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N° RG 22/01173 – N° Portalis DBVM-V-B7G-LJER
C4
Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL ACO
la SELARL L. LIGAS-RAYMOND – JB PETIT
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 22 FEVRIER 2024
Appel d’une décision (N° RG 2020J00055)
rendue par le Tribunal de Commerce de VIENNE
en date du 24 février 2022
suivant déclaration d’appel du 21 mars 2022
APPELANT :
M. [F] [D]
né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 3]
représenté par Me Pierre-Luc NISOL de la SELARL ACO, avocat au barreau de VIENNE, postulant et plaidant par Me Julien SKEIF, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
S.A. BNP PARIBAS au capital de 2 492 925 268 €, immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 662 042 449, prise en la personne de son Directeur Général en exercice domicilié en cette qualité audit
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée et plaidant par Me Jean-Bruno PETIT de la SELARL L. LIGAS-RAYMOND – JB PETIT, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente de Chambre,
Mme Raphaele FAIVRE, Conseillère,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
DÉBATS :
A l’audience publique du 15 décembre 2023, M. BRUNO, Conseiller, qui a fait rapport assisté de Alice RICHET, Greffière, a entendu les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile. Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.
Faits et procédure :
1. La société Bnp Paribas a eu pour cliente la société Calimen Construction, ayant son siège social à [Localité 7] (Isère) et exerçant une activité dans le domaine du bâtiment et des travaux publics. Cette société a été dirigée par deux cogérants : [F] [D] et [X] [V].
2. La société Calimen Construction a souscrit auprès de la société Bnp Paribas cinq billets à ordre pour lesquels [F] [D] s’est engagé en qualité d’avaliste pour chacun d’entre eux:
– billet à ordre du 23/08/2018 à échéance aux 30/10/2018 : 93.785,50 euros ;
– billet à ordre du 20/09/2018 à échéance aux 30/11/2018 : 25.105,56 euros ;
– billet à ordre du 20/09/2018 à échéance aux 30/11/2018 : 42.759,91 euros ;
– billet à ordre du 20/09/2018 à échéance aux 30/11/2018 : 39.130,79 euros ;
– billet à ordre du 20/09/2018 à échéance aux 30/11/2018 : 25.600,07 euros.
3. La société Calimen Construction a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire suivant jugement du tribunal de commerce de Vienne en date du 16 octobre 2018. La société Bnp Paribas a déclaré ses créances entre les mains du mandataire judiciaire par lettre recommandée avec avis de réception le 13 décembre 2018. La société Calimen Construction a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 30 avril 2019 consécutivement à un plan de cession de son fonds de commerce.
4. La société Bnp Paribas a adressé une lettre recommandée avec avis de réception le 27 août 2019 à [F] [D] pour lui demander de quelle manière il entendait régulariser les cinq effets financiers impayés pour un montant total de 226.381 euros en considérant que son aval valait cautionnement. Une nouvelle relance a été adressée à [F] [D] par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 30 octobre 2019. Par acte d’huissier de justice signi’é le 19 février 2020, la société Bnp Paribas a assigné [F] [D] devant le tribunal de commerce de Vienne notamment afin de le voir condamné à lui payer la somme de 226.381,83 euros outre intérêts au taux légal à compter du 27 août 2019 en raison de ses engagements en qualité d’avaliste.
5. Par jugement du 24 février 2022, le tribunal de commerce de Vienne a :
– condamné [F] [D] à payer à la société Bnp Paribas la somme de 266.381,83 euros outre intérêts au taux légal à compter du 27 août 2019 en raison de ses engagements en qualité d’avaliste ;
– ordonné la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière ;
– débouté monsieur [D] de l’ensemble de ses demandes formées à titre subsidiaire ;
– condamné [F] [D] à payer à la société Bnp Paribas la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté [F] [D] de sa demande visant à écarter l’exécution provisoire de droit de la décision à intervenir ;
– rejeté comme non fondés tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties ;
– condamné [F] [D] aux dépens prévus à l’article 695 du code de procédure civile, liquidés conformément à l’article 701 du code de procédure civile.
