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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 6
ARRET DU 17 MAI 2023
(n° ,7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/22291 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CE35X
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Novembre 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2021022747
APPELANT
Monsieur [S] [L]
né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 7] (Liban),
demeurant chez Monsieur [E] [L]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représenté par Me Olivier OHAYON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0004
INTIMEE
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARI S ET D’ILE DE FRANCE
inscrite au RCS de PARIS sous le numéro 775 665 615
agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux es-qualités domiciliés audit siège.
[Adresse 2]
[Localité 8] / FRANCE
Représentée par Me Francis BONNET DES TUVES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0209
PARTIE INTERVENANTE
DECORUM NEW TECH
demeurant [Adresse 4]
[Localité 5]
Défaillant ( déclaration d’appel signifiée le 23 février 2022 suivant procès-verbal de vaines recherches)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Vincent BRAUD, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
M.Marc BAILLY, Président de chambre,
M.Vincent BRAUD, Président,
MME Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Vincent BRAUD,Président et par Anaïs DECEBAL,Greffière, présente lors de la mise à disposition.
*
* *
Le 29 mai 2018, le Crédit agricole a ouvert un compte professionnel à la société à responsabilité limitée Décorum – New Tech, représentée par son gérant [S] [L].
Par acte sous seing privé en date du 12 juin 2018 le Crédit agricole a consenti à la société Décorum – New Tech un prêt no 00001481234 d’un montant de 100 000 euros remboursable au taux de 0,98 % l’an en 59 échéances mensuelles de 1 708,51 euros et une échéance de 1 708,77 euros, échelonnées du 12 juillet 2018 au 12 janvier 2024.
Par acte sous seing privé annexé au contrat de prêt du 12 juin 2018, [S] [L] s’est porté caution des engagements de la société Décorum – New Tech au titre du prêt no 00001481234 dans la limite de 50 000 euros couvrant le payement en principal, les intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard pour une durée de 84 mois, BPI étant également caution pour une quotité de 40 % des encours restant dus.
Par acte sous seing privé en date du 5 février 2019 le Crédit agricole a consenti à la société Décorum – New Tech une ouverture de crédit à durée indéterminée d’un montant de 80 000 euros.
La société Décorum – New Tech a cessé tout règlement des échéances au titre du prêt no 00001481234 à compter de l’échéance du 12 décembre 2020.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 mars 2020, présentée et avisée le 19 mars 2020, le Crédit agricole a informé la société Décorum – New Tech qu’il n’avait plus convenance à maintenir le crédit de 80 000 euros consenti et lui précisait que ce concours prendrait fin à l’expiration d’un délai de 60 jours conformément à l’articIe L. 313-12 du code monétaire et financier.
Le 10 novembre 2020, [S] [L] cédait l’intégralité des parts sociales qu’il détenait au sein de la société Décorum – New Tech à [T] [H], désigné nouveau gérant.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 février 2021, lettre revenue portant la mention « avisé le 22/02/21 », le Crédit agricole a mis en demeure la société Décorum – New Tech de lui payer la somme de 88 106,31 euros au titre du solde débiteur du compte courant.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 février 2021, lettre revenue portant la mention « avisé le 22/02/21 », le Crédit agricole a mis en demeure la société Décorum – New Tech de lui payer la somme de 5 155,40 euros au titre des échéances impayées du prêt no 0001481234.
Le Crédit agricole s’est prévalu de la déchéance du terme du prêt no 0001481234 le 17 février 2021.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 mars 2021, lettre revenue portant la mention « pli avisé et non réclamé », le Crédit agricole a mis en demeure [S] [L] d’avoir à lui régler la somme de 33 666,94 euros en vertu de son engagement de caution.
Les demandes de réclamation amiable formulées par le Crédit agricole ainsi que les mises en demeure sont restées vaines.
Par exploits en date des 10 et 11 mai 2021, le Crédit agricole a assigné en payement la société Décorum – New Tech et [S] [L] devant le tribunal de commerce de Paris.
Par jugement réputé contradictoire en date du 17 novembre 2021, le tribunal de commerce de Paris a :
‘ Condamné la société Décorum – New Tech à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de [Localité 8] et d’Île-de-France :
– 67 755,30 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 5,98 % l’an à compter du 19 avril 2021,
– 94 862,73 euros outre intérêts au taux conventionnel de 4,00 % l’an à compter du 19 avril 2021 ;
‘ Condamné [S] [L] en sa qualité de caution solidaire et dans la limite de 50 000 euros, à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de [Localité 8] et d’Île-de-France 33 877,65 euros outre intérêts au taux conventionnel de 5,98 % l’an à compter du 19 avril 2021 ;
‘ Condamné solidairement la société Décorum – New Tech et [S] [L] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de [Localité 8] et d’Île-de-France la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ Condamné solidairement la société Décorum – New Tech et [S] [L] aux entiers dépens de l’instance dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 90,94 euros dont 14,94 euros de taxe sur la valeur ajoutée ;
‘ Dit que l’exécution de la présente décision est de droit.
***
Par déclaration du 17 décembre 2021, [S] [L] a interjeté appel du jugement contre la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de [Localité 8] et d’Île-de-France et contre la société Décorum – New Tech.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 29 novembre 2022, [S] [L] demande à la cour de :
– INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 17 novembre 2011 en ce qu’il a condamné Monsieur [S] [L] au paiement de la somme de 33.877,65 euros outre intérêts au taux conventionnel de 5,98% l’an à compter du 19 avril 2021, dans la limite de 50.000 euros, ainsi que de manière solidaire avec la société NEW TECH DECORUM, la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile et les entiers dépens
,
STATUANT A NOUVEAU :
– JUGER que l’engagement de caution du 12 juin 2018 souscrit au bénéfice de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 9] ET D’ILE DE France est inopposable à Monsieur [S] [L], et qu’en conséquence, il sera déchargé de son engagement de caution,
Subsidiairement :
– PRONONCER la déchéance des intérêts
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
– CONDAMNER la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 9] ET D’ILE DE France à verser à Monsieur [S] [L] la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.
– CONDAMNER la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 9] ET D’ILE DE France aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 20 janvier 2023, la société coopérative à personnel et capital variables Caisse régionale de crédit agricole mutuel de [Localité 8] et d’Île-de-France demande à la cour de :
Dire Monsieur [S] [L] mal fondé en son appel.
Le débouter de ses conclusions en toutes fins qu’elles comportent,
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 17 novembre 2021 par le Tribunal de commerce de PARIS.
En conséquence, statuant à nouveau,
Condamner Monsieur [S] [L] à payer à la Caisse Régionale de CREDIT AGRICOLE Mutuel de [Localité 9] et d’ILE DE FRANCE la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Le condamner aux entiers dépens.
La déclaration d’appel et les premières conclusions de l’appelant ont été signifiées le 23 février 2022 suivant procès-verbal de vaines recherches à la société Décorum – New Tech, qui n’a pas constitué avocat.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 janvier 2023 et l’audience fixée au 23 mars 2023.
CELA EXPOSÉ,
Sur la disproportion de l’engagement de la caution :
Aux termes de l’article L. 341-4 ancien du code de la consommation, devenu L. 332-1 du même code, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Il appartient à la caution qui entend opposer au créancier les dispositions des textes précités du code de la consommation, de rapporter la preuve du caractère disproportionné de son engagement par rapport à ses biens et revenus. La disproportion manifeste du cautionnement aux biens et revenus de la caution au jour où il a été souscrit suppose que la caution se trouve, lorsqu’elle le souscrit, dans l’impossibilité manifeste de faire face à un tel engagement avec ses biens et revenus (Com., 28 fév. 2018, no 16-24.841). Cette disproportion s’apprécie lors de la conclusion de l’engagement, au regard du montant de l’engagement, de l’endettement global, des biens et revenus déclarés par la caution.
En l’occurrence, [S] [L] fait valoir qu’au jour de son engagement, son revenu fiscal de référence était d’un montant de 12 600 euros soit 1 050 euros par mois, et donc inférieur au salaire minimum (sa pièce no 1).
Le Crédit agricole lui oppose à raison que son revenu annuel net s’élevait à 14 000 euros, et qu’il avait réalisé en janvier 2018, lors de la création de la société Décorum – New Tech, un apport en numéraire d’un montant de 50 000 euros (pièce no 2 de l’intimé : statuts de la société du 26 janvier 2018). Or, les parts sociales dont est titulaire la caution au sein de la société cautionnée font partie du patrimoine devant être pris en considération pour l’appréciation de ses biens et revenus à la date de la souscription de son engagement (Com., 26 janv. 2016, no 13-28.378).
Dans ces circonstances, l’engagement que la caution a souscrit le 12 juin 2018 dans la limite de 50 000 euros n’était alors pas manifestement disproportionné à ses biens et revenus. Le Crédit agricole est par suite fondé à s’en prévaloir.
Sur la déchéance des intérêts :
En application de l’article L. 313-22 du code monétaire et financier, les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l’engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.
Cette information est due jusqu’à l’extinction de la dette. La charge de la preuve de l’envoi de l’information incombe à la banque, qui n’a pas à justifier de sa réception. Cette preuve peut être effectuée par tout moyen.
En l’espèce, le Crédit agricole produit copie des lettres d’information datées du 21 février 2019, du 29 janvier 2020 et du 1er février 2021 à l’adresse de [S] [L]. Ce dernier ne conteste pas les avoir reçues, mais oppose à raison à l’établissement de crédit que celui-ci ne justifie pas de l’information ultérieure de la caution.
La sanction du défaut d’information annuelle est la déchéance du droit aux intérêts conventionnels depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information, la caution restant néanmoins personnellement redevable des intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure dont elle a fait l’objet, par application des articles 1231-6 et 1344-1 du code civil.
Le Crédit agricole est déchu de son droit aux intérêts conventionnels à partir du 1er février 2021, si bien que [S] [L] n’est tenu à son égard qu’à concurrence de 50 % du solde du prêt en principal, soit : 50 % × 62 736,74 € = 31 368,37 euros, selon le dernier décompte produit (pièce no 15 de l’intimée) et conformément aux conditions de la garantie de BPI (pièce no 8 de l’intimée). [S] [L] ayant été mis en demeure par lettre recommandée du 9 mars 2021, les intérêts de cette somme courent au taux légal à compter de cette date.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Aux termes de l’article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. [S] [L] en supportera donc la charge.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1o À l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2o Et, le cas échéant, à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l’article 37 de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 .
Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent.
La somme allouée au titre du secundo ne peut être inférieure à la part contributive de l’État majorée de 50 %.
Sur ce fondement, [S] [L] sera condamné à payer à la Caisse régionale de crédit agricole la somme de 1 800 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.
LA COUR,
PAR CES MOTIFS,
INFIRME PARTIELLEMENT le jugement en ce qu’il condamne [S] [L] en sa qualité de caution solidaire et dans la limite de 50 000 euros, à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de [Localité 8] et d’Île-de-France 33 877,65 euros outre intérêts au taux conventionnel de 5,98 % l’an à compter du 19 avril 2021 ;
Statuant à nouveau dans cette limite, et y ajoutant,
DÉBOUTE [S] [L] de sa demande tendant à lui déclarer inopposable l’acte de cautionnement conclu le 12 juin 2018 et à l’en décharger ;
PRONONCE, dans les rapports entre [S] [L] et la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de [Localité 8] et d’Île-de-France, la déchéance des intérêts conventionnels depuis le 1er février 2021 jusqu’à la date de communication de la nouvelle information ;
CONDAMNE [S] [L] en sa qualité de caution solidaire et dans la limite de 50 000 euros, à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de [Localité 8] et d’Île-de-France la somme de 31 368,37 euros outre intérêts au taux légal à compter du 9 mars 2021 jusqu’à la date de communication de la nouvelle information, puis, le cas échéant, au taux conventionnel de 5,98 pour cent l’an ;
CONFIRME toutes les autres dispositions non contraires ;
CONDAMNE [S] [L] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de [Localité 8] et d’Île-de-France la somme de 1 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE [S] [L] aux entiers dépens ;
REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT