à payer au titre du prêt n°0624505923102 à la Caisse de Crédit Mutuel de Saint Flour la somme de 89 019,44 euros, outre intérêts au taux de 2,72 % à compter du 7 mars 2017,

* condamné M. [K] [D] à payer au titre du prêt n°0624505923101 à la Caisse de Crédit Mutuel de Saint Flour la somme de 2 060,98 euros, outre intérêts au taux de 3,26 % à compter du 7 mars 2017,

En conséquence, réformant la décision précitée, et statuant à nouveau :

– condamner Mme [U] [J] à payer à la Caisse de crédit mutuel de Saint Flour la somme de 30 000 euros au titre du prêt de 250 000 euros n°0624 5059231 02,

– condamner M. [K] [D] à payer à la Caisse de crédit mutuel de Saint Flour la somme de 101 158,44 euros avec intérêts au taux contractuel du 6 décembre 2016 au jour du règlement intégral au titre du prêt de 250 000 euros n°0624 5059231 02,

– condamner M. [K] [D] à payer à la Caisse de crédit mutuel de Saint Flour la somme de 2 060,98 euros avec intérêts au taux contractuel du 6 décembre 2016 au jour du règlement intégral au titre du prêt n°0621 5059231 01 d’un montant de 14 335 euros,

Y ajouter,

– confirmer le jugement dont appel en toutes ses autres dispositions,

– confirmer la décision entreprise en ce qui concerne l’allocation d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de condamnation aux dépens de première instance,

– condamner in solidum Mme [U] [J] et M. [K] [D] à payer à la Caisse de crédit mutuel de Saint Flour la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner in solidum Mme [U] [J] et M. [K] [D] aux entiers dépens dont droit de recouvrement au profit de la Selarl Casadei Jung.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 9 mars 2023, pour l’affaire être plaidée le 23 mars suivant et mise en délibéré à ce jour.

A l’audience, la cour a demandé au Crédit mutuel de bien vouloir produire sous quinzaine, à toutes fins utiles, un décompte de chacune de ses deux créances exempt d’intérêts à compter du 31 mars 2012 et imputant l’intégralité des règlements de la débitrice principale sur le capital, puis a autorisé les appelants à présenter leurs observations sur ces décomptes, au moyen d’une note en délibéré à communiquer contradictoirement dans les huit jours de la production des décomptes.

Le 5 avril 2023, le Crédit mutuel a communiqué par voie électronique les décomptes de chacune de ses créances arrêtés au 4 avril 2023 et, par deux notes pareillement transmises par voie électronique le 13 et le 25 avril suivant, M. [D] et Mme [J] ont formulé leurs observations sur ces décomptes.

SUR CE, LA COUR :

Sur la demande de nullité du jugement déféré :

Il résulte des articles 455 et 458 du code de procédure civile que, à peine de nullité, le jugement doit être motivé.

En l’espèce, les appelants se bornent à affirmer, au soutien de leur demande de nullité, « que le jugement déféré ne comporte aucune motivation s’agissant de “la demande de nullité de vice de consentement” présentée en première instance par les appelants, pas plus qu’il n’en comporte sur le reste des moyens de défense et des demandes qui ont été présentées par ces derniers et dont il est pourtant fait rappel dans le jugement ».

Les premiers juges ont écarté la demande de nullité des actes de cautionnement en retenant que dès lors que ces actes avaient été signés par M. [D] et Mme [J], et que ceux-ci y avaient reporté les mentions prévues à l’article L. 331-1 ancien du code de la consommation, ils étaient valables.

Le jugement contient donc une motivation qui, bien que succincte, satisfait aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile.

Pour le reste, s’il résulte de la lecture des conclusions auxquelles Mme [J] et M. [D] s’étaient référés lors de l’audience devant les premiers juges, telles qu’elles ont été rapportées dans la décision déférée, que les premiers juges ont omis de statuer sur certaines prétentions de Mme [J] et M. [D], notamment sur leurs demandes de décharge tirées de l’allégation d’une disproportion de leurs engagements de caution à leurs biens et revenus, de la perte du bénéfice de

subrogation, ou encore sur leur demande de déchéance du droit aux intérêts, ces omissions ne sont pas de nature à entraîner la nullité du jugement entrepris.

En application des dispositions combinées des articles 463 et 561 du code de procédure civile, il appartient en effet à la cour, en raison de l’effet dévolutif et dès lors que l’appel n’a pas été exclusivement formé pour réparer ces omissions, de les réparer, en statuant sur les demandes en cause, sur lesquelles les parties se sont contradictoirement expliquées.

La demande de nullité du jugement sera dès lors rejetée.

Sur le fond :

– sur l’exception de nullité des engagements de caution

Au soutien de leur demande de nullité, M. [D] et Mme [J] soutiennent n’avoir pas pris conscience de la nature et de la portée de leurs engagements, souscrits sous la menace économique, et sans conseil préalable du Crédit mutuel. Ils assurent que cette menace économique et l’absence de diligences informatives du Crédit mutuel les ont induits en erreur, et que cette erreur sur la nature de leurs engagements, qui a vicié leur consentement, justifie l’annulation des actes de caution litigieux.

Le banquier dispensateur de crédit, tenu d’un devoir de non ingérence dans les affaires de sa clientèle, n’est redevable d’aucune obligation de conseil à l’égard de la caution.

Les appelants ne produisent aucune offre de preuve de la menace économique sous laquelle ils prétendent avoir contracté, sur la nature de laquelle ils ne s’expliquent d’ailleurs pas.

Les actes de cautionnement que chacun de M. [D] et Mme [J] ont signés sont rédigés en des termes clairs et précis, et revêtus des mentions manuscrites exigées en la matière.

Les appelants ne contestent pas avoir eux-mêmes reproduit ces mentions qui étaient précisément destinées à leur faire prendre conscience de l’importance, la nature et la portée de leurs engagements, et les productions établissent sans doute possible qu’ils n’ont pu ne pas comprendre le sens de leurs engagements.

Dans le dossier qu’il avait remis le 18 janvier 2011 au Crédit mutuel au soutien de sa demande de financement, M. [D] se présente en effet comme titulaire d’un DEUG de droit, indique avoir été successivement directeur de magasins Norauto, Toys’r Us et Interdiscount, de 1985 à 1996, puis chef d’une entreprise artisanale de boulangerie pâtisserie employant 11 salariés de 1997 à 1990. Il explique par ailleurs, dans ce dossier de présentation, que sa compagne, Mme [J], travaille avec lui en tant que responsable de la boutique de boulangerie depuis 1997.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, M. [D] et Mme [J], qui ne démontrent pas avoir commis une erreur sur la substance de leurs engagements respectifs, seront déboutés, par confirmation du jugement entrepris, de leur demande d’annulation des actes de cautionnement litigieux.

– sur les demandes de décharge tirées d’une disproportion des engagements aux biens et revenus des cautions

Selon l’article L. 341-4 du code de la consommation, devenu l’article L. 332-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à son abrogation issue de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Au sens de ces dispositions, qui bénéficient tant aux cautions profanes qu’aux cautions averties, la disproportion s’apprécie à la date de conclusion du contrat de cautionnement au regard du montant de l’engagement ainsi souscrit et des biens et revenus de la caution, en prenant en considération son endettement global, y compris celui résultant d’autres engagements de caution, dès lors que le créancier avait ou pouvait avoir connaissance de cet endettement.

C’est à la caution qui se prévaut des dispositions de l’article L. 332-1 de rapporter la preuve de la disproportion qu’elle invoque.

Le code de la consommation n’impose pas au créancier professionnel de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement, mais s’il le fait, il est en droit de se fier aux renseignements communiqués par la caution, sauf existence d’anomalies apparentes.

Le créancier peut en outre démontrer que le patrimoine de la caution lui permettait de faire face à son obligation au moment où il l’a appelée en paiement.

Au regard des règles qui viennent d’être rappelées, il convient d’examiner successivement les engagements de caution litigieux.

* sur le cautionnement donné le 5 avril 2011 par Mme [J]

Sur la fiche individuelle de renseignements qu’elle a signée le 16 février 2011 en même temps que son compagnon, Mme [J] a indiqué vivre en concubinage avec M. [D], et avoir deux enfants à charge.

Elle a également indiqué n’avoir aucun patrimoine immobilier, aucune dette ni aucun crédit, et disposer d’une épargne de 20 000 euros en livret A.

Sur cette fiche, la profession de Mme [J] n’a pas été renseignée, pas plus que l’identité de son employeur ou le montant de ses revenus, et Mme [J] justifie qu’à l’époque à laquelle elle s’est engagée, elle percevait des allocations chômage d’environ 900 euros et des allocations familiales de l’ordre de 120 euros.

Le Crédit mutuel ne peut utilement faire valoir que Mme [J] omet d’indiquer qu’elle devait être rémunérée dès le démarrage de l’activité de boulangerie financée, alors que la proportionnalité de l’engagement de la caution ne peut être appréciée au regard des revenus escomptés de l’opération garantie, qui ne sont qu’éventuels (v. par ex. Civ. 1, 3 mai 2018, n° 16-16.444).

Au vu de ces éléments, dont il ressort que Mme [J] disposait d’un patrimoine limité à une épargne en livret A de 20 000 euros et percevait des revenus mensuels de l’ordre de 1 000 euros, sur lesquels il lui fallait contribuer avec son compagnon aux dépenses de logement et aux charges courantes de la famille, qui comptait deux enfants de neuf et onze ans, l’engagement litigieux, donné à hauteur de 30 000 euros, apparaît manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution au jour de son engagement.

Dès lors que le Crédit mutuel n’établit ni même ne soutient qu’au jour où il a l’appelée en paiement, le patrimoine de Mme [J] lui permettait de faire face à son obligation, l’établissement bancaire ne peut se prévaloir de l’engagement de caution de Mme [J] et doit en conséquence être débouté, par infirmation du jugement déféré, de sa demande en paiement dirigée contre Mme [J].

* sur le cautionnement donné le 5 avril 2011 par M. [D]

La cour observe à titre liminaire qu’au contrat de prêt du 5 avril 2011, il est fait référence à deux cautions, celle de Mme [J] et celle de M. [D] et que, à chacun des actes de cautionnement souscrits par M. [D] et Mme [J] le 5 avril 2011, il est expressément indiqué que « si plusieurs garanties sont consenties au prêteur, celles-ci se cumulent, qu’elles soient données par une même personne ou non et qu’elles couvrent ou non une même créance garantie » et que « la présente sûreté n’affecte et ne pourra affecter en aucune manière la nature ou l’étendue de tout engagement ou de toute garantie, réels ou personnels, qui ont pu ou pourront être contractés ou fournis soit par l’emprunteur, soit par la caution, soit par tout tiers ».

Au regard des termes de leurs engagements respectifs de caution, les appelants ne peuvent soutenir que ceux-ci seraient interdépendants et en déduire que si l’un des engagements était déclaré disproportionné, l’autre devra nécessairement être annulé, sans même offrir de démontrer que chacun d’entre eux s’est déterminé à raison de l’engagement de son cofidéjusseur.

La décharge prononcée au bénéfice de Mme [J] étant sans effet sur la validité de l’engagement concomitant de M. [D], il convient d’apprécier la proportionnalité du cautionnement de ce dernier à ses biens et revenus.

Sur la fiche de renseignements qu’il a signée le 16 février 2011, M. [D] a indiqué, comme sa compagne, vivre en concubinage et avoir deux enfants à charge.

Il a précisé n’avoir aucun passif (aucun prêt ni aucun engagement antérieur de caution), n’avoir aucun patrimoine immobilier, avoir une charge de loyer de 1 020 euros et disposer d’une épargne bancaire d’un montant de 360 000 euros en les livres du Crédit mutuel et de la banque CIC BRO.

S’agissant de ses revenus, il a été renvoyé sur la fiche de renseignements aux pièces jointes (avis d’imposition 2010, plan de financement établi par un cabinet d’expertise comptable et dossier de présentation de M. [D]). Il en ressort qu’à l’époque de la souscription de son engagement, M. [D] avait récemment cédé le fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie qu’il exploitait auparavant dans le Loiret, et dont il tirait annuellement des revenus compris entre 67 000 et 98 000 euros.

M. [D], à qui incombe la charge de la preuve de la disproportion dont il se prévaut, ne peut sérieusement soutenir qu’à la date de son engagement de caution, ses revenus doivent être considérés comme nuls, au motif qu’il est resté sans emploi du 1er avril 2010 au 11 avril 2011, en omettant qu’il résulte de l’avis d’imposition qu’il avait remis au Crédit mutuel qu’il avait perçu des revenus mensuels de l’ordre de 5 600 euros jusqu’à la cession de son fonds de commerce de boulangerie de [Localité 7] (45) en avril 2010, et que l’avis d’imposition sur les revenus 2011 qu’il produit en pièce 4 montre qu’il a encore perçu, durant l’année au cours de laquelle il a souscrit l’engagement litigieux, des revenus mensuels de l’ordre de 4 450 euros.

Si l’on admet que le Crédit mutuel, qui ne le conteste pas, ne pouvait ignorer que sur son épargne de 360 000 euros, M. [D] avait prévu d’apporter à la société MT Bouniol 200 000 euros en compte courant pour permettre à ladite société d’acquérir le fonds de commerce de boulangerie de [Localité 8] (15) qui ne devait être financé qu’à hauteur de 50 % au moyen du prêt garanti, les actifs de M. [D] ne sauraient cependant être évalués déduction faite de cet apport, alors qu’en apportant cette somme de 200 000 euros en compte courant, M. [D] est devenu créancier de la société MT-Bouniol. Il en résulte qu’à la date de souscription de son engagement de caution, M. [D] disposait d’un patrimoine mobilier qui peut être évalué à 369 000 euros, composé d’une épargne de 160 000 euros, d’une créance de 200 000 euros à l’encontre de la société MT-Bouniol, et de la valeur de ses parts sociales dans ladite société (9 000 euros).

Dès lors que le cautionnement de M. [D] donné le 5 avril 2011 à hauteur de 228 000 euros était d’un montant inférieur à la valeur à laquelle peut être évalué son patrimoine à cette date, M. [D] échoue à démontrer que son engagement était, au jour où il a été souscrit, manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

* sur le cautionnement donné le 1er juillet 2011 par M. [D]

Contrairement à ce que soutient M. [D], le créancier professionnel n’a pas l’obligation de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement, mais s’il le fait, on l’a dit, le créancier est en droit de se fier aux informations communiquées par la caution, sauf anomalies apparentes.

M. [D] ne peut soutenir qu’aucune valeur ne peut être accordée à la fiche de renseignements qu’il a signée le 16 février 2011, faute d’être contemporaine à la souscription de l’engagement litigieux, alors qu’il s’est écoulé moins de cinq mois entre la date à laquelle le Crédit mutuel a recueilli ces renseignements et la date de l’engagement de caution en cause, ce qui ne saurait en soi rendre les déclarations de M. [D] obsolètes.

Ce décalage autorise en revanche M. [D] à se prévaloir d’éventuelles modifications dans sa situation patrimoniale survenues entre le 16 février 2011 et le 1er juillet 2011, date à laquelle il a souscrit l’engagement de caution litigieux.

M. [D], qui soutient qu’il était devenu salarié de la société MT-Bouniol au 1er juillet 2011 et percevait à ce titre un salaire mensuel de 1 726 euros, n’offre pas la moindre offre de preuve de ses allégations.

Dans ces circonstances, la seule modification dans la situation de M. [D] qui puisse être prise en considération pour l’appréciation de la proportionnalité de son engagement du 1er juillet 2011 est l’endettement résultant de son précédent engagement de caution du 5 avril 2011.

Il en résulte qu’au 1er juillet 2011, déduction faite de l’encours de son engagement de caution du 5 avril 2011 (228 000 euros), M. [D] était titulaire d’un patrimoine d’une valeur nette qui peut être évaluée, sur la base de ce qui a été retenu pour évaluer la valeur de son patrimoine en avril 2011, à 141 000 euros (369 000 – 228 000 euros).

Dès lors que son cautionnement donné à hauteur de 17 202 euros le 1er juillet 2011 était d’un montant encore nettement inférieur à la valeur de son patrimoine, M. [D] échoue à démontrer que son second engagement de caution était manifestement disproportionné à ses biens et revenus au jour de sa conclusion.

– sur l’exception tirée d’un manquement de la banque à son devoir de mise en garde

S’ils indiquent rechercher la responsabilité du Crédit mutuel, les appelants ne sollicitent pas la condamnation de l’établissement bancaire à leur payer des dommages et intérêts, en réparation d’un préjudice qui aurait éventuellement pu résulter d’une perte de chance de n’avoir pas contracté, mais soutiennent que, faute d’avoir satisfait à son devoir de mise en garde à leur égard, le Crédit mutuel doit être débouté de ses demandes.

