Parts sociales : décision du 22 février 2024 Tribunal judiciaire de Bobigny RG n° 21/11928

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Parts sociales : décision du 22 février 2024 Tribunal judiciaire de Bobigny RG n° 21/11928
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TRIBUNAL
JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 22 FEVRIER 2024

AFFAIRE N° RG 21/11928 – N° Portalis DB3S-W-B7F-V3RK
Chambre 9/Section 1
Minute n° 24/101

DEMANDEURS

Monsieur [S] [O] [X]
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 2] (TURQUIE)
représenté par Maître Arnaud MONIN de la SELAS VO DINH – MONIN, avocats au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : PB 197, avocat postulant ; Me Pierre-Jean CIAUDO, avocat au barreau de NICE, vestiaire : P 27, avocat plaidant

Madame [V] [J]
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 2] (TURQUIE)
représentée par par Maître Arnaud MONIN de la SELAS VO DINH – MONIN, avocats au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : PB 197, avocat postulant ; Me Pierre-Jean CIAUDO, avocat au barreau de NICE, vestiaire : P 27, avocat plaidant

C/

DÉFENDEUR

M. LE DIRECTEUR GENERAL DES FINANCES PUBLIQUES
Pôle juridictionnel judiciaire – Immeuble l’ATRIUM
[Adresse 5]
[Localité 1]
dispensé du ministère d’avocat

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Président : Monsieur Bernard AUGONNET, Premier Vice-Président, statuant à juge unique, conformément aux dispositions des articles 801 et suivants du Code de procédure civile,

Assisté aux débats de Madame Anyse MARIO, Greffière.

DÉBATS

Audience publique du 22 Juin 2023. Délibéré fixé au 28 septembre 2023, prorogé au 22 février 2024.

EXPOSÉ DU LITIGE

A la suite d’une demande de l’administration fiscale en date du 26 avril 2018 concernant des déclarations d’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF) au titre des années 2016 et 2017, les époux [X] ont adressé en retour le 15 mai 2018 deux déclarations pour chacune des années concernées, portant pour mémoire la valeur des parts de la SCI SF2.

L’administration fiscale leur a adressé une demande de justification le 23 mai 2018, à laquelle ils ont répondu le 18 juin 2018 en renvoyant des déclarations rectificatives ajoutant aux déclarations initiales la valeur de deux véhicules. L’administration fiscale leur a adressé une demande complémentaire d’informations le 5 juillet 2018 à laquelle les époux [X] ont répondu le 31 juillet 2018 en justifiant la valorisation des parts.

A la suite, l’administration fiscale leur a notifié au vu de leurs déclarations les rectifications correspondantes en engageant une procédure contradictoire le 17 décembre 2018. Les époux [X] ont présenté leurs observations le 15 février 2019 à l’administration qui a partiellement maintenu les impositions supplémentaires mises à leur charge dans une réponse adressée le 28 juin 2019.

Un avis de mise en recouvrement a été émis le 29 juin 2021 et les époux [X] ont alors formulé une réclamation le 2 août 2021 à l’encontre du principe de ces impositions supplémentaires mises à leur charge.

Une décision de rejet a été prise le 22 octobre 2021.

C’est dans ce contexte que Monsieur [S] [O] [X] et Madame [V] [J], son épouse, ont, par acte d’huissier en date du 22 novembre 2021, fait assigner la Direction Régionale des Finances Publiques d’Ile de France et du département de Paris devant le tribunal judiciaire de Bobigny afin de faire juger que la partie requise n’a pas tenu suffisamment compte de la décote pour absence de vue mer qui entraîne une perte de valeur d’au moins 30% dans le contexte tropézien ; de faire juger qu’elle a pu à juste titre pratiquer une décote tenant compte de la fiscalité latente tenant aux droits d’enregistrement en cas de vente et à l’impôt sur la plus-value latente qui sera imposée à l’IR et aux PS lors de la distribution à la requérante ; de faire prononcer en conséquence la décharge des impositions d’un montant de 58.264 euros ; de faire condamner la DGFIP à leur payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile outre les dépens (procédure enrôlée sous le numéro RG 21/11928).

