Parts sociales : décision du 17 mai 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 22/03892

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Parts sociales : décision du 17 mai 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 22/03892
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/03892 – N° Portalis DBVH-V-B7G-IUPK

CO

PRESIDENT DU TC DE NIMES

23 novembre 2022

RG:2022R00085

S.A.S. NIDEAL IMMOBILIER

C/

S.A.S. IMMO RESEAU

Grosse délivrée

le 17 MAI 2023

à Me Nicolas JONQUET Me Pascale COMTE

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

4ème chambre commerciale

ARRÊT DU 17 MAI 2023

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Président du TC de NIMES en date du 23 Novembre 2022, N°2022R00085

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre,

Madame Claire OUGIER, Conseillère,

Madame Agnès VAREILLES, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l’audience publique du 20 Avril 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 17 Mai 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTE :

S.A.S. NIDEAL IMMOBILIER, société par actions simplifiée immatriculée au RCS de NIMES sous le no. 910 547 124, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège,

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Nicolas JONQUET de la SCP SVA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

S.A.S. IMMO RESEAU, société par actions simplifiée au capital de 10.000 €, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NANTES, sous le numéro 519 718 886, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège,

assignée à personne habilitée

[Adresse 3] »

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Pascale COMTE de la SCP AKCIO BDCC AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Claude VAILLANT de la SCP VAILLANT ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Affaire fixée en application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile avec ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 13 Avril 2023

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 17 Mai 2023,par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSÉ

Vu l’appel interjeté le 1er décembre 2022 par la SAS Nideal immobilier à l’encontre de l’ordonnance de référé rendue le 23 novembre 2022 par le président du tribunal de commerce de Nîmes dans l’instance n°2022R00085 ;

Vu l’avis de fixation de l’affaire à bref délai du 13 décembre 2022 ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 13 janvier 2023 par l’appelante, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 8 février 2023 par la SAS Immo réseau, intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu l’ordonnance de clôture de la procédure du 13 décembre 2022 à effet différé au 13 avril 2023 ;

***

La SARL Immo réseau a été créée en janvier 2010 par Monsieur [M] [D], Madame [G] [X] son épouse -qui en prenait la gérance, et Monsieur [O] [C].

Les époux [D] ont apporté leurs titres à la société JMR Capital dont ils étaient par ailleurs seuls associés, et cette société est devenue seule titulaire des part sociales de la société Immo réseau lorsque Monsieur [C] lui a également cédé les siennes en 2015.

Par acte du 20 juillet 2017 comprenant une clause de non-concurrence et de non-débauchage, toutes les parts sociales de la société Immo réseau ont été vendues par la société JMR Capital au groupe Oryx.

Monsieur [M] [D] est devenu directeur de la société Immo réseau et directeur projet web du groupe Oryx.

Madame [G] [D], remplacée à la gérance de la société Immo réseau par le dirigeant du groupe Oryx, a conclu un contrat de mandat immobilier avec la société Immo réseau le 1er septembre 2017 comportant une clause de fidélité.

Les relations entre Monsieur [D] et les dirigeants du groupe Oryx se sont progressivement dégradées et, le 31 décembre 2019, une rupture conventionnelle est intervenue entre les parties.

En juillet 2021, Monsieur [D] a fondé sa propre agence immobilière, la SARL [D] conseil immobilier dont il était le gérant et la société JMR Capital l’unique associée.

Madame [D] a rejoint cette nouvelle société.

Outre Madame [D], quatre autres agents commerciaux de la société Immo réseau ont résilié leurs contrats entre le 12 janvier et le 16 mars 2021, dont Monsieur [R] [V] et Monsieur [M] [J].

Le 21 février 2022, la société JMR Capital ‘ dirigée par Monsieur [D], la société [J] investissement -dirigée par Monsieur [J], et la société LDMB invest dirigée par Monsieur [V], ont créé la SAS Nideal immobilier pour la même activité d’agence immobilière, et Monsieur [D] en a été désigné président.

Par requête du 14 avril 2022, la SAS Immo réseau a saisi le président du tribunal de commerce de Nîmes pour voir prononcer diverses mesures de référé probatoire sur le fondement des articles 145 et 875 du code de procédure civile.

Par ordonnance sur requête du 20 avril 2022, le président du tribunal de commerce de Nîmes a fait droit à cette demande et désigné la SCP d’huissiers de justie pour y procéder.

La société Immo réseau n’a pas exécuté cette ordonnance, l’octroi de la force publique n’ayant été accordé que le 19 juillet 2022 et la SCP d’huissiers de justice désignée ayant été dissoute par arrêté du 21 juillet 2022, la SAS du même nom étant nommée commissaire de justice en remplacement.

Par requête du 4 août 2022, la société Immo réseau a donc réitéré ses demandes à l’identique aux fins d’obtenir une nouvelle ordonnance.

Par ordonnance du 11 août 2022, le président du tribunal de commerce de Nîmes y a fait droit et désigné la nouvelle SAS de commissaires de justice.

Le 12 septembre 2022, la société Immo réseau a fait exécuter cette dernière ordonnance.

Par exploit du 10 octobre 2022, la société Nideal immobilier a fait assigner en référé la société Immo réseau devant le président du tribunal de commerce de Nîmes afin de voir rétracter les ordonnances rendues sur requête les 20 avril et 11 août 2022.

Par ordonnance en référé du 23 novembre 2022, le président du tribunal de commerce de Nîmes a, au visa des articles 14, 145, 493, 514, 514-1 alinéa 3 du code de procédure civile, des articles L151-1, R152-1 et suivants du code de commerce :

-déclaré être compétent pour connaître des demandes de la SAS Nideal immobilier,

-rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la SAS Immo réseau, comme étant mal fondée,

-constaté que la mesure d’instruction ordonnée par les ordonnances du 20 avril et du 11 août 2022 par le président du tribunal de commerce de Nîmes sur requête de la SAS Immo réseau sont justifiées par un motif légitime et que l’absence de débat contradictoire est justifiée compte tenu du risque de déperdition des preuves,

-débouté la SAS Nideal immobilier de sa demande en rétractation,

maintenu les ordonnances du 20 avril et du 11 août 2022, en toutes leurs dispositions,

-ordonné la remise des documents saisis, après sélection par le commissaire de justice, à la SAS Immo réseau, dans un délai de 8 jours à compter de la présente décision,

-débouté la SAS Nideal immobilier, de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions en toutes fins qu’elles comportent,

-l’a condamnée à régler à la SAS Immo réseau la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

-rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires,

-dit la présente décision exécutoire de plein droit,

-condamné la SAS Nideal immobilier aux dépens prévus à l’article 695 du code de procédure civile et les a liquidés conformément à l’article 701 du code de procédure civile.

La SAS Nideal immobilier a interjeté appel de cette décision aux fins de la voir réformer en toutes ses dispositions, sauf en ce que le président du tribunal de commerce s’est déclaré compétent et en ce qu’il a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la SAS Immo Reseau comme étant mal fondée.

***

Dans ses dernières conclusions, l’appelante demande à la cour, au visa des articles 14 et suivants, 145, 455, 458, 493 et suivants du code de procédure civile, et des articles L151-1 et suivants du code de commerce, de :

-déclarer la société Nideal immobilier recevable en ses demandes,

-infirmer l’ordonnance rendue par Monsieur le Président le 23 novembre 2022 notamment en toutes les dispositions déférées,

Statuant à nouveau,

-juger l’absence, tant dans les requêtes que dans les ordonnances rendues par Monsieur le président le 20 avril 2022 et le 11 août 2022, de motifs propres à -justifier une dérogation au principe de la contradiction,

en conséquence, rétracter les ordonnances rendues par Monsieur le président le 20 avril 2022 et le 11 août 2022,

Subsidiairement,

-dire et juger que les mesures ordonnées le 20 avril 2022 et le 11 août 2022 sont manifestement disproportionnées,

par conséquent, rétracter les ordonnances rendues par Monsieur le président le 20 avril 2022 et le 11 août 2022,

En conséquence,

-ordonner l’absence de mention dans un quelconque procès-verbal de constat des déclarations ou constatations opérées sur le fondement des ordonnances du 20 avril 2022 et du 11 août 2022,

-ordonner le retrait de tout document obtenu sur le fondement des ordonnances du 20 avril 2022 et du 11 août 2022,

-prononcer la nullité de tout procès-verbal de constat dressé en exécution des ordonnances du 20 avril 2022 et du 11 août 2022,

-ordonner l’absence de mention dans un quelconque rapport d’expertise ou dans un autre procès-verbal de constat du contenu, de la teneur, de l’existence des documents et informations saisis sur le fondement des ordonnances du 20 avril 2022 et du 11 août 2022,

-ordonner, dans un délai de huit jours à compter de la décision à intervenir, la restitution de l’intégralité des documents, quels qu’en soient les supports (informatique, papier ou autre), des documents saisis en original ou en copie en vertu des ordonnances du 20 avril 2022 et du 11 août 2022 et ce, sous astreinte de 1.000 (mille) euros par jour de retard,

-dire et juger que les mesures autorisées par les ordonnances du 20 avril et du 11 août 2022 ne pourront pas fonder de nouvelles mesures et qu’aucune mesure ne pourra s’exécuter sur celles autorisées par lesdites ordonnances en raison de la conséquence directe et automatique attachée à la rétractation de ces ordonnances,

-débouter la société Immo réseau de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

-condamner la société Immo réseau à verser à la société Nideal immobilier la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamner la société Immo réseau aux entiers dépens.

L’appelante fait tout d’abord valoir que l’ordonnance déférée ne peut qu’être infirmée en ce que la motivation retenue est viciée :

– il a été procédé par excès de pouvoir, le président du tribunal de commerce ayant dépassé les limites de ses attributions en tranchant l’objet du litige au principal par la caractérisation des actes de concurrence déloyale reprochés,

– le président du tribunal de commerce a considéré les faits de concurrence déloyale d’ores et déjà établis et a pourtant ordonné des mesures d’instruction probatoire, et cette contradiction entre le dispositif et les motifs de l’ordonnance équivaut à une absence de motivation.

Elle ajoute que les requêtes comme les ordonnances ne précisent pas in concreto, comme requis, les circonstances qui justitiferaient qu’il soit dérogé au principe du contradictoire, mais ne comportent à cet égard qu’une motivation de portée générale pour les premières, et aucune motivation pour les secondes.

Enfin, si les mesures d’instruction ordonnées en vertu de l’article 145 du code de procédure civile doivent être circoncrites dans le temps, dans leur objet et proportionnées à l’objectif poursuivi, en n’excédant pas ce qui est nécessaire à l’établissement de la preuve, celles demandées et ordonnées par le président du tribunal de commerce ne satisfont pas à ces exigences.

En effet, la formule ‘en particulier’ utilisée pour décrire la mission de l’huissier instrumentaire permet à celui-ci de procéder à des recherches qui ne sont pas circonscrites aux faits litigieux.

La liste des mots prédéfinis pour la recherche sont de fait élargis à la possibilité pour l’huissier de prendre comme critère de recherche toutes les expressions et tous les extraits de document de la société Nideal immobilier.

Aucune combinaison de ces mots clefs n’est exigée alors qu’ils ont une portée très générale permettant de capter des informations couvertes par le secret des affaires et sans lien avec le litige.

Enfin, les mesures ordonnées portent une atteinte disproportionnée au secret des affaires en autorisant la société Immo réseau à accéder à l’intégralité de sa facturation et de sa rémunération, ainsi qu’à celles de certains de commerciaux, et donc, par ce biais, à leur fichier clients, ce qui n’était pourtant pas nécessaire à la preuve des faits allégués. Et cette disproportion est d’autant plus flagrante que ne sont pas seulement recherchées les factures qui seraient relatives aux délégations de mandat qui seraient suspectées de donner lieu à détournement de commissions.

***

Dans ses dernières conclusions, l’intimée demande à la cour, au visa des articles 14 et suivants, 154, 493 du code de procédure civile, et des articles R152-1 et suivants du code de commerce, de :

-débouter la société Nideal immobilier de ses demandes de rétractation,

-confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue par Monsieur le président du tribunal de commerce de Nîmes du 23 novembre 2022,

En conséquence,

-ordonner la remise des documents saisis, après sélection par le commissaire de justice, à la société Immo réseau, dans un délai de huit jours à compter de l’arrêt à intervenir,

En tout état de cause,

-débouter la société Nideal immobilier de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

-la condamner à lui verser la somme de 5.000 euros (cinq mille euros) sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

-la condamner aux entiers dépens.

Elle soutient pour sa part que les ordonnances rendues sont motivées de façon circonstanciée sur les faits et éléments justifiant qu’il soit dérogé au principe du contradictoire, dès lors qu’elles renvoient à cet égard à la nature des faits de concurrence déloyale dénoncés expressément dans les requêtes. Or ces requêtes étaient très précisément circonstanciées ‘in concreto’ et accompagnées de 35 pièces constituant un faisceau d’indices quant à la réalisation d’actes de concurrence déloyale.

Elle fait en outre valoir que les ordonnances sont parfaitement proportionnées aux agissements de la société Nideal immobilier puisqu’elles portaient sur les fichiers et documents ‘susceptibles d’établir l’existence et l’étendue des agissements de la société Nideal immobilier’, le commissaire de justice devant procéder à une sélection des documents récoltés pour ne transmettre à la société Immo réseau que ceux qui correspondent à cette prescription.

La société appelante ne peut se retrancher derrière la notion de secret des affaires pour éviter la communication de documents compromettants, et des mesures peuvent être prises par le juge pour concilier le secret des affaires avec l’exercice de ses droits par l’intimée si cela posait vraiment problème.

***

Pour un plus ample exposé, il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

DISCUSSION

Sur la procédure :

La société Nideal immobilier se prévaut en premier lieu à la fois d’un excès de pouvoir du juge qui aurait statué au fond alors qu’il n’était saisi que d’une demande de rétractation d’ordonnances ordonnant des mesures d’instruction, et d’une absence de motivation de sa décision résultant de la contradiction entre les motifs développés et le dispositif prononcé.

Pour autant, elle ne demande pas, en l’état du dispositif de ses dernières écritures, la nullité de la décision attaquée, nullité qui est la sanction applicable tant à l’excès de pouvoir qu’au défaut de motivation.

Dès lors, en application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour n’est pas régulièrement saisie de ces moyens.

La question de la compétence a été définitivement tranchée par le premier juge puisqu’il n’est pas relevé appel des dispositions prononcées de ce chef.

Sur le fond :

L’article 145 du code de procédure civile énonce que ‘s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé’.

L’article 145 du code de procédure civile exige ainsi que la demande de mesure d’instruction soit présentée en amont d’un procès, pour des motifs légitimes, et il n’est pas contesté en l’espèce que ces conditions sont remplies, tenant la concurrence déloyale et le parasitisme que l’intimée reproche à l’appelante et la perspective de litige qu’elle invoquait dans ses requêtes (pages 7).

Le secret des affaires n’est pas un obstacle absolu aux mesures d’instruction si celles-ci procèdent d’un motif légitime, sont nécessaires à la protection des droits de la partie demanderesse qui les a sollicités, et ne portent pas une atteinte disproportionnée aux droits de l’autre partie, tous éléments que doit vérifier concrètement le juge.

L’article 493 du code de procédure civile dispose que l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse.

Aux termes de l’article 496 alinéa 2 du code de procédure civile, s’il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l’ordonnance.

Selon ces dispositions tel qu’interprétées par la Cour de cassation (Civ. 1ère 13 juillet 2005 n°05-10.519), le référé à fin de rétractation ne constitue pas une voie de recours. L’instance en rétractation a pour seul objet de soumettre à l’examen d’un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l’initiative d’une partie en l’absence de son adversaire. L’objet de l’instance est donc de statuer sur les mérites de la requête. Le juge saisi d’une demande de rétractation d’une décision ayant ordonné une mesure sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, doit s’assurer de l’existence d’un motif légitime à ordonner la mesure probatoire mais aussi des circonstances justifiant de ne pas y procéder contradictoirement.

En effet, il résulte de la combinaison des articles 145 et 493 du code de procédure civile que lorsque le requérant choisit de procéder par voie de requête, il doit justifier de circonstances imposant de déroger au principe du contradictoire.

Il appartient au requérant de justifier de la recevabilité et du bien-fondé de sa requête et non au demandeur à la rétractation de démontrer que ces conditions ne sont pas réunies (Civ. 2è, 21 octobre 1987 n°86-14.978).

Et le juge saisi de la requête ne peut pas rechercher l’existence des circonstances imposant de déroger au contradictoire dans les pièces produites avec ladite requête, ni les déduire des “circonstances de la cause”. (Civ 2è 23 juin 2016 n°15-16.634 et 8 janvier 2015 n°13-27.640)

Le juge de la rétractation doit apprécier la nécessité de recourir à une procédure non contradictoire au jour où le juge des requêtes a statué.

En revanche, si les circonstances nouvelles apparues à la faveur de l’exécution de la mesure ordonnée ne sauraient justifier à posteriori la mesure prise, il résulte du principe dégagé, de manière constante, par la Cour de cassation que le juge de la rétractation doit apprécier l’existence d’un motif légitime au jour du dépôt de la requête initiale, à la lumière des éléments de preuve produits à l’appui de la requête initiale et de ceux produits ultérieurement devant lui (notamment Civ. 2è, 17 mars 2016, n°15-13.343).

L’article 495 du même code précise que l’ordonnance sur requête est motivée. Il résulte de l’interprétation de ces dispositions par la Cour de cassation (Civ. 2è 4 mars 2021 n°19-25.092) que l’ordonnance qui vise la requête en adopte les motifs et satisfait à cette exigence légale.

En l’occurrence, les ordonnances du 20 avril 2022 et du 11 août 2022 -dont il est demandé la rétractation, visent les requêtes déposées respectivement les 15 avril et 5 août 2022 et mentionnent “qu’il est démontré l’existence de circonstances exigeant qu’une mesure urgente ne soit pas prise contradictoirement”.

Il suffit donc, par le renvoi expressément mentionné, que lesdites requêtes soient régulièrement motivées sur la nécessité en l’espèce de déroger au principe du contradictoire, pour que les ordonnances soient à cet égard régulières.

Mais encore faut-il qu’elles le soient.

Les deux requêtes datées des 14 avril et 4 août 2022 déposées les 15 avril et 5 août 2022 comprennent la même motivation sur cette nécessité.

Après un exposé détaillé et comportant référence à des pièces communiquées sur les faits de concurrence déloyale et parasitaire reprochés, la société Immo réseau, requérante, y indique que “les circonstances ci-dessus exposées et les pièces communiquées à l’appui des présentes permettent de déduire la nécessité de déroger au principe de la contradiction, en raison du risque évident de déperdition des preuves”. Elle ajoute enfin qu’elle “peut craindre qu’il soit mis fin aux manquements constatés en prévision du passage de l’huissier, au cas où la désignation de celui-ci aurait été demandée en référé”.

Il ne suffit pas de faire référence à des faits de concurrence déloyale pour que soit établie l’existence de circonstances justifiant que la mesure ne soit pas prise contradictoirement. (Civ 2è 3 mars 2022 n°20-22.349)

Or en l’espèce, la requérante n’explicite pas en quoi les mesures demandées ne pouvaient être ordonnées contradictoirement, ni ne précise les motifs pour lesquels elle pouvait légitimement craindre une déperdition des pièces recherchées s’il avait été procédé par voie de référé. Bien au contraire, nombre des éléments mentionnés dans sa requête comme devant faire l’objet de recherche sont des pièces qui, par nature, ne sont pas susceptibles d’être détruites par la société Nideal immo puisque nécessaires à sa propre comptabilité et à son fonctionnement (mandats de vente, factures).

La motivation portée aux requêtes est ainsi complètement abstraite et dans des termes généraux, de sorte qu’elle ne satisfait pas aux exigences légales permettant la dérogation -nécessairement exceptionnelle- au principe essentiel du contradictoire.

Le défaut de motivation de ce chef ne peut faire l’objet d’une régularisation a posteriori devant le juge de la rétractation. (Civ 2è 3 mars 2022 n°20-22.349)

Dès lors, les ordonnances rendues les 20 avril et 11 aout 2022 sur des requêtes, qui ne comportent, ni pour les premières ni pour les secondes, une motivation suffisante pour démontrer que le requérant était fondé à ne pas appeler de partie adverse, doivent donc être rétractées. L’ordonnance déférée est infirmée.

S’agissant des autres mesures, notamment de restitution, qui sont sollicitées, elles découlent nécessairement de la rétractation et il y sera fait droit, sauf à préciser que rien ne justifie le prononcé d’une astreinte, les pièces étant détenues par le commissaire de justice.

Sur les frais de l’instance :

L’intimée, qui succombe, devra supporter les dépens et payer à l’appelante une somme équitablement arbitrée à 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

 


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