Encore que les appelants ne développent aucun moyen pour expliquer comment la mise en ‘uvre de la responsabilité du Crédit mutuel pourrait conduire au rejet de sa demande en paiement, il n’y a lieu de s’interroger sur le manquement au devoir de mise en garde de l’établissement bancaire qu’en ce qu’il est allégué à l’endroit de M. [D] puisque, en ce qui concerne Mme [J] qui a été déchargée de son obligation, la discussion tendant au rejet de la demande de l’établissement bancaire n’a plus d’objet.

Le dispensateur de crédit est tenu d’un devoir de mise en garde envers la caution non avertie, ou lorsqu’il a sur les revenus de la caution, son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles, en l’état du succès escompté de l’opération cautionnée, des informations que la caution ignorait.

En l’espèce M. [D] ne soutient pas que le Crédit mutuel disposait d’informations que lui-même ignorait, mais fait valoir que, en tant qu’il était une caution non avertie, la responsabilité de l’intimée peut être engagée pour manquement à son devoir de mise en garde, à raison du risque d’endettement excessif né de l’octroi des prêts, inadaptés selon lui aux capacités financières de la débitrice principale.

L’intimée rétorque qu’elle n’était pas tenue d’un devoir de mise en garde à l’égard de M. [D], qui était une caution avertie.

Ainsi qu’on l’a déjà indiqué pour écarter l’exception de nullité des cautionnements litigieux, il ressort du dossier qu’il avait présenté au Crédit mutuel au soutien de sa demande de financement que M. [D] est titulaire d’un diplôme sanctionnant deux années d’études supérieures en droit (DEUG), qu’il a exercé en nom propre, de 1997 à 2010, une activité de boulanger-pâtissier pour laquelle il employait plus d’une dizaine de salariés, et que de 1985 à 1996, il a été le directeur de magasins qui employaient selon ses propres indications entre 15 et 200 personnes.

Dans le parcours professionnel qu’il décrit lui-même dans son dossier de présentation (pièce 21 intimée), M. [D] indique que dans les magasins qu’il a dirigés, sous les enseignes Interdiscount, Toys’r Us ou Norauto, il était chargé du recrutement du personnel, de sa formation, de l’animation commerciale, mais aussi de la gestion de ces magasins.

Si M. [D] fait valoir à raison que la qualité de caution avertie ne peut se déduire de sa qualité d’associé majoritaire de la société MT-Bouniol ou de concubin de la gérante de cette société, il apparaît en revanche qu’en ayant dirigé avant la souscription des engagements litigieux, pendant treize ans une entreprise de boulangerie-pâtisserie, et durant plus de dix ans des magasins appartenant à des réseaux de grande distribution spécialisés dans des secteurs commerciaux variés, M. [D] a été rompu au monde des affaires, de sorte que, par son expérience et sa formation juridique, il avait non seulement la capacité de mesurer la portée de ses engagements, mais également celle d’évaluer lui-même les risques de l’opération financée, laquelle ne présentait pas de complexité particulière.

Le Crédit mutuel n’était tenu dans ces circonstances d’aucune obligation de mise en garde envers M. [D], qui doit être tenu comme une caution avertie.

L’exception tirée d’un défaut de mise en garde de l’établissement bancaire ne peut dès lors qu’être écartée, comme non fondée à l’égard de M. [D], et comme devenue sans objet à l’endroit de Mme [J].

– sur la demande de décharge partielle tirée de la perte du bénéfice de la subrogation

M. [D] soutient que la déclaration de créance du Crédit mutuel à la procédure de liquidation judiciaire de la société MT-Bouniol a été tardive et que, faute pour la banque d’établir que sa créance aurait néanmoins été admise pour le montant auquel elle a été actualisée, il doit être déchargé de la somme de 9 935,88 euros correspondant à la différence entre les montants successivement déclarés par l’établissement bancaire au passif de la procédure collective de la débitrice principale.

M. [D] ajoute que, à supposer sa créance admise pour le tout, le Crédit mutuel a en toute hypothèse omis de déclarer le nantissement dont il bénéficiait, et lui a ainsi fait perdre le bénéfice de la subrogation dans son privilège. Il en déduit qu’il doit être déchargé, en application de l’article 2314 du code civil, à hauteur du prix de cession du fonds de commerce nanti.

Le Crédit mutuel se borne à rétorquer que l’argumentation de l’appelant est sans effet « puisque l’actualisation de sa créance en date du 8 mars 2017 n’a pas été invalidée par le juge-commissaire », en se référant à sa pièce 6 qui est sa déclaration de créance au redressement judiciaire de la société MT-Bouniol, puis assure avoir respecté ses obligations en actualisant sa déclaration de créance à la suite de la liquidation judiciaire de la débitrice principale.

Aux termes de l’article 2314 du code civil, pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s’opérer en faveur de la caution. Toute clause contraire est réputée non écrite.

Il appartient à la caution qui sollicite la décharge, même partielle, de ses obligations, de rapporter la preuve que la subrogation a été rendue impossible par le fait du créancier, et il revient le cas échéant au créancier, pour éviter d’encourir la déchéance de ses droits contre la caution, d’établir que la subrogation devenue impossible par son fait aurait été, en tout ou partie, inefficace.

Si la liquidation judiciaire intervient sur conversion d’un redressement judiciaire à l’issue ou en cours de la période d’observation, comme en l’espèce, elle n’ouvre pas une nouvelle procédure collective, distincte du redressement judiciaire, et les créanciers n’ont donc pas l’obligation de déclarer à nouveau leurs créances (v. par ex. Com, 5 février 2013, n° 12-10.226). Les créanciers peuvent en revanche, comme l’a fait le Crédit mutuel, réactualiser leurs créances en tenant compte de la déchéance du terme induite par la liquidation judiciaire.

Dès lors que le Crédit mutuel n’a pas déclaré de nouveau sa créance dans la procédure de liquidation judiciaire de la société MT-Bouniol, mais simplement actualisé sa créance pour obtenir son admission au passif de la procédure collective à concurrence du montant résultant de la déchéance du terme consécutive à la liquidation judiciaire, M. [D] soutient vainement que le Crédit mutuel n’aurait pas déclaré sa créance actualisée dans le délai légal -sans justifier au demeurant de la date à laquelle le jugement de conversion a été publié au Bodacc, et en omettant que pour les créanciers munis d’une sûreté publiée, le délai de déclaration est reporté au jour de la notification de l’avertissement que doit leur adresser le mandataire ou le liquidation judiciaires.

Dès lors que, dans la déclaration de créance qu’il a adressée le 5 février 2016 au mandataire au redressement judiciaire de la société MT-Bouniol, il apparaît que le Crédit mutuel avait déclaré à titre privilégié sa créance née du prêt n° 0624505923102, en tant qu’elle était garantie par un nantissement sur le fonds de commerce de ladite société, M. [D] ne peut pas non plus reprocher à l’établissement bancaire de lui avoir fait perdre son droit préférentiel.

Sauf à inverser la charge de la preuve enfin, M. [D] ne peut pas plus utilement faire grief au Crédit mutuel de ne pas justifier avoir fait jouer son privilège dans le cadre de la liquidation judiciaire de la débitrice principale, sans fournir au demeurant le moindre justificatif de la réalisation du fonds de commerce nanti.

M. [D] ne peut dès lors qu’être débouté de sa demande de décharge partielle tirée de la perte, du fait du Crédit mutuel, du bénéfice de subrogation.

– sur la demande de déchéance des intérêts tirée d’un manquement de la banque à son obligation d’information annuelle

L’article 2293 du code civil, pris dans sa rédaction applicable aux cautionnements conclus avant le 1er janvier 2022, énonce à son alinéa 2 que lorsqu’un cautionnement indéfini est contracté par une personne physique, celle-ci est informée par le créancier de l’évolution du montant de la créance garantie et de ses accessoires au moins annuellement à la date convenue entre les parties ou, à défaut, à la date anniversaire du contrat, sous peine de déchéance de tous les accessoires de la dette, frais et pénalités.

L’engagement de caution donné par M. [D] n’étant pas indéfini au sens de l’article 2293, l’appelant ne peut se prévaloir utilement de ces dispositions.

Aux termes du premier alinéa de l’article L. 313-22 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable aux cautionnements souscrits avant le 1er janvier 2022, les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise sous la condition du cautionnement par une personne physique sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant de la caution ainsi que le terme de cet engagement.

A son alinéa 3, l’ancien article L. 313-22 précise que le défaut d’accomplissement de la formalité prévue à l’alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l’établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information, puis ajoute que les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l’établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

En l’espèce, pour démontrer avoir rempli ses obligations, le Crédit mutuel se contente de verser aux débats la copie des lettres d’informations qu’il affirme avoir adressées entre 2012 et 2019 à M. [D], alors que la seule production de la copie de lettres d’information ne suffit pas à justifier de leur envoi (v. par ex. cass 1re Civ. 6 septembre 2017, pourvoi n° 16-18.258).

Par infirmation du jugement déféré, le Crédit mutuel sera dès lors déchu des intérêts à compter du 31 mars 2012, étant si besoin précisé que la sanction de la déchéance des intérêts ne décharge pas la caution de son obligation de payer les autres sommes dues en vertu du cautionnement, notamment l’indemnité d’exigibilité d’anticipée (v. par ex. Cass. Com. 6 mars 2019, n° 17-21.571).

Au vu des pièces produites, notamment les deux contrats de prêt, les tableaux d’amortissement, la déclaration de créance du Crédit mutuel au passif de la procédure collective de la société MT-Bouniol et les derniers décomptes exempts d’intérêts arrêtés au 4 avril 2023, les créances du Crédit mutuel seront arrêtées ainsi qu’il suit :

créance née de la garantie du prêt n° 0624505923102 :

– capital restant dû à la date de déchéance des intérêts selon le tableau d’amortissement : 219 884,29 euros

– indemnité conventionnelle d’exigibilité anticipée : 6 404,76 euros

– règlements postérieurs de la débitrice principale à déduire : 151 070,85  euros

– solde dû : 75 218,20 euros

créance née de la garantie du prêt n° 0624505923101 :

– capital restant dû à la date de déchéance des intérêts selon le tableau d’amortissement : 12 321,42 euros

– indemnité conventionnelle d’exigibilité anticipée : 125,09 euros

– règlements postérieurs de la débitrice principale à déduire : 11 931,30 euros

– solde dû : 515,21 euros

Selon l’article 2288 du code civil, pris dans son ancienne rédaction applicable à la cause, celui qui se rend caution d’une obligation, se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même.

Etant observé qu’il ne résulte des conclusions du Crédit mutuel que les appelants produisent aux débats aucun aveu de ce que la société MT-Bouniol aurait réglé durant la procédure de redressement judiciaire l’intégralité des échéances des prêts litigieux, M. [D], qui ne justifie d’aucun paiement ni d’aucun fait libératoire au sens de l’article 1315, alinéa 2, du code civil, pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, sera condamné à payer au Crédit mutuel, par infirmation du jugement entrepris, les sommes sus-énoncées de 75 218,20 et 515,21 euros, majorées des intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2017, date de réception de la mise en demeure valant sommation de payer au sens de l’article 1153 ancien du code civil.

– sur l’allégation d’un manquement de la banque à son obligation d’information du premier incident de paiement

Selon l’article L. 341-1 du code de la consommation, pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016, toute personne physique qui s’est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l’exigibilité de ce paiement.

Si le créancier ne se conforme pas à cette obligation, l’article L. 343-5 du même code précise que la caution n’est pas tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée.

En l’espèce, aucun incident de paiement n’est intervenu antérieurement au 31 mars 2012, date à partir de laquelle le Crédit mutuel a été déchu des intérêts pour n’avoir pas justifié avoir satisfait à son obligation d’information annuelle.

L’éventuel manquement à l’obligation d’information du premier incident de paiement n’étant pas susceptible d’entraîner une sanction autre que celle de la déchéance des intérêts déjà prononcée, il n’y a pas lieu de rechercher si le Crédit mutuel a tardé à informer M. [D] de la défaillance de la débitrice principale.

Sur les demandes accessoires :

M. [D], qui succombe au sens de l’article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de première instance et d’appel et sera débouté de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur ce dernier fondement, M. [D] sera condamné à payer au Crédit mutuel, à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité des frais qu’il a engagés et qui ne sont pas compris dans les dépens, une indemnité de procédure de 1 000 euros.

Par infirmation du jugement entrepris, le Crédit mutuel sera en revanche débouté de sa demande d’indemnité de procédure dirigée contre Mme [J], à qui il n’apparaît pas inéquitable de laisser la charge de ses propres frais irrépétibles et qui sera donc, elle aussi, déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

 


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