Par acte d’huissier distinct en date du 28 octobre 2022, Monsieur [S] [O] [X] et Madame [V] [J], son épouse ont également fait assigner Monsieur le Directeur Général des Finances Publiques devant le tribunal judiciaire de Bobigny afin d’obtenir la jonction avec la procédure enrôlée sous le numéro RG 21/11928 portant sur la même imposition établie sur les mêmes moyens au titre des années 2016 et 2017, étant observé que les deux requêtes présentent une similitude de moyens et de motifs et tendent à régler le même litige ; afin de faire juger que la partie requise n’a pas tenu suffisamment compte de la décote pour absence de vue mer qui entraîne une perte de valeur d’au moins 30% dans le contexte tropézien ; de faire juger qu’elle a pu à juste titre pratiquer une décote tenant compte de la fiscalité latente tenant aux droits d’enregistrement en cas de vente et à l’impôt sur la plus-value latente qui sera imposée à l’IR et aux PS lors de la distribution à la requérante ; de faire constater qu’elle peut à juste titre déduire le montant des comptes courants de ses associés et des prêts accordés par la SCP SF1, qui lui ont permis de réaliser des améliorations du bien immobilier ; de faire prononcer en conséquence la décharge des impositions d’un montant de 58.264 euros ; de faire condamner la DGFIP à leur payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile outre les dépens (procédure enrôlée sous le numéro RG 22/11450).

Il convient dans le cadre d’une bonne administration de la justice et à la demande des deux parties au litige d’ordonner la jonction des deux procédures RG 21/11928 et RG 22/11450 qui seront désormais suivies sous le numéro RG 21/11928.

Par conclusions récapitulatives signifiées le 29 septembre 2022, Monsieur [S] [O] [X] et Madame [V] [J], son épouse reprochent aux services fiscaux de considérer que la valeur des parts sociales de la SCP SF2 dont ils sont propriétaires en totalité , déclarée 1 euro au titre des années 2016 et 2017, est inférieure à leur valeur vénale réelle et de ne pas avoir tenu compte des décotes pour absence de liquidité et de fiscalité latente. En effet, ils exposent que le bien dont est propriétaire la SCI SF2 a été acquis le 26 mai 2015 pour un prix de 11.750.000 euros soit 27.518 euros/m2 ; que les impôts dans leur réponse aux observations du contribuable datée du 28 juin 2019, après avoir ramené la superficie de la maison à 336 m2 ont retenu les valeurs suivantes soit en 2016 : 336m2 X 51.436 euros (valeur établie à l’aide de 4 termes de comparaison tirés de cession de biens intrinséquement similaires au bien à évaluer, intervenues entre le 26 mai 2014 et le 30 janvier 2015) = 17.282.160 euros et en 2017 : 336 m2 X 48.803 euros (valeur établie à l’aide de 5 termes de comparaison dont 4 sont celles retenues pour l’évaluation de 2016 et le 5e du 4 mars 2016) = 16.397.808 euros. Ils reprochent aux impôts de ne pas avoir tenu compte de l’absence de vue mer dans les éléments de comparaison retenus alors que pourtant la vue mer est un élément de plus-value important dans le secteur du [Localité 6] à [Localité 9]. Il reprochent également à l’administration fiscale d’avoir rejeté l’abattement pour absence de vue mer au motif que la végétation cachant la vue mer serait située sur le terrain de la requérante et non sur ceux du voisinage, affirmation qui est contraire aux constatations sur place de l’expert et des photos illustrant ces dernières. Ils exposent par ailleurs que l’espace boisé est situé dans le périmètre d’un site inscrit et que les arbres obstruant la vue mer sont situés pour certains sur des parcelles avoisinantes comme constaté par un huissier le 20 juin 2019.

