Parts sociales : décision du 20 février 2024 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/05090

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Parts sociales : décision du 20 février 2024 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/05090
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ARRET

S.A.S. ETECNA-EQUIPE TECHNIQUE NOUVELLE ACTION

C/

[B]

OG

COUR D’APPEL D’AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 20 FEVRIER 2024

N° RG 21/05090 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IIB7

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE SOISSONS EN DATE DU 09 SEPTEMBRE 2021

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

La Société [J] AGROALIMENTAIRE & INDUSTRIE, représentée par son président la société Compagnie de Développement et de Participations, venant aux droits par dissolution sans liquidation et transmission universelle de patrimoine de la société ETECNA EQUIPE TECHNIQUE NOUVELLE ACTION, ceci par effet de décision d’associé unique de dissolution confusion en date du 26 novembre 2021, ainsi qu’à propre titre et compte en tant qu’intervenante volontaire en cause d’appel ès qualités d’acquéreur de la société ETECNA.

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Florence GACQUER CARON, avocat au barreau d’AMIENS, vestiaire : 65

Plaidant par Me Eric SERRE, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIME

Monsieur [L] [B]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Eric POILLY substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocats au barreau d’AMIENS, vestiaire : 101

Plaidant par Me Anthony JUETTE, avocat au barreau de RENNES

DEBATS :

A l’audience publique du 07 Novembre 2023 devant Mme Odile GREVIN, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l’article 805 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 06 février 2024.

GREFFIER : Mme Charlotte RODRIGUES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Odle GREVIN en a rendu compte à la Cour composée de :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Valérie DUBAELE, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Les parties ont été informées par voie électronique du prorogé du délibéré au 20 février 2024.

Le 20 février 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

La société Etecna-Equipe technique nouvelle action ( Etecna) est un cabinet de maîtrise d’oeuvre et de conception spécialisé dans les bâtiments industriels, commerciaux,(magasins et grandes surfaces) et tertiaires ( agences bancaires, établissements recevant du public, centres d’affaires) fondé par M. [L] [B] en 1990.

Le groupe [J] a une activité de maîtrise d’oeuvre et d’ingéniérie notamment dans les domaines de l’agroalimentaire, de l’industrie, du bâtiment, de l’aménagement et de l’environnement.

Dans la perspective de son départ à la retraite M. [B] a envisagé de céder la SAS Etecna et la société [J] agroalimentaire et industrie (société [J]) a manifesté son intérêt pour une reprise.

Par acte de cession en date du 28 juin 2019 la SAS [J] a acquis 100% du capital et des droits de vote de la SAS Etecna.

Par acte du même jour un contrat de prestation de services a été conclu entre M. [B] et la SAS Etecna confiant au premier et pour une durée de six mois à compter du 1er juillet 2019 contre une rémunération mensuelle de 15000 euros HT une mission de:

– formation et de conseil du futur responsable d’agence de la société Etecna

– information de la clientèle et des tiers à la cession

La SAS Etecna n’a pas réglé les factures des prestations effectuées par M. [B] pour les mois d’octobre, novembre et décembre 2019.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 29 janvier 2020 M. [B] mis en demeure la SAS Etecna de lui régler l’intégralité des sommes dues en application de la convention de prestation de services.

Par lettre recommandée en date du 17 mars 2020 la SAS Etecna a justifié l’inexécution partielle de la convention de prestation de services par le dol et la mauvaise foi de M. [B] qui aurait surestimé le chiffre d’affaires prévisionnel de la société cédée pour l’exercice 2019 au jour de la cession .

Par acte d’huissier en date du 16 juillet 2020 M. [B] a fait assigner la SAS Etecna en paiement des factures devant le tribunal de commerce de Soissons lequel suivant jugement contradictoire en date du 9 septembre 2021 a condamné la SAS Etecna à payer à M. [B] la somme de 45000 euros HT au titre des factures impayées avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 29 janvier 2020 et une indemnité forfaitaire de 120 euros pour frais de recouvrement outre la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 21 octobre 2021 la SAS Etecna a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions.

Aux termes de ses conclusions remises le 3 mai 2023 expurgées des demandes ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile et auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens invoqués, la société [J] venant aux droits de la SAS Etecna par suite de la dissolution confusion par l’associé unique en date du 26 novembre 2021 publiée le 29 novembre 2021, demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau de débouter M. [B] de l’ensemble de ses demandes et de le condamner à lui payer une somme de 90000 euros à titre de dommages et intérêts correspondant aux sommes indûment perçues déloyalement et indûment par lui sous couvert d’exécution du contrat de prestation de services outre la somme de 230 000 euros à titre de dommages et intérêts pour dol ou manquement à la bonne foi contractuelle au titre du contrat de cession des actions mais également une somme de 34000 euros pour préjudice financier de manque à gagner au titre d’apports d’affaires par [J] agroalimentaire et industrie à la SAS Etecna et la somme de 5000 euros à titre de procédure abusive.

A titre subsidiaire si M. [B] était reçu en partie ou en totalité en ses demandes elle sollicite sa condamnation à lui payer une somme de 90000 euros à titre de dommages et intérêts correspondant aux sommes indûment perçues déloyalement et indûment par lui sous couvert d’exécution du contrat de prestation de services outre la somme de 230 000 euros à titre de dommages et intérêts pour dol ou manquement à la bonne foi contractuelle au titre du contrat de cession des actions mais également une somme de 34000 euros pour préjudice financier de manque à gagner au titre d’apports d’affaires par [J] agroalimentaire et industrie à la SAS Etecna et que soit ordonnée la compensation entte les condamnations respectives des parties.

En tout état de cause elle demande la condamnation de M. [B] au paiement d’une somme de 5000 euros pour procédure abusive, d’une somme de 10000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et sa condamnation aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions remises le 27 février 2023 M. [L] [B] demande à la cour de confirmer en son intégralité le jugement entrepris, en conséquence de rejeter l’ensemble des demandes de la SAS Etecna, de la condamner à lui payer la somme de 54000 TTC au titre des factures impayées outre intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2000 et indemnité de 120 euros pour frais de recouvrement ainsi qu’une somme de 15000 euros pour résistance abusive et une somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 5 octobre 2023.

SUR CE

Sur l’exécution des contrats

La société [J] reproche aux premiers juges de ne pas avoir pris en considération l’indivisibilité et la connexité manifeste entre l’exécution du contrat de prestation de services et le contrat de cession de titres de la société Etecna conclu le même jour.

Elle leur reproche également de ne pas avoir pris en considération et de manière chronologique les différents échanges intervenus entre les parties ou par l’intermédiaire de leurs conseils.

Elle soutient que le sens clair du contrat de prestation de services et le contexte faisaient que l’exécution de ce contrat ne pouvait s’apprécier sans faire de lien avec l’exécution des deux contrats.

Elle fait valoir ainsi que le contrat de prestation de services n’est qu’un simple accessoire du contrat principal de cession de titres qui trouve sa cause exclusive, sa raison d’être et son objet dans ce contrat en application de l’article 4 du contrat de prestation de services puisqu’il s’agit pour le cédant d’accompagner l’acquéreur dans le contexte de la cession et la poursuite d’activité de la société.

Elle reproche également aux premiers juges une mauvaise application des règles applicables au dol et au manquement à la loyauté contractuelle en ne prenant en compte que l’expérience aux reprises d’entreprises ou l’existence d’un bilan alors même qu’il s’agissait de déterminer tant au moment de la cession que de l’exécution de la prestation de services si la présentation comptable était correcte.

Elle soutient à cet égard que M. [B] a commis un dol substantiel par réticences dolosives et manoeuvres en comptabilisant des marchés non encore conclus ou fictifs et en majorant les montants à facturer afin de gonfler l’encours et le chiffre d’affaires de la société dans une proportion proche du tiers du total du bilan.

