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MINUTE N° :
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON
JUGEMENT DU JUGE DE L’EXÉCUTION
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
JUGEMENT DU : 20 Février 2024
MAGISTRAT : Daphné BOULOC
GREFFIER : Léa FAURITE
DÉBATS: tenus en audience publique le 23 Janvier 2024
PRONONCE: jugement rendu le 20 Février 2024 par le même magistrat
AFFAIRE : Monsieur [W] [C]
C/ Organisme CAISSE AUTONOME DE RETRAITE DES MEDECINS DE FRANCE
NUMÉRO R.G. : Jex N° RG 23/07955 – N° Portalis DB2H-W-B7H-YSMX
DEMANDEUR
M. [W] [C]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Eric POUDEROUX, avocat au barreau de LYON (postulant), et par Me Coimbra de la SELARL de Maître Coimbra, avocate au barreau de Bordeaux (plaidant)
DEFENDERESSE
Organisme CAISSE AUTONOME DE RETRAITE DES MEDECINS DE FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Maître Jérôme HABOZIT de la SELARL ACO, avocats au barreau de LYON
NOTIFICATION LE :
– Une copie certifiée conforme revêtue de la formule exécutoire par LRAR et une copie certifiée conforme par LS à chaque partie.
– Une copie certifiée conforme à Maître Jérôme HABOZIT de la SELARL ACO – 487, Me Eric POUDEROUX – 520
– Une copie à l’huissier instrumentaire : SELAS [T] [D], [U] [I], [F] [D], [E] [V], société titulaire d’un office de Commissaires de justice à [Localité 5] (69)
– Une copie au dossier
EXPOSE DU LITIGE
Le 14 septembre 2023, deux nantissements provisoires de parts sociales ont été pratiqués entre les mains de la SCI ORTHOPEDIATRIE et de la SCI ORTHOINF au préjudice de Monsieur [W] [C], par la SELAS [T] [D], [U] [I], [F] [D], [E] [V], société titulaire d’un office de Commissaires de justice à [Localité 5] (69), à la requête de la CAISSE AUTONOME DE RETRAITE DES MEDECINS DE France (CARMF), pour recouvrement de la somme de 103.728,49 €, en exécution de trois jugements contradictoires rendus par le Tribunal de grande instance de LYON en date du 14 mai 2019.
Le 20 septembre 2023, les nantissements provisoires de parts sociales ont été dénoncés à Monsieur [W] [C].
Par acte d’huissier en date du 17 octobre 2023, Monsieur [W] [C] a donné assignation à la CAISSE AUTONOME DE RETRAITE DES MÉDECINS DE FRANCE (CARMF) à comparaître devant le juge de l’exécution du Tribunal judiciaire de Lyon afin de voir :
– juger l’assignation recevable et les deux actes de nantissement judiciaire provisoire de parts sociales nuls et de nul effet,
– en tout état de cause, ordonner la mainlevée des deux actes de nantissement judiciaire provisoire de parts sociales, et débouter la poursuivante de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– condamner la poursuivante à lui verser la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
L’affaire a été appelée à l’audience du 14 novembre 2023, puis renvoyée au 12 décembre 2023 et au 23 janvier 2024, date à laquelle elle a été plaidée.
A cette audience, Monsieur [W] [C], représentée par son conseil, réitère ses demandes.
Au soutien de celles-ci, il expose que la nullité des actes de nantissement est encourue dès lors qu’ils ne respectent pas les dispositions de l’article 648 du Code de procédure civile, ce qui ne permet pas d’identifier l’identité exacte de la partie poursuivante. Il ajoute que la CARMF n’avait pas qualité pour faire délivrer des actes de nantissement faute de rapporter la preuve d’une inscription au registre des mutuelles. Il estime qu’un grief lui est causé. Il soulève un second moyen tiré de l’absence de titre exécutoire et de créance, estimant que la requérante n’a pas de titre exécutoire en raison de l’appel interjeté, ni d’autorisation pour pratiquer les mesures conservatoires. Il ajoute que le décompte ne correspond pas au montant des condamnations prononcées et que les mesures ainsi pratiquées sont abusives notamment en raison de leur caractère inopérant tiré de la présence d’une clause d’agrément.
La Caisse autonome de retraite des médecins de France, représentée par son conseil, conclut au débouté du demandeur en l’ensemble de ses prétentions. A titre reconventionnel, elle sollicite l’allocation de la somme de 500 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile.
Au soutien de ses conclusions de débouté, elle expose que les actes de nantissement sont régulièrement fondés sur des titres exécutoires valablement notifiés et qu’ils ont été délivrés sur le fondement de l’article L511-2 du Code des procédures civiles d’exécution, sans autorisation préalable nécessaire. Elle signale que les titres exécutoires portent condamnation à paiement d’une créance liquide et exigible mentionnée dans le procès-verbal de nantissement. Elle précise enfin que sa forme juridique ainsi que sa dénomination sociale sont bien précisées dans les actes de nantissement, de sorte qu’ils n’encourent aucune cause de nullité. Elle ajoute relever du répertoire des caisses de vieillesse des non-salariés en qualité d’organisme légal de sécurité sociale disposant de la personnalité morale depuis sa création et que le numéro SIREN ne figure pas parmi les mentions obligatoires prescrites par l’article 648 du Code de procédure civile. Elle indique enfin que les montants indiqués dans les actes sont bien conformes à ceux portés par les décisions exécutoires.
A l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 20 février 2024, date à laquelle la présente décision a été rendue.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Vu l’assignation susvisée, les conclusions déposées à l’audience par les parties, auxquelles il a été renvoyé lors des débats ;
Sur la demande de nullité des mesures conservatoires
Aux termes de l’article L511-1 du Code des procédures civiles d’exécution, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.
Aux termes de l’article L511-1 du Code des procédures civiles d’exécution, une autorisation préalable du juge n’est pas nécessaire lorsque le créancier se prévaut d’un titre exécutoire ou d’une décision de justice qui n’a pas encore force exécutoire. Il en est de même en cas de défaut de paiement d’une lettre de change acceptée, d’un billet à ordre, d’un chèque ou d’un loyer resté impayé dès lors qu’il résulte d’un contrat écrit de louage d’immeubles.
L’article R512-1 du Code des procédures civiles d’exécution précise que, si les conditions prévues aux articles R. 511-1 à R. 511-8 ne sont pas réunies, le juge peut ordonner la mainlevée de la mesure à tout moment, les parties entendues ou appelées, même dans les cas où l’article L. 511-2 permet que cette mesure soit prise sans son autorisation.
Il incombe au créancier de prouver que les conditions requises sont réunies.
Monsieur [W] [C] soulève la nullité des actes de nantissement au motif du défaut de titre exécutoire régulièrement signifié portant créance liquide et exigible, du défaut de décompte de créance correspondant aux condamnations, du défaut de mention de la forme du requérant, du défaut de qualité à agir du requérant et du caractère abusif des mesures conservatoires.
Il convient d’examiner successivement ces moyens au soutien de sa demande de nullité.
1/ Sur le défaut de titre exécutoire portant créance liquide et exigible
Les deux actes de nantissement contestés portent mention des titres exécutoires en vertu desquels ils ont été pratiqués, visant ainsi les trois jugements rendus par le tribunal de grande instance de LYON le 14 mai 2019.
Ces trois décisions de justice sont produites aux débats. Le premier jugement porte mention de la condamnation de Monsieur [W] [C] à payer à la CARMF la somme de 17.118,74 € en principal et majorations de retard afférentes à l’année 2013 et de la somme de 500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre 500 € d’indemnité de procédure et 1000 € d’amende civile. Le deuxième jugement porte mention de la condamnation de Monsieur [W] [C] à payer à la CARMF la somme de 27.639,35 € au titre des cotisations et majorations de retard pour l’année 2014, outre 500 € d’indemnité de procédure et 1500 € d’amende civile. Le troisième jugement porte mention de la condamnation de Monsieur [W] [C] à payer à la CARMF la somme de 29.706,72 € au titre des cotisations et majorations de retard afférentes à l’année 2015, outre 500 € d’indemnité de procédure et 1700 € d’amende civile.
Si Monsieur [W] [C] estime que ces titres ne permettaient pas de diligenter une mesure conservatoire pour cause d’appel, il convient de rappeler d’une part que l’article L511-2 du Code des procédures civiles d’exécution n’impose pas de diligenter une mesure conservatoire sur le seul fondement d’une décision de justice ayant force exécutoire, et d’autre part, en tout état de cause, ces trois titres exécutoires bénéficiaient bien de l’exécution provisoire, nonobstant l’appel prononcé (la Cour d’appel de LYON ayant confirmé les trois décisions en toutes leurs dispositions par arrêt rendu le 20 septembre 2022).
En conséquence de ces éléments, la CARMF a fait délivrer deux actes de nantissement judiciaire provisoire de parts sociales portant créance liquide et exigible à l’encontre de Monsieur [W] [C].
2/ Sur la régularité du décompte dans les actes de nantissement
Aux termes de l’article R524-1 du Code des procédures civiles d’exécution, le créancier procède à la saisie par la signification d’un acte à l’une des personnes mentionnées aux articles R. 232-1 à R. 232-4 selon le cas.
Cet acte contient à peine de nullité :
1° Les nom et domicile du débiteur ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social ;
2° L’indication de l’autorisation ou du titre en vertu duquel la saisie est pratiquée ;
3° Le décompte des sommes pour lesquelles la saisie est pratiquée ;
4° L’indication que la saisie rend indisponibles les droits pécuniaires attachés à l’intégralité des parts ou valeurs mobilières dont le débiteur est titulaire ;
5° La sommation de faire connaître l’existence d’éventuels nantissements ou saisies.
En l’espèce, le décompte des deux actes de nantissement porte indication des sommes visées par le titres exécutoires, tant en principal au titre des cotisations dues visées par les trois jugements du 14 mai 2019, qu’au titre des majorations de retard, de l’ indemnité de procédure sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, des amendes civiles et des frais d’exécution dont le détail n’est pas contesté.
Le débiteur est donc parfaitement informé des sommes qui lui sont réclamées, correspondant aux sommes figurant dans les décisions de justice fondant les actes de nantissement. Il ne démontre ni n’allègue s’en être acquitté.
Aucun moyen de nullité ne saurait donc être retenu de ce chef.
3/ Sur le défaut de mention de la forme du requérant aux nantissements
En application de l’article 648 du Code de procédure civile, ” tout acte d’huissier de justice indique, indépendamment des mentions prescrites par ailleurs : […]
2. a) Si le requérant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;
b) Si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement. […]. Ces mentions sont prescrites à peine de nullité. ”
Dans le cas présent, les deux actes de nantissement portent mention du requérant, désigné en tant que ” Caisse Autonome de Retraite des Médecins de France, Section professionnelle de l’organisation autonome d’Assurance Vieillesse et Invalidité-Décès des Professions Libérales (titre IV du Livre VI du Code de la sécurité sociale, immatriculée sous le n°75L04, agissant en vertu de l’article L122-1 du Code de la Sécurité Sociale, poursuites et diligences de son Directeur domicilié es qualité au siège (…) “.
Est donc précisé la forme, la dénomination, le siège social et l’organe qui représente la CARMF, conformément aux dispositions de l’article 648 du Code de procédure civile. Les autres mentions visées par la partie demanderesse comme étant manquantes ne sont pas prescrites par l’article 648 du Code de procédure civile. En tout état de cause, la partie demanderesse est suffisamment informée de l’identité du destinataire et elle ne justifie d’aucun grief qui aurait pu résulter d’un défaut de mention quant à celle-ci.
Ce moyen de nullité fera l’objet d’un rejet.
4/ Sur le défaut de qualité à agir de la partie requérante
La partie demanderesse invoque l’ordonnance n°2001-350 du 19 avril 2001 relative au Code de la mutualité et l’article L111-1 du Code de la mutualité estimant que la CARMF doit faire preuve du respect de ces prescriptions sous peine d’être ” en situation irrégulière “. Ce moyen doit donc être requalifié en moyen soulevant le défaut de qualité à agir de la partie requérante.
Aux termes de l’article 32 du Code de procédure civile, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.
Sur ce point, le juge du fond a déjà statué de ce chef dans ses trois décisions du 14 mai 2019, jointes aux débats, en indiquant que ” s’agissant de la capacité juridique de la CARMF, il résulte des dispositions de l’article L641-1 du Code de la sécurité sociale que la CARMF est une personne morale de droit privé investie d’une mission de service public et dotée de prérogatives de puissance publique pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale. Elle tient donc de la loi sa capacité et sa qualité à agir pour exercer cette mission de service public et n’a pas l’obligation de justifier de son immatriculation au registre national des mutuelles. Il s’en déduit qu’elle détient la capacité à agir au sens de l’article 32 du code de procédure civile. Le seul fait que la CARMF dispose d’un numéro SIREN qui est un identifiant à 9 chiffres attribué à l’INSEE à toute personne physique ou morale inscrite au répertoire des entreprises et des établissements ne peut permettre de démontrer que cette caisse est en réalité une mutuelle “.
Il résulte de ces dispositions ainsi rappelées que la CARMF n’étant pas soumise aux dispositions prescrites par le Code de la mutualité, en sa qualité d’organisme gérant un régime de la sécurité sociale rappelée par les juges du fond, aucune irrégularité d’immatriculation n’est susceptible d’être relevée à son encontre.
En sa qualité d’organisme gérant un régime de sécurité sociale, elle disposait bien de la qualité à agir pour diligenter une mesure conservatoire de nantissement de parts sociales à l’encontre de Monsieur [W] [C].
Ce moyen ne saurait prospérer.
5/ Sur caractère abusif des mesures conservatoires pratiquées
L’article L121-2 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que le Juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages et intérêts en cas d’abus de saisie.
Aux termes de l’article L111-7 du Code des procédures civiles d’exécution, le créancier a le choix des mesures propres à assurer l’exécution ou la conservation de sa créance. L’exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation.
En l’espèce, il convient de relever que la partie poursuivante dispose de plusieurs décisions de justice portant créance liquide et exigible à l’égard de Monsieur [W] [C]. Il est constant que la créance n’a pas été réglée à ce jour. En conséquence, aucun caractère abusif ou injustifié n’apparaît caractérisé à l’encontre des actes de nantissement provisoire destinés à garantir les cotisations appelées en 2013, en 2014 et en 2015, étant indiqué à ce stade que la présence d’une clause d’agrément dans les statuts des sociétés dont les parts sociales ont été nanties n’a aucun effet juridique à ce stade dès lors que la mesure est seulement conservatoire.
Monsieur [W] [C] doit donc être débouté de ses demandes d’annulation et de mainlevée subséquente des nantissements conservatoires de parts sociales pratiqués le 14 septembre 2023 à son encontre.
Sur les autres demandes
En application des articles 696 et 700 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens et à payer à l’autre partie une somme que le juge détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.
Monsieur [W] [C], qui succombe, supportera les dépens de l’instance et sera déboutée de sa demande d’indemnité de procédure fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile.
Supportant les dépens, Monsieur [W] [C] sera condamné à payer à la Caisse autonome de retraite des médecins de France la somme de 500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de plein droit.
PAR CES MOTIFS
LE JUGE DE L’EXÉCUTION, statuant publiquement par jugement mis à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,
Déboute Monsieur [W] [C] de sa demande de voir prononcer la nullité des actes de nantissement judiciaire provisoire de parts sociales diligentés le 14 septembre 2023 à la requête de la Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF) ;
Le déboute de sa demande subséquente de mainlevée desdits actes de nantissement judiciaire provisoire de parts sociales ;
Déboute Monsieur [W] [C] de sa demande formée au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne Monsieur [W] [C] à payer à la Caisse autonome de retraite des médecins de France la somme de 500 € par application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne Monsieur [W] [C] aux dépens ;
Rappelle que les décisions du Juge de l’Exécution bénéficient de l’exécution provisoire de droit.
En foi de quoi, le présent jugement a été signé aux jour et lieu susdits par la greffière et la juge de l’exécution.
La greffièreLa juge de l’exécution