Parts sociales : décision du 20 février 2024 Cour d’appel de Poitiers RG n° 22/03127

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Parts sociales : décision du 20 février 2024 Cour d’appel de Poitiers RG n° 22/03127
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ARRET N°68

CL/KP

N° RG 22/03127 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GWG5

[N]

C/

[X]

S.A. SOCIETE GENERALE

Loi n° 77-1468 du30/12/1977

Copie revêtue de la formule exécutoire

Le à

Le à

Le à

Copie gratuite délivrée

Le à

Le à

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

2ème Chambre Civile

ARRÊT DU 20 FEVRIER 2024

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/03127 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GWG5

Décision déférée à la Cour : jugement du 17 octobre 2022 rendu par le Tribunal de Commerce de POITIERS.

APPELANTE :

Madame [F] [N]

née le [Date naissance 2] 1986 à [Localité 10] (77)

[Adresse 5]

[Localité 8] / FRANCE

Ayant pour avocat plaidant Me Stéphane PILON de la SELARL AVOCATS DU GRAND LARGE, avocat au barreau de POITIERS

INTIMES :

Monsieur [D] [X]

né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 9] (91)

[Adresse 3],

[Localité 7]

Ayant pour avocat plaidant Me Philippe BROTTIER de la SCP PHILIPPE BROTTIER – THIERRY ZORO, avocat au barreau de POITIERS

SOCIETE GENERALE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 4]

[Localité 6]

Ayant pour avocat plaidant Me Gabriel WAGNER de la SCP GALLET-ALLERIT-WAGNER, avocat au barreau de POITIERS.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 09 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :

Monsieur Cédric LECLER, Conseiller

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Claude PASCOT, Président

Monsieur Fabrice VETU, Conseiller

Monsieur Cédric LECLER, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président, et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

Le 16 février 2016, la société à responsabilité limitée Futuro Form (la société) a souscrit un prêt auprès de la société anonyme Société Générale (la banque) d’un montant de 127.211 euros, remboursable sur 7 ans et moyennant un taux d’intérêt de 1,75 %.

Madame [F] [N] et Monsieur [D] [X], associés de la société, se sont portés cautions personnelles et solidaires de celle-ci à hauteur de 82.686 euros.

Le 16 mars 2016, la banque a consenti un second prêt d’un montant initial de 16.000 euros à la société, pour lequel Madame [N] et Monsieur [X] se sont engagés en qualité de cautions solidaires chacun à concurrence de 20.800 euros.

Le 17 mars 2020, le tribunal de commerce de Poitiers a prononcé la liquidation judiciaire simplifiée de la société.

Le 5 mai 2020, la banque a régulièrement déclaré ses créances au liquidateur judiciaire de la société.

Les 1er juillet et 28 octobre 2020, la banque a mis en demeure les cautions de respecter leurs engagements.

Le 17 novembre 2020, le liquidateur judiciaire de la société a émis un certificat d’irrecouvrabilité.

Le 9 décembre 2020, la banque a attrait Monsieur [X] et Madame [N] devant le tribunal de commerce de Poitiers.

Dans le dernier état de ses demandes, la banque a demandé de :

– débouter Monsieur [D] [X] et Madame [F] [N] de toutes leurs demandes ;

– condamner solidairement Monsieur [X] et Madame [N] à lui payer la somme de 32.123,22 euros selon décompte arrêté à la date du 17 novembre 2021 outre les intérêts conventionnels au taux de 1,75 % à compter de cette date et ce jusqu’au complet paiement ;

– condamner solidairement Monsieur [D] [X] et Madame [F] [N] à lui payer la somme de 5.254,26 euros selon décompte arrêté à la date du 17 novembre 2021 outre les intérêts conventionnels au taux de 1,75 % à compter de cette date et ce jusqu’au complet paiement ;

– dire que les biens communs aux époux [X] seraient engagés;

– condamner Monsieur [D] [X] et Madame [F] [N] à lui payer la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles.

Dans le dernier état de ses demandes, Monsieur [X] a demandé de:

– dire et juger irrecevable et mal fondée la banque en toutes ses demandes ;

– condamner la banque à lui verser la somme de 40.000 euros au titre de dommages et intérêts ;

– dire et juger que la créance sollicitée devait être, en toute hypothèse, imputée des 20 % de taxe sur la valeur ajoutée (tva) et serait donc de 26.769 euros pour le premier prêt et de 4.378 euros pour le second ;

– condamner la banque au règlement de la somme de 1.800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans le dernier état de ses demandes, Madame [N] a demandé de :

– dire et juger que la banque ne pouvait se prévaloir de ses engagements de caution suivants :

– engagement de 82.600 euros du 16 février 2016,

– engagement de 20.500 euros du 16 février 2016,

– débouter la banque de l’ensemble de ses demandes ;

– juger que la banque avait déclaré en justice conformément aux dispositions de l’article 1356 du code civil n’avoir pas rempli son obligation de mise en garde à son égard ;

– dire qu’il s’agissait d’un aveu judiciaire prouvant qu’elle n’avait pas rempli son obligation de mise en garde à son égard ;

A titre subsidiaire,

– condamner la banque à lui verser des dommages et intérêts à hauteur des dernières sommes réclamées par celle-ci moins un euro en réparation du préjudice subi, soit la somme de 37.377,48 euros (32.123,22 + 5.254,26 euros), outre les intérêts aux taux conventionnels de 1,75 % à compter du 17 novembre 2020 jusqu’au parfait paiement moins 1 euro ;

– réduire la clause pénale sollicitée à un euro ;

– juger que la somme réclamée par la banque devait être réduite de 20 % au regard de l’imputation de la tva sur la créance déclarée et qui avait fait l’objet d’un certificat d’irrécouvrabilité ;

En toutes hypothèses,

– condamner la banque et toute autre partie succombante à lui verser une somme de 3.500 euros au titre des frais irrépétibles.

Par jugement contradictoire en date du 17 octobre 2022, le tribunal de commerce de Poitiers a :

– dit que la banque était recevable en ses demandes ;

– débouté Monsieur [D] [X] et Madame [F] [N] de leurs demandes de réduire de 20 % les sommes réclamées par la banque, au regard de l’imputation de tva ;

– débouté Madame [F] [N] de sa demande de réduire la clause pénale sollicitée à 1 euro ;

– dit que la banque n’était pas redevable d’une obligation de mise en garde ;

– dit que Madame [P] [X] née [K], ayant donné son consentement exprès aux cautionnements souscrits par son époux, les biens communs aux époux étaient engagés ;

– condamné solidairement Monsieur [X] et Madame [N] à payer à la banque la somme de 32.123,22 euros selon décompte arrêté à la date du 17 novembre 2020 outre les intérêts conventionnels au taux de 5,75 % à compter de cette date et ce jusqu’au complet paiement ;

– condamné solidairement Monsieur [X] et Madame [N] à payer à la banque la somme de 5264,56 euros selon décompte arrêté à la date du 17 novembre 2020 outre les intérêts conventionnels au taux de 5,75 % à compter de cette date et ce jusqu’au complet paiement ;

– débouté Monsieur [X] de sa demande de voir condamner la banque à lui verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à hauteur de 40.000 euros ;

– débouté Madame [N] de sa demande de voir condamner la banque à lui verser des dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi, à hauteur des dernières sommes réclamées minorées d’un euro ;

– débouté Monsieur [X] et Madame [N] de toutes leurs demandes, fins et conclusions.

Le 16 décembre 2022, Madame [N] a relevé appel de ce jugement, en intimant Monsieur [X].