S’agissant de la décote de 10% pour absence de liquidité pourtant généralement admise, ils font valoir que l’administration fiscale l’a refusée en raison du fait qu’ils détenaient 100% des titres alors que l’administration aurait pu calculer la valeur vénale des titres en recourant à la combinaison de deux méthodes consistant à déterminer une moyenne à partir d’une valeur mathématique et d’une valeur de productivité puis à lui appliquer un abattement de 20% destiné à tenir compte de l’absence de liquidité des titres de participation.

S’agissant de la décote pour fiscalité latente, celle-ci comporte deux élements à savoir, d’une part une décote de 6,3 % relative aux droits d’enregistrement et aux frais de notaires, d’autre part, une décote de 36,2% relative à l’IR et aux PS que devront régler les associés en cas de vente du bien immobilier par la société.

Par conclusions en défense, l’administration fiscale précise que selon une jurisprudence constante, la valeur vénale des immeubles peut être déterminée, par comparaison avec le prix de vente de biens intrinsèquement similaires, relatif à des ventes antérieures à la date de la mutation soumise à la formalité. Qu’au surplus, il appartient au contribuable de prouver le défaut de pertinence des éléments de comparaison invoqués. Pour l’année 2016, l’administration rejette le 5e élément de comparaison ajouté par le cabinet CAPAN-BORDES au motif que la villa “[Adresse 7]”, construite en 1960, n’a aucune vue sur mer étant située à l’intérieur des terres sur un foncier de 25.104 m2 et non sur le [Localité 6] comme les 4 autres villas ou bien la villa [Adresse 4] construite en 2007 sur un terrain de 5.903 m2.

L’administration fait valoir que les photographies de la vue depuis la villa [Adresse 4] présentées dans le rapport de l’expert, montrent que la végétation existante se situe sur le terrain de la villa et que c’est elle qui réduit la vue sur mer. Que par ailleurs, la moyenne des surfaces des terrains des quatre termes retenus par l’administration est de 6450 m2 soit très proche de la surface du terrain de la villa [Adresse 4].

Pour l’année 2017, l’administration rejette le 6e élément de comparaison ajouté par l’expert au motif que la “[Adresse 3]” est plus éloigné que les autres villas qui sont situées dans un rayon de 1 km de la Villa [Adresse 4] et se trouve grevée de nombreuses servitudes.

S’agissant de la décote pour absence de liquidité sur la valeur des parts sociales, l’administration fait valoir qu’en l’absence de toute activité commerciale et toute location civile de nature à générer des profits et du chiffre d’affaires, la valorisation des titres de la SCP SF2 ne peut être mise en œuvre par l’application des méthodes basées sur la rentabilité et la projection des résultats.

Sur la décote pour fiscalité latente, l’administration fait valoir que la jurisprudence mise en avant par le contribuable ne peut s’appliquer du fait qu’aucune plus value latente n’est imposée et ne doit être déterminée la SCP SF2, société patrimoniale sans activité. Que le bien immobilier de la SCP SF2 n’est pas exploité mais mis à disposition gratuite des associés.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) est un impôt sur le patrimoine net des personnes physiques dont certains biens bénéficient d’une exonération soit totale soit partielle. C’est un impôt déclaratif, progressif, payable annuellement et pouvant faire l’objet de réductions.

En l’espèce, l’administration fiscale a adressé aux époux [X] une demande de déclaration d’impôt de solidarité sur la fortune au titre des années 2016 et 2017 le 26 avril 2018. Après plusieurs échanges, l’administration fiscale a effectué le contrôle des déclarations et a notifié les rectifications correspondantes en engageant une procédure contradictoire le 17 décembre 2018. Monsieur et Madame [X] ont présenté leurs observations le 15 février 2019. L’administration a pris en compte une partie de leurs arguments et a partiellement maintenu les impositions supplémentaires mises à leur charge dans une réponse qui leur a été adressée le 28 juin 2019. Un avis de recouvrement a été émis le 29 juin 2021 contre lequel les époux [X] ont formulé une réclamation le 2 août 2021. Une décision de rejet a été prise le 22 octobre 2021.
Il ressort des éléments communiqués par les parties que la proposition de rectification comportait toutes précisions utiles sur les raisons ayant permis à l’administration de considérer que les cessions citées à titre de comparaison concernaient des biens intrinsèquement similaires à la Villa [Adresse 4] et sur les critères retenus pour parvenir à l’évaluation retenue par celle-ci afin de permettre aux époux [X] de se forger une opinion , de rechercher les références citées et de pouvoir en discuter.

Il est de jurisprudence constante que la valeur vénale des immeubles peut être déterminée, par comparaison avec le prix de vente de biens intrinsèquement similaires, relatif à des ventes antérieures à la date de la mutation soumise à la formalité. Qu’au surplus, il appartient au contribuable de prouver le défaut de pertinence des éléments de comparaison invoqués.

Pour l’année 2016, le 5e élément de comparaison ajouté par le cabinet CAPAN-BORDES a été rejeté par l’administration de façon précise et motivée au motif que la villa “[Adresse 7]”, construite en 1960, n’avait aucune vue sur mer étant située à l’intérieur des terres sur un foncier de 25.104 m2 et non sur le [Localité 6] comme les 4 autres villas ou bien la villa [Adresse 4] construite en 2007 sur un terrain de 5.903 m2.

Pour l’année 2017, le 6e élément de comparaison ajouté par l’expert a été également rejeté par l’administration de façon précise et motivée au motif que la “[Adresse 3]” était plus éloignée que les autres villas qui étaient situées dans un rayon de 1 km de la Villa [Adresse 4]. Elle était par ailleurs grevée de nombreuses servitudes.

De même, l’administration a fait valoir que les photographies de la vue depuis la Villa [Adresse 4] présentées dans le rapport de l’expert, montraient que la végétation existante se situait sur le terrain de la villa réduisant ainsi la vue sur mer. Que par ailleurs, la moyenne des surfaces des terrains des quatre villas retenus par l’administration étaient de 6450 m2 soit très proche de la surface du terrain de la villa [Adresse 4]. Il convient d’observer que le contribuable ne rapporte pas la preuve permettant de contredire les arguments motivés et précis de l’administration sur l’absence de vue mer et la surface des terrains et leurs abattements correspondants.

En l’absence de toute activité commerciale et de toute location civile de nature à générer des profits et du chiffre d’affaires, la valorisation des titres de la SCP SF2 ne peut être mise en œuvre par l’application des méthodes basées sur la rentabilité et la projection des résultats.

Il en va de même pour la décote pour fiscalité latente car aucune plus-value latente n’est imposée et ne doit être déterminée par la SCP SF2 qui est une société patrimoniale sans activité. Par ailleurs, il nest pas contesté que le bien immobilier de la SCP SF2 n’est pas exploité mais mis à disposition gratuite des associés.

La décision de rejet sera dès lors confirmée.

L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Les époux [X] seront condamnés aux dépens.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,
Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

ORDONNE la jonction des deux procédures RG 21/11928 et RG 22/11450 qui seront désormais suivies sous le numéro RG 21/11928,

CONFIRME la décision de rejet du 22 octobre 2021,

DÉBOUTE Monsieur [S] [O] [X] et Madame [V] [J], son épouse, de toutes leurs demandes,

DIT qu’il n’y a pas lieu à restitution d’impôt,

DIT n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur [S] [O] [X] et Madame [V] [J], son épouse, aux dépens.

La minute a été signée par Monsieur Bernard AUGONNET, premier vice-président assisté de Madame Anyse MARIO, greffière présente lors de la mise à disposition.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT

Anyse MARIOBernard AUGONNET

 


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