6. [F] [D] a interjeté appel de cette décision le 21 mars 2023, en toutes ses dispositions reprises dans son acte d’appel.
L’instruction de cette procédure a été clôturée le 23 novembre 2023.
Prétentions et moyens de [F] [D] :
7. Selon ses conclusions remises le 4 janvier 2023, il demande à la cour, au visa des articles L.512-4, L511-21 et L. 650-1 du code de commerce, des articles 1103, 1104, 1193, 1345-5 du code civil, d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a :
– condamné le concluant à payer à la société Bnp Paribas la somme de 266.381,83 euros outre intérêts au taux légal à compter du 27 août 2019 en raison de ses engagements en qualité d’avaliste,
– ordonné la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière,
– débouté le concluant de l’ensemble de ses demandes à titre subsidiaire,
– condamné le concluant à payer à la société Bnp Paribas la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté le concluant de sa demande visant à écarter l’exécution provisoire de droit de la décision à intervenir,
– rejeté comme non fondés tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties,
– condamné le concluant aux dépens prévus à l’article 695 du code de procédure civile, liquidés conformément à l’article 701 du code de procédure civile.
8. Il demande à la cour, statuant à nouveau :
– de débouter la société Bnp Paribas de toutes ses demandes, fins et prétentions ;
– subsidiairement, de limiter les condamnations du concluant au plafond contractuellement prévu dans la convention cadre de cession de créances professionnelles régularisée le 21 octobre 2015, soit à la somme de 100.000 euros ;
– d’ordonner un report de 24 mois du paiement des sommes réclamées par la société Bnp Paribas dans l’attente de la liquidation de ses actifs et d’une reprise normale de son activité professionnelle ;
– d’assortir au besoin la mesure précitée d’un nantissement judiciaire provisoire sur les 900 titres actuellement détenus par le concluant dans le capital de la société Alpine immatriculée au RCS de Vienne sous le n°499 537 645 aux frais de la société Bnp Paribas ;
– très subsidiairement, de juger que le tribunal de commerce de Vienne a commis une erreur manifeste de calcul du principal mis à la charge du concluant, puisque le total des billets à ordre litigieux représente la somme de 226.381,83 euros et non celle de 266.381,83 euros ;
– de réduire en conséquence les condamnations mises à la charge du concluant à cette même somme de 226.381,83 euros ;
– d’ordonner un report de 24 mois du paiement des sommes réclamées par la société Bnp Paribas au concluant dans l’attente de la liquidation de ses actifs et d’une reprise normale de son activité professionnelle ;
– d’assortir au besoin la mesure précitée d’un nantissement judiciaire provisoire sur les 900 titres actuellement détenus par le concluant dans le capital de la société Alpine immatriculée au RCS de Vienne sous le n°499 537 645 aux frais de la société Bnp Paribas ;
– en toute hypothèse, de condamner la société Bnp Paribas à payer au concluant la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
L’appelant expose :
9. – que la société Calimen Construction a souscrit le 26 octobre 2015 avec l’intimée une convention cadre de cession de créances professionnelles à hauteur de 100.000 euros, afin de remédier à des difficultés ponctuelles de trésorerie liées aux délais de paiement de ses clients ; que la société a rencontré des difficultés avec les sociétés dépendant du groupe Jados, de sorte qu’elle a cédé les créances concernées à l’intimée, peu avant l’ouverture du redressement judiciaire ; qu’en contrepartie, l’intimée a exigé la souscription des billets à ordre ;
10. – que l’intimée a demandé au concluant de signer deux fois les billets, sans lui exposer les conséquences de ces signatures ; que le concluant a appris le 27 août 2019 qu’il se serait ainsi engagé en qualité d’avaliste ;
11. – que si le tribunal a indiqué que le concluant ne produit pas les bordereaux de cession de créances qui permettraient de démontrer que les billets étaient la contrepartie d’une cession de créances conforme à la convention cadre, les juges ont relevé un moyen d’office, sans laisser au concluant la possibilité de justifier de cette cession ; qu’il produit devant la cour ces bordereaux, démontrant le lien entre les billets à ordre et la cession de créances plafonnée à 100.000 euros ;