Elle soutient qu’elle est fondée à opposer sur le fondement de l’article 1219 du code civil une exception d’inexécution afin de refuser de payer les factures de M. [B] dès lors qu’une telle exception d’inexécution peut être opposée entre obligations nées de conventions distinctes.

Elle fait valoir les manquements imputables à M. [B] dans l’accomplissement de sa prestation de services et dans le cadre de la cession de la société Etecna font obstacle au paiement des prestations facturées dès lors que l’on se trouve dans un ensemble contractuel indivisible vicié par un dol.

Elle soutient à ce titre que M. [B] s’est prévalu dès avril 2019 et a mis en avant de mars 2019 à juillet 2019 un budget prévisionnel faisant état d’un chiffre d’affaires de l’ordre de 1180 000 euros alors que le chiffre d’affaires définitif au titre de l’année 2019 n’a été que de 866302 euros soit une baisse de plus de 20% par rapport à l’année 2018 et de 313697 euros par rapport au budget prévisionnel .

Elle reproche à M. [B] d’avoir en tant que consultant clairement manqué à son obligation de bonne foi , le prévisionnel détaillé de facturation pour 2019 mentionnant un chiffre d’affaires annuel de 1 141 827,67 euros.

Elle fait observer que cependant la société Etecna travaille sur la base de contrats cadre et que son chiffre d’affaires est stable à l’instar d’une société fonctionnant sur de l’abonnement et non tributaire de variations saisonnières ou ponctuelles et qu’en conséquence les variations d’un tiers du chiffre d’affaires global ne peuvent résulter de fluctuations d’activités ni d’accidents de parcours et ne peuvent s’expliquer que par le gonflement artificiel des comptes présentés par M. [B] qui aurait comptabilisé en juillet 2019 comme constitutifs du chiffre d’affaires des chantiers déjà facturés et des chantiers fictifs ou non encore signés.

Elle fait valoir que cette manipulation des données comptables a continué durant l’exécution du contrat de prestations de service dans la mesure où pour donner du crédit au prévisionnel annoncé en juillet 2019 M. [B] a beaucoup trop facturé et ainsi dénaturé le contrat en le muant en un instrument de dissimulation de son dol puisqu’il savait l’impossibilité de réaliser le chiffre d’affaires prévisionnel par lui annoncé lors de la cession.

Elle donne pour exemple la surfacturation envers la Caisse d’épargne pour laquelle M. [B] a facturé de manière exorbitantes les relevés des existants obligeant le responsable d’agence à les diminuer.

Elle reproche également à M. [B] de s’être attribué dans le rapport détaillé de son activité des affaires nouvelles dont les clients ne venaient pas de son réseau mais de celui du responsable d’agence mais également de s’être octroyé un mois de congés sur les six mois de mission sans son autorisation et de n’avoir pas terminé sa prestation jusqu’à fin décembre .

Elle fait valoir que l’ensemble de ces faits l’ont conduite à demander à M. [B] de ne plus intervenir auprès des clients ou du personnel et à soulever l’exception d’inexécution dès lors que la réalisation de sa prestation était imparfaite .

Elle ajoute que la cause du contrat de prestations de services résidant exclusivement dans l’existence du contrat de cession des actions il existe une interdépendance dans les obligations respectives des parties.

Elle fait valoir que ces deux contrats intervenus le même jour entre les mêmes parties à la suite d’une promesse de vente unique pour une même opération juridique et économique la cession et l’accompagnement de cette cession avec des stipulations croisées constituent un ensemble indivisible le contrat de prestation de service ayant été contracté pour permettre l’exécution de la cession des actions et la prestation de services constituant une condition substantielle pour l’acquéreur des actions.

M. [B] soutient que pour justifier le défaut de paiement de la convention d’accompagnement la société Tecna invoque des causes totalement étrangères à la bonne exécution de ce contrat d’accompagnement alors même que son accompagnement n’a fait l’objet d’aucun grief et que son rapport détaillé d’activité sur les missions réalisées et en cours de réalisation n’a fait l’objet d’aucune observation.

Il fait observer que la cession est intervenue alors que les conditions suspensives reposant sur la valeur des capitaux propres et le montant de la trésorerie étaient réunies et qu’en conséquence l’acte de cession a été exécuté conformément aux engagements respectifs des parties.

Il rappelle que la convention de prestation de services prévoit en son article 13 les conditions de l’exception d’inexécution en référence à l’article 1219 du code civil pour le cas où l’une des parties n’exécuterait pas son obligation dès lors que l’inexécution est suffisamment grave et précise que la victime de l’inexécution doit signifier à l’autre partie son manquement à ses obligations contractuelles par lettre recommandée avec accusé de réception ou tout autre support écrit permettant de ménager une preuve de l’envoi.

M. [B] fait valoir que son rapport d’activité n’a fait l’objet d’aucun commentaire de la part du repreneur et qu’il a parfaitement exécuté sa mission dès lors qu’il a présenté les salariés de la société aux équipes du groupe [J], a effectué les transmissions utiles et présenté les clients et le réseau de la société , tous les clients récurrents représentant plus de 90% du chiffre d’affaires ayant été rencontrés avec le futur responsable d’agence.

Il précise que celui-ci a pris la main sur les tableaux de prévisions et la facturation dès le 1er juillet 2019 et a négocié les contrats avec la Caisse d’épargne.

S’agissant de la surfacturation il rappelle qu’il n’avait plus aucun mandat social et plus de prérogatives en matière de facturation hormis des propositions jusqu’en novembre 2019 et pour la Caisse d’épargne il indique qu’il n’existait pas de contrat cadre, des contrats étant établis pour chaque dossier et que la Caisse d’épargne de Picardie est passée sous l’égide de la Caisse d’épargne des Hauts de France avec un changement d’interlocuteur dans la négociation des contrats et qu’ainsi la révision des prix à la baisse n’est pas la conséquence d’une surfacturation initiale mais de la force de négociation du nouvel interlocuteur.

Il fait observer que son rapport d’activité indique en toute transparence les actions commerciales menées et perdues et des travaux menés par le binôme formé avec le responsable de l’agence.

Il conclut au fait que le travail qu’il a réalisé au titre de la mission d’accompagnement n’a jamais été remis en cause pendant la durée du contrat.

Il considère que les arguments développés par la partie adverse relatifs à des manquements à l’obligation de loyauté et de bonne foi de sa part sur le fondement d’un chiffre d’affaires prévisionnel volontairement majoré ce qui n’est aucunement établi sont étrangers à la bonne exécution du contrat de prestations de services et qu’en toutes hypothèses un prévisionnel est établi à base de prévisions en fonction des contrats en cours , du chiffre d’affaires des années précédentes de la prospection de nouveaux clients et de potentielles nouvelles affaires.

Il soutient ainsi pour sa part que la cession des parts sociales est juridiquement distincte de la convention de prestations de services relative à un accompagnement postérieur à la cession les obligations des parties n’étant pas connexes.

S’agissant de la remise en cause de la cession des parts sociales sur le fondement du dol M. [B] rappelle que pour être sanctionné le dol doit avoir été provoqué par une erreur ayant déterminé la victime à donner son consentement sans laquelle la victime n’aurait pas contracté ou l’aurait fait à des conditions substantiellement différentes et que la reconnaissance du dol suppose un élément intentionnel soit une manoeuvre volontaire consistant à donner une fausse information ou à dissimuler des éléments avec la conscience du caractère déterminant de l’information recelée.

Il soutient que ces différents éléments du dol ne sont pas établis en l’espèce et ce d’autant que le caractère averti des acquéreurs en matière de reprise et de direction d’entreprise est certain, M. [U] [J] et son fils totalisant plus de quarante mandats sociaux pour un groupe consolidant des dizaines de milllions d’euros de capitaux propres.

Il fait valoir ainsi que le repreneur a pu examiner l’ensemble des documents relatifs à la société Etecna, qu’il a réalisé des audits au préalable ,que tous les éléments comptables lui ont été transmis et que lors des pourparlers l’intégralité de la documentation juridique commerciale et sociale a été mise à la disposition du repreneur.

Il fait observer qu’il a transmis en mars 2019 un budget prévisionnel établi par son expert-comptable sur l’impulsion de M. [J] sur les connaissances des années passées mais a bien précisé qu’il ne pouvait présumer de l’avenir et qu’il était difficile d’établir le poste relatif au chiffre d’affaires qu’il a prévu à hauteur de 1034K€ en fonction des contrats engagés et des opérations annoncées mais en précisant que cela ne pouvait présumer ou prédire des reports de projets ou de travaux.

Il conteste que ce simple prévisionnel ait constitué le support du consentement à la cession des titres de la société

Il rappelle que lorsque l’annulation du contrat n’est pas demandée en matière de dol, le préjudice réparable n’est que la perte de chance de n’avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses.

Il conteste tout élément intentionnel indiquant avoir fait preuve de transparence dans le cadre de la cession au vu du nombre d’informations transmises et de leur réalité.

A ce titre s’agissant de la provision de 30 000 euros mise en avant par l’appelante M. [B] expose qu’elle a été faite par prudence pour tenir compte du ralentissement de l’activité des salariés durant les congés et qu’elle a été expliquée dès avant la cession au repreneur.

Enfin il fait valoir qu’il a toujours pris trois semaines de congés au mois d’août et que ses congés de 2019 étaient actés dès le mois de janvier 2019 avant même la cession , il fait observer qu’il a travaillé en juillet malgré une hospitalisation et que s’il n’a pas achevé le mois de décembre 2019 c’est qu’il a été remercié de manière brutale le 16 décembre 2019 mais qu’il s’est néanmoins tenu disponible pour ses collaborateurs jusqu’à la fin de son accompagnement.

Il soutient enfin que la société [J] fait face à un échec dans la reprise de la société Etecna dont il ne peut être tenu responsable dès lors que cette cession a été réalisée sur la base des exercices comptables antérieurs et non sur la base de prévisionnels et qu’au demeurant le bilan arrêté au 31 décembre 2018 faisant état d’un chiffre d’affaires annuel de 1093478 euros et l’arrêté des comptes faisant état d’un chiffre d’affaires sur 6 mois de 517228 euros , chiffres validés par les deux parties, le prévisionnel d’un chiffre d’affaires annuel de 1034456 était réalisable et peu éloigné du prévisionnel de 118000 euros.

Il fait valoir que la société [J] ne rapporte aucunement la preuve qu’il aurait majoré le budget prévisionnel intentionnellement avant la cession.

L’ensemble de la démonstration de la société [J] repose sur l’existence d’un dol entachant la cession de titres de la société Etecna.

Ce dol est invoqué tant comme moyen de défense à la demande de M. [B] tendant à obtenir le paiement de ses factures de prestations de services émises en application du contrat d’accompagnement liant les parties que comme fondement de ses demandes indemnitaires à l’égard de M. [B].

Il est ainsi reproché à M. [B] d’avoir sciemment donné une image trompeuse de la situation de la société Etecna au 30 juin 2019 en majorant fallacieusement le chiffre d’affaires dans une proportion du tiers du chiffre d’affaires et ce par des manoeuvres, des dissimulations ainsi que de la réticence dolosive.

Il lui est plus précisément reproché d’avoir donné un prévisionnel artificiellement évalué de façon délibérée et trompeuse en intégrant des marchés déjà soldés faussant ainsi l’image financière de la société alors même que son comptable provisionnait une baisse du chiffre d’affaires et que la décision de la société [J] de contracter était basée sur les prévisions annoncées.

Il convient de relever qu’aux termes de l’acte de cession en date du 28 juin 2019 ont été pris en compte les comptes de l’exercice clos au 31 décembre 2018 approuvés par l’assemblée générale ordinaire du 27 juin 2019 faisant notamment état d’un chiffre d’affaires d’un montant de 1093478,46 euros.

Par ailleurs il a été convenu expressément que le prix de cession d’un montant de 850000 euros était lié à la condition essentielle et déterminante que le montant des capitaux propres de la société Etecna apparaissant sur la situation en forme de bilan arrêtée au 30 juin 2019 soit d’un montant au moins égal à 350 000 euros et que la trésorerie soit d’un montant au moins égal à 150 000 euros.

Il était convenu que la situation en forme de bilan serait transmise au plus tard le 12 juillet 2019 et qu’elle prendrait en compte l’avancement des facturations de missions en cours comme suit: esquisse et APOS 20% APD et PC 20% consultation 20% marchés et suivi de travaux réception de travaux 40% .

Par ailleurs une somme de 680000 euros était réglée le jour de l’acte et le solde après présentation de la situation en forme de bilan arrêtée au 30 juin 2019 acceptée par les parties.

Il n’est pas contesté qu’au vu de la situation au 30 juin 2019 comme annoncé par mail du 27 juin 2019 les deux conditions arrêtées étaient remplies et que le solde du prix a donc été versé.

Il ne ressort aucunement de l’acte de cession que la cession et le paiement de son prix et plus généralement le consentement à cet acte aient été déterminés par le seul budget provisionnel établi par M. [B] au 11 avril 2019.

Il résulte au contraire des courriels échangés entre les parties et ce dès le 16 mars 2019 que M. [B] faisait preuve de transparence en indiquant que le premier semestre rendra des fonds propres à hauteur de 350K€, que les congés des salariés étaient provisionnés à hauteur de 30K€ pour le second semestre devant se dérouler sous gestion et la direction du groupe [J] mais que pour le budget annuel 2019 le chiffre d’affaires était plus difficile à établir et il indiquait que si les contrats engagés et les opérations annoncées présentaient un chiffre d’affaires de 1034K€ escompté sur le budget prévisionnel cela ne pouvait présumer ou prédire des reports de projets ou de travaux. Il annonçait très clairement que le budget prévisionnel était établi sur les connaissances des années passées et ne pouvait présumer de l’avenir que celui-ci soit entre ses mains ou entre celles du groupe [J] en cas de cession.

Il en résulte en premier lieu que les allégations de la société [J] selon lesquelles la provision de 30000 euros aurait été établie en prévision d’une baisse du chiffre d’affaires connue mais tue par M. [B] sont particulièrement erronées dès lors que le cessionnaire en a eu très tôt connaissance et a eu connaissance de sa cause qui est d’ailleurs confirmée par l’expert comptable.

Il est établi surtout que la société [J] ne s’est pas engagée dans cette opération d’acquisition sans solliciter l’ensemble des documents comptables de la société Etecna et sans réaliser d’audit de ces documents.

Elle ne peut prétendre s’être engagée et que son consentement ait été déterminé sur la seule présentation d’un budget prévisionnel qui comme son nom l’indique ne peut certifier l’avenir et le sort de l’entreprise après sa reprise.

Elle le peut d’autant moins que M. [B] justifie que ce budget comprenant le chiffre d’affaires a été établi sur son initiative et conformément à ses prescriptions afin d’obtenir le financement de l’opération ainsi que le démontre le courriel du dirigeant de la société cessionnaire M. [U] [J] en date du 28 mars 2019 par lequel celui-ci sollicite un budget 2019 plus proche du bilan 2018 en terme de résultat d’exploitation et non un budget dégradé auquel M. [B] répond qu’il attend ses directives pour améliorer le bilan.

Ce courrier est loin de ne s’attacher qu’à la forme comme tente de le faire croire la société [J].

Par ailleurs si l’appelante invoque des manoeuvres dolosives ayant consisté pour M. [B] à sciemment majorer frauduleusement le chiffre d’affaires prévisionnel elle ne le démontre pas.

En effet elle ne démontre pas par ses pièces n° 4 au demeurant illisible et n°5 que des chantiers déjà soldés auraient été ajoutés au chiffre d’affaires prévisionnel et si elle produit une attestation du comptable indiquant une différence de 315074 euros entre les affaires figurant au tableau chiffre d’affaires 2019 produit par M. [B] au mois de juin 2019 et les factures comptabilisées pour la période du 1er juillet au 31 décembre 2019 , l’analyse de ce même comptable de la différence entre les dossiers prévisionnels figurant dans le tableau de juin2019 ne permet d’établir aucune manoeuvre dès lors que si les 7 dossiers visés n’ont pas été facturés ce n’est que parce qu’aucun contrat n’a été finalisé sans que la raison en soit connue et puisse être attribuée en conséquence à une faute dolosive de M. [B].

Elle ne démontre pas davantage pour les mêmes raisons que la situation en forme de bilan au 30 juin 2019 présentée conformément au contrat de cession est techniquement fausse en raison d’un chiffre d’affaires artificiellement gonflé.

Elle ne justifie aucunement que le chiffre d’affaires au 30 juin 2019 soit erroné les attestations du comptable ne s’attachant qu’à la comparaison des dossiers prévisionnels au 27 juin 2019 avec les dossiers effectivement facturés au 31 décembre 2019.

Par ailleurs elle ne peut justifier en avançant les chiffres arrêtés au 31 décembre 2019 quant aux capitaux propres de l’inexactitude de leur montant au 30 juin 2019.

En conséquence la cour ne peut que constater que la société [J] échoue totalement à établir l’existence de manoeuvres dolosives l’ayant déterminée à contracter dans les conditions de l’acte du 28 juin 2019.

La société [J] a contracté en toute connaissance de la situation exacte et réelle de la société Etecna en s’entourant de toutes les précautions utiles et ne peut fonder l’existence d’un dol sur la seule déception engendrée par cette reprise, déception relative dès lors qu’elle n’entend pas solliciter son annulation et qu’elle n’a fait état dans un premier temps de la non réalisation du budget prévisionnel que pour se soustraire à son obligation de rétribuer la prestation d’accompagnement de M. [B] dans les trois derniers mois avant d’étendre ses demandes à des dommages et intérêts conséquents pour perte de chance de n’avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses.

Au regard de l’absence de dol et de vice du consentement , la société [J] doit donc être déboutée de ses demandes indemnitaires sans qu’il soit besoin de se pencher sur leur caractère nouveau et leur lien de causalité avec le dol invoqué.

La société [J] invoque également le dol dont elle a été victime dans le cadre de la cession de titres pour justifier son exception d’inexécution au regard des demandes en paiement formées à son égard par M. [B] en invoquant l’indivisibilité des deux contrats.

Au regard des développements précédents et en l’absence de dol retenu ce moyen de défense ne peut justifier l’exception d’inexécution soulevée et ce en tout état de cause sans qu’il soit besoin de statuer sur l’existence d’un ensemble contractuel indivisible même si en l’espèce l’indivisibilité des deux contrats pouvant exister l’un sans l’autre,ne mobilisant aucunement les mêmes obligations et la clause relative à l’exception d’inexécution du contrat d’accompagnement n’y faisant aucune référence, ne saurait être retenue.

Toutefois l’exception d’inexécution opposée par la société [J] ne repose pas uniquement sur l’existence d’un dol.

La société [J] reproche également à M. [B] des manquements dans l’accomplissement de sa prestation de services au delà des conditions de la cession et ainsi de ne pas s’être comporté comme un partenaire digne et loyal en violation de l’article 10 du contrat.

Elle lui reproche ainsi d’avoir procédé au cours de sa mission de consultant à des surfacturations afin de donner crédit à ses prévisions. Elle expose qu’ainsi un client la Caisse d’épargne a été amené à se plaindre de cette surfacturation .

Il ressort cependant des pièces produites constituées de courriels qui ne concernent qu’un seul client qu’il s’agit davantage d’un désaccord avec le client sur certaines prestations que celui-ci juge inutiles et élevées et d’un désaccord sur la méthode de chiffrage des travaux en cours postérieur au 16 décembre 2019 ou encore de la réaction du même client en février 2020 relative à une facturation d’une intervention de M. [B] en octobre 2019 dont il ne résulte pas des pièces que cette facturation soit le fait de celui-ci .

Il n’est pas établi l’existence des surfacturations systématiques dénoncées par la société [J].

Il est encore reproché à M. [B] d’avoir pris trois semaines de congés en août 2019.

Toutefois aucune clause du contrat de prestations de service ne l’en empêchait et il résulte des propres pièces de la société [J] que la prise de ces congés a été présentée et actée dès le 11 juin 2019 et que l’établissement du calendrier des congés d’été n’a fait l’objet d’aucune observation relative à M. [B] de la part du nouveau responsable M. [S].

Il est enfin particulièrement étonnant que la société [J] reproche à M. [B] de ne pas avoir achevé sa mission au mois de décembre 2019 alors que dès le 6 décembre 2019 elle mettait en cause sa loyauté et que le 19 décembre 2019 M. [B] voyait le code d’accès à sa boîte mail etecna modifié ne lui permettant plus l’accès à celle-ci.

De son côté M. [B] fournit un compte -rendu de l’ensemble de ses actions en exécution de sa mission d’accompagnement ainsi que le témoignage d’un ancien salarié d’un client de la société Etecna, directeur du département études et travaux chez Veolia Propreté, attestant que dès l’annonce de la transmission de l’entreprise au groupe [J] M. [B] n’a eu de cesse de mettre en avant les nouvelles synergies et d’intégrer [J] au sein du groupe Véolia avec la possibilité de changer de dimension et d’envisager des collaborations plus importantes au plan national et avoir ainsi assisté à diverses réunions de présentation et d’intégration dans le cadre d’opérations en cours ou envisagées au printemps 2019 durant l’été et à l’automne 2019, au cours desquelles M. [B] a mis beaucoup de détermination et de rigueur pour assurer l’intégration du groupe [J] aux affaires en cours et garantir la pérennité d’une longue collaboration.

Ainsi au regard de l’ensemble de ces éléments la société [J] échoue à établir les manquements de M. [B] dans l’exécution de son contrat de prestations de services et le jugement doit être confirmé en ce qu’il l’a condamnée à payer les factures émises par M. [B] et y ajoutant de dire que la somme de 45000 euros sera assortie de la TVA conformément au contrat signé entre les parties.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

M. [B] soutient que la société [J] a fait preuve de mauvaise foi en invoquant la cession de l’entreprise pour refuser de payer ses prestations au titre de sa mission d’accompagnement et que son attitude à son égard s’est révélée vexatoire et injurieuse;

La société [J] mécontente de l’acquisition de la société Etecna par elle réalisée et ce malgré sa connaissance de la situation de celle-ci a tenté de faire peser sur le cédant le relatif échec de cette reprise constaté seulement à la fin des six mois de l’accompagnement effectué par celui-ci en ne réglant pas les factures des trois derniers mois de sa prestation de service.

Elle en outre brutalement mis fin à l’intervention de M. [B] de manière particulièrement vexatoire.

Elle a jusqu’à l’exécution de la décision de première instance résisté abusivement au paiement des prestations en s’opposant sur le fondement de l’imprécision de la décision de première instance au paiement de la TVA pourtant prévue au contrat.

Il convient en conséquence de la condamner à payer à M. [B] la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il convient de condamner la société Pingart aux entiers dépens d’appel et de la condamner à payer à M. [B] la somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement contradictoirement et par mise à disposition de la décision au greffe,

Confirme la décision entreprise sauf en ce qu’elle a rejeté la demande de M. [B] pour résistance abusive ;

Statuant à nouveau

Condamne la société [J] agroalimentaire et industrie à payer à M. [L] [B] la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Y ajoutant,

Dit que la condamnation de la société [J] agroalimentaire et industrie au paiement de la somme de 45000 euros Ht doit être assortie de la TVA ;

Déboute la société [J] agroalimentaire et industrie de l’ensemble de ses demandes indemnitaires ;

Condamne la société [J] agroalimentaire et industrie aux entiers dépens d’appel ;

Condamne la société [J] agroalimentaire et industrie à payer à M. [L] [B] la somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, La Présidente,

 


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