Le 15 mars 2023, Madame [N] a demandé d’infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, de :

A titre principal,

– dire que la banque ne pouvait se prévaloir de ses engagements de caution suivants :

– engagement de 82 600 € du 12 février 2016,

– engagement de 20 500 € du 12 février 2016,

– débouter la banque qui ne pouvait se prévaloir des engagements litigieux de l’ensemble de ses demandes,

À titre subsidiaire,

– dire que la banque avait déclaré en justice conformément aux dispositions de l’article 1356 du code civil n’avoir pas rempli son obligation de mise en garde à son égard ;

– dire qu’il s’agissait d’un aveu judiciaire prouvant qu’elle n’avait pas rempli son obligation de mise en garde à son égard ;

– condamner la banque à lui verser des dommages et intérêts à hauteur des dernières sommes réclamées par celle-ci moins un euro en réparation du préjudice subi, soit la somme de 37 377,48 € (32 123,22 € + 5 254,26 €), outre les intérêts au taux conventionnel de 5.75 % à compter du 17 novembre 2020 jusqu’au parfait paiement moins un euro,

Très subsidiairement,

– condamner la banque à lui verser des dommages et intérêts à hauteur des dernières sommes réclamées par cette dernière, moins un euro en réparation du préjudice subi, soit la somme de 37 376,48 € (32 123,22 € + 5 254,26 €), outre les intérêts au taux conventionnel de (5,75 % à compter du 17 novembre 2020 jusqu’au parfait paiement ;

Très subsidiairement, si une condamnation à sa charge intervînt,

– réduire la clause pénale sollicitée à 1€,

– infirmer le jugement en ce qu’il l’avait condamnée solidairement avec Monsieur [X] à payer à la banque la somme de 32 123,22 € selon décompte arrêté à la date du 17 novembre 2020, outre les intérêts conventionnels aux taux de 5,75% à compter de cette date et ce jusqu’au complet paiement et fixer le taux d’intérêt courant sur la condamnation au taux de 1,75 % ;

– infirmer le jugement en ce qu’il l’avait condamnée solidairement avec Monsieur [X] et à payer à la banque la somme de 5 254,26 € selon décompte arrêté à la date du 17 novembre 2020, outre les intérêts conventionnels aux taux de 5,75% à compter de cette date et ce jusqu’au complet paiement et fixer le taux d’intérêt courant sur la condamnation au taux de 1,75 % ;

– juger que la somme réclamée par la banque devait être réduite de 20% au regard de l’imputation de la tva sur la créance déclarée et qui avait fait l’objet d’un certificat d’irrécouvrabilité;

A titre encore plus subsidiaire, au titre de ses manquements à son obligation d’exécution de bonne foi des contrats,

– condamner la banque à lui verser des dommages et intérêts à hauteur des dernières sommes réclamées par celle-ci moins un euro en réparation du préjudice subi, soit la somme de 37 376,48 € (32 123,22 € + 5 254,26 €), outre les intérêts au taux conventionnel de 5,75 % à compter du 17 novembre 2020 jusqu’au parfait paiement ;

En toutes hypothèses,

– débouter la banque et Monsieur [X] de l’ensemble des demandes formulées à son encontre ;

– condamner la banque et toute autre partie succombante aux entiers dépens de première instance et d’appel et à lui verser une somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles des deux instances.

Le 4 mai 2023, la banque a demandé de :

– débouter Monsieur [X] et Madame [N] de toutes leurs demandes ;

– confirmer le jugement déféré ;

Y ajoutant,

– condamner Monsieur [D] [X] et Madame [F] [N] à lui payer la somme de 1500 € au titre des frais irrépétibles.

Le 27 novembre 2023, Monsieur [X] a demandé de:

– réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions;

Au principal,

– dire et juger irrecevable et mal fondée la banque en toutes ses demandes ;

– dire recevable et bien fondée Madame [N] en son appel ;

Au subsidiaire, condamner la banque à lui régler la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

– dire et juger que la créance sollicitée devait être, en toute hypothèse, amputée des 20 % de tva ;

– déduire de ces sommes les clauses pénales en les limitant à 1 euro ;

– condamner la banque au règlement de la somme de 4.500 euros au titre des frais irrépétibles des deux instances.

Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux écritures précitées des parties déposées aux dates susdites.

Le 20 décembre 2023 a été ordonnée la clôture de l’instruction de l’affaire.

Par message sur le réseau privé virtuel avocat en date du 10 janvier 2024, la cour a invité les parties à présenter pour le 24 janvier 2024 au plus tard leurs observations sur le moyen relevé d’office par la cour, tenant à l’autorité de la chose jugée à l’égard de la caution afférente à l’admission des créances déclarées par la banque, susceptible d’affecter la recevabilité des demandes des cautions en terme de réduction de la clause pénale, réduction du taux d’intérêt conventionnel, et déduction du montant de la taxe sur la valeur ajoutée des créances réclamées par l’établissement de crédit.

Le 18 janvier 2024, Madame [N] a déposé une note en délibéré.

MOTIVATION :

Sur la discussion, par les cautions, de certains éléments de la dette du créancier principal :

La décision du juge commissaire statuant sur l’admission ou le rejet des créances est revêtue de l’autorité de la chose jugée, et celle-ci s’étend également à la caution.

Les cautions ont chacune sollicité que de la créance réclamée, par la banque soit déduite le montant de la tva à hauteur de 20 %. Elles ont encore chacun demandé la réduction à 1 euro des clauses pénales.

Madame [N] demande encore que le taux d’intérêt conventionnel afférent à toute éventuelle condamnation à son encontre au titre de chaque prêt soit fixé à 1,75 %, et non à 5,75 % comme réclamé par la banque et retenu par le premier juge.

Mais il ressort tant des déclarations de créance de la banque en date du 5 mai 2020, intégrant tant les clauses pénales que le taux d’intérêt de 5,75 % (résultant de la majoration de 4 % des intérêts conventionnels de 1,75 % à compter de sa date d’exigibilité normale ou anticipée, conformément à l’article 15 des chacun des deux contrats de prêt), selon des quanta exclusifs de la déduction de tva sollicitée par les cautions, que du certificat d’irrecouvrabilité y afférent que les dites créances ont nécessairement été admises par le juge commissaire, sans que les cautions ne se prévalent d’un quelconque défaut d’admission ni d’un recours sur les décisions d’admission y afférentes.

Il y aura donc lieu de rejeter les demandes des cautions tendant à:

– réduire de 20 % les sommes réclamées par la banque au regard de l’imputation de la tva;

– réduire les clauses pénales sollicitées à 1 euro;

– réduire le taux d’intérêt conventionnel à 1,75 %,

et le jugement sera confirmé de ces deux premiers chefs.

Sur la disproportion manifeste des engagements des cautions aux biens et revenus de celles-ci :

L’article L. 332-1 du code de la consommation (ancien L. 341-4) dispose :

‘Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.’

Il appartient à la caution personne physique, qui entend se prévaloir du caractère manifestement disproportionné de son engagement de caution à ses biens et revenus, lors de la souscription de son engagement, d’en apporter la preuve.

Il y a lieu de tenir compte de l’endettement global de la caution au moment de son engagement, et ce compris au titre de précédents engagements de caution.

A l’égard de biens grevés de sûretés, leur valeur doit être appréciée en en déduisant le montant de la dette dont le paiement est garanti par ladite sûreté, évaluée au jour de l’engagement de caution (Cass. 1ère civ., 24 mars 2021, n°19-21.254, publié).

Les parts sociales et la créance inscrite en compte courant d’associé dont est titulaire la caution au sein de la société cautionnée font partie du patrimoine de la caution devant être pris en considération pour l’appréciation de la proportionnalité de son engagement à ses biens et revenus au moment de cet engagement (Cass. com., 26 janvier 2016, n°13-28.378).

La disproportion manifeste du cautionnement s’apprécie au regard de la capacité de la caution à faire face, avec ses biens et revenus, non pas à l’obligation garantie selon les modalités de paiement propres à celles-ci, mais à son propre engagement (Cass. com. 9 octobre 2019, n°18- 16.798, diffusé; Cass. com., 11 mars 2020, n°18-25.390, publié).

La disproportion manifeste de l’engagement d’une caution commune en bien s’apprécie par rapport aux biens et revenus de celle-ci, de sorte que doivent être pris en considération tant les biens propres et les revenus de la caution que les biens communs incluant les revenus de son conjoint (Cass.com., 6 juin 2018, n°16-26.182, publié).

L’établissement prêteur n’a pas à vérifier la situation financière de la caution.

Une caution ne peut pas se prévaloir d’engagements ou de dettes qu’elle a omis de déclarer auprès de l’établissement de crédit au moment de la souscription.

L’établissement de crédit est ainsi en droit de se fier aux indications données par la caution dans la fiche de renseignement remplie par cette dernière au moment de son engagement, et n’a pas à en vérifier l’exactitude, sauf anomalies apparentes, ou sauf si malgré la cohérence des éléments figurant dans la fiche d’information, la banque ne pouvait pas ignorer l’existence d’autres charges (Cass. com., 27 mai 2014, n° 13.17-287), ou bien encore sauf lorsque la déclaration ne permet pas d’informer la banque de certains éléments essentiels, qui permettraient d’établir le caractère disproportionné du cautionnement (Cass. 1ère civ., 25 novembre 2015, n° 14.24-800).

Madame [N] fait valoir qu’en 2016 elle ne disposait ni de patrimoine immobilier, ni d’épargne, ni encore de revenus suffisants pour faire face à ses engagements alors manifestement disproportionnés.

Monsieur [X] argue quant lui que c’est à la banque de démontrer le caractère proportionné des cautionnements au moment de leurs conclusions, ce qu’elle ne parvient pas à démontrer.

Le 16 février 2016, la Société Générale a consenti un prêt d’un montant initial de 127.211 euros à la société Futuro Form pour lequel Madame [N] et Monsieur [X] se sont engagés en qualité de cautions solidaires chacun à concurrence de 82.686 euros.

Le 16 mars 2016, la Société Générale a consenti un second prêt d’un montant initial de 16.000 euros à cette même société pour lequel Madame [N] et Monsieur [X] se sont engagés en qualité de cautions solidaires chacun à concurrence de 20.800 euros.

Il sera relevé que les parties n’ont produit aucune fiche de renseignement afférente à leurs revenus, charges et patrimoines contemporaines de leurs engagements, et revêtues de leurs signatures et remises à l’établissement de crédit.

S’agissant de Madame [N]:

Elle verse aux débats ses avis d’imposition pour les années 2015 et 2016 portant respectivement sur ses revenus 2014 et 2015.

Toutefois, elle n’apporte pas la preuve de ses revenus pour l’année 2016, année au cours de laquelle doit être appréciée la disproportion des cautionnements consentis. Or, Madame [N] déclare dans ses écritures avoir exercé en tant que salariée de la société Futuro Form en qualité de responsable de salle à compter de l’année 2016.

Enfin, Madame [N] et Monsieur [X] ont constitué la société Futuro Form en janvier 2016, dont la première détenait alors 49% du capital social.

Or, elle n’apporte aucune information quant à la valorisation de ses parts sociales au moment de ses engagements respectifs.

Plus largement, Madame [N] ne présente aucun élément sur la consistance de son patrimoine au moment de chacun de ses deux engagements.

Ainsi Madame [N], qui ne verse aux débats aucun élément permettant d’apprécier la consistance de ses biens et revenus au moment de la conclusion des deux cautionnements respectifs, défaille dans la preuve de leur caractère disproportionné à ses biens et revenus au moment de leurs souscriptions.

S’agissant de Monsieur [X] :

Monsieur [X], qui ne verse aux débats aucune pièce, est défaillant à apporter la preuve lui incombant de la disproportion des cautionnements à ses biens et revenus au moment de leurs conclusions.

* * * * *

Ainsi, les cautions sont mal fondées à opposer à la banque une quelconque disproportion de leurs engagements à leurs biens et revenus.

Sur le manquement de la banque à son devoir de mise en garde:

La banque est tenue à un devoir de mise en garde à l’égard d’une caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n’est pas adapté aux capacités financières de la caution, ou qu’il existe un risque d’endettement né de l’octroi du prêt garanti, lequel résulte de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur.

En revanche, elle n’est pas tenue d’un devoir d’information sur l’opportunité ou les risques de l’opération financée.

C’est à l’emprunteur qu’il appartient de démontrer l’inadaptation du prêt consenti par l’établissement de crédit à ses propres facultés.

Mais le prêteur n’est tenu à aucun devoir de mise en garde si le remboursement du prêt n’excède pas les facultés contributives de l’emprunteur (Cass. 1ère civ., 19 novembre 2009, n°08-13.601, Bull., I, n°232).

La capacité financière s’entend des revenus et patrimoine garantissant le remboursement, y compris le patrimoine financier par l’emprunt cautionné, et ce même si le débiteur doit pour se faire réaliser les biens issus de son patrimoine.

La banque, à laquelle il appartient de démontrer qu’elle a rempli son obligation de mise en garde, est dispensée de cette obligation si elle établit que son client à la qualité de caution avertie.

Quelle que soit la qualité de l’emprunteur, la banque n’est pas tenue à un devoir de mise en garde en l’absence de risque, et celui s’apprécie au moment de l’engagement litigieux.

Les cautions soulèvent le manquement de la banque à son obligation de mise en garde, tant en tant que moyen de défense opposé aux demandes de la banque, qu’à titre reconventionnel pour réclamer à celle-ci une indemnité y afférente.

De manière liminaire, les cautions rappellent avoir délivré à la banque une sommation de communiquer les justificatifs de ses démarches au titre notamment de son obligation de mise en garde.

Elles entendent voir déduire de l’absence de toute production de pièce à cet égard par la banque, et de sa réplique selon laquelle les crédits accordés ne seraient pas excessifs, l’aveu judiciaire, par cet établissement de crédit, de son manquement à son devoir de mise en garde.

Mais alors qu’il est constant entre parties que les cautions n’ont fait l’objet d’aucune mise en garde, et que la banque se borne ainsi à affirmer qu’elle n’était tenue à aucune obligation à cet égard, il ne ressort de ses moyens de défense aucun aveu judiciaire d’un quelconque manquement.

De première part, les cautions ne versent aucun élément permettant d’établir qu’au jour de leur souscription, les crédits qu’ils ont cautionnés n’étaient pas adaptés aux capacités financières de la société débitrice principale.

Car à cet égard, la banque leur oppose, exactement, la régularité du paiement des échéances des prêts par la société pendant 4 ans jusqu’au jugement de liquidation judiciaire du 17 mars 2020.

Et de deuxième part, en s’abstenant de verser tout élément sur ses ressources, charges et patrimoine, Monsieur [X] défaille à démontrer en quoi ses engagements de caution seraient inadaptés à ses capacités financières.

Enfin de troisième part, Madame [N], qui ne présente aucun élément sur ses patrimoines, ressources et charges contemporaines de la souscription des deux prêts, défaille de même a démontrer le caractère inadapté de ses engagements à sa situation financière personnelle.

Pour le surplus, les cautions font grief à l’établissement de crédit ne pas les avoir mis en garde quant au risque afférent à l’opération financée objet de leurs cautionnements, mais ce moyen est inopérant car le dispensateur de crédit n’est tenu à aucune obligation à cet égard.

Enfin, les cautions n’allèguent ni ne démontrent que la banque disposait sur la société ou sur eux-mêmes d’informations péjoratives qu’elle leur aurait scellées.

Ainsi, les cautions ne démontrent pas l’existence d’un risque à l’encontre duquel la banque était tenue de les avertir.

Les cautions sont donc malhabiles à invoquer un quelconque manquement de l’établissement de crédit à son devoir de mise en garde.

Il y aura donc lieu de dire que la banque n’était pas redevable d’une obligation de mise en garde, et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le manquement de la banque à son obligation de bonne foi:

Les contrats s’exécutent de bonne foi.

Constitue une perte de chance la disparition certaine d’une éventualité favorable, dont l’indemnisation mesurée à l’aune de la chance perdue, ne peut pas être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.

Mais pour donner lieu à réparation, la perte de chance doit être raisonnable, ou encore réelle et sérieuse.

Madame [N] fait grief à la banque de ne pas avoir répondu au courrier que lui avait adressé son conseil le 4 octobre 2017, par lequel elle a avisé l’établissement de crédit de son intention de céder ses parts de la société et d’être libérée de ses deux engagements de caution.

Elle souligne avoir ainsi perdu une chance de lever son engagement de caution en échange d’autres garanties, justifiant ainsi la condamnation de la banque à lui payer une indemnité égale au montant des sommes qui lui sont réclamées au titre de son propre engagement, diminuée d’un euro.

Mais alors que ses engagements de caution étaient déjà souscrits et qu’ils faisaient la loi des parties, sans que la banque soit tenue de les réexaminer à sa demande, que l’intéressée ne démontre pas avoir persisté dans une quelconque volonté de renégociation de ses engagements,

et alors que la cour a écarté tous les moyens de défense et demandes opposantes de la caution, Madame [N] défaille à démontrer toute chance sérieuse d’acceptation par la banque d’une mainlevée ou même d’une réduction de ses propres engagements de caution, d’autant plus qu’elle n’apporte aucun élément concret quant à la substance des autres éventuelles garanties et sûretés susceptibles de se substituer efficacement à ses cautionnements.

Il y aura donc lieu de débouter les cautions de leurs demandes indemnitaires, et le jugement sera confirmé de ces chefs.

Sur les condamnations au profit de la banque :

Par la production de ses divers contrats, décomptes, mise en demeure, outre déclarations de créances admises, la banque a suffisamment fait la preuve du principe et des quanta de ses demandes en toutes leurs composantes, ainsi que de la réception par les cautions de ses mises en demeures adressées le 17 novembre 2020.

Il y aura donc lieu de :

– condamner solidairement Monsieur [D] [X] et Madame [F] [N] à payer à la banque la somme de 32.123,22 euros selon décompte arrêté à la date du 17 novembre 2021 outre les intérêts conventionnels au taux de 1,75 % à compter de cette date et ce jusqu’au complet paiement;

– condamner solidairement Monsieur [D] [X] et Madame [F] [N] à lui payer la somme de 5.254,26 euros selon décompte arrêté à la date du 17 novembre 2021 outre les intérêts conventionnels au taux de 1,75 % à compter de cette date et ce jusqu’au complet paiement ;

et le jugement sera confirmé de ces chefs.

* * * * *

En l’absence de tout moyen opposant, il y aura lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a dit que Madame [P] [X] née [K], ayant donné son consentement exprès aux cautionnements souscrits par son époux, les biens communs aux époux étaient engagés.

Le jugement sera encore confirmé pour avoir débouté les cautions de leurs demandes au titre des frais irrépétibles, et pour les avoir solidairement condamnés à payer à la banque la somme de 600 euros à ce titre, ainsi qu’aux dépens de première instance.

Les cautions seront déboutées de leurs demandes au titre des frais irrépétibles d’appel.

Il y aura donc lieu de condamner in solidum Monsieur [X] et Madame [N] aux entiers dépens d’appel et à payer à la banque la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.

PAR CES MOTIFS:

La cour,

statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Rejette la demande de Madame [F] [N] tendant à fixer à 1,75 % le taux d’intérêt courant sur sa condamnation ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

Déboute Madame [F] [N] et Monsieur [D] [X] de leurs demandes au titre des frais irrépétibles d’appel ;

Condamne in solidum Madame [F] [N] et Monsieur [D] [X] aux dépens d’appel et à payer à la société anonyme Société Générale la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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