12. – que la banque a ainsi dépassé le plafond contractuel de 100.000 euros, et a obtenu frauduleusement une garantie seulement quelques jours avant la date de la cessation des paiements ; que la convention cadre a en effet prévu en son article 3 que lors de la remise des fonds, la banque peut exiger des billets à ordre, de sorte que les billets litigieux sont la conséquence directe des cessions de créances ; que le montant total des billets excèdent de plus de deux fois le plafond de cession de créances, ce qui était disproportionné par rapport à la limite fixée contractuellement ;
13. – que cette disproportion a rejailli sur la garantie donnée par le concluant, qui ne peut être ainsi tenu en qualité d’avaliste pour un montant supérieur à celui prévu par la convention cadre ; que les conditions irrégulières de l’octroi du concours financier au profit de la société entraînent la disproportion des garanties ;
14. – qu’au regard du caractère excessif et exceptionnel de la dette, la banque devait mettre en garde le concluant et s’assurer de la santé des finances de la société garantie, alors que le concours a été accordé à un débiteur qui se trouvait dans une situation irrémédiablement compromise puisque la date de la cessation des paiements est le 1er octobre 2018, soit postérieure de quelques jours à la signature des billets ; que la banque a voulu obtenir une garantie personnelle du dirigeant afin d’échapper au sort commun des créanciers dans le cadre d’un redressement judiciaire, ce qui constitue une fraude; que l’intimée connaissait la situation de la société puisqu’elle tenait ses comptes bancaires, alors que le concours sollicité était exorbitant, ce qui devait conduire la banque à consulter les informations dont elle disposait ;
15. – que la banque a ainsi commis une faute devant conduire à l’annulation de l’aval donné par le concluant ; subsidiairement, que la garantie doit être limitée au plafond prévu dans l’accord cadre de cession de créances ;
16. – que formellement, les billets ne sont pas réguliers ; que l’aval n’est valable que lorsque la signature de l’avaliste figure sous la mention « bon pour aval du tiré » ; qu’en l’espèce, le concluant, artisan du bâtiment, n’avait pas conscience de la portée de son engagement ; que la banque a simplement marqué par des croix les emplacements dans lesquels le concluant devait apposer sa signature, sans autre explication ; que le concluant n’a pas apposé
sa signature sous la mention « bon pour aval », mais à l’endroit figurant à côté, marqué d’une croix ; qu’il ne se serait pas engagé s’il avait connu la portée de sa signature ;
17. – que l’intimée n’a pas justifié de l’état de sa créance résultant de la liquidation judiciaire, de sorte que le tribunal ne pouvait statuer faute de connaître le solde de cette créance, d’autant que le montant retenu est erroné pour 40.000 euros ;
18. – que le concluant est un débiteur malheureux mais de bonne foi, alors que la société Calimen Construction a été victime de man’uvres confinant à l’escroquerie, ce qui a entraîné son dépôt de bilan ; que le concluant a perdu son entreprise et sa source de revenus ; que des délais lui sont nécessaires afin de liquider les parts qu’il détient dans la Sci Alpine.
Prétentions et moyens de la société Bnp Paribas :
19. Selon ses conclusions remises le 9 mai 2023, elle demande à la cour, au visa des les articles 1103, 1104, 1193, 1217, 1231-1 et suivants du code civil; des articles L.512-4 et L.511-21 du code de commerce;
– de débouter monsieur [D] des fins de son appel ;
– en conséquence, de confirmer le jugement critiqué en toutes ses dispositions excepté le montant de la condamnation principale ;
– statuant à nouveau sur ce seul chef, de condamner monsieur [D] à payer à la concluante une somme principale de 226.381,83 euros ;
– de confirmer la condamnation aux intérêts avec capitalisation ;
– pour le surplus, de condamner monsieur [D] à payer à la concluante une somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens d’appel.
L’intimée soutient :
20. – concernant le soutien abusif invoqué par l’appelant, que la convention cadre ne comporte aucun plafond, alors qu’il s’agit du seul document contractuel ; que la limite de 100.000 euros ne figure que dans la lettre d’envoi de la convention à la société Calimen Construction un mois plus tard, le 30 novembre 2015, alors que cette lettre ne constitue aucun engagement opposable ;
21. – que l’article L.650-1 du code de commerce invoqué par l’appelant ne concerne que la disproportion des garanties, et non celle du concours consenti ; que l’article 3.1 de la convention cadre a prévu que l’acceptation par la banque d’un bordereau de cession des créances n’entraînera pour elle ni l’obligation de consentir un crédit d’un même montant, ni la confirmation des avances précédemment consenties ou admises ultérieurement ; que cette disproportion n’est ainsi pas celle prévue par le code de la consommation qui s’apprécie au regard des biens et des revenus de la caution, ce que ne soutient pas l’appelant; qu’en conséquence, il n’existe aucune disproportion;
22. – que l’appelant ne peut invoquer aucun manquement de la concluante à une obligation d’information ou à un devoir de mise en garde, puisque l’aval constitue un engagement cambiaire régie par des règles propres ; que l’obligation d’information pré-contractuelle n’est pas ainsi applicable ;
23. – que si l’appelant invoque un concours accordé frauduleusement, en raison de la situation de la société garantie, il ne démontre pas ce fait ni la connaissance qu’en aurait eu la concluante alors que l’appelant l’aurait ignorée ; que la caution dirigeante ne peut ainsi se prévaloir d’une situation qu’elle connaissait ou qu’elle devait connaître parfaitement ; qu’il n’existe pas de responsabilité de la banque si la cessation des paiements n’existait pas à la date du concours ;
24. – qu’en la cause, l’appelant ne démontre pas que la concluante avait connaissance du comportement malhonnête d’un promoteur avec lequel la société travaillait comme l’a retenu le tribunal ; que les justificatifs produits sont des actes postérieurs à l’octroi des concours ;
25. – s’agissant de la régularité formelle des billets, que l’article L511-21 du code de commerce dispose que l’aval est exprimé par la formule « bon pour aval » ou toute autre formule équivalente, avec la signature de son auteur ; qu’il est considéré comme résultant de la seule signature du donneur d’aval apposé au recto de l’effet, sauf quand il s’agit de la signature du tiré ou de celle du tireur ;
26. – qu’en l’espèce, l’appelant était associé et gérant de la société garantie, laquelle oeuvrait dans le bâtiment depuis de nombreuses années, domaine d’activité dans lequel un effet de commerce est particulièrement utilisé ; que l’appelant savait ainsi qu’il s’engageait en qualité d’avaliste en signant à deux reprises les billets ;
27. – qu’il n’est pas exigé que la signature de l’avaliste soit apposée directement en dessous de la mention « bon pour aval », puisqu’il suffit qu’elle soit apposée au recto de l’effet ; qu’un léger décalage des signatures sur la droite de la partie des effets réservée à l’aval ne saurait les imputer à une autre rubrique ;
28. – qu’en raison de la nature de l’effet de commerce, l’avaliste ne peut se prévaloir d’un manquement de la banque à un devoir de mise en garde ;
29. – concernant le montant de la créance, qu’il appartient à l’appelant de prouver que la concluante aurait reçu des fonds dans le cadre de la liquidation judiciaire, alors qu’il inverse la charge de la preuve au sens de l’article 1353 du code civil ; qu’en l’espèce, la concluante n’a reçu aucune somme du liquidateur judiciaire ; que le tribunal de commerce a commis une erreur sur le montant de la condamnation ;
30. – que la demande de délais de l’appelant est mal fondée, puisqu’il ne justifie pas de sa situation financière actuelle, alors que la Sci Alpine ne dispose que de 2.000 euros au titre de son capital social ; qu’elle comprend deux autres associés, de sorte que l’appelant ne justifie pas que le nantissement de ses parts permettra de garantir la créance ; qu’un nantissement ne peut être ordonné que par le juge de l’exécution ou le président du tribunal de commerce, et non par le tribunal ou la cour.
*****
31. Il convient en application de l’article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION
1) Sur la régularité de l’aval des billets à ordre :
32. Concernant la régularité formelle des billets, la cour constate qu’ils ont été établis sur des formulaires standardisés, comportant séparément sur la droite l’identité du tireur, avec la signature à l’extrême droite de son gérant, et sur la gauche, la rubrique destinée à l’aval, avec la mention « bon pour aval ». L’appelant a apposé sa seconde signature dans le cadre destiné à l’avaliste, même si elle a été légèrement décalée sur la droite par rapport à la mention « bon pour aval », sauf concernant un billet pour lequel cette signature a été apposée exactement sous cette mention. Il en résulte qu’en la forme, les avals donnés par l’appelant sont réguliers.
33. Concernant le devoir d’information pesant sur la banque en matière d’émission de billets à ordre, la cour rappelle qu’un effet de commerce, en tant que titre cambiaire, suit des règles propres, comme soutenu par l’intimée. Il n’est en conséquence prescrit aucun devoir d’information ou de conseil de la part de son bénéficiaire et notamment aucune obligation d’information pré-contractuelle.
34. La cour constate en outre qu’il est constant que l’appelant était le gérant de la société garantie depuis de nombreuses années, et qu’une convention cadre ait été signée par lui au profit de la société concernant des cessions de créances, alors qu’il n’est pas contesté que dans le domaine du bâtiment, le recours à des effets de commerce est une pratique courante. Compte tenu des connaissances particulières de l’appelant et de ses fonctions, il est mal fondé à invoquer un manquement de l’intimée à un devoir d’information.
35. Concernant la proportionnalité de la garantie, la cour indique que l’article L650-1 du code de commerce dispose que lorsqu’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci. Pour le cas où la responsabilité d’un créancier est reconnue, les garanties prises en contrepartie de ses concours peuvent être annulées ou réduites par le juge.
36. Cet article figure dans le livre du code de commerce relatif aux difficultés des entreprises, et dans le titre concernant les responsabilités et sanctions applicables en matière de procédure collective. Lorsqu’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou de disproportion des garanties prises, que si les concours consentis sont en eux-mêmes fautifs. En outre, si par l’octroi d’un prêt, assorti de la constitution d’une garantie, la banque a cherché à préserver ses propres intérêts, ce seul fait ne suffit pas à caractériser la fraude en l’absence de man’uvres, de tromperie ou de contravention à la loi ou aux règlements, l’octroi d’un crédit en contrepartie d’une sûreté étant un procédé licite, alors que le principe d’égalité des créanciers ne s’applique qu’à compter de l’ouverture de la procédure collective.
37. Or, en l’espèce, comme soutenu par l’intimée, l’accord cadre concernant les cessions de créances professionnelles n’a prévu aucun plafond. Si une limite de 100.000 euros a été précisée ultérieurement par la banque, aucun élément ne permet de retenir qu’il en est résulté une novation de l’accord cadre pour limiter l’encours à cette hauteur. L’appelant ne démontre pas l’existence d’une faute de la banque dans l’acceptation d’un dépassement de cet encours. Il n’est pas établi que les concours accordés avant la date de la cessation des paiements étaient fautifs, alors que le principe d’égalité entre les créances ne s’applique qu’à compter de l’ouverture du redressement judiciaire. En outre, les actes de cession de créances produits par l’appelant remontent à près de trois ans avant l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, et aucun élément ne permet de retenir qu’ils étaient disproportionnés à la situation de la société existant lors des cessions. Il en résulte que l’appelant est mal fondé à invoquer les dispositions du texte précité.
38. Si l’appelant invoque également le fait que le montant total des billets à ordre excède le plafond de cession des créances, de sorte qu’il existerait une disproportion, alors que l’accord cadre a stipulé qu’en contrepartie de la cession des créances, la banque peut exiger des billets à ordre, aucun élément ne permet de caractériser une faute de la banque à ce titre, puisque selon les pièces produites par l’appelant, les actes de cession de créance remontent au 26 octobre 2015, alors que les effets litigieux ont été émis entre le 23 août et le 20 septembre 2018. Il ne résulte ainsi pas de ces différentes dates qu’en contrepartie des cessions de créances intervenues trois ans auparavant, l’intimée ait exigé des billets à ordre afin de les garantir.
39. Enfin, aucune pièce ne permet de constater que lors de l’émission des billets, la banque connaissait la situation financière de la société Calimen Construction, même si elle tenait ses comptes bancaires, puisqu’il résulte des explications de l’appelant que les difficultés de cette société résultent de faits imputables à l’un de ses cocontractants. En conséquence, il n’est pas établi que la banque a obtenu frauduleusement une garantie seulement quelques jours avant la date de la cessation des paiements.
40. Il en résulte que l’appelant est mal fondé à invoquer la nullité de ses engagements d’avaliste.
2) Sur le montant de la créance de l’intimée :
41. Concernant les effets de la liquidation judiciaire de la société Calimen Construction, ainsi que soutenu par l’intimée, l’article 1353 du code civil prévoit qu’il appartient à celui qui se prétend libéré de rapporter la preuve du fait ayant entraîné l’extinction de son obligation. L’appelant est ainsi mal fondé à soutenir que l’intimée ne justifie pas des sommes qui lui auraient été attribuées dans le cadre de la liquidation de la société Calimen Construction.
42. Concernant le montant de la condamnation prononcée par le tribunal de commerce, les parties s’accordent pour reconnaître qu’une erreur matérielle a été commise. Il s’ensuit que si le jugement déféré sera confirmé concernant l’existence de la créance de l’intimée, il sera réformé s’agissant de son montant.
3) Sur la demande de délais de paiement et le nantissement de parts sociales :
43. La cour constate que l’appelant ne justifie pas de sa situation financière actuelle, ne produisant qu’un avis d’imposition concernant ces revenus 2019 et 2020. Si la Sci Alpine bénéficie d’immobilisations à hauteur de 436.801 euros selon le bilan de l’exercice 2020, il n’est pas produit d’élément plus récent. En outre, le dernier résultat communiqué est déficitaire pour 104.916 euros. Enfin, il n’est pas contesté que cette société comporte plusieurs associés. Il en résulte que dans l’hypothèse d’une réalisation des parts de l’appelant, il n’est pas établi que son produit puisse permettre le règlement d’une créance déjà ancienne, puisque les effets venaient à échéance en octobre et novembre 2018. La demande de délais et de nantissement de l’appelant ne pouvait qu’être rejetée par les premiers juges.
44. Il résulte des motifs développés plus haut que l’appelant succombe au principal en ses demandes, à l’exception du montant de la créance retenue par le tribunal, mais dont il est établi qu’il ne s’est agi que d’une erreur matérielle qui aurait pu être rectifiée par voie de requête. Il sera en conséquence condamné à payer à l’intimée la somme complémentaire de 2.500 euros au titre de ses frais irrépétibles, outre les dépens exposés en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les articles 1103, 1104, 1193, 1217, 1231-1 et suivants du code civil, les articles L.512-4 et L.511-21 du code de commerce ;
Infirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné [F] [D] à payer à la société Bnp Paribas la somme de 266.381,83 euros outre intérêts au taux légal à compter du 27 août 2019 en raison de ses engagements en qualité d’avaliste ;
Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions soumises à la cour;
statuant à nouveau ;
Condamne [F] [D] à payer à la société Bnp Paribas la somme de 226.381,83 euros outre intérêts au taux légal à compter du 27 août 2019 en raison de ses engagements en qualité d’avaliste ;
y ajoutant ;
Condamne [F] [D] à payer à la société Bnp Paribas la somme de 2.500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne [F] [D] aux dépens exposés en cause d’appel ;
SIGNÉ par Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente et par Mme Alice RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente