Parts sociales : décision du 15 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/16890

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Parts sociales : décision du 15 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/16890
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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 10

ARRÊT DU 15 MAI 2023

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/16890 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEMG4

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Décembre 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 16/12120

APPELANTS

Monsieur [G] [J]

Domicilié [Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334

Madame [T] [W] épouse [J]

Domiciliée [Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334

INTIME

Monsieur LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D’ILE DE FRANCE

Le Directeur Régional des Finances Publiques d’Ile de France et du département de [Localité 5] qui élit domicile en ses bureaux du Pôle Fiscal Parisien 1,

Pôle Juridictionnel Judiciaire

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Guillaume MIGAUD de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL AVOCATS E.BOCCALINI & MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC430

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 20 Février 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente

Monsieur Jacques LE VAILLANT, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Edouard LOOS, Président dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MOLLÉ

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Edouard LOOS, Président et par Sylvie MOLLÉ, Greffier présent lors du prononcé.

FAITS ET PROCEDURE

Les sociétés en commandite par actions Valorest, Acanthe, Cimofat, Cimoflu et Valma sont les holdings animatrices du groupe [D], et regroupent les participations de chaque secteur d’activité, dont les marques sont Auchan, Leroy Merlin, Décathlon, Boulanger, Saint-Maclou, Norauto etc., par sociétés interposées.

Les sociétés en commandite par actions Cimoflu et Valma faisaient l’objet d’une fusion -absorption le 22 décembre 2009.

Les parts de ces sociétés holdings sont détenues par les 650 membres de la famille [D], soit directement, soit par l’intermédiaire de sociétés civiles interposées, ces associés étant regroupés au sein de l’association familiale [D], dite « AFM ».

Ces titres, réunis en une part d’AFM englobant indivisément les parts des cinq puis trois sociétés holdings, sont cessibles entre les membres de la famille [D] une fois l’année sur une bourse interne organisée chaque 1er juillet, au prix établi par un collège d’experts.

Si un déséquilibre se fait jour entre l’offre et la demande par excès d’offres de vente, à concurrence d’1% de l’ensemble de ces titres, les experts sont de nouveau saisis pour déterminer, le cas échéant, un autre prix.

Une caisse de rachat, qui est une réserve financière, assure le paiement des offres de vente dans la proportion de 2% du capital des sociétés holdings, en cas de déséquilibre. Au-delà, le marché est fermé.

Ainsi, le règlement intérieur de l’AFM, en son article 2.1 expose que « le marché des titres de l’AFM est un marché fermé, intuitu personae’ le volume des ordres de vente ne peut dépasser le volume des ordres d’achat, complété par les possibilités de réduction de capital de l’AFM que permettent ses réserves financières non investies dans les entreprises et constituées à cet effet (caisse de rachat). Au-delà de la caisse de rachat, le marché se ferme ».

Au paragraphe « utilisation de la caisse de rachat » il est stipulé « si l’excédent de vendeurs sur acheteurs est inférieur à 1% de la valeur de l’association : la caisse de rachat répond à son objectif de permettre la liberté des actionnaires et chacun est servi suivant sa demande. Si l’excédent de vendeurs sur acheteurs est supérieur à 1% de la valeur de l’association : un processus de « retour aux experts » est déclenché. Les experts modifient ou confirment alors la valeur. Une fois la nouvelle valeur définie, les vendeurs et acheteurs confirment leurs ordres. Si après confirmation des ordres,

– l’excédent de vendeurs sur acheteurs est inférieur à 2% de la valeur de l’association, les ordres de vente sont exécutés,

– l’excédent de vendeurs sur acheteurs est supérieur à 2% de la valeur de l’association : les ordres de vente sont servis jusqu’à 2% en fonction du pourcentage de propriété de chaque vendeur et du poids relatif de leurs ordres de vente,

– au-delà des 2%, que constitue la caisse de rachat, les ordres de vente non servis sont annulés. »

Selon le paragraphe 2-2 « la valeur du titre AFM « Tous dans tout », il est précisé « la valeur de l’AFM résulte de l’évaluation de chacune des entreprises de l’AFM. Ces évaluations sont déterminées par un collège d’experts indépendants. Elles s’imposent à l’ensemble des transactions entre actionnaires, et entre l’AFM et les actionnaires salariés des entreprises. » « un cours de base est établi par un collège d’experts désignés par le conseil de gérance…cette valeur tient compte de tous les éléments connus, à la date d’expertise, de l’évolution des entreprises, de leur position concurrentielle, de la trésorerie nette de l’AFM et de l’évolution du marché des capitaux. Ce cours est déterminé pour un faible volume de transactions. »

De 2006 à 2012, les transactions se sont établies entre 0,17% et 0,59% du capital de ces sociétés, et portaient en 2012 sur 0,43% de ce capital.

Monsieur [G] [J] et madame [T] [W], son épouse, détiennent :

– 215 051 actions non cotées en pleine propriété ou en usufruit des sociétés en commandite par actions Valorest, Acanthe, Cimofat,

– la pleine propriété de 3 037 parts et l’usufruit de 10 962 parts sur 97 993 parts de la société civile Bois Brillou, laquelle détient 1 844 887 d’actions des sociétés précitées,

– l’usufruit de la totalité des 6 000 parts de la société civile Cavalou, qui possède 47 601 parts des sociétés holdings précitées.

Ce faisant, ils détiennent 1,40 % du capital social des sociétés holding du groupe [D].

L’article 12 des statuts de la société en commandite par actions Valorest stipule : « la société a un caractère exclusivement familial et regroupe les descendants de Mr et Mme [L] [D]-[P] ou des sociétés familiales composées exclusivement entre les descendants de Mr et Mme [L] [D]-[P]. Elle a donc un caractère intuitu personae et entend agréer au préalable tout nouvel actionnaire commanditaire, sur décision de la gérance… Le conseil de gérance admet de nouveaux actionnaires commanditaires et agrée les souscriptions nouvelles des anciens actionnaires commanditaires.

L’admission d’actionnaires commanditaires nouveaux intervient par voie soit de virement d’actions anciennes cédées par les anciens titulaires, soit de souscriptions d’actions nouvelles. Le droit de souscription ne pourra être exercé qu’une fois par an le 1er juillet de chaque année, sauf dérogation accordée par la gérance. »

L’article 17 spécifie : « toutes cessions ou transmissions d’actions ou de droits sur les actions, même par voie d’apport, entre vifs, volontaires ou forcées, à titre gratuit ou onéreux, même à un conjoint, à un ascendant ou à un descendant ou entre actionnaires commanditaires, doivent être préalablement autorisées par le conseil de gérance… Les transmissions à titre onéreux ne peuvent être effectuées qu’une fois par an sauf dérogation décidée par la gérance. »

Le 6ème alinéa de l’article 8 des statuts de la société civile Bois Brillou, reproduit à l’identique dans les statuts de la société civile Cavalou, dit que « à raison du caractère strictement familial de la société…en aucun cas une part d’intérêt ne pourra être détenue directement ou indirectement par une personne ne descendant pas en ligne directe de Mr et Mme [L] [D]-[P]. La présence des conjoints parmi les associés, tant en propriété qu’en usufruit, devra respecter les clauses d’agrément pouvant exister dans les statuts des sociétés dans lesquelles la présente société détient des participations », l’article 9 ajoutant que « les parts d’intérêt sont librement cédées à des descendants en ligne directe. Toute autre cession de parts qu’elle soit à un tiers ou à un associé est soumise à l’agrément de tous les associés et en conformité à l’article 8, alinéa 6 ».

Le 3 septembre 2015, l’administration fiscale proposait de rectifier la valeur des parts sociales déclarées par les époux [J] pour l’impôt de solidarité sur la fortune dû en 2012, 2013, 2014 et pour la contribution exceptionnelle sur la fortune de 2012 :

– la valeur unitaire déclarée des parts de la société en commandite par actions Valorest de 29,87 euros en 2012, 30,60 euros en 2013, 32,41 euros en 2014 parvenant respectivement à 37,38 euros, 38,97 euros et 41,17 euros,

– la valeur unitaire déclarée des parts de la société en commandite par actions Acanthe de 48,40 euros en 2012, 49,20 euros en 2013 et 52,05 euros en 2014 parvenant respectivement à 60,22 euros, 62,61 euros et 65,83 euros,

– la valeur unitaire déclarée des parts de la société en commandite par actions Cimofat de 22,43 euros en 2012, 22,37 euros en 2013 et 23,62 euros en 2014 parvenant respectivement à 27,60 euros, 28,43 euros et 30,01 euros,

– la valeur totale déclarée des parts de la société civile Cavalou pour 650.988 euros en 2012, pour 687 261 euros en 2013, de 740 336 euros en 2014 étant arguée d’insuffisance dans la proportion respectivement de 549 566 euros, 587 259 euros et 627 937 euros,

– la valeur totale déclarée des parts de la société civile Bois Brillou pour 6 451 115 d’euros en 2012, pour 6 673 728 d’euros en 2013 et 6 957 474 d’euros en 2014 étant arguée d’insuffisance dans la proportion respectivement de 3 181 581 d’euros, 3 362 097 d’euros et 3 623 961 d’euros.

Elle a formé un rappel pour un total de 141 994 euros ainsi déployé :

– 25 115 euros de droits et 3 918 euros d’intérêts moratoires pour l’impôt de solidarité sur la fortune de 2012, soit 29 033 euros,

– 65 301 euros de droits et 8 881 euros d’intérêts moratoires pour la contribution exceptionnelle sur la fortune de 2012, soit 74 182 euros,

– 28 286 euros de droits et 3 055 euros d’intérêts moratoires pour l’impôt de solidarité sur la fortune de 2013, soit 31 341 euros,

– 7 017 euros de droits et 421 euros d’intérêts moratoires pour l’impôt de solidarité sur la fortune de 2014, soit 7 438 euros.

Ces impositions ont été mises en recouvrement le 16 novembre 2015, et la réclamation élevée à leur encontre par les contribuables a été rejetée le 13 juin 2016 par l’administration fiscale.

Par acte d’huissier de justice en date du 27 juillet 2016, les époux ont fait assigner l’administration en décharge des impositions contestées.

* * *

Vu le jugement prononcé le 5 décembre 2019 par le tribunal de grande instance de Paris qui a statué comme suit :

– Dit recevables les conclusions de l’administration fiscale signifiées le 12 août 2019 ;

– Dit la procédure de contrôle régulière ;

– Infirme partiellement la décision de rejet de l’administration fiscale du 13 juin 2016 ;

– Dit que la valeur des titres de la société civile Bois Brillou doit résulter de la formule suivante : [(3 valeurs mathématiques + 1 valeur de productivité)/4] x 90% ;

– Dit que la valeur des titres de la société civile Cavalou doit résulter de la formule suivante : (3 valeurs mathématiques + 1 valeur de productivité)/4, dans la limite de la proposition reconventionnelle faite par l’administration fiscale ;

– Invite l’administration fiscale à calculer de nouveau l’impôt de solidarité sur la fortune dû par monsieur [G] [J] et madame [T] [W] pour les années 2012, 2013 et 2014, ainsi que la contribution exceptionnelle sur la fortune de 2012 ;

– Prononce la décharge des impositions mises à la charge de monsieur [G] [J] et madame [T] [W] dans cette mesure ;

– Rejette le surplus des demandes formées par monsieur [G] [J] et madame [T] [W] ;

– Rappelle l’exécution provisoire de droit ;

– Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamne l’administration fiscale aux dépens.

Vu l’appel déclaré le 24 septembre 2021 par Monsieur [G] [J] et Madame [T] [W] époux [J],

Vu les dernières conclusions signifiées le 1er avril 2022 par Monsieur [G] [J] et Madame [T] [W] époux [J],

Vu les dernières conclusions signifiées le 23 mars 2022 par le Directeur régional des finances publiques,

Monsieur [G] [J] et Madame [T] [W] époux [J] demandent à la cour de statuer comme suit :

– Recevoir les appelants en leurs demandes, fins et conclusions et les dire bien-fondés.

– Infirmer le jugement entrepris,

Y faisant droit,

Dire et juger,

A- Sur les sociétés en commandite par actions

1. Sur la régularité du jugement

– Il ressort expressément du règlement de la bourse d’échange intrafamiliale (pièce n° 6) que le prix de transaction est fixé par le collège d’experts pour un faible nombre de titres, en lien avec la garantie de liquidité bénéficiant à 2% des titres.

– Il ressort également du rapport du 22 juin 2016 (pièce n°5), sur la détermination du « cours » de transaction des SCA, que le collège d’experts indique formellement ne pas tenir compte du risque de liquidité dans la fixation de ce prix conformément à la lettre de mission qui lui est donnée par le collège des gérants des SCA.

– Il ressort encore de l’historique de la bourse d’échange familiale (pièce n° 7), que le nombre total des offres d’achat est extrêmement faible : 0,57 %, 0,78 %, 0,50%, 0,93 % et 0,23 % des actions AFM en 2012, 2013, 2014, 2015 et 2016.

Ainsi, en affirmant qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier que le prix de l’action fixé par le collège d’expert tient compte des contraintes de liquidité, alors qu’elles établissent l’exact contraire, le tribunal a dénaturé ces pièces.

2. Sur la pertinence des termes de comparaison

– Le prix des transactions intervenant sur la bourse annuelle d’échange, qui est déterminé par un collège d’experts, d’après des directives d’évaluation fixées par les dirigeants des SCA, ne constitue pas un prix de marché. Un prix fixé à dires d’expert, qui n’est pas librement négociable, n’exprime pas un prix de marché au motif que des transactions sont réalisées au prix fixé par les experts.

– Ce prix, qui correspond en l’espèce à la valeur mathématique des actions des SCA, n’est détachable ni du cadre conventionnel dans lequel ces transactions interviennent, ni de la garantie limitée de liquidité à laquelle est associé le prix fixé à dire d’experts.

– Des titres, qui en vertu du règlement de cette bourse annuelle, peuvent être cédés au prix fixé par les experts et bénéficier d’une garantie collective de liquidité limitée à 2 % de la valeur des sociétés en cause, n’ont pas les mêmes caractéristiques que les titres ne bénéficiant pas de ces garanties de prix et de liquidité.

– Le prix fixé à dires d’expert n’est donc pas transposable aux actions qui ne sont pas confrontées au même risque de liquidité, élément essentiel de la valorisation d’une action non cotée.

– Il ne suffit pas de se référer à la vente de quelques milliers de titres intervenue sur la bourse intrafamiliale au prix fixé à dires d’expert,

et ce d’autant moins lorsque, comme en l’espèce, les termes de comparaison cités par l’administration ne portent manifestement pas sur un volume de titres comparables à ceux en litige et sont donc insusceptibles d’établir la justification du rehaussement de valeur.

Ainsi, en l’absence de référence, dans la proposition de rectification, à des comparables intrinsèquement similaires, il doit être jugé que l’administration ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l’insuffisance de valorisation qu’elle reproche au contribuable, en contrariété avec les dispositions de l’article L 17 2ème alinéa du livre des procédures fiscales.

3. Sur le bien-fondé d’une décote par rapport au « cours » fixé par les experts

– Risque de liquidité

Le « cours » de transaction fixé par les experts ne peut, à l’évidence, intégrer le risque de liquidité puisque ce « cours » s’applique précisément à la proportion de titres (2%) qui bénéficie d’une garantie de liquidité. Ce « cours » exprime le prix de l’action liquide et non l’inverse.

L’existence de la bourse d’échange intrafamiliale atténue la contrainte de liquidité pour environ 2 à 2,5 % de l’ensemble des titres des SCA conformément à l’objectif recherché, mais au-delà de ce pourcentage, le risque de liquidité, c’est-à-dire le risque de ne pas pouvoir vendre et l’incertitude sur les délais de réalisation ne sont pas contestables.

En l’espèce, si le pourcentage d’actions détenues par le demandeur et la SC dont il est associé (1,4 %) était inférieur à la limite d’intervention de la Caisse de rachat, ce pourcentage excédait très largement le volume annuel des ventes sur la bourse interne (0,5 % en moyenne) et le nombre d’actions en litige représentait à lui seul 57,6 % du nombre maximum de titres éligibles sur la bourse interne.

L’administration ne peut prétendre en conséquence que les 2 107 539 actions AFM en litige ne présentaient aucun risque de liquidité.

L’administration ne peut davantage soutenir que les titres étaient assurés de pouvoir être vendus au prix de transaction fixé par les experts dès lors que la mise en vente des seuls titres détenus par le contribuable et la société civile Bois Brillou aurait entraîné la suspension de la bourse intrafamiliale et le processus de révision du prix prévu par le règlement de la bourse interne.

– Limites à la libre cession

Il doit être également tenu compte du fait que la bourse d’échange n’ouvre qu’un seul jour par an, que les titres des SCA ne peuvent être vendus distinctement l’un de l’autre et que la cession des actions est soumise à agrément, ce qui constitue indéniablement une contrainte mise à la libre cessibilité justifiant en tout état de cause l’application a minima d’une décote de 15 %.

Le contribuable justifie par ailleurs que le prix de cession fixé par le collège d’experts n’intègre aucune décote qui ferait double emploi avec celle qu’il défend.

Enfin, l’administration ne démontre pas en quoi la stabilité de l’actionnariat, qui bénéficie aux sociétés opérationnelles, viendrait compenser le fait que les actionnaires des SCA ne peuvent pas vendre librement leurs actions.

En conséquence, la décote appliquée par le contribuable est justifiée dans son principe et son montant.

En tout état de cause, l’administration, qui se limite à contester le principe de l’application de toute décote, sans défendre un montant de décote qu’elle estimerait plus adapté aux titres en cause, n’établit pas que les valeurs des SCA ont été sous-évaluées pour l’application des dispositions des articles 885 S et 666 du code général des impôts.

B- Sur la SC Bois Brillou

– Le contribuable n’a jamais soutenu que la décote de minorité qu’il revendique pour valoriser sa participation dans la société Bois Brillou trouverait sa justification dans le fait que cette société ne détiendrait elle-même qu’une participation minoritaire dans les SCA.

La décote revendiquée par le contribuable trouve son fondement dans la circonstance qu’il est associé minoritaire de cette société civile et qu’il n’a de ce fait, ni le contrôle de la société, ni le pouvoir de vendre librement ses titres, ni la capacité de décider la distribution de dividendes à son profit.

– L’administration ne peut pas soutenir, pour la première fois en appel, que la décote de holding de 25% tiendrait compte du caractère minoritaire de la participation en litige, dès lors qu’elle a justifié l’adoption de ce pourcentage par la prise en compte de l’incidence de la valeur de rendement dans la formule majoritaire (3VP+0VP)/4 = 25% de décote.

Cette prise de position lui est opposable en application de l’article L 80 B, 1° du Livre des Procédures Fiscales.

Le caractère minoritaire de la participation dans la société civile Bois Brillou implique :

Soit d’appliquer une décote de 25 % à la formule majoritaire (3VM+1VP)/4

Soit, a minima, d’appliquer la formule minoritaire (2VM+VP)/3 dès lors que l’administration, qui supporte la charge de la preuve conformément au 2ème alinéa de l’article L 17 du livre des procédures fiscales, n’établit pas la preuve d’une sous-évaluation à hauteur des montants correspondant à cette formule de valorisation (2VM+1VP)/3 qu’elle a elle-même considéré comme étant justifiée.

– En tout état de cause, si la cour devait juger que la valeur des parts en litige devait être déterminée selon la seule valeur mathématique comme le défend l’administration, la décote de holding doit être majorée d’une décote de minorité de 15%.

C- Sur la SC Cavalou

La formule de pondération doit exprimer les caractéristiques des titres en cause, ce qui implique d’appliquer une décote de 10 % à la formule majoritaire (3VM+1 VP)/4 afin de prendre en compte la clause d’agrément.

En conséquence,

– Infirmer le jugement

– Prononcer la décharge des impositions

– Condamner l’administration à payer une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner l’administration aux dépens d’instance, dont le montant pourra être recouvré par Maître Bellichach, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le Directeur régional des finances publiques demande à la cour de statuer comme suit :

S’agissant des SCA :

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il retient la méthode d’évaluation par comparaison utilisée par l’administration pour l’évaluation des SCA,

– rejeter toute autre méthode d’évaluation pour les SCA,

S’agissant des sociétés civiles Bois Brillou et Cavalou :

– réformer le jugement en ce qu’il a retenu la formule suivante [(3 valeurs mathématiques + 1 valeur de productivité)/4] x 90 % pour la société civile Bois Brillou ;

– réformer le jugement en ce qu’il a retenu la formule suivante [(3 valeurs mathématiques + 1 valeur de productivité)/4] pour la société civile Cavalou ;

– retenir pour les deux sociétés civiles Bois Brillou et Cavalou, la formule suivante : VM (telle que retenue par le jugement) – 25 % pour illiquidité ;

– condamner M. et Mme [J] en tous les dépens de première instance et d’appel.

– condamner M. et Mme [J] à une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

a) Sur la valeur des parts des sociétés en commandite par actions Valorest, Acanthe et Cimofat

Les consorts [J] soutiennent, au visa des articles L.17 et L.80 B 1° du livre des procédures fiscales, qu’une décote d’illiquidité doit être appliquée à la valorisation unitaire des sociétés visées aux motifs que les particularités du présent marché intrafamilial à savoir le renforcement du risque de liquidité et les limites à la cession de titres, respectivement dus, à la révision du « cours » puis la fermeture du marché en cas d’insuffisance d’offres d’achat par rapport aux ventes, et les clauses d’agrément, la règle d’indivisibilité « Tous dans tout », le prix de cession fixé par des tiers puis la période de cession limitée à un jour par an, justifient l’application d’une décote sur la valorisation des titres. Cette valorisation résulte des termes de comparaison portant sur des volumes de titres comparables et donc en cas de disproportion massive entre les volumes de titre, la comparaison n’est pas pertinente et est dénuée de fondement. Au surplus, l’application d’une décote est opposable à l’administration en raison de sa position sur des situations identiques à l’espèce.

Le DGFPI soutient, au visa des articles 666, 758, 885 S du code général des impôts, L.17 et L 57 du livre des procédures fiscales, que l’administration est fondée à redresser la valorisation des parts déclarée par les requérants dès lors qu’ elle est inférieure à leur valeur vénale réelle. Celle-ci est déterminée à partir des termes de comparaison similaire ou à défaut, à partir d’autres méthodes permettant d’obtenir une valeur aussi proche de celle issue de la méthode habituelle. Si l’administration reconnait le caractère réducteur du présent marché, elle estime qu’il n’est pas aussi contraignant pour justifier l’application d’une décote d’illiquidité dès lors que la juxtaposition des ordres de vente et d’achat est certaine et que la faiblesse des échanges constatée sur la décennie emporte liquidité du marché en raison de la garantie de la caisse de rachat qui n’a jamais été sollicitée et donc l’impossibilité d’aboutir à une fermeture du marché. En outre, les actionnaires disposent d’un droit de retrait assimilable à une promesse de rachat de sorte qu’ils ne sont pas prisonniers de leurs parts. L’application d’une décote dans une autre situation ne lui est pas opposable en l’espèce puisque les conditions des contribuables ne sont pas identiques.

Ceci étant exposé, les époux [J] ne soutiennent plus que la valeur des SCA doit être déterminée sur la base d’une méthode multicritères mais que le prix de transaction fixé par le collège d’experts doit être ajusté par une décote d’illiquidité afin de prendre en compte les caractéristiques des titres faisant l’objet du litige. Ils renoncent en conséquence à défendre l’irrégularité pour défaut de motivation suffisante des rehaussements de la valeur des SCA.

Selon l’article 885 D du code général des impôts, dans sa version applicable au litige :

‘L’impôt de solidarité sur la fortune est assis et les bases d’imposition déclarées selon les

mêmes règles et sous les mêmes sanctions que les droits de mutation par décès sous réserve des dispositions particulières du présent chapitre.’

L’article 885 S du même code ajoute que « la valeur des biens est déterminée suivant les

règles en vigueur en matière de droits de mutation par décès. » L’article 666 de ce code indique que « les droits proportionnels ou progressifsd’enregistrement et la taxe proportionnelle de publicité foncière sont assis sur les valeurs». L’article 758 ajoutant que « pour les transmissions à titre gratuit des biens meubles, autres que les valeurs mobilières cotées et les créances à terme, la valeur servant de base à l’impôt est déterminée par la déclaration détaillée et estimative des parties, sans distraction des charges, sauf ce qui est dit aux articles 764, 767 à 770 et 773 à 776 bis. »

Si aucun prix n’est connu, la valeur de titres non cotés en bourse doit être mesurée, pour

déterminer l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune, en tenant compte de tous les

éléments d’une façon aussi proche que possible de celle qu’aurait entraîné le jeu de l’offre et de la demande dans un marché réel à la date du fait générateur de l’impôt.

Dans la présente espèce, les sociétés en commandite ont un caractère familial, les cessions d’actions s’effectuent lors d’une bourse annuelle, le 1er juillet, à laquelle intervient une caisse de rachat dans la limite de 2 % du capital des sociétés, étant précisé qu’au-delà de ce pourcentage, les cessions doivent intervenir au profit d’acheteurs définis par l’article 12 des statuts. Le prix en est fixé par un collège d’experts, quels que soient la forme de la mutation et le nombre d’actions objet de celle-ci, et les contraintes spécifiques qui leur sont attachées font partie des éléments d’appréciation pris en considération par les experts. Le prix se rapproche le plus possible de celui qu’aurait entraîné, dans un marché réel, le jeu normal de l’offre et de la demande. La valeur ainsi fixée a été reprise par l’administration fiscale comme critère de comparaison.

Les époux [J] sont ainsi mal fondés à soutenir que la valorisation retenue par la bourse interne ne pourrait pas être adoptée alors qu’elle a pris en compte les cessions de titres SCA intervenues le 1er juillet de l’année précédente. Les termes de comparaison ont dés lors été adaptés puisqu’ils ont porté sur des cessions de titres affectés des mêmes risques de liquidité et de limites à la libre cession mis en avant par les appelants. La bourse interne constitue un marché réel et le prix déterminé par les experts correspond à celui du marché réel , même si le jeu de l’offre et de la demande est restreint.

Sans nécessité d’ordonner une expertise, la demande de décote sollicitée par les appelants doit être rejetée puisque ces éléments ont déjà été pris en compte dans l’évaluation retenue par la bourse interne.

Le jugement déféré doit être confirmé de ce chef.

b) Sur la valeur des parts des sociétés civiles Bois Brillou et Cavalou

Les consorts [J] soutiennent, au visa des articles 885 S, 666 du code général des impôts, L.17 et L 57 du livre des procédures fiscales, que l’intimé ne motive pas suffisamment la proposition de redressement et ne rapporte pas la preuve d’une sous-évaluation de ces parts au motif que la valorisation doit refléter les caractéristiques de la société, de ses actifs et de la participation tout en évitant une application multiple des décotes qui recouvrent le même objet. Ainsi la formule utilisée soit [(3VM+VP)/4]*70% pour déterminer la valorisation des parts dans la société Bois Brillou est fondée dès lors que la formule (3VM+VP)/4 est recommandée par l’administration et exprime la valeur d’une part majoritaire de holding passive. Si la valeur mathématique (VM) prend en compte le défaut d’illiquidité, elle ne prend pas en compte la décote de minorité d’où l’application d’une décote de 30%. Cette décote de minorité n’a pas lieu d’être pour la société Cavalou, mais une décote de 10% peut s’appliquer si la valeur mathématique est sans décote. À défaut de l’application de cette formule, les requérants sollicitent l’application de la formule (2VM+1VP)/3 appliquée par l’administration et qui prend en compte la pondération minoritaire.

Le DGFPI soutient que la formule appliquée par les requérants n’est pas fondée aux motifs que le cumul entre une combinaison de valeurs et une décote aboutit à diminuer excessivement la valeur des parts, alors que la décote globale de 25 % effectuée sur la valeur mathématique des titres des sociétés civiles prend suffisamment en compte les suggestions d’une détention même minoritaire. Les sociétés visées étant des holdings passives, il n’a pas lieu de recourir à une combinaison de valeurs, la seule valeur mathématique est suffisante. Dès lors que la valorisation des parts de sociétés civiles correspond à la réévaluation de ses participations faute de cessions comparables, aucune décote ne peut être appliquée sur la valeur mathématique des sociétés civiles, faute de distorsion entre la valeur de leur actif et la valeur des participations détenues. Toutefois, au cas particulier de l’espèce, il reconnait l’application d’une décote de 15 % pour illiquidité (désormais portée à 25 %). La formule retenue est donc VM-25%. Il critique la proposition des réquerants visant à appliquer une deuxième formule au motif que la valorisation initiale des parts aboutirait à une décote de plus de 50 % sur la valeur mathématique pure, ce qui est manifestement décorrélé de la réalité économique.

Ceci étant exposé, l’article 885 G du code général des impôts dispose que :

« les biens ou droits grevés d’un usufruit, d’un droit d’habitation ou d’un droit d’usage accordé à titre personnel sont compris dans le patrimoine de l’usufruitier ou du titulaire du

droit pour leur valeur en pleine propriété.

Les époux [G] [J] détiennent la pleine propriété de 3.037 parts et l’usufruit de 10.962 parts sur 97.993 de la société civile Bois Brillou.

La société civile Bois brillou détient 1.844.887 titres de chacune des sociétés en commandite précitées, ainsi que des parts des sociétés NV Claris et Soderec, en 2012, cette quantité demeurant ensuite inchangée.

Ils détiennent ensuite la totalité des parts de la société civile Cavalou en usufruit, laquelle possède 47.601 parts de chacune des sociétés en commandite par actions, plus des participations dans les sociétés NV Claris et Soderec, en 2012, 2013 et 2014.

Le redressement a été opéré en tenant compte de la seule valeur mathématique des sociétés civiles , à laquelle a été appliquée une décote de 15% pour non-liquidité des titres.

L’administration fiscale accepte désormais l’application d’une décote de 25 % sur la seule

valeur mathématique.

L’actif des sociétés civiles est constitué par des participations minoritaires dans les 3 sociétés en commandite par actions Valorest, Acanthe et Cofimat.

La formule proposée par les appelants pour la société civile Bois Brillou selon laquelle VM correspond à la valeur mathèmatique des SCA et VP porte sur sa valeur de productivité doit être écartée dés lors que les société civile a une productivité faible ayant pour objet la perception des dividendes. De plus, ainsi que celà a été ci dessus rappelé, la valeur mathématique correspond à la valorisation faite par les experts de la bourse interne qui intègre déjà les paramètres tenant au fonctionnement du pacte familial et aux contraintes et limitations des conditions de vente. L’application de ce calcul multi-critères avec décote conduit à tenir compte à deux reprises desdites contraintes et conduit à sous- évaluer la valeur des participations avec une minoration del’ordre de 50% .Il convient dès lors de retenir la valeur mathématique proposée par l’administration fiscale (3VM +VP) /4 qui tient uniquement compte de la valeur des titres des SCA détenus par les sociétés civiles avec application d’une décote de 25% qui permet d’harmoniser les diverses détentions sur un profil minoritaire au sein des sociétés civiles.

Il se déduit de ce qui précède que le jugement déféré doit être confirmé en toutes ses dispositions sauf concernant la détermination des parts des sociétés civiles.

c) Sur l’article 700 du code de procédure civile;

La cour n’estime pas devoir entrer en voie de condamnation de ce chef

 


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