Parts sociales : décision du 16 mai 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 21/00799

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Parts sociales : décision du 16 mai 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 21/00799
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MM/ND

Numéro 23/1658

COUR D’APPEL DE PAU

2ème CH – Section 1

ARRET DU 16/05/2023

Dossier : N° RG 21/00799 – N° Portalis DBVV-V-B7F-HZWB

Nature affaire :

Autres demandes relatives au cautionnement

Affaire :

[U] [F]

S.A.R.L. KAPA LOCATION

S.A.S. CLINIQUE LABAT

S.A. KAPA SANTE

S.E.L.A.R.L. EKIP

S.A. KAPA SANTE

S.A.S. CSI

C/

[U] [F]

S.A. KAPA SANTE

S.A.S. CLINIQUE LABAT

S.E.L.A.R.L. EKIP

S.E.L.A.R.L. FHB

S.A.S. CSI

S.E.L.A.R.L. EKIP

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 16 Mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 20 Février 2023, devant :

Monsieur Marc MAGNON, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame Nathalène DENIS, Greffière présente à l’appel des causes,

Marc MAGNON, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Joëlle GUIROY et en a rendu compte à la Cour composée de :

Monsieur Marc MAGNON, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Joëlle GUIROY, Conseillère

Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTS et INTIMES

Monsieur [U] [F]

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 23] (85)

de nationalité française

[Adresse 4]

[Localité 12]

S.A.S. CLINIQUE LABAT

immatriculée au RCS de Pau sous le n° 310 369 434, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 15]

[Localité 20]

S.E.L.A.R.L. EKIP’

es qualité de liquidateur de la SAS Clinique Labat, S.E.L.A.R.L. EKIP’

prise en la personne de Maître [G] [D] domicilié [Adresse 7], es qualité de liquidateur judiciaire de la Clinique Labat

S.A.S. CSI

immatriculée au RCS d’Angers sous le n° 820 021 145, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 4]

[Localité 12]

Représentés par Me Olivier HAMTAT de la SELARL DALEAS-HAMTAT-GABET, avocat au barreau de PAU

Assistés de Me Charlotte SEBILEAU, avocat au barreau de NANTES

La société KAPA SANTE

société anonyme à Conseil d’administration

immatriculée au RCS d’Aix-en-Provence sous le n° 443 790 969, agissant poursuites et diligences de son Président Directeur Général domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 22]

[Adresse 22]

[Adresse 22]

[Localité 3]

Représentée par Me Stéphane LOPEZ, avocat au barreau de PAU

Assistée de Me Violaine CREZE (AARPI CTC AVOCATS), avocat au barreau de MARSEILLE

APPELANTES :

S.A.R.L. KAPA LOCATION

immatriculé au RCS de Paris sous le n° 439 329 376

[Adresse 14]

[Localité 16]

SAS KAPASSUR,

immatriculée au RCS de Paris sous le n° 509 557 385 ayant son siège social est [Adresse 14] ; aux droits de laquelle intervient la société KAPA SANTE, société anonyme à Conseil d’administration, immatriculée au RCS d’Aix-en-Provence sous le n° 443 790 969, ayant son siège social [Adresse 22]

[Adresse 22] agissant poursuites et diligences de son Président Directeur Général domicilié en cette qualité audit siège,

à la suite d’une TUP en date du 16 décembre 2020

Représentées par Me Stéphane LOPEZ, avocat au barreau de PAU

Assistées de Me Violaine CREZE (AARPI CTC AVOCATS), avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES :

S.E.L.A.R.L. FHB

es qualité d’administrateur judiciaire de la SAS Clinique Labat, prise en la personne de son représentant légal domicilié au siège

[Adresse 8]

[Localité 13]

S.E.L.A.R.L. EKIP’

es qualité de commissaire à l’exécution du plan de la SAS CSI et prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 7]

[Localité 13]

Représentées par Me Olivier HAMTAT de la SELARL DALEAS-HAMTAT-GABET, avocat au barreau de PAU

Assistées de Me Charlotte SEBILEAU, avocat au barreau de NANTES

sur appel de la décision

en date du 26 JANVIER 2021

rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE PAU

EXPOSE DES FAITS ET PROCEDURE :

La société Kapa Santé est une société anonyme immatriculée au registre du commerce et des sociétés depuis le 14 novembre 2002, qui a pour activité la prise de participations, sous quelque forme que ce soit, dans toute société, entreprise ou groupement de toute nature, en particulier dans le secteur de la santé et, en général, dans tout autre secteur.

La société Kapa Santé détenait l’intégralité du capital social de la société Clinique d'[Localité 20] , composé de 48 964 actions. La clinique d'[Localité 20] a enregistré une perte de 947 663,00 euros sur l’exercice arrêté au 31 décembre 2015.

Selon un protocole de cession du 30 mars 2016, complété par un avenant du 7 décembre 2016, réitéré par acte du 27 décembre 2016, la société Kapa Santé a cédé l’intégralité des actions qu’elle détenait dans la Clinique d'[Localité 20] à la société SAS CSI représentée par son Président, Monsieur [U] [F], pour le prix symbolique de 1 euro, tenant compte du passif de la clinique.

La société CSI s’est engagée, solidairement avec la SAS Clinique d'[Localité 20], à rembourser le solde du compte courant d’associé de la société Kapa Santé, d’un montant de 1.540.019,59 euros, déduction faite des acomptes déjà versés, selon un échéancier convenu sur 7 ans à compter du 30 septembre 2017.

L’acte prévoyait également le règlement des loyers restant dus par la société Clinique d'[Localité 20], au titre de la location de matériel médical à la société Kapa Location, pour 224.976,22 euros en principal, selon un échéancier convenu sur 3 ans à compter du 1er juillet 2017, et d’un arriéré de cotisations d’assurance dues à la société Kapassur, pour 311.808,73 euros en principal, selon un échéancier convenu sur 2 ans à compter du 1er juillet 2017.

La société CSI s’est également engagée, aux côtés de la société Clinique d'[Localité 20], devenue la SAS Clinique Labat, à inscrire une hypothèque conventionnelle sur les actifs immobiliers de la clinique pour garantir le paiement de la créance en compte courant d’associé de la société Kapa Santé et à lui reverser, le cas échéant, le prix de vente de ces actifs.

Un an plus tard, le 7 décembre 2017, Monsieur [U] [F], s’est en outre engagé personnellement et solidairement, en qualité de caution, à hauteur de 2.385.803,95 euros pour garantir les engagements pris par les sociétés CSI et Clinique Labat.

Les engagements ainsi contractés n’ont pas été tenus

Monsieur [F] a déposé le bilan de la SAS Clinique Labat en novembre 2018 et sollicité le bénéfice d’une procédure de sauvegarde pour la société CSI.

Par jugement du 20 novembre 2018 du tribunal de commerce de Pau, la SAS Clinique Labat a été placée en redressement judiciaire, mesure convertie en liquidation judiciaire par jugement du 26 novembre 2019.

En décembre 2018, alors que les sociétés Kapa Santé, Kapa Location et Kapassur ont assigné en paiement Monsieur [F], en sa qualité de caution personnelle, et en fixation de leurs créances à l’encontre des sociétés CSI et Clinique Labat, devant le tribunal de commerce de Pau,

‘ Monsieur [F] a sollicité la nullité de son cautionnement ;

‘ les sociétés CSI et Clinique Labat ont sollicité la condamnation de la société Kapa Santé au paiement de dommages et intérêts pour plus de 6 millions d’euros à compenser avec les créances de la société Kapa Santé pour réticence dolosive et fautes de gestion,

‘ Elles ont nié avoir eu en location le matériel médical mis à leur disposition et contesté en conséquence les demandes de fixation des créances de loyers.

Par jugement du 26 janvier 2021 faisant l’objet du présent appel, le tribunal de commerce de Pau a :

Reçu l’intervention volontaire de la société Kapa Location et celle de la société Kapassur,

Dit et jugé que la société Kapa Santé dispose à l’encontre de la société CSI, de la société Clinique Labat et de M [U] [F] d’une créance d’un montant total de 1540 019,59 euros au titre du remboursement du compte courant d’associé inscrit dans les livres de la société Clinique d'[Localité 20]

Fixé en conséquence le montant de la créance de la société Kapa Santé au titre de son compte courant d’associé à la somme de 1540019,59 euros au passif de la société Clinique Labat ainsi qu’au passif de la société CSI,

Débouté la société Kapa Location de l’ensemble de ses demandes formulées à l’encontre de la société Clinique Labat, de la société CSI et de Monsieur [F] au titre d’arriérés de loyers,

Débouté la société Kapassur de l’ensemble de ses demandes formulées à l’encontre de la société clinique Labat, de la société CSI et de Monsieur [F] au titre d’arriérés de cotisations d’assurance,

Débouté la société Kapa Santé de sa demande de dommages et intérêts à l’encontre de la société clinique Labat, de la société CSI et de Monsieur [F],

Prononcé la nullité du contrat de cautionnement souscrit par Monsieur [F],

Dit et jugé que l’engagement de caution de Monsieur [F] était manifestement disproportionné compte tenu de ses revenus et de son patrimoine,

Débouté la société Kapa Santé de l’ensemble de ses demandes formulées à l’encontre de Monsieur [F],

Dit qu’il n’y a pas lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit qu’il sera fait masse des dépens et qu’ils seront supportés pour moitié par chacune des parties, dont les frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 63,36 € en ce compris l’expédition de la présente décision.

Par déclaration du 10 mars 2021, les sociétés Kapa Santé, Kapa Location et Kapassur ont relevé appel du jugement du 26 janvier 2021, en ce qu’il a :

‘ débouté la société Kapa Location de l’ensemble de ses demandes formulées à l’encontre de la société Clinique Labat, de la société CSI et de Monsieur [F] au titre d’arriérés de loyers,

‘ débouté la société Kapassur de l’ensemble de ses demandes formulées à l’encontre de la société clinique Labat, de la société CSI et de Monsieur [F] au titre d’arriérés de cotisations d’assurance,

‘ débouté la société Kapa Santé de sa demande de dommages et intérêts à l’encontre de la société Clinique Labat, de la société CSI et de Monsieur [F],

‘ prononcé la nullité du contrat de cautionnement souscrit par Monsieur [F],

‘ dit et jugé que l’engagement de caution de Monsieur [F] était manifestement disproportionné compte tenu de ses revenus et de son patrimoine,

‘ débouté la société Kapa Santé de l’ensemble de ses demandes formulées à l’encontre de Monsieur [F],

‘ dit qu’il n’y a pas lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ dit qu’il sera fait masse des dépens et qui seront supportés pour moitié par chacune des parties, dont les frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 63,36 € en ce compris l’expédition de la présente décision. » .

