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GLQ/KG
MINUTE N° 24/155
Copie exécutoire
aux avocats
Copie à Pôle emploi
Grand Est
le
Le greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE – SECTION A
ARRET DU 20 FEVRIER 2024
Numéro d’inscription au répertoire général : 4 A N° RG 23/00151
N° Portalis DBVW-V-B7H-H7OZ
Décision déférée à la Cour : 05 Décembre 2022 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE STRASBOURG
APPELANT :
Monsieur [O] [X]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Jean MUSCHEL, avocat au barreau de STRASBOURG
INTIMEE :
S.A.S. OBA
prise en la personne de son représentant légal
N° SIRET : 847 683 885
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Gulay OZKAN-BAYRAKTAR, avocat au barreau de STRASBOURG
et Maître Phone HONGHKAM (avocat plaidant)
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 12 Décembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. PALLIERES, Conseiller, faisant fonction de Président
M. LE QUINQUIS, Conseiller
M. LAETHIER, Vice-Président placé
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme SCHIRMANN
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition au greffe par M. PALLIERES, Conseiller, faisant fonction de Président
– signé par M. PALLIERES, Conseiller et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
La S.A.S. OBA exploite une boucherie et un restaurant dans le centre commercial Haute pierre à [Localité 4].
Le 30 avril 2021, M. [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Strasbourg pour faire reconnaître qu’il a été embauché par la S.A.S. OBA en qualité de directeur du magasin à compter du 17 avril 2019 dans le cadre d’un contrat de travail.
Par jugement du 05 décembre 2022, le conseil de prud’hommes s’est déclaré matériellement incompétent. Il a constaté que M. [X] apparaissait comme associé dans les statuts de la S.A.S. OBA et qu’il ne rapportait pas la preuve d’un lien de subordination et d’une rémunération convenue.
M. [X] a interjeté appel le 05 janvier 2023.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 02 juin 2023, M. [X] demande à la cour d’infirmer le jugement et de :
– dire que M. [X] a la qualité de salarié de la S.A.S. OBA depuis le 17 avril 2019,
– dire que le salaire mensuel de M. [X] s’élève à 3 000 euros bruts,
– condamner la S.A.S. OBA au paiement de la somme de 40 500 euros bruts au titre des arriérés de salaires pour la période du 17 avril 2019 au 31 mai 2020,
– condamner la S.A.S. OBA au paiement de la somme de 3 375 euros à titre d’indemnité de congés payés,
– condamné la S.A.S. OBA au paiement de la somme de 18 000 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
– dire que le contrat de travail a été rompu au mois de mai 2020 de manière unilatérale par la S.A.S. OBA aux torts exclusifs de l’employeur,
– dire que la rupture s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– au besoin, prononcer la résiliation du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur,
– en conséquence, condamner la S.A.S. OBA au paiement des sommes suivantes :
* 3 000 euros au titre du préjudice subi du fait du non-respect de la procédure de licenciement,
* 9 000 euros à titre d’indemnité de préavis, outre 900 euros au titre des congés payés sur préavis,
* 750 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
* 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,
– condamner la S.A.S. OBA à délivrer les fiches de paie pour la période du
17 avril 2019 au 30 août 2020, ainsi que les documents de fin de contrat (certificat de travail, solde de tout compte et attestation destinée à Pôle Emploi) et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de quinze jours après notification du jugement à intervenir,
– dire que l’intégralité des montants réclamés porteront intérêts au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir,
– condamner la S.A.S. OBA aux dépens de la procédure de première instance et d’appel, y compris à payer à Monsieur [X] une somme de 3 000 euros pour la procédure de première instance et 5 000 euros pour la procédure d’appel en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonner l’exécution provisoire de l’arrêt à intervenir.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 04 juillet 2023, la S.A.S. OBA demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner M. [X] au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens comprenant les éventuels frais d’exécution. A titre subsidiaire, elle demande à la cour de débouter M. [X] de ses demandes.
Pour un exposé plus complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux écritures précitées, en application de l’article 455 du code de procédure civile.
L’affaire a été fixée pour être plaidée à l’audience du 12 décembre 2023 et mise en délibéré au 20 février 2024.
MOTIFS
L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles s’est exercée l’activité du travailleur.
C’est à la partie qui invoque l’existence d’une relation salariale d’apporter la preuve de celle-ci, c’est-à-dire d’une activité exercée sous la subordination du prétendu employeur.