Par déclaration en date du 22 mars 2021, la SAS Clinique Labat, la SELARL EKIP’ en qualité de liquidateur de la SAS Clinique Labat, la SAS CSI et Monsieur [U] [F] ont relevé appel de ce jugement, en ce qu’il a :

‘ dit et jugé que la société Kapa Santé dispose à l’encontre de la société CSI, de la Clinique Labat et de Monsieur [U] [F] d’une créance pour un montant total de 1.540.019,59 euros au titre du remboursement du compte courant d’associé inscrit dans les livres de la société Clinique d'[Localité 20],

‘ fixé en conséquence le montant de la créance de la société Kapa Santé au titre du compte courant d’associé à la somme de 1 540 019,59 euros au passif de la société Clinique Labat ainsi qu’au passif de la société CSI,

‘ débouté les sociétés CSI et Clinique Labat de leurs demandes de dommages et intérêts formulées à l’encontre de la société Kapa Santé,

‘ débouté la Clinique Labat, la société CSI, Monsieur [F] et la SELARL EKIP’ de leurs demandes formulées au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Par ordonnance en date du 2 avril 2021, le magistrat de la mise en état a joint les deux procédures sous le numéro RG 21/00799.

En février 2022, la société Clinique Labat et les organes de la procédure collective ouverte à son encontre ont transigé avec la société Kapa Location concernant ses revendications en matière de loyers impayés relatifs au matériel médical mis à disposition de la clinique.

En exécution du protocole d’accord du 10 février 2022, la société Clinique Labat et les organes de la procédure collective ont ainsi réglé à la société Kapa Location, à titre d’indemnité transactionnelle et définitive, la somme de 45.000,00 euros, contre renonciation de sa part à toute autre réclamation au titre des loyers.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 janvier 2023, l’affaire étant fixée au 20 février 2023.

Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l’espèce des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l’exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessous.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Vu les conclusions du 6 janvier 2023 notifiées par les sociétés Kapa Santé, Kapassur et Kapa Location, qui demandent de :

Vu les articles 515, 696, 699 et 700 du code de procédure civile,

Vu les anciens articles 1134 et suivants du code civil,

Vu l’ancien article 1147 du code civil,

Vu le protocole signé entre les sociétés CSI et Clinique Labat et la société Kapa Santé en date du 30 mars 2016, de son avenant en date du 7 décembre 2016 et de son acte réitératif en date du 27 décembre 2016,

Vu l’acte de caution solidaire et personnelle souscrit par Monsieur [U] [F] le 7 décembre 2017,

Vu les actes de cession de créances signés entre les sociétés Kapa Santé et Kapa Location et Kapassur le 31 décembre 2017,

Vu le protocole d’accord du 10 février 2022 et le jugement du tribunal de commerce de Pau du 8 mars 2022,

‘ Confirmer le jugement du 26 janvier 2021 en ce qu’il a reçu les interventions volontaires des sociétés Kapassur et Kapa Location, et en ce qu’il fixé la créance de la société Kapa Santé à hauteur de 1.540.019,59 euros au titre du remboursement de son compte courant d’associé, tant au passif de la procédure collective de la Clinique Labat, qu’à celui de la SAS CSI,

‘ Infirmer le jugement du 26 janvier 2021 en ce qu’il a :

Débouté la société Kapassur de l’ensemble de ses demandes formulées à l’encontre de la société clinique Labat, de la société CSI et de Monsieur [F] au titre d’arriérés de cotisations d’assurance,

Débouté la société Kapa Santé de sa demande de dommages et intérêts à l’encontre de la société Clinique Labat, de la société CSI et de Monsieur [F],

Dit et jugé que l’engagement de caution de Monsieur [F] était manifestement disproportionné compte tenu de ses revenus et de son patrimoine,

Prononcé la nullité du contrat de cautionnement souscrit par Monsieur [F],

Débouté la société Kapa Santé de l’ensemble de ses demandes formulées à l’encontre de Monsieur [F],

Dit qu’il n’y a pas lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit qu’il sera fait masse des dépens et qui seront supportés pour moitié par chacune des parties, dont les frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 63,36 € en ce compris l’expédition de la présente décision.

Et, y ajoutant en statuant à nouveau :

‘ Juger parfait le désistement d’instance et d’action de la société Kapa Location en exécution du protocole d’accord du 10 février 2022 homologué par jugement du tribunal de commerce de Pau du 8 mars 2022 concernant sa réclamation au paiement de loyers impayés relatifs à la mise à disposition de matériels médicaux dirigée contre les sociétés Clinique Labat, CSI et Monsieur [U] [F],

Et, statuant à nouveau :

‘ Condamner la société CSI à payer à la société Kapa Santé la somme de 1.540.019,59 euros au titre du remboursement de son compte courant d’associé,

‘ Condamner la société CSI à payer à la société Kapa Santé la somme 43.319,59 euros d’intérêts sur la dette de compte courant d’associé et subsidiairement fixer cette somme au passif de la société CSI,

‘ Fixer à la somme de 43.319,59 euros le montant des intérêts prévus sur 7 ans sur la créance de 1.540.019,59 euros au titre du compte-courant d’associé de la société Kapa Santé au taux de 1,5%, tant au passif de la société Clinique Labat, qu’au passif de la société CSI,

‘ Dire et juger que Monsieur [U] [F] a violé son engagement souscrit aux termes de l’acte de cautionnement solidaire et personnel du 7 décembre 2017,

‘ Dire et Juger non disproportionné l’acte de cautionnement solidaire et personnel du 7 décembre 2017,

‘ Juger que l’acte de caution souscrit le 7/12/2017 par Monsieur [U] [F] est valable,

‘ Débouter Monsieur [U] [F] de sa demande de nullité du cautionnement souscrit par lui le 7 décembre 2017,

‘ Condamner Monsieur [U] [F], en sa qualité de caution personnelle et solidaire, à payer à la société Kapa Santé la somme de 1.540.019,59 euros majorée de 43.319,59 euros d’intérêts au titre du remboursement anticipé du compte courant d’associé inscrit dans les livres de la société Clinique Labat,

‘ Dire et juger que la société Kapassur détient à l’encontre de la société CSI, de la société Clinique Labat et de Monsieur [U] [F], es qualité de caution, une créance au titre des cotisations d’assurance non réglées au 26 décembre 2017 pour un montant de 340.330,06 euros,

‘ Fixer en conséquence le montant de la créance de la société Kapassur au titre des cotisations d’assurances impayées au 27 décembre 2017 à la somme de 340.330,06 euros au passif de la société Clinique Labat,

‘ Condamner la société CSI à payer à la société Kapa Santé la somme de 340.330,06 euros et subsidiairement fixer cette somme au passif de la société CSI,

‘ Condamner Monsieur [U] [F], en sa qualité de caution personnelle et solidaire, à payer à la société Kapassur la somme de 340.330,06 euros au titre des cotisations d’assurances impayées au 27 décembre 2016,

‘ Juger que Monsieur [U] [F], à titre personnel, la société CSI et la société Clinique Labat ont solidairement engagé leur responsabilité contractuelle à l’égard de la société Kapa Santé en s’abstenant d’inscrire une hypothèque conventionnelle sur l’actif immobilier de la société Clinique Labat en violation de leurs engagements aux termes de l’acte de cession des titres de la clinique Labat,

‘ Condamner Monsieur [U] [F] à payer à la société Kapa Santé la somme de 1.152.000 euros à titre de dommages et intérêts du chef de la perte de chance de 100% de percevoir le fruit de la vente de l’actif immobilier de la clinique Labat en remboursement de sa créance,

‘ Fixer le montant de la créance de la société Kapa Santé,au titre des dommages et intérêts à la somme de 1.152.000 euros au passif de la société Clinique Labat, et Condamner la société CSI à payer à la société Kapa Santé la somme de 1.152.000 euros et subsidiairement, fixer cette somme au passif de la société CSI,

Très subsidiairement, avant dire droit,

‘ Ordonner une expertise judiciaire et désigner à cet effet tel expert financier qu’il plaira à la Cour de nommer ayant pour mission de :

Se faire remettre par les parties et/ou par tout tiers susceptible de détenir les informations nécessaires, de tous documents, pièces ou informations permettant de reconstituer l’étendue du patrimoine détenu par Monsieur [U] [F], de ses avoirs, actifs mobiliers et immobiliers, détentions capitalistiques etc, de ses dettes ou souscription de toutes garanties sur ses biens, et des modifications intervenues dans son patrimoine, tant à l’époque de la cession en décembre 2016, qu’à l’époque de la souscription du cautionnement le 7/12/2017, le jour de l’assignation au fond le 17/12/2018, et à ce jour,

Convoquer et entendre si nécessaire dans ce cadre les parties et/ou tout tiers dont l’intervention serait utile,

Lister en détail et vérifier si d’éventuelles opérations et notamment des aliénations réalisées par Monsieur [F] sur son patrimoine entre décembre 2016 date de la cession de la Clinique et décembre 2017 lors de la souscription de son engagement de caution, et encore jusqu’au 17/12/18, puis jusqu’à ce jour, ont un caractère irrégulier ou présente une anomalie au regard de la cohérence financière, notamment des contreparties octroyées, et du marché,

Dresser un état dans la mesure du possible le plus exhaustif possible de la situation financière et du patrimoine de Monsieur [U] [F] tant à l’époque de la cession en décembre 2016, qu’à l’époque de la souscription du cautionnement le 7/12/2017, le jour de l’assignation au fond le 17/12/2018, et à ce jour.

Surseoir à statuer sur la validité du cautionnement dans l’attente du rapport d’expertise, et les demandes de condamnation de ce chef,

Sur l’appel incident des parties adverses :

Vu les articles 564 du Code de procédure Civile,

Vu les articles 1109 et suivants anciens du Code Civil,

Vu le principe de non-cumul des actions en responsabilité de droit commun des dirigeants d’une société en procédure collective

‘ Dire et juger irrecevable l’action en nullité pour vice du consentement du chef de dol de la société CSI,

‘ Dire et juger mal fondée cette action et la demande subsidiaire de dommages et intérêts et de compensation d’hypothétiques créances réciproques,

‘ Débouter la société CSI et les intimés de l’ensemble de leurs demandes à ce titre,

‘ Dire et juger irrecevable l’action ut singuli et toute action en responsabilité à l’encontre de la société Kapa Santé,

‘ Dire et juger au demeurant mal fondée toute action en responsabilité à l’encontre de la société Kapa Santé,

‘ Débouter les intimés de leurs prétentions à ce titre,

‘ Dire et juger dilatoire, inopportune et mal fondée la demande d’expertise judiciaire formulée par les intimés,

‘ Les en débouter,

En toute hypothèse,

‘ Condamner solidairement les sociétés CSI et Clinique Labat, Monsieur [U] [F], ainsi que la SELARL FHB, ès qualités, la SELARL EKIP’, ès qualités, et Me [D] es qualité, à payer à la société Kapa Santé la somme de 25.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

‘ Fixer le montant de la créance de la société Kapa Santé au titre de l’article 700 du Code de procédure civile à la somme de 25.000 euros au passif de la société Clinique Labat,

‘ Débouter les intimés de l’ensemble de leurs demandes fins ou conclusions,

‘ Condamner solidairement la société CSI, Monsieur [U] [F], en sa qualité de caution personnelle et solidaire, Me [Y] en qualité d’administrateur judiciaire de la Clinique Labat, Me [D], en qualité de commissaire à l’exécution du plan de la société CSI au paiement des entiers dépens engagés dans le cadre de la présente instance.

*

Vu les conclusions notifiées le 10 janvier 2023 par la SAS Clinique Labat, la SAS CSI, Monsieur [U] [F], la SELARL EKIP’, représentée par Me [G] [D], en qualité de liquidateur de la SAS Clinique Labat, la SELARL FHB, prise en la personne de son représentant légal, en qualité d’administrateur judiciaire de la SAS Clinique Labat, aux fins de :

Vu les anciens articles 1109 et 1117 du code civil

Vu les articles L. 123-14, L. 123-20, L. 123-22 du code de commerce

Article 16 du code de procédure civile

Vu les articles 1347 et suivants du code civil

Vu l’article L. 227-7 du code de commerce

Vu l’article 1843-5 du code civil

Vu les articles 378 et suivants du code de procédure civile

Vu les articles 143 et suivants du code de procédure civile

Vu les protocoles de cession

‘ Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Pau le 26 janvier 2021 en ce qu’il a :

Débouté les sociétés Kapa Location et Kapassur de l’ensemble de leurs demandes formulées à l’encontre de la Clinique Labat, de la société CSI et de Monsieur [F],

Débouté la société Kapa Santé de sa demande de dommages et intérêts formulée à l’encontre de la Clinique Labat, de la société CSI et de Monsieur [F],

Dit et jugé que l’engagement de caution souscrit par Monsieur [F] est manifestement disproportionné compte tenu de ses revenus et de son patrimoine,

Prononcé la nullité du cautionnement de Monsieur [F],

Débouté la société Kapa Santé de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de Monsieur [F],

Subsidiairement,

‘ Réformer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Pau le 26 janvier 2021 en ce qu’il a :

Dit et jugé que la société Kapa Santé dispose à l’encontre de la société CSI, de la Clinique Labat et de Monsieur [U] [F] d’une créance pour un montant total de 1.540.019,59 euros au titre du remboursement du compte courant d’associé inscrit dans les livres de la société Clinique d'[Localité 20],

Fixé en conséquence le montant de la créance de la société Kapa Santé au titre du compte courant d’associé à la somme de 1.540.019,59 euros au passif de la société Clinique Labat ainsi qu’au passif de la société CSI,

Débouté les sociétés CSI et Clinique Labat de leurs demandes dommages et intérêts formulées à l’encontre de la société Kapa Santé,

Débouté la Clinique Labat, la société CSI, Monsieur [F], la SELARL EKIP’ de leurs demandes formulées au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Et statuant à nouveau :

En tout état de cause,

‘ Dire et juger que la société Kapa Santé a communiqué des comptes irréguliers dans le cadre de la cession et omis d’informer la société CSI des fraudes à la sécurité sociale dont elle s’est rendue coupable,

A titre principal,

‘ Prononcer l’annulation du protocole de cession du 30 mars 2016, de l’avenant du 7 décembre 2016 et de l’acte réitératif du 27 décembre 2016,

En conséquence,

‘ Dire et juger que la société CSI restituera les parts sociales à la société Kapa Santé, en nature ou en cas d’impossibilité de restitution en nature, en valeur à la date de l’acte annulé, soit la somme de 1€,

‘ Condamner la société Kapa Santé à restituer à la société CSI la somme de 800.000,00€ versée au titre du compte courant d’associé de la société Kapa Santé en application de l’acte de cession du 30 mars 2016,

‘ Débouter la société Kapa Santé de sa demande tendant à voir inscrire au passif de la société CSI la somme de 1.540.019,59€ au titre du solde de son compte courant d’associé,

‘ Condamner la société Kapa Santé à verser à la société Clinique Labat la somme de 4.253.625,05€ en réparation de son préjudice,

‘ Condamner la société Kapa Santé à verser à la société Clinique Labat, à la société CSI, à Monsieur [F] et à la SELARL EKIP’ la somme de 10.000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Condamner la société Kapa Santé aux entiers dépens,

A titre subsidiaire,

‘ Dire et juger que cette attitude dolosive a vicié le consentement de la société CSI et fait perdre une chance à cette dernière de négocier des conditions de cession plus avantageuses,

‘ Condamner la société Kapa Santé à verser la somme de 2.054.715€ à la société CSI en réparation de son préjudice,

‘ Ordonner la compensation entre les créances réciproques des parties,

‘ Condamner la société Kapa Santé à verser à la société Clinique Labat la somme de 4.253.625,05€ en réparation de son préjudice,

‘ Condamner la société Kapa Santé à verser à la société Clinique Labat, à la société CSI, à Monsieur [F] et à la SELARL Ekip’ la somme de 10.000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Condamner la société Kapa Santé aux entiers dépens

A titre infiniment subsidiaire et avant dire droit,

‘ Désigner tel expert avec pour mission de :

Se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utiles à sa mission

Entendre tout sachant qu’il estimera utile

S’il l’estime nécessaire, se rendre sur place

Concernant la comptabilité de la société Clinique Labat,

Examiner les documents comptables annexés au protocole de cession et à ses avenants

Indiquer si les frais de TUP faisaient l’objet d’une provision

Indiquer si l’immobilisation d’études pour un montant de 86 285€ respectait les principes comptables applicables

Donner au Juge tous les éléments techniques de nature à établir si ces comptes étaient réguliers, sincères et donnaient une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l’entreprise

Concernant l’évaluation du patrimoine immobilier,

Donner son avis sur la valeur du patrimoine immobilier de la société Clinique Labat au 27 décembre 2016 et au 14 septembre 2018

Concernant le contrôle T2A,

Examiner les dossiers dans lesquels l’assurance maladie a relevé des anomalies,

Indiquer s’il y a des récurrences dans les anomalies constatées

Indiquer la nature des anomalies

Donner tous les éléments techniques de nature à expliquer l’origine des anomalies

Donner tous les éléments de nature à apprécier le préjudice subi par les sociétés CSI et Clinique Labat et, en particulier :

Donner son avis sur l’incidence des irrégularités constatées sur le prévisionnel établi par la société CSI dans le cadre du rachat des parts sociales de la Clinique Labat,

Donner son avis sur les conditions de la cession qui auraient pu être négociées par la société CSI si elle avait eu connaissance de l’ensemble des irrégularités,

‘ Surseoir à statuer sur les autres demandes dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise judiciaire,

‘ Réserver les dépens.

MOTIVATION :

1 – Sur le désistement d’instance et d’action de la société Kapa Location :

La société Kapa Location a relevé appel du chef du jugement critiqué qui l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes formulées à l’encontre de la société Clinique Labat, de la société CSI et de Monsieur [F], au titre de l’arriéré des loyers du matériel médical mis à la disposition de la clinique Labat.

Il s’avère que par acte du 10 février 2022, la SAS Clinique Labat, la SELARL EKIP’ et la SELARL FHB, ès qualités, d’une part, la SARL Kapa Location , d’autre part, en présence de la SAS CSI, de Monsieur [U] [F] et de la société Kapa Santé ont conclu un protocole transactionnel , aux termes duquel la société Clinique Labat s’est engagée « à verser la somme de 45000,00 euros à la société Kapa Location , afin de régler le litige opposant la société Clinique Labat et la société Kapa Location au sujet des loyers sollicités par cette dernière au titre de la location de matériels médicaux ».

En contrepartie, la société Kapa Location s’est engagée à renoncer à toute action en paiement d’une quelconque somme, intérêt de retard ou action en responsabilité à l’encontre de la société Clinique Labat, de la société CSI ou de Monsieur [F], ainsi que des organes de la procédure collective de la société Clinique Labat.

Ce protocole transactionnel a été homologué par jugement du tribunal de commerce de Pau du 8 mars 2022.

En exécution de ce protocole d’accord , la société Kapa Location a reçu la somme de 45000,00 euros et renoncé, en l’état de ses dernières écritures, à toute autre prétention à l’encontre de la société Clinique Labat, de la société CSI et de Monsieur [F], concernant les loyers relatifs au matériel médical mis à disposition de la clinique. Elle se désiste en conséquence de son appel. Il convient de juger parfait ce désistement.

2 – Sur le cautionnement de Monsieur [U] [F] :

Par acte du 7 décembre 2017 et aux termes de la mention rédigée de sa main, [U] [F] s’est porté caution solidaire et indivisible, en garantie du paiement des sommes dues par la société Clinique Labat à la société Kapa Santé, dans la limite de la somme de 2 385803,95 euros couvrant le montant du principal, des intérêts et, le cas échéant, des intérêts de retard et pour la durée de six années à compter du 1er mars 2018.

L’article premier de l’acte de cautionnement précise qu’est garantie « le paiement de toutes les sommes qui peuvent ou pourront être dues par la société CSI à la société Kapa Santé , au titre du protocole signé entre la société CSI et la société Kapa Santé en date du 30 mars 2016, de son avenant en date du 7 décembre 2016 et de son acte réitératif en date du 27 décembre 2016 portant sur la cession des titres de la société Clinique d'[Localité 20], et dans la limite d’une somme maximum de deux millions soixante-seize mille huit cent trois euros et quatre-vingt-quinze centimes(2.076.803,95 euros ) en principal, hors intérêts, frais et accessoires »

1-En premier lieu, [U] [F] soutient que son engagement de caution est nul, au motif que la mention manuscrite désigne comme débiteur cautionné la Clinique Labat, alors que l’article 1 de l’acte de cautionnement désigne la société CSI. Il rappelle que selon l’article 2292 du code civil dans sa version applicable au litige, le cautionnement ne se présume point ; il doit être exprès, et on ne peut pas l’étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté.

Il fait valoir qu’entre la mention manuscrite et le texte imprimé de l’article 1 de l’acte , l’identité du débiteur et le montant maximum de l’engagement de caution diffèrent.

Il ajoute que :

‘ l’acte de cautionnement ne vise aucune dette de la Clinique Labat,

‘ la société Clinique Labat n’est pas partie à l’acte de cession des parts sociales. Ce dernier n’a créé aucune obligation à la charge de la société Clinique Labat à l’égard de la société Kapa Santé. La référence dans le contrat de cautionnement à l’acte de cession des parts sociales ne permet donc pas, non plus, de déterminer la dette qui serait garantie.

Cependant, comme le fait valoir la société Kapa Santé, la première page de l’acte de cautionnement désigne bien comme débiteur cautionné la SAS Clinique Labat.

Quant à la nature des dettes garanties, si l’article 1 de l’acte de cautionnement indique « toutes les sommes qui peuvent ou pourront être dues par la société CSI au titre du protocole de cession de parts sociales, de son avenant et de l’acte réitératif du 27 décembre 2016 », force est de constater que ce dernier acte, dont la caution a eu connaissance, désigne le solde du compte courant de la société Kapa Santé, d’un montant de 1540019,59 euros majoré du taux d’intérêt courant de 1,5 % l’an, remboursable en 84 mensualités constantes à compter du 30 septembre 2017, et précise que le compte courant sera intégralement payé par le cessionnaire, ou remboursé par la société Clinique d'[Localité 20] (devenue la SAS Clinique Labat).

En revanche, cet acte de cautionnement ne permet pas de considérer que [U] [F] a entendu garantir les dettes de la Clinique Labat, ex Clinique d'[Localité 20], envers les sociétés Kapa Location et Kapassur, dont le nom n’est pas mentionné en tant que créanciers bénéficiaires de cette garantie personnelle, alors que les actes de cession de créances intervenus entre ces sociétés et la société Kapa Santé sont postérieurs à l’engagement de [U] [F].

Il s’ensuit que Monsieur [F] était parfaitement informé, à la lecture de l’acte de cession des parts sociales, auquel renvoie l’acte de cautionnement, de la nature et du montant de la dette de la société Clinique d'[Localité 20], devenue la société Clinique Labat, qu’il a accepté de garantir.

Il convient d’ajouter qu’en cas de discordance entre le montant maximum du cautionnement indiqué dans la mention manuscrite et celui figurant dans le texte imprimé de l’acte , c’est le premier qui engage la caution.

A cet égard, la somme de 2076 803,95 euros stipulée à l’article 1 de l’acte couvre le principal de la dette, hors intérêts , frais et accessoires, alors que la somme de 2385 803,95 euros, de la mention manuscrite, couvre le principal de la dette, les intérêts et, le cas échéant , les intérêts de retard, de sorte que ces deux mentions ne sont pas contradictoires.

Cette demande d’annulation du cautionnement litigieux est en conséquence rejetée.

2-En second lieu, Monsieur [F] soutient que son engagement était manifestement disproportionné au regard de ses biens et revenus, de sorte que la société Kapa Santé ne peut s’en prévaloir.

Sur ce second moyen, les sociétés Kapa Santé et Kapassur considèrent que le premier juge a commis une erreur d’appréciation, abusé par des déclarations qu’elles estiment fallacieuses et les pièces communiquées par Monsieur [F].

Elles font valoir que Monsieur [F], qui ne démontre pas avoir communiqué à la société Kapa Santé une information complète et sincère sur sa situation financière, est un homme d’affaires aguerri, familier des opérations de financement, qui se présente lui-même comme un investisseur.

Elles ajoutent que les tableaux exposés par Monsieur [F] sur sa situation financière sont erronés et minorent ses actifs ; ainsi les montants communiqués sur les assurances-vie ne sont pas ceux de 2017, mais ceux de 2020. De même, elles considèrent que le passif revendiqué par Monsieur [F] n’est pas démontré.

Elles indiquent que Monsieur [F], séparé de biens de son épouse, a entrepris en décembre 2017 de lui céder ses participations dans les SCI communes à un prix basé sur la valeur nominale des parts et non sur la valeur de l’immeuble détenu.

Elles estiment également que lorsqu’il a pris son engagement de caution, Monsieur [F] était devenu indirectement propriétaire, par l’intermédiaire de la société CSI, d’actifs immobiliers de la Clinique d'[Localité 20] évalués à la somme de 1152000,00 euros qui auraient dû venir en remboursement de la créance de Kapa Santé si la promesse d’affectation hypothécaire prise par la société CSI et la société Clinique Labat avait été tenue.

[U] [F] maintient que son engagement de caution était manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à la date à laquelle il a été consenti, compte tenu de la valorisation de son patrimoine, de ses revenus et de son endettement ou de ses engagements financiers préexistants. Il ajoute que cette disproportion existait toujours au moment où il a été appelé en sa qualité de caution.

Aux termes des dispositions de l’article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance 2016-301 du 14/03/2016, devenu les articles L. 332-1 et L. 343-4 du même code, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Au sens de ces dispositions, la disproportion manifeste du cautionnement aux biens et revenus de la caution, au jour où il a été souscrit, suppose que la caution soit à cette date dans l’impossibilité manifeste de faire face à un tel engagement avec ses biens et revenus.

La disproportion du cautionnement s’apprécie pour chaque acte de cautionnement successif à la date de l’engagement de la caution en prenant en compte son endettement global, y compris les cautionnements antérieurs, au moment où cet engagement est consenti, à l’exclusion toutefois de ceux qui ont été annulés.

Ces dispositions s’appliquent à toute caution personne physique qui s’est engagée au profit d’un créancier professionnel. Il importe peu qu’elle soit caution profane ou avertie ni qu’elle ait la qualité de dirigeant social.

Sauf anomalie apparente, le créancier professionnel n’est pas tenu de vérifier les renseignements communiqués par la caution, sur ses revenus et sa situation patrimoniale, lors de son engagement, celle-ci supportant, lorsqu’elle l’invoque, la charge de la preuve de démontrer que son engagement de caution était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

La proportionnalité de l’engagement de la caution ne peut être appréciée au regard des revenus escomptés de l’opération garantie.

La sanction du caractère manifestement disproportionné de l’engagement de la caution est l’impossibilité pour le créancier de se prévaloir de cet engagement.

Enfin, il résulte de la combinaison des articles 1315 ancien du code civil, devenu 1353, et L. 341-4 du code de la consommation, devenu L. 332-1 et L. 343-4 du même code, qu’il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d’un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d’établir qu’au moment où il l’appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation.

En l’espèce, [U] [F], marié sous le régime de la séparation de biens, s’est porté caution des engagements de la Clinique Labat, ex Clinique d'[Localité 20], le 7 décembre 2017, à hauteur de la somme de 2 385803,95 euros.

A cette date et selon les pièces versées aux débats, il justifiait d’un revenu mensuel de l’ordre de 780 euros, ayant déclaré pour toute l’année un revenu salarial ou assimilé de 9337,00 euros. L’avis d’imposition mentionne également des revenus fonciers du couple de l’ordre de 1631 euros nets et des revenus de capitaux mobiliers déclarés de 108 euros.

Il détenait des parts sociales de diverses SCI , soit selon les statuts produits :

‘ SCI Roanne Immo : 50 % des parts sociales :

‘ SCI du Bon Roy René : 30%

‘ SCI de la Villestreux : 50%

‘ SCI Avenir Immo : 85 %

‘ SCI du Pré Pasteur : 11,5 % .

Ces sociétés étaient propriétaires de différents actifs immobiliers, pour lesquels Monsieur [F] produit plusieurs évaluations immobilières permettant de retenir une valeur supérieure à la valeur nette comptable de ces actifs corporels telle qu’inscrite au bilan respectif de chacune de ces sociétés pour l’exercice 2017.

‘ SCI Roanne Immo : 385.082,00 euros

‘ SCI du Bon Roy René : 248.180,00 euros

‘ SCI de la Villestreux : 154.650,00 euros

‘ SCI Avenir Immo : 169.560,00 euros

‘ SCI du Pré Pasteur : 68.403,00 euros

Après déduction des encours d’emprunts inscrits aux bilans de ces sociétés, pour l’exercice 2017, la valeur résiduelle des actifs immobiliers détenus par ces SCI s’établit à :

‘ SCI Roanne Immo : 100.623,00 euros

‘ SCI du Bon Roy René : 119.428,00 euros

‘ SCI de la Villestreux : 97.181,00 euros

‘ SCI Avenir Immo : 56.091,00 euros

‘ SCI du Pré Pasteur : 27.604,00 euros

Il résulte de ces données qu’à la date de son cautionnement, la valeur des parts sociales détenues par [U] [F], dans ces différentes SCI, peut être fixée au maximum à :

‘ SCI Roanne Immo : 50.311,50 euros

‘ SCI du Bon Roy René : 35.828,40 euros

‘ SCI de la Villestreux : 48.590,50 euros

‘ SCI Avenir Immo : 47.677,35 euros

‘ SCI du Pré Pasteur : 3.174,46 euros

Au total : 185.582,21 euros

[U] [F] disposait également de trois contrats d’assurance vie.

‘ l’un souscrit auprès du Crédit Mutuel, valorisé à 60791,64 euros à la date du 1er janvier 2018, mais nanti en totalité au bénéfice du Crédit Mutuel, en garantie du prêt de 250000,00 euros consenti par cette banque à la société CSI, le 21 décembre 2016, pour permettre le rachat des parts sociales de la SAS Clinique d'[Localité 20] ;

‘ le second, souscrit auprès de Prefon Retraite en 2006, valorisé à 21456,04 euros fin 2016 et à 24321,07 euros au 31 décembre 2018, soit une valeur moyenne retenue de 22 888,55 en décembre 2017 ;

‘ le troisième souscrit auprès d’AXA en 2007, sous forme de produit d’épargne retraite prévoyance, d’une valeur de 17636,90 euros au 1er décembre 2017.

Au total : 101.317,09 euros

Les actifs patrimoniaux détenus par Monsieur [F] peuvent ainsi être évalués à la somme de 286.898,80 euros.

Contrairement à ce que soutient la société Kapa Santé, la valeur de l’immeuble propriété de la société Clinique Labat , vendu 1152000,00 euros en 2018, ne peut être intégrée dans le patrimoine de Monsieur [F], au seul motif qu’il détiendrait indirectement cet immeuble via sa société CSI.

Il est en revanche possible de valoriser les parts sociales détenues par celui-ci dans la société CSI, associée unique de la SAS Clinique Labat, en tenant compte du passif de cette dernière, Or, selon la situation intermédiaire annexée à l’avenant au protocole de cession (pièce 3 des appelants), la SAS Clinique d'[Localité 20], devenue la Clinique Labat, présentait un passif important avec un report à nouveau de -2887420 euros et une perte de -610790 euros, ainsi qu’un endettement total de 5291 540,00 euros au 30 septembre 2016, pour des actifs nets immobilisés valorisés à 5844 536,00 euros et des actifs circulants de 940432,00 euros.

Cette situation d’endettement explique que les parts sociales de la Clinique d’ [Localité 20] ont été cédées pour un euro et que le prix de vente de l’immeuble, de 1152000,00 euros, a été affecté au règlement de plusieurs avis à tiers détenteur, d’une saisie- attribution de l’Urssaf et des frais des transmissions universelles de patrimoine intervenues au bénéfice de la clinique d'[Localité 20] en 2013 et 2015, laissant subsister un solde de 67 140, 89 euros.

Étant rappelé que la société CSI a été créée en avril 2016 avec un capital de 10000,00 euros, ses parts sociales ne sauraient être valorisées au-delà de leur valeur nominale, compte tenu de la dette contractée par la société CSI envers la société Kapa Santé, au titre du remboursement du compte courant de cette dernière, et de la situation d’endettement de la clinique Labat.

A supposer que Monsieur [F] soit le seul actionnaire de la SAS CSI, la valeur des parts sociales qu’il détenait dans cette société ne pouvait ainsi excéder 10000,00 euros, à la date de son engagement de caution.

Au-delà, la société Kapa Santé qui conteste la consistance et l’évaluation du patrimoine de [U] [F] ne rapporte pas la preuve contraire que des actifs personnels auraient été dissimulés, ni ne justifie d’une évaluation supérieure à celle retenue par la cour.

Il convient de déduire de la valeur des actifs patrimoniaux de la caution le passif personnel et ses engagements préexistants.

A la date du 20 décembre 2016, Monsieur [F] s’est porté caution à concurrence de la somme de 300 000,00 euros du prêt consenti à la société CSI par la Banque Pouyanne.

Le 21 décembre 2016, il s’est également porté caution, à concurrence de la somme de 300 000,00 euros, du prêt consenti à la société CSI par le Crédit Mutuel (pièce 60 des intimés, page 12).

Soit des engagements préexistants d’un montant total de 600000,00 euros, non couverts par la valeur de son patrimoine personnel et auxquels son revenu ne permettait pas de faire face  à moyen terme.

Il est donc établi qu’à la date du 7 décembre 2017, [U] [F] ne pouvait faire face à un nouveau cautionnement de 2 385803,95 euros, cet engagement étant manifestement disproportionné à ses biens et revenus, comme l’a retenu le tribunal.

La société Kapa Santé n’établit pas qu’à la date où il est appelé, en tant que caution, Monsieur [U] [F] est en mesure de faire face à son obligation. En effet, il n’est pas démontré que la valeur net des actifs détenus par Monsieur [F] a évolué à la hausse, dans des proportions lui permettant de régler la créance déclarée par la société Kapa Santé, alors que ses engagements de caution envers la Banque Pouyanne et le Crédit Mutuel demeurent. Quant à ses revenus, s’il est retraité depuis 2020 et justifie d’une pension de 26807 euros par an et d’un salaire annuel de 1221euros, selon l’avis d’imposition qu’il produit, ce revenu ne lui permettrait pas de faire face à la créance réclamée par la société Kapa Santé, sauf à affecter la totalité de ses revenus au règlement du principal de la dette pendant près de 60 ans.

Aucun élément ne justifie par ailleurs d’ordonner une expertise sur la consistance du patrimoine de Monsieur [F] afin de suppléer la carence de la société Kapa Santé dans l’administration de la preuve, qui lui incombe, de la capacité de [U] [F] à faire face à son obligation.

Toutefois, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, si la disproportion manifeste du cautionnement empêche le créancier de s’en prévaloir, l’engagement n’est pas nul pour autant. Le jugement sera réformé en ce sens.

3 – Sur l’annulation de la vente des actions de la société Clinique d'[Localité 20] devenue Clinique Labat, pour dol :

La société CSI, la SAS Clinique Labat et la SELARL EKIP’, agissant en qualité de liquidateur de la SAS Clinique Labat, concluent à l’annulation de la cession des actions de la société Clinique d'[Localité 20], pour dol, et à la condamnation de la société Kapa Santé à indemniser la société Clinique Labat de son préjudice.

Elles soutiennent que cette demande est parfaitement recevable en cause d’appel car son objet apparaît comme l’expression d’une autre forme de l’exercice d’un même droit, les parties concluantes ayant sollicité en première instance l’allocation de dommages et intérêts sur le fondement du dol.

Elles font valoir notamment que la comptabilité communiquée par la société Kapa Santé, dans le cadre de la cession, était irrégulière et que le chiffre d’affaires de la société Clinique d'[Localité 20] était faussé par des fraudes à la CPAM, information que la société Kapa Santé n’a pas révélé à la société CSI.

La société KAPA Santé conclut en premier lieu à l’irrecevabilité de cette prétention, selon elle nouvelle en cause d’appel, au motif qu’en première instance la SAS Clinique Labat et la SAS CSI sollicitaient l’octroi de dommages et intérêts, à compenser avec leur dette envers la société Kapa Santé. Elle considère en effet que l’action en nullité et ses conséquences, les restitutions à opérer, ne tendent pas aux mêmes fins que l’action indemnitaire et caractérisent une demande nouvelle au sens de l’article 564 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire elle réfute l’existence d’un dol.

a – sur la recevabilité de la demande d’annulation du contrat de cession d’actions pour dol :

Aux termes de l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

En première instance, les sociétés Clinique Labat et CSI, ont demandé, sur le fondement du dol, la condamnation de la société Kapa Santé à leur payer une certaine somme à titre de dommages et intérêts à compenser avec la créance dont cette dernière revendique le paiement.

En sollicitant à hauteur d’appel l’annulation du contrat de cession d’actions pour dol, les sociétés Clinique Labat et CSI poursuivent en réalité le même but visant à faire écarter les prétentions de la société Kapa Santé tendant à les voir condamner au paiement d’une certaine somme en exécution de ce même contrat.

Cette demande n’est en conséquence pas une prétention nouvelle au sens de l’article 564.

b – Au fond :

Aux termes de l’article 1116 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, applicable à la date du protocole de cession du 30 mars 2016, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man’uvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces man’uvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Selon l’article 1137 du code civil dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016, le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des man’uvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.

Ainsi, le dol peut être constitué par le silence d’une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s’il avait été connu de lui, l’aurait empêché de contracter.

Le manquement à une obligation pré contractuelle d’information ne peut caractériser le dol par réticence permettant l’annulation de l’engagement s’il ne s’y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement et d’une erreur déterminante provoquée par celui-ci.

La société CSI fait valoir que la comptabilité communiquée par la société Kapa Santé dans le cadre de la cession des actions de la société Clinique d'[Localité 20] était irrégulière, en raison de charges non provisionnées, notamment les frais notariés des transmissions universelles de patrimoine intervenues en 2013 et 2015, d’une augmentation du compte courant de la société Kapa Santé pour absorber les pertes générées par sa gestion et d’une surévaluation des actifs immobiliers de la SAS Clinique d'[Localité 20].

Elle ajoute que le chiffre d’affaires réalisé sur l’année 2016 était faussé par une facturation frauduleuse aux caisses de sécurité sociale, ce qui a justifié un contrôle de la caisse primaire d’assurance maladie et une demande de remboursement de plusieurs caisses de sécurité sociale d’une somme totale de 171 340,11 euros, outre l’application d’une sanction financière de 135 715 euros.

La société CSI soutient que si elle avait eu connaissance de ces anomalies, elle n’aurait pas acquis les parts sociales de la Clinique d'[Localité 20] dans les conditions fixées par le protocole de cession du 30 mars 2016.

La société Kapa Santé réfute chacun des griefs formulées par les intimés, qu’il convient d’examiner.

‘ l’existence de charges non provisionnées :

Il ressort du protocole du 30 mars 2016 qu’à l’origine, la société Clinique d'[Localité 20] était preneur commercial, en vertu d’un bail du 3 mars 2008 conclu avec la SCI [Adresse 17], des locaux abritant ses services administratifs et, selon un bail du 12 juin 2013 conclu avec la SNC Labat, de l’ensemble immobilier dans lequel était exploité la clinique.

Par transmission universelle de patrimoine (TUP) de la SNC Labat à la SCI [Adresse 17], en date du 10 septembre 2013, la SCI [Adresse 17] est devenue propriétaire de l’ensemble des biens immobiliers occupés par la Clinique d'[Localité 20].

Par transmission universelle de patrimoine de la SCI [Adresse 17] à la SAS Clinique d'[Localité 20], cette dernière est devenue propriétaire de l’ensemble des biens immobiliers qu’elle occupait, à savoir :

– un immeuble comportant un rez-de-chaussée surélevé, deux étages supérieurs et un étage inférieur avec le terrain en dépendant, le tout cadastré  section AD n°[Cadastre 6] [Adresse 19] d’une contenance de 36 ares et 30 centiares

– un ensemble immobilier sis à [Adresse 21] et [Adresse 2] comportant quatre corps de bâtiments contigus communiquant entre eux et un bâtiment technique, le tout cadastré section AD n°[Cadastre 10] pour 6 ares 30 centiares, section AD n°[Cadastre 11] pour 9 ares, section AD n°[Cadastre 9] pour 1 are et 40 centiares et section AD n°[Cadastre 5], pour 12 ares 70 centiares .

Il s’avère qu’avant la réitération de l’acte de cession des actions de la Clinique d'[Localité 20] , les actes notariés constatant ces transmissions n’avaient pas été passés, et les droits et frais afférents n’avaient pas été acquittés, les formalités de publicité foncière correspondantes restant à effectuer. Ces frais ont été provisionnés dans la comptabilité de la SAS Clinique d'[Localité 20], en 2016, à hauteur de la somme de 157700,00 euros, égale au montant indicatif des droits et émoluments réglementés évalués par Maître [J], notaire un temps pressenti par la société Kapa Santé pour procéder aux formalités de publicité foncière en question, selon un courriel daté du 27 avril 2016.

Cette somme figurait au bilan détaillé de la situation comptable intermédiaire arrêtée au 30 septembre 2016 (compte 468600 : divers-charges à payer), communiquée au cessionnaire avec l’avenant n° 1 au protocole de cession d’actions, et au compte de résultat détaillé (compte 671800 autres charges exceptionnelles de gestion) de cette même situation intermédiaire.

La société CSI a donc été informée, au minimum à la date du 7 décembre 2016, de l’existence de cette provision pour charges correspondant à des frais et droits de transmissions universelles de patrimoine non acquittés par la SARL Clinique d'[Localité 20].

Il s’avère qu’après la réitération du protocole de cession d’actions, lorsqu’il s’est agi de réaliser les formalités de publicité foncière correspondantes, les frais de la transmission universelle de patrimoine de 2013 se sont élevés à 253 300,00 euros, au lieu de la somme de 73600,00 euros indiquée par Maître [J], les frais afférents à la TUP de 2015, d’un montant de 83500,00 euros, étant légèrement inférieurs au montant indicatif communiqué par cet officier ministériel.

C’est donc une somme de 336 800,00 euros qui a été réglée par la SAS Clinique Labat, par prélèvement sur le prix de vente des actifs immobiliers qu’elle a cédés en 2018.

Si cette somme est supérieure à celle provisionnée en 2016 par la société Clinique d'[Localité 20], en revanche, il n’y a eu de la part de la SA Kapa Santé ni réticence dolosive ni dissimulation de l’existence de cette charge qui ressortait des écritures comptables portées à la connaissance de la société CSI avant la réitération de l’acte de cession intervenue le 27 décembre 2016, sans que cette dernière estime devoir renégocier le prix convenu quelques mois plus tôt avec le cédant, alors qu’il lui était par ailleurs loisible de faire vérifier l’adéquation entre la somme provisionnée et les frais de mutation qui devaient être acquittés par la SAS Clinique d'[Localité 20] devenue la Clinique Labat.

Le même raisonnement doit être tenu pour les frais d’études de travaux de mise aux normes de sécurité incendie comptabilisés en immobilisations corporelles «  travaux en cours » et qui auraient dû, selon l’expert comptable mandaté par les sociétés CSI et Clinique Labat, être passés en charges, la SAS Clinique d'[Localité 20] ayant renoncé à exécuter les travaux correspondants ou n’ayant pas les moyens de les financer.

En effet, la dissimulation intentionnelle de ces charges n’est pas démontrée, alors que l’écriture inscrite aux bilans communiqués au cessionnaire devait le conduire, comme tout acquéreur normalement diligent, à vérifier l’existence de travaux en cours, pour, au constat de l’existence de simples études préparatoires, demander la réintégration de ces immobilisations en charges et, au besoin, renégocier le prix de cession du compte courant de la société Kapa Santé.

‘ L’augmentation du compte courant de la société Kapa Santé pour absorber les pertes résultant de sa gestion;

S’appuyant sur les conclusions du rapport d’expertise comptable non contradictoire qu’elle ont fait réaliser par Monsieur [C] (leur pièce 25), la société CSI et la SAS Clinique Labat considèrent que la société Kapa Santé a « gonflé » le montant de son compte courant pour absorber les pertes qu’elle avait générées par sa gestion.

Selon ce rapport, dont la société Kapa Santé indique qu’il n’est corroboré par aucune autre pièce probante et ne peut, à lui seul, fonder la décision de la cour, «  la situation nette de référence initiale au 31 décembre 2015 doit être retraitée des indemnités de fin de carrière non comptabilisées ;

cette situation nette est ensuite dégradée :

des pertes 2016

des irrégularités relevées ci-dessus

des pertes de valeur de certains éléments d’actif

Parallèlement le compte courant a augmenté de 900 000,00 euros ce qui correspond à la perte de 2016 ;

Le compte courant au 31 décembre 2015 était de 1381 000

Le compte courant prévisionnel au 31 décembre 2016 a été fixé à 2281 000

soit une augmentation de 900 000 ;

[‘]

Tout d’abord , il est surprenant de faire payer par l’acquéreur les pertes générées par « sa » gestion du cédant. C’est ce qui s’est réalisé en augmentant de 900 000,00 euros le montant du compte courant à rembourser. »

Dans le cadre du protocole de cession, les parties sont convenues qu’il serait procédé au remboursement du compte courant détenu par la société Kapa Santé, arrêté au jour de la cession et ne pouvant dépasser la somme de 1500 000,00 euros, étant rappelé qu’au 31 décembre 2015, ce compte courant s’élevait à la somme de 1381 144,00 euros.

Par avenant du 7 décembre 2016, les parties se sont accordées pour fixer à la somme de 2281 000,00 euros le montant prévisionnel du compte courant à rembourser au 31 décembre 2016.

A la date de l’acte réitératif du 27 décembre 2016, les parties ont arrêté d’un commun accord le montant du compte courant d’associé de la SA Kapa Santé à la somme de 2322686,00 euros ,selon l’extrait de compte annexé à l’acte.

Compte tenu des acomptes déjà réglés (300 000,00 et 500 000,00 euros), la société CSI s’est engagée à rembourser le solde de 1540 019,59 euros selon les modalités d’un crédit vendeur sur 7 ans.

Comme le relève la société Kapa Santé, l’augmentation du compte courant d’associé entre le 31 décembre 2015 et le 31 décembre 2016 ressort des opérations réalisées au cours de l’exercice 2016, enregistrées sur l’extrait de compte communiqué au cessionnaire et figurant en annexe 2 de l’acte réitératif. Elle souligne que ce document n’a jamais été remis en cause par le cessionnaire.

Elle ajoute que le différentiel enregistré sur l’année 2016 correspond pour l’essentiel à des salaires et charges salariales payés pour le compte de la Clinique d’ [Localité 20]. Elle communique, pour en justifier, l’extrait du compte courant de la société Clinique d'[Localité 20] dans sa propre comptabilité.

Ce point n’est pas contredit par les sociétés CSI et Clinique Labat qui ne démontrent pas que les écritures enregistrées au crédit du compte courant de la société Kapa Santé, dans la comptabilité de la SAS Clinique d'[Localité 20], seraient dépourvues de contrepartie.

Ce second grief est donc infondé.

‘ la surévaluation des actifs immobiliers de la Clinique Labat :

La société CSI soutient que lors de l’acquisition des parts sociales de la Clinique d'[Localité 20], elle avait pour projet de procéder à la vente des actifs immobiliers afin de financer les investissements à réaliser ; que dans le cadre des comptes communiqués par la société Kapa Santé, l’immobilier était estimé à la somme de 5528 000,00 euros.

Or, elle a fait réaliser une évaluation détaillée, par un expert foncier et immobilier, Monsieur [L], qui a conclu que l’immobilier pouvait être évalué à la somme de 3750 000,00 euros, même en tenant compte d’un loyer annuel de 315 000,00 euros.

Elle ajoute que lorsque la SAS Clinique Labat a souhaité vendre cet actif immobilier, il s’est avéré que celui-ci était largement surévalué et qu’il a été cédé à la somme de 1152 000,00 euros, le 14 septembre 2018, prix conforme au prix du marché selon Monsieur [L].

Les sociétés CSI et Clinique Labat considèrent que cette surévaluation de l’immobilier, sur la base d’un loyer lui-même surévalué, s’explique par la pratique de la société Kapa Santé qui consistait à faire remonter de manière excessive des fonds vers la SCI [Adresse 17], cette manoeuvre comptable permettant en outre, selon l’expert [C], de présenter un bilan plus favorable.

Cependant, comme le rappelle la société Kapa Santé l’évaluation des actifs immobiliers de la SCI [Adresse 17] a été réalisée par le cabinet Crest Expertises à la date du 22 juillet 2015, et non par elle-même.

Il convient d’ajouter que cette évaluation a été demandée dans la perspective des apports des actifs de la SCI [Adresse 17] à la SAS Clinique d'[Localité 20], mais que le commissaire aux apports a tenu compte, dans sa valorisation de ces apports, d’une moins value nette comptable de l’ensemble immobilier qu’il a arrêtée à la somme de -1517967,00 euros.

Il ressort par ailleurs du bilan détaillé intermédiaire arrêté au 30 septembre 2016, communiqué à la société CSI, que les actifs immobiliers de la SAS Clinique d'[Localité 20] étaient inscrits au bilan pour une valeur brute globale de 4.287.184,00 euros (comprenant la valeur des terrains et de leurs agencements, la valeur des constructions, bâtiments et installations générales, la valeur des agencements et aménagements sur installations générales) et pour une valeur nette, après amortissement ou dépréciation de 1300952,00 euros (152047,00 +1024171,00 + 936655,00 – 811921,00).

Force est de constater que la seule valeur des terrains et des constructions amorties (1.176.218,00) portée au bilan intermédiaire de 2016 correspond peu ou prou au prix de la vente des actifs immobiliers intervenue en 2018, après que l’activité de la clinique ait été transférée au sein du Pôle Santé d'[Localité 20].

L’expert immobilier mandaté par la SAS Clinique Labat, Monsieur [L], a pour sa part calculé une valeur vénale des actifs immobiliers exploités au 31 décembre 2016 pour une activité de clinique chirurgicale, par capitalisation des revenus qu’un investisseur serait en droit d’escompter pour une telle activité, sur la base d’une valeur locative du marché de 315 000,00 euros HT en 2016. Il a ensuite calculé une valeur vénale au 14 septembre 2018, tenant compte de la disparition de l’activité de chirurgie, remplacée par une activité de sous-location de locaux de consultations à des médecins et autres praticiens, la gestion directe d’une activité hôtelière et de restauration incluant des soins, et la location de chambres ou appartements à du personnel de santé.

Monsieur [L] a ainsi évalué la valeur des actifs immobiliers cédés en 2018, qui ne comprenaient pas la parcelle cadastrée n°[Cadastre 6] abritant les locaux administratifs, obtenant, pour une activité conforme au projet de bail passé avec le nouveau preneur, une valeur vénale de 1182 000,00 euros, alors qu’ au 31 décembre 2016, le même bien, exploité pour l’activité de clinique chirurgicale, a été évalué par lui à la somme de 3 700 000,00 euros.

Dès lors, il ne ressort pas de l’analyse de ce rapport ni des documents comptables versés aux débats que la valeur des actifs immobiliers portés au bilan de l’exercice 2016 de la SARL Clinique d'[Localité 20] ait été surévaluée, la moindre valorisation de l’immobilier cédé s’expliquant par la disparition de l’activité initialement exercée.

Ce grief sera lui aussi écarté.

‘ Sur le soupçon de fraude à la sécurité sociale ayant conduit à majorer le chiffre d’affaires réalisé sur l’année 2016 :

Après le transfert des parts sociales de la Clinique d'[Localité 20], la société Clinique Labat a fait l’objet d’un contrôle de la part de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie portant sur la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2016.

Les sociétés CSI et Clinique Labat font valoir que selon les conclusions du rapport de contrôle remis à l’unité de coordination régionale T2A et le rapport d’expertise privée qu’elles ont fait réaliser par le Docteur [B], médecin expert inscrit auprès de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, la société Kapa Santé aurait mis en place une fraude massive aux droits de la sécurité sociale, ayant eu pour effet de gonfler artificiellement le chiffre d’affaires de la Clinique d'[Localité 20], faussant ainsi le prévisionnel élaboré par la société CSI pour redresser la situation de l’établissement.

La société Kapa Santé réplique que si la société Clinique Labat a , effectivement, fait l’objet d’un contrôle dit « T2A » par le service du contrôle médical de la CPAM et si certaines anomalies et irrégularités ont été relevées, l’unité de coordination régionale n’a pas jugé utile, à la suite de ce contrôle, de saisir l’agence technique de l’information sur hospitalisation (ATIH), ce qui aurait été le cas s’il s’était agi d’une fraude.

Elle ajoute que la société Clinique Labat a été incluse dans le programme régional de contrôle T2A pour l’année 2017, suivant décision du directeur général de l’agence régionale de santé de Nouvelle Aquitaine du 26 juin 2017, soit postérieurement à la cession .

Elle estime, en conséquence, qu’aucune intention frauduleuse ou volonté de dissimuler une fraude ne peut lui être imputée.

En l’espèce , il ressort du rapport établi par le médecin conseil de la caisse, en charge du contrôle, que 349 dossiers de séjours hospitaliers intervenus entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2016 ont été examinés au travers des « résumés de sortie standardisés »(RSS), documents qui saisissent les codes du diagnostic principal et des éventuels diagnostics associés retenus pour chaque patient. Ces codes déterminent le classement de chaque séjour et des actes majeurs effectués, dans un « groupe homogène de malade» (GHM), selon 4 niveaux de sévérité déterminant un tarif différent (GHS), du niveau 1 au niveau 4. En l’occurrence ont été examinés des séjours de niveaux 2-3 et 4.

Sur 349 résumés de sortie standardisés, 146 présentaient des erreurs de codage justifiant un changement de tarif.

Les erreurs le plus souvent constatées portaient sur le diagnostic associé significatif (DAS), correspondant aux pathologies prises en charge en plus de la pathologie soumise au diagnostic principal (DP) ayant motivé l’hospitalisation.

En effet, le diagnostic associé, lorsqu’il relève d’une CMA (complication ou morbidité associée) inscrite sur une liste justifiant l’application d’un tarif supérieur, permet de valoriser le séjour au-delà du tarif qui aurait été appliqué pour le seul diagnostic principal. A l’inverse, certains diagnostics associés n’entraînent pas de valorisation du séjour selon le diagnostic principal retenu.

Quelques anomalies portant sur le codage du diagnostic principal ont également été constatées

Les révisions tarifaires opérées à l’issue du contrôle l’ont été notamment pour les motifs suivants :

‘ DAS codé par l’établissement, mais affection codée non mentionnée dans le dossier du patient ;

‘ Code choisi selon la 10ème révision de la classification internationale des maladies (CIM 10), insuffisamment précis par rapport à l’information à coder ;

‘ DAS codé dérogeant à une règle d’utilisation de la CIM 10 ou à une consigne de codage de l’annexe II de l’arrêté du 21 décembre 2015 modifiant celui du 22 février 2008 ;

‘ codage d’un DAS omis par l’établissement ;

‘ DAS ne pouvant être codé , car le diagnostic associé n’a donné lieu à aucune prise en charge documentée au dossier du malade ;

‘ diagnostic principal retenu, non mentionné comme actif au moment de l’hospitalisation et ne pouvant de ce fait être codé ;

‘ affection objet du diagnostic principal n’ayant pas motivé l’hospitalisation ;

‘ symptôme retenu comme DP alors que l’affection responsable du symptôme a été diagnostiquée ;

‘ à l’inverse, symptôme non retenu comme DP, alors que l’affection causale n’a pas été trouvée ;

‘ complication d’une maladie chronique, à l’origine de l’admission, non retenue en diagnostic principal ;

A l’issue de ce contrôle, la société Clinique Labat s’est vue notifier trois demandes de remboursement de sommes indûment facturées à :

‘ la Caisse nationale Militaire de Sécurité Sociale : pour 3562,17 euros,

‘la Caisse Primaire d’Assurance Maladie : pour 135927,78 euros après compensation,

‘ la MSA Sud Aquitaine : pour 31850,16 euros après compensation.

Enfin, elle s’est vue notifier par l’agence régionale de santé, le 6 septembre 2019, un avis de sanction financière encourue d’un montant maximum de 135715,00 euros, avec demande d’observations, sans toutefois qu’il soit justifié par la SAS Clinique Labat de l’issue de cette procédure.

Si la société CSI et la SAS Clinique Labat tirent arguments du rapport qu’elles ont commandé au Docteur [B], pour considérer que la société Kapa Santé avait mis en place une pratique frauduleuse consistant à valoriser les séjours de plus de 3 jours à des niveaux de sévérité supérieurs, principalement en codant un diagnostic associé au diagnostic principal, sans justification médicale, force est de constater que l’élément intentionnel qu’implique la notion de fraude ne ressort pas du rapport de contrôle tarifaire remis à l’unité de coordination régionale du service médical de l’assurance maladie.

Il convient d’ajouter que le rapport du Docteur [B], qui conclut à une pratique de codage intentionnelle et organisée, visant à surfacturer des séjours, repose principalement sur l’analyse de 29 dossiers alors que 349 dossiers ont été examinés par les médecins contrôleurs. Il comporte en outre au moins une approximation puisqu’il conclut que « le taux de 58,6 % des factures à recalculer après concertation (146 sur 249 contrôlés) est élevé », alors que 146 factures sur 349 examinées ont justifié un recalcul, ce qui correspond à un taux de 41,8 % et non de 58,6 %.

Enfin, l’avis de cet expert, quant à l’élément intentionnel d’une fraude, n’est corroboré par aucune autre pièce probante, notamment pas par le mail émanant du Docteur [X] évoquant « une pratique de codage… déviante imposée aux techniciennes de l’information médicale (dont [Z]) pour surfacturer les séjours supérieurs en durée de 3 jours et donc falsifier les factures des séjours hospitaliers ».

En effet, ce médecin était à la tête du département d’information médicale (DIM) de la clinique d'[Localité 20], responsable, en cette qualité, du contrôle interne du codage des pathologies justifiant les séjours facturés à l’assurance maladie. A ce titre, sa responsabilité pourrait être recherchée en cas de fraude avérée. Son avis, sujet de ce fait aux plus expresses réserves, ne peut en conséquence être retenu.

Au terme de l’analyse qui précède et après examen des pièces soumises à son appréciation, la cour ne retrouve pas dans les arguments développés par la SAS Clinique Labat et la SAS CSI la démonstration de man’uvres dolosives, mensonges ou dissimulation intentionnelle ayant vicié le consentement de la société CSI pour la déterminer à contracter aux conditions du protocole de cession, modifié par son avenant numéro 1 et réitéré le 27 décembre 2016.

Il s’ensuit que la société CSI doit être déboutée de sa demande d’annulation de la vente des parts sociales de la société Clinique d’ [Localité 20] et de sa demande subsidiaire de dommages et intérêts, toutes deux fondées sur le dol.

4 – Sur l’action en responsabilité de La société Clinique Labat :

La SAS Clinique Labat recherche la responsabilité de la SA Kapa Santé sur plusieurs fondements.

En premier lieu, en application de l’article 1843-5 du code civil qui dispose que

« Outre l’action en réparation du préjudice subi personnellement, un ou plusieurs associés peuvent intenter l’action sociale en responsabilité contre les gérants. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation du préjudice subi par la société ; en cas de condamnation, les dommages-intérêts sont alloués à la société. »

Ce texte définit les conditions d’une action « ut singuli » exercée par un ou plusieurs associés dans l’intérêt de la société pour la réparation d’un préjudice distinct de leur préjudice personnel.

Toutefois, la SAS Clinique Labat, venant aux droits de la SAS Clinique d'[Localité 20], recherchant la réparation de son propre préjudice ne peut agir sur ce fondement.

La société Clinique Labat fonde également ses prétentions sur l’article L. 225-251 du code de commerce aux termes duquel « Les administrateurs et le directeur général sont responsables individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés anonymes, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion. »

Selon l’article L. 227-7 du code de commerce « Lorsqu’une personne morale est nommée président ou dirigeant d’une société par actions simplifiée, les dirigeants de ladite personne morale sont soumis aux mêmes conditions et obligations et encourent les mêmes responsabilités civile et pénale que s’ils étaient président ou dirigeant en leur nom propre, sans préjudice de la responsabilité solidaire de la personne morale qu’ils dirigent. »

L’article L. 225-254 du code de commerce ajoute que :

« L’action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, tant sociale qu’individuelle, se prescrit par trois ans, à compter du fait dommageable ou s’il a été dissimulé, de sa révélation. Toutefois, lorsque le fait est qualifié crime, l’action se prescrit par dix ans. »

La SAS Clinique Labat soutient, contrairement à la fin de non-recevoir soulevée par la société Kapa Santé, que cette action est parfaitement recevable, nonobstant les dispositions des articles L. 651-1 et suivants du code de commerce, dès lors que la demande n’est pas fondée sur l’insuffisance d’actif.

Selon l’article L. 651-2 du code de commerce, lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant en sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux ayant contribué à la faute de gestion ‘.Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée.

Lorsque le dirigeant est une personne morale, cette dernière peut être condamnée, et/ou les personnes physiques représentants permanents de cette dernière et désignés à cette fin (l’un, l’autre ou les deux solidairement) Cass com 8 janvier 2020 n°18-15027.

Et il a été jugé que l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif ne se cumule pas avec celle de l’article L. 225-251 du code de commerce ou avec celle de l’article 1382 devenu 1240 du code civil.

Il s’ensuit que lorsque le redressement ou la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, ce qui est le cas en l’espèce, le liquidateur est irrecevable à exercer contre le dirigeant à qui il impute des fautes de gestion l’action fondée sur les deux derniers textes précités, en réparation du préjudice des créanciers résultant de l’insuffisance d’actif.

Or, au cas d’espèce la SAS Clinique Labat demande la condamnation de la société Kapa Santé au paiement de la totalité du passif définitif de la liquidation judiciaire, au motif que la société Kapa Santé aurait commis de nombreuses fautes de gestion, en qualité de dirigeante de la SAS Clinique d'[Localité 20] devenue la Clinique Labat, fraude à la sécurité sociale, tenue d’une comptabilité erronée…, sans plus de précision.

Cette action relève manifestement d’une action en responsabilité pour insuffisance d’actif ouverte, dans les conditions des articles L. 651 et suivants du code de commerce, au mandataire judiciaire, au liquidateur ou au ministère public.

L’action en responsabilité poursuivie par la SAS Clinique Labat, fondée sur les dispositions des articles 1843-5 du code civil, L. 225-251 et L. 221-7 du code de commerce, est donc manifestement irrecevable.

5 – Sur la demande d’expertise judiciaire des sociétés CSI et Clinique Labat :

La cour ne trouve pas matière à ordonner une expertise judiciaire, les nombreux documents versés aux débats qu’elle a analysés ne permettant pas de penser qu’une telle mesure serait de nature à apporter de nouveaux éléments d’appréciation, susceptibles de modifier la solution du litige.

6 – Sur la demande d’infirmation du jugement s’agissant du rejet de la demande de dommages et intérêts de Kapa Santé :

La société appelante sollicite la condamnation solidaire des sociétés CSI et Clinique Labat et de Monsieur [F] au paiement d’une somme de 1 152 000,00 euros de dommages et intérêts, ou la fixation de cette somme au passif des sociétés en question, du chef de la perte de chance à 100 % de percevoir le fruit de la vente de l’actif immobilier de la Clinique Labat, en remboursement de sa créance de compte courant d’associé, et l’infirmation du jugement sur ce point.

Elle fait valoir que Monsieur [F] et les sociétés CSI et Clinique Labat se sont fautivement abstenus de régler la moindre échéance de 19324,378 euros au titre du remboursement du compte courant d’associé, à compter de son exigibilité le 30 septembre 2017.

Elle ajoute que Monsieur [F] président de la société CSI et de la SAS Clinique Labat depuis la cession du 27 décembre 2016 s’est encore volontairement abstenu de procéder à l’inscription d’une hypothèque conventionnelle sur les actifs immobiliers de la clinique, alors qu’elle constituait la principale garantie du remboursement du compte courant d’associé de la concluante.

En l’espèce , l’article 3 de l’acte réitératif du 27 décembre 2016 dispose :

«  1.1- Garantie principale

« En garantie du remboursement du compte courant résiduel d’un montant de un million cinq cent quarante mille dix- neuf euros et cinquante- neuf cts (1 540 019,59 €) le cessionnaire [la société CSI] et la clinique d'[Localité 20] [actuelle clinique [18]] s’engagent solidairement, à inscrire une hypothèque conventionnelle au profit de la Société KAPA SANTE sur les actifs immobiliers appartenant à la SAS clinique d'[Localité 20] (‘) :

– une maison bourgeoise, composée d’un sous-sol et de trois niveaux ainsi qu’un bâtiment annexe en parpaing cadastrés section AD n° [Cadastre 5] (‘) d’une surface de 12a 70 ca et tous droits indivis sur la parcelle de terrain cadastrée section [Cadastre 9] (‘) pour une contenance de 1a 40ca

-(‘) un enclos comprenant une maison d’habitation, dépendances et jardin le tout cadastré section AD n° [Cadastre 5](‘) d’une contenance de 36a 30 ca

Les frais liés à cette inscription resteront à la charge de Cessionnaire et/ou de la clinique d'[Localité 20], et seront inscrites, au plus tard, le 31 janvier 2017.

Dans l’hypothèse où l’un des biens immobiliers venaient à être cédés, et dès lors que le prix de cession couvrirait le paiement de 70% de la somme ci-dessus garantie, le Cédant s’engage à réaliser la mainlevée de l’hypothèque pour le solde sur le bâtiment non cédé. (‘)

En cas de non-paiement de tout ou partie des sommes dues par le Cessionnaire au cédant et après deux courriers de mise en demeure restés sans effet, le Cédant pourra, de plein droit et sans autre formalité, faire procéder à la cession des actifs immobiliers appartenant à la SAS Clinique d'[Localité 20], ci-avant visés. »

Toutefois, s’agissant du non respect de l’échéancier de règlement du solde de sa créance en compte courant, tel qu’arrêté dans l’acte réitératif du protocole de cession de ses parts sociales, la société Kapa Santé ne justifie pas d’un préjudice distinct de celui résultant du non paiement de sa créance.

Et, comme le font valoir les sociétés CSI et Clinique Labat, et M [F], l’inscription d’hypothèque sur les actifs immobiliers de la SAS Clinique Labat ne pouvait intervenir au 31 janvier 2017, alors que les TUP réalisées en 2013 et 2015, à l’époque où la société Kapa Santé dirigeait la SAS Clinique d'[Localité 20], n’avaient pas été constatées par actes authentiques enregistrés à la conservation des hypothèques, du fait de la carence des sociétés SNC Labat, SCI [Adresse 17], puis finalement de la SAS Clinique d'[Localité 20], dans l’accomplissement de ces formalités avant le protocole de cession des parts sociales conclu avec la société CSI.

Par la suite, les droits, frais et honoraires de mutation sur ces transmissions patrimoniales s’étant révélés supérieurs à ceux provisionnés par la société Clinique d'[Localité 20] en 2016, et compte tenu de leurs difficultés de trésorerie, ni la SAS CSI ni la SAS Clinique Labat n’ont pu régulariser ces actes avant le 14 septembre 2018, le prix de vente de l’immeuble cédé à cette date, pour 1152000,00 euros, permettant de régler, outre les frais de ces transmissions universelles de patrimoine pour plus de 330 000,00 euros, les créances de la direction des finances publiques et de l’URSSAF ayant donné lieu, entre-temps, à des avis d’opposition à tiers détenteur et saisie-attribution.

Ainsi, l ‘acte de vente immobilière du 14 septembre 2018 versé aux débats indique que les transmissions universelles de patrimoine sont mentionnées comme établies par acte reçu le 14 septembre 2018, par le même notaire, dont une copie authentique est en cours de publication au service de la publicité foncière de [Localité 13].

Il s’ensuit qu’aucune inscription hypothécaire ne pouvait plus être prise sur l’immeuble cédé le 14 septembre 2018, en garantie de la créance de la société Kapa Santé, et n’aurait pu l’être avant cette mutation, faute pour la société Kapa Santé d’avoir fait titrer et publier, en son temps, en sa qualité de présidente de la SAS Clinique d'[Localité 20], la transmission universelle de patrimoine intervenue en 2015 au bénéfice de cette dernière.

La faute des sociétés CSI et Clinique Labat, pas plus que la faute détachable de Monsieur [F], en sa qualité de président de la société CSI, ne sont établies au regard de la situation de trésorerie compromise de la société Clinique d'[Localité 20] et de la majoration, de plus du double, de frais d’actes qui auraient du être engagés dès 2015.

Compte tenu de ces circonstances, la perte de chance invoquée par la société Kapa Santé n’est pas établie et le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a déboutée de sa demande indemnitaire.

7 – Sur l’infirmation du jugement s’agissant du rejet de la créance de cotisations d’assurance impayées de la société Kapassur :

Aux termes du protocole de cession des actions de la SAS Clinique d'[Localité 20] « article 7-3 dispositions concernant les polices d’assurance », le cédant (la société Kapa Santé) s’engageait à régulariser « les arriérés des contrats d’assurance auprès de la société Kapassur dans les douze mois de la signature de l’acte réitératif( montant au 31 12 2015 : 255.000 euros) ».

Par avenant du 7 décembre 2016, les parties ont convenu que «  par exception », s’agissant de la dette de la société Clinique d'[Localité 20] envers la société Kapassur, celle-ci serait réglée selon les modalités suivantes :

«  dette figée à 311 808,73 euros et réglée en 24 mois à compter du 1er juillet 2017, par échéances mensuelles égales . Les échéances courantes devront être réglées. »

Aux termes de l’acte réitératif de cession signé le 27 décembre 2016, la dette due par la société Clinique d'[Localité 20] à la société Kapassur devait être réglée de la façon suivante :

« dette fixée à 311 808,73 euros, majorée de 1,5 % l’an d’intérêt, et payée en 24 mois à compter du 1er juillet 2017, par échéances mensuelles égales d’un montant de treize mille deux cent quatre-vingt-seize euros et quatre-vingt-sept cts( 13296,87 euros) chacune ».

Il n’est pas contesté que ces échéances n’ont pas été payées par la SAS Clinique Labat ex Clinique d'[Localité 20].

Par courrier recommandé du 18 janvier 2019, annulant la déclaration de créance faite le 28 décembre 2018, la société Kapassur a déclaré sa créance au titre des cotisations d’assurances impayées au passif chirographaire de la société Clinique Labat pour un montant total de 340.330,06 euros, se décomposant comme suit :

‘ la somme de 333.526,02 euros au titre des cotisations non réglées au 27 décembre 2016, majorée des intérêts ayant courus du 27 décembre 2016 au 31 décembre 2017, date de la cession de créance intervenue entre elle et la SA Kapa Santé

‘ la somme de 6.804,04 euros au titre des intérêts au taux de 1,5% l’an arrêtés au 19 novembre 2018.

Par acte du 31 décembre 2017, la société Kapassur a cédé à la société Kapa Santé la créance de 333 526,02 euros qu’elle revendique sur la SAS Clinique Labat, la SAS CSI et Monsieur [F].

Cette cession de créance n’a jamais été notifiée au débiteur cédé, avant l’introduction de l’instance. Toutefois, comme le font valoir la société Clinique Labat, la société CSI et Monsieur [F], par assignation en date du 4 décembre 2018, et communication au cours de l’instance de l’acte de cession de créance passé avec la société Kapassur, la société Kapa Santé a informé, la SAS Clinique Labat, et les organes de la procédure collective ouverte à son égard, la société CSI et Monsieur [U] [F], de la cession de créance intervenue. Cette information valant notification de la cession de créance rendue opposable au(x) débiteur(s) cédé(s), au sens de l’article 1324 du code civil.

Il s’ensuit que la société Kapassur, n’étant plus titulaire de la créance cédée, doit être déboutée de sa demande de fixation de créance au passif de la société Clinique Labat.

Elle doit également être déboutée de sa demande de condamnation de Monsieur [U] [F] au paiement de la somme de 340 330,06 euros, en sa qualité de caution, à un double titre, en raison de la cession de créance intervenue, mais également parce que Monsieur [F] ne s’est pas engagé à garantir le remboursement de la dette de la société Clinique Labat envers la société Kapassur.

De manière surabondante, son engagement de caution a été jugé manifestement disproportionné.

La société Kapa Santé, qui demande la condamnation de la société CSI à lui payer la somme de 340 330,06 euros, doit également être déboutée de cette prétention, dans la mesure où, la lecture du protocole de cessions d’action, son avenant numéro 1 et l’acte réitératif du 27 décembre 2016 ne permettent pas de retenir un quelconque engagement de la société CSI de payer, solidairement ou non avec la SAS Clinique Labat, la créance revendiquée par la société Kapassur et cédée à la société Kapa Santé.

8 – sur la fixation de la créance de la société Kapa Santé sur les sociétés CSI et Clinique Labat :

Les sociétés Clinique Labat et CSI ayant été déboutées de leur demande d’annulation du contrat de cession de parts sociales, la créance de la société Kapa Santé aux passifs des sociétés CSI et Clinique Labat doit être fixée en principal à la somme de 1540 019,59 euros, le jugement étant confirmé de ce chef.

La société Kapa Santé y ajoute une somme de 43319,59 euros correspondant à des intérêts au taux de 1,5 % l’an pendant sept ans, arrêtés au 19 novembre 2018.

Cependant, cette somme, dont le calcul n’est pas justifié, ne correspond pas aux intérêts échus sur le principal entre le 30 septembre 2017, date de première échéance de remboursement du solde du compte courant d’associé, et le 19 novembre 2018. Ils ne correspondent pas non plus à des intérêts pendant sept ans et l’acte réitératif du 27 décembre 2016 ne contient aucune précision permettant d’en reconstituer le calcul.

La société Kapa Santé sera en conséquence déboutée de cette demande non justifiée.

9 – Sur les demandes annexes :

Au regard des circonstances de la cause, chacune des parties succombant partiellement, conservera la charge de ses propres dépens.

Compte tenu de l’issue du litige et de la position respective des parties, l’équité ne justifie pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

 


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