Cependant, en présence d’un contrat de travail apparent, il revient à celui qui invoque son caractère fictif d’en rapporter la preuve (Soc. 16 novembre 2022, n° 21-13.48).
En l’espèce, il résulte des statuts de la S.A.S. OBA que celle-ci a été créée par trois associés, à savoir M. [N] [G], M. [L] [G] et M. [O] [X]. Le capital social est composé de 1 000 parts sociales, M. [N] [G] étant titulaire de 500 parts sociales et étant désigné comme président, les deux autres associés étant quant à eux titulaires de 250 parts sociales chacun.
M. [O] [X] soutient qu’il a commencé à travailler pour la S.A.S. OBA en qualité de directeur à temps plein à compter du 17 avril 2019. Il explique qu’il a été recruté par M. [N] [G] pour assurer le suivi des travaux réalisés en vue de l’ouverture du magasin intervenue le 28 octobre 2019. Il justifie de cet élément en produisant notamment les demandes d’autorisation de travaux en dehors des heures d’ouverture du centre commercial où se trouve le magasin sur lesquels il est désigné comme intervenant avec M. [N] [G] et d’autres personnes.
La S.A.S. OBA fait toutefois valoir que M. [O] [X] intervenait en qualité d’associé et non de salarié, qu’il n’était tenu à aucune obligation de présence et qu’il était autonome dans l’organisation de son activité.
Il convient effectivement de constater que les pièces produites par M. [O] [X] ne démontre en rien l’existence d’une relation de travail avec la S.A.S. OBA entre le 17 avril 2019 et le 28 octobre 2019, date de l’ouverture du magasin.
M. [O] [X] justifie en revanche qu’il a fait l’objet d’une déclaration préalable adressée par la S.A.S. OBA à l’URSSAF le 27 octobre 2019 pour une embauche à compter du 28 octobre 2019.
Un ancien salarié de la S.A.S. OBA, M. [U] [H], atteste par ailleurs que M. [O] [X] était le responsable du magasin pendant la durée de son contrat de travail, soit du 28 octobre 2019 au 18 mars 2020, et qu’il s’occupait à ce titre de l’organisation et de la logistique du magasin, notamment de l’ouverture et de la fermeture, de l’accueil des clients, de la gestion des commandes, de l’encaissement, de la préparation et du service du restaurant.
Enfin, le 17 mars 2020, dans le cadre des mesures de restriction des déplacements prises pendant la crise sanitaire du Covid-19, M. [N] [G] a établi une attestation dans laquelle il déclare que M. [O] [X] est salarié de l’entreprise et qu’il exerce ses fonctions dans les locaux situés dans le centre commercial de [Localité 4] Haute pierre.
Il convient enfin de relever que la qualité d’associé minoritaire au sein de l’entreprise ou le fait d’exercer une autre activité sous un statut d’entrepreneur individuel ne sont pas incompatibles avec le statut de salarié.
Il résulte de ces éléments que la S.A.S. OBA ne rapporte pas la preuve du caractère fictif du contrat de travail de M.[O] [X]. Il convient, en conséquence, d’infirmer le jugement en ce que le conseil de prud’hommes s’est déclaré matériellement incompétent et de renvoyer l’affaire devant le conseil de prud’hommes de Strasbourg pour qu’il statue sur les demandes relatives à l’exécution et à la rupture du contrat de travail.
Le jugement entrepris sera confirmé sur les dépens et les frais irrépétibles.
Succombant, la S.A.S. OBA sera condamnée aux dépens d’appel.
L’équité commande qu’il n’y ait pas condamnation au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, pour les frais exposés à hauteur d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par mise à disposition au greffe par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Strasbourg du 05 décembre 2022 en toutes ses dispositions, SAUF en ses dispositions sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens ;
Statuant à nouveau,
DIT que M. [O] [X] a la qualité de salarié de la S.A.S. OBA depuis le 28 octobre 2019 ;
DIT que le conseil de prud’hommes est matériellement compétent pour statuer sur les demandes relatives à l’exécution et à la rupture du contrat de travail ;
RENVOIE l’affaire devant le conseil de prud’hommes de Strasbourg pour qu’il soit statué sur les demandes au fond ;
DEBOUTE M. [O] [X] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés à hauteur d’appel ;
DEBOUTE la S.A.S. OBA de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés à hauteur d’appel ;
CONDAMNE la S.A.S. OBA aux dépens d’appel.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 20 février 2024, signé par Monsieur Edgard Pallières, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre et Madame Martine Thomas, Greffier.
Le Greffier, Le Président,