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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-4
ARRÊT AU FOND
DU 22 FEVRIER 2024
N°2024/27
Rôle N° RG 20/08280 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BGG4X
S.A.R.L. ARMOR CONTROLE POIDS LOURDS
C/
S.C.O.P. S.A. A3S
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Jérome DE MONTBEL
Me Cyril VILLATTE DE PEUFEILHOUX
Décisions déférées à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de Marseille en date du 21 Juillet 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 2019F00556 et l’ordonnance en rectification d’erreur matérielle du 24 juillet 2020 du tribunal de commerce de Marseille
APPELANTE
Sociégé ARMOR CONTROLE POIDS LOURDS S.A.R.L. ,
prise en la personne de son représentant légal en exercice dont le siège est sis [Adresse 4] – [Localité 3]
représentée par Me Jérome DE MONTBEL de la SCP BOLLET & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
Société Coopérative A3S,
agissant poursuites et diligences de ses repésentants légaux dont le siège social est sis [Adresse 2] – [Localité 1]
représentée par Me Cyril VILLATTE DE PEUFEILHOUX, avocat au barreau de MARSEILLE, et assistée de Me Véronique GUBLER, avocat au barreau de PARIS, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 Décembre 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, et Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller, chargés du rapport.
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président
Madame Laetitia VIGNON, Conseiller
Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Février 2024..
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Février 2024.
Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * *
EXPOSE DU LITIGE
La société Armor Contrôle Poids Lourds est une société de contrôle technique de véhicules automobiles et poids lourds ayant ses installations sur la zone industrielle de [Adresse 4] à [Localité 3].
Le 6 septembre 2007, elle a sollicité son admission en qualité d’associé coopérateur auprès de la société A3S pour son centre de contrôle technique poids lourds.
Cette société est une société coopérative artisanale à forme anonyme et capital variable ayant pour objet la réalisation de toutes opérations et la prestation de tous services susceptibles de contribuer directement ou indirectement au développement de l’activité de ses associés relevant du secteur du contrôle technique automobile.
Le 24 juin 2008, le centre de contrôle technique poids lourds de la société Armor Contrôle Poids Lourds a obtenu son agrément préfectoral.
En 2012, la société Armor Contrôle Poids Lourds a sollicité son admission à la Coopérative A3S pour son centre de contrôle portant sur les véhicules légers. Ce second centre a obtenu son agrément préfectoral le 28 mars 2013.
Le 12 novembre 2012, la société Armor Contrôle Poids Lourds a conclu une convention de sociétariat avec la Coopérative A3S.
Par courrier du 23 mars 2018, lui reprochant des manquements contractuels, la société Armor Contrôle Poids Lourds a informé la Coopérative A3S de sa décision de résilier la convention de sociétariat.
En réponse du 4 avril 2018, la Coopérative A3S s’est opposée à ce départ.
Par courrier du 24 avril 2018, la société Armor Contrôle Poids Lourds a confirmé sa décision de retrait.
Par courrier du 30 octobre 2018, la Coopérative A3S a mis en demeure la société Armor Contrôle Poids Lourds de régler la somme de 9.200 € correspondant aux indemnités de résiliation dues par les deux centres de contrôle.
Par courrier du 12 novembre 2018, la société Armor Contrôle Poids Lourds a refusé de régler cette somme.
Par acte d’huissier en date du 5 avril 2019, la société Coopérative A3S a fait assigner la société Armor Contrôle Poids Lourds devant le tribunal de commerce de Marseille aux fins de voir :
-constater le non-respect de l’engagement coopératif de la société Armor Contrôle Poids Lourds en violation des dispositions statutaires et contractuelles ;
-dire que l’indemnité de résiliation n’est pas excessive ;
En conséquence, à titre principal :
-condamner la société Armor Contrôle Poids Lourds à payer à la Coopérative A3S la somme de 9.200 € au titre de l’indemnité pour non-respect de l’engagement statutaire majoré des intérêts légaux à compter du 30 octobre 2018 ;
-débouter la société Armor Contrôle Poids Lourds de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
A titre subsidiaire, si le tribunal faisait droit à la demande de remboursement de capital social sollicitée par la société Armor Contrôle Poids Lourds :
-dire que le remboursement des parts sociales sera réduit des pertes de l’exercice 2018 à hauteur de 9,58 € par part sociale ;
-ordonner la compensation entre l’indemnité de résiliation et le remboursement de parts sociales assorties de la réserve pour suppléments ou parts, diminué de la somme de 9,58 € par part sociale correspondant aux pertes de 2018 ;
En tout état de cause :
– condamner la société Armor Contrôle Poids Lourds à payer à la Coopérative A3S la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;
Par jugement en date du 21 juillet 2020, le tribunal de commerce de Marseille a :
– condamné la société Armor Contrôle Poids Lourds SARL à payer à la société Coopérative A3S la somme de 9.200 € en principal avec intérêts au taux légal à compter du 30 octobre 2018 ;
-condamné reconventionnellement la société Coopérative A3S à payer à la société Armor Contrôle Poids Lourds SARL la somme de 400 € en remboursement des parts sociales de cette société dans le capital de la société Coopérative A3S, avec intérêts au taux légal capitalisé à compter du 30 septembre 2018;
-ordonné la compensation judiciaire à due concurrence, entre les sommes ressortant des condamnations prononcées ci-dessus au titre de l’indemnité pour non-respect de l’engagement coopératif, outre intérêts et au titre du remboursement des parts sociales, outre intérêts ;
-ordonné à la société Coopérative A3S de procéder au paiement immédiat à la société Armor Contrôle Poids Lourds SARL de la quote-part de la réserve statutaire prévue à l’article 42 alinéa 3 des statuts ;
-débouté la société Armor Contrôle Poids Lourds SARL de ses autres demandes reconventionnelles, fins et conclusions au titre de la remise des fichiers clients et de dommages-intérêts ;
-condamné la société Armor Contrôle Poids Lourds SARL à payer à la société Coopérative A3S la somme de 1.500 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la société Armor Contrôle Poids Lourds SARL aux dépens toutes taxes comprises de la présente instance tels qu’énoncés par l’article 695 du code de procédure civile, étant précisé que les droits, taxes et émoluments perçus par le secrétariat-greffe de la présente juridiction sont liquidés à la somme de 74,18 € ;
– ordonné pour le tout, l’exécution provisoire ;
-rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du présent jugement.
Le tribunal a considéré que :
-Sur l’application des règles définies par les statuts et le règlement intérieur :
Le 6 février 2007, la société a signé un bulletin d’engagement dans lequel elle reconnaissait avoir pris connaissance des statuts et règlements de la Coopérative A3S et s’engageait à respecter les textes en question.
Si la société Armor Contrôle Poids Lourds déplore l’absence de tentative de conciliation de la part de la Coopérative A3S, elle n’en a guère produit de son côté, de sorte que l’absence de diligences de chacune des parties sur ce point ne saurait être reprochée à une seule des deux parties.
L’article L231-5 du code de commerce invoqué par la défenderesse n’est pas applicable dès lors que la relation entre une société coopérative et ses associés-coopérateur est régie par les lois qui ont structuré l’activité coopérative.
La société Armor Contrôle Poids Lourds a cessé toutes relations commerciales avec la société A3S à compter du 27 juillet 2018 et n’apporte aucun élément de preuve justifiant de sa part le respect du préavis de 6 mois prévu par les statuts et le règlement qu’elle s’était engagée à respecter.
-Sur la demande de versement d’une indemnité de résiliation :
Il ressort des éléments soumis à l’appréciation du tribunal que la société Armor Contrôle Poids Lourds a unilatéralement cessé ses relations avec la Coopérative en septembre 2018 sans respecter le préavis de six mois qu’elle avait accepté en signant la convention de sociétariat.
Les dispositions de l’article 5.1 du règlement intérieur de la Coopérative sont donc applicables et prévoient une indemnité compensatrice correspondant en l’espèce à 9.200 € HT.
-Sur l’assimilation de la clause d’indemnisation à une clause pénale :
Le règlement définit comme base d’indemnité compensatrice forfaitaire la dernière année d’achat de liasse de contrôle.
Les relations entre une coopérative et un coopérateur dépassent les relations commerciales traditionnelles et le départ de tout associé est un affaiblissement réel de la structure, créant un préjudice notable pour la Coopérative.
Par ailleurs, la société n’apporte aucun élément permettant de démontrer le caractère disproportionné de la clause.
Dès lors, il y a lieu de la condamner au paiement de la somme de 9.200 € HT.
-Sur la demande reconventionnelle de remboursement des parts sociales :
La Coopérative A3S ne produit aucun élément pour justifier une décision de l’assemblée générale sur l’imputation des pertes de l’exercice 2018 sur la valeur des parts sociales.
En conséquence, celle-ci doit rembourser à la société ses parts sociales à la valeur nominale.
Il y a lieu d’ordonner la compensation judiciaire à due concurrence, entre les sommes ressortant des condamnations prononcées ci-dessus au titre de l’indemnité pour non-respect de l’engagement statutaire, outre intérêts et au titre du remboursement des parts sociales, outre intérêts.
-Sur la fraction de réserve prévue à l’article 42 des statuts : aucun élément n’est produit dans les pièces du dossier pour valoriser les sommes dues par la Coopérative A3S à la société au titre de l’application de l’article 42 des statuts relatif à la ristourne coopérative, étant souligné qu’en tout état de cause, la Coopérative A3S doit verser à la société le montant de la quote-part de la réserve statutaire prévue à l’article 42 alinéa 3 des statuts.
-Sur la demande reconventionnelle de la restitution des fichiers clients :
En application du code de la route, la Coopérative A3S n’ayant pas l’agrément en qualité de réseau, il lui est interdit de collecter des données clients de ses sociétaires qui sont seuls habilités à les conserver et à les adresser à l’UTAC.
Aux termes des dispositions applicables à la Coopérative A3S, des prestations de services informatiques sont apportées aux associés coopérateurs, que cependant de tels services sont résiliés dès que le sociétaire n’est plus rattaché à la Coopérative, celui-ci s’engageant le jour de son départ à demander l’intervention du service informatique de la Coopérative A3S pour la désinstallation des logiciels avant 17 heures.
Aucune demande d’intervention du service informatique de la Coopérative A3S visant à permettre l’extraction de ses fichiers clients pour pouvoir les utiliser dans un logiciel tiers n’a été exprimée par la société Armor Contrôle Poids Lourds avant son départ, une telle demande ayant été effectuée six mois plus tard.
Il y a lieu de débouter la demande de remise des fichiers clients sous astreinte présentée par la société Armor Contrôle Poids Lourds en l’absence d’opposition de la Coopérative à une telle restitution et de demande d’intervention de la part de la société pour la désinstallation des logiciels mis en place conformément à leurs accords,
La société Armor Contrôle Poids Lourds n’apporte aucun élément probant sur le préjudice qu’elle aurait subi du fait de cette absence de restitution des fichiers.
Par ordonnance en date du 24 juillet 2020, le président du tribunal de commerce de Marseille a rectifié une erreur matérielle relative au barreau de l’avocat plaidant dans les intérêts de la société A3S.
Par déclaration en date du 27 août 2020, la société Armor Contrôle Poids Lourds a interjeté appel du jugement rendu par le tribunal de commerce de Marseille et de l’ordonnance rectificative en ce que le tribunal a :
-jugé que la société Armor Contrôle Poids Lourds n’avait pas respecté les conditions fixées pour exercer son droit de résiliation ;
-l’a condamnée au paiement de l’indemnité de 9.200 € pour non-respect de l’engagement statutaire, outre intérêts ;
-l’a déboutée de sa demande subsidiaire de réduction de l’indemnité précitée à 1 €;
-l’a déboutée de ses demandes de restitution sous astreinte de ses fichiers, de condamnation au paiement de dommages-intérêts et au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que des dépens ;
-l’a condamnée au paiement de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Par ses dernières conclusions déposées et notifiées le 8 août 2023, la société Armor Contrôle Poids Lourds demande à la Cour de :
-déclarer recevable et bien fondé l’appel formé par la société Armor Contrôle Poids Lourds à l’encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Marseille le 21 juillet 2020,
En conséquence,
-infirmer le jugement entrepris en ce qu’il :
a jugé que la société Armor Contrôle Poids Lourds n’avait pas respecté les conditions fixées pour exercer son droit de résiliation,
l’a condamnée au paiement de l’indemnité de 9.200 € pour non-respect de l’engagement statutaire, outre les intérêts,
l’a déboutée de sa demande subsidiaire de réduction de l’indemnité précitée à 1 €,
l’a déboutée de ses demandes de restitution sous astreinte de ses fichiers, de condamnation au paiement de dommages-intérêts et au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que des dépens ;
l’a condamnée au paiement de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Et statuant à nouveau sur ces chefs de demande,
-dire, juger et constater que la société Coopérative A3S est irrecevable et en tout cas mal fondée en ses fins, moyens et conclusions ; l’en débouter,
Subsidiairement,
-dire, juger et constater que l’article 5.1 du règlement intérieur est une clause pénale dont le montant est manifestement excessif,
En conséquence,
-réduire le montant de l’indemnité réclamée par la société Coopérative A3S à la somme symbolique de 1 €,
-la débouter pour le surplus de sa demande au titre de cette indemnité,
-condamner sous astreinte du paiement d’une somme de 500,00 € par jour de retard à compter du prononcé de l’arrêt à intervenir, la société Coopérative A3S, à remettre à la société Armor Contrôle Poids Lourds l’ensemble de ses fichiers clients, tels que ci-dessus décrits, afin qu’elle puisse reprendre une activité professionnelle normale et utile ;
-la condamner à payer à la société Armor Contrôle Poids Lourds la somme de 5.000,00 €, à titre de dommages et intérêts, augmentée des intérêts légaux à compter du jour du prononcé de l’arrêt à intervenir,
-la condamner au paiement d’une indemnité de 5.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel,
-confirmer pour le surplus le jugement entrepris.
Par ses dernières conclusions déposées et notifiées le 18 septembre 2023, la société Coopérative A3S demande à la Cour de :
-confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 21 juillet 2020 ;
Y ajoutant :
-dire et juger que la société Coopérative A3S a réglé entre les mains de la société Armor Contrôle Poids Lourds, la ristourne qui lui était due au titre de l’exercice 2017 pour un montant de 3.471,82 €;
-constater l’extinction de la créance de ristourne due par la société Coopérative A3S à la société Armor Contrôle Poids Lourds ;
-débouter la société Armor Contrôle Poids Lourds de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
-condamner la société Armor Contrôle Poids Lourds à payer à la société Coopérative A3S la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
-condamner la société Armor Contrôle Poids Lourds aux entiers dépens d’appel.
Par ordonnance en date du 21 novembre 2023, l’instruction a été clôturée.
MOTIFS
Les dispositions du jugement entrepris ayant :
– condamné la société A3S Coopérative à payer à la société Armor Contrôle Poids Lourds la somme de 400 € en remboursement des parts sociales, avec intérêts au taux légal capitalisés à compter du 30 juin 2017,
– ordonné à la société Coopérative A3S de procéder au paiement immédiat à la société Armor Contrôle Poids Lourds de la quote-part de la réserve statutaire prévue à l’article 42 alinéa 3 des statuts,
ne font l’objet, en cause d’appel, d’aucune discussion par les parties, la société intimée justifiant d’ailleurs avoir procédé au règlement des sommes qui lui incombaient à ce titre.
Elles seront, en conséquence, purement et simplement confirmées.
Sur la demande d’indemnité de la société Coopérative A3S
Il est constant, en l’espèce, que la société A3S est une société coopérative artisanale à forme anonyme et capital variable et a pour objet la réalisation de toutes opérations et la prestation de tous services susceptibles de contribuer directement ou indirectement au développement de l’activité de ses associés relevant du secteur du contrôle technique automobile.
L’article 1 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 définit une société coopérative comme une société constituée par plusieurs personnes volontairement en vue de satisfaire à leurs besoins économiques ou sociaux par leur effort commun et la mise en place des moyens nécessaires.
En vertu de l’article 7 du même texte, les statuts des coopératives déterminent notamment le siège de la société, son mode d’administration, en particulier les décisions réservées à l’assemblée générale, les pouvoirs des administrateurs ou gérants, les modalités du contrôle exercé sur ses opérations au nom des associés, les formes à observer en cas de modification des statuts ou de dissolution. Ils fixent les conditions d’adhésion, le cas échéant d’agrément, de retrait, de radiation et d’exclusion des associés, l’étendue et les modalités de la responsabilité qui incombe à chacun d’eux dans les engagements de la coopérative. Les coopératives constituées sous forme de sociétés à capital variable régies par les articles L. 231-1 et suivants du code de commerce ne sont pas tenues de fixer dans leurs statuts le montant maximal que peut atteindre leur capital.
En outre, en vertu de l’article 1 alinéa 4 de la loi du 20 juillet 1983 applicable au présent litige, relatif aux sociétés coopératives artisanales, par la souscription ou l’acquisition d’une part sociale, l’associé s’engage à participer aux activités de la société coopérative ; les statuts peuvent déterminer le nombre de parts à souscrire ou à acquérir par chaque associé en fonction de son engagement d’activité.
L’article 14 des statuts de la société Coopérative A3S stipule que ‘ Par son admission, le sociétaire s’engage en activité avec la coopérative pour le ou les centres de contrôle qu’il exploite pour une période minimale dont la prise d’effet, la durée, les conditions de renouvellement et de dénonciation, ainsi que ses obligations sont fixées par le règlement intérieur rappelé dans la convention de secrétariat’.
L’article 15 intitulé ‘ Démission-Exclusion-Requalification’ est ainsi libellé: ‘ Tout associé a le droit de se retirer de la coopérative à l’issue de sa période minimale d’engagement en activité en respectant un délai de préavis de 6 mois; la décision de retrait doit être notifiée à la coopérative par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. En cas de non respect du délai de préavis, l’associé est redevable d’une pénalité à titre d’indemnité fixée par le règlement intérieur et figurant dans la convention de secrétariat (….)’
Par ailleurs l’article 29 énonce que ‘ Un règlement intérieur complète et précise les dispositions des présents statuts. Ses dispositions ont la même force obligatoire que les statuts. Le règlement intérieur général est mis en ligne sur le site de la Coopérative et ses mises à jour par le conseil d’administration font l’objet d’information et d’explication par e-mail auprès de chaque associé( …) Les modifications sont adoptées par l’assemblée générale extraordinaire (…)’
Il ressort de l’article 4-2 du règlement intérieur de la société Coopérative A3S du 30 juillet 2016 ( pièce n° 3) que ‘ Par son adhésion, chaque associé s’oblige à participer aux activités de la coopérative et à cet effet s’engage pour une durée de deux ans renouvelable par tacite reconduction, sauf dénonciation par lettre recommandée avec avis de réception moyennant un délai de préavis de six mois à (….)
– respecter et appliquer sans réserve les dispositions établies dans les documents en vigueur de la coopérative, notamment les statuts, le règlement intérieur, le cahier des charges portant réglementation du contrôle technique, procédures des systèmes de qualité et la convention d’achat réseau (…)’
L’article 5-1 prévoit que ‘ Tout associé peut se retirer de la coopérative dans les conditions spécifiées par les dispositions de l’article 15 des statuts qui fixent également le cas où tout associé peut-être radié’ et stipule que ‘ Dans l’hypothèse où le centre de contrôle met fin à son adhésion sans respecter le délai de préavis, le sociétaire doit s’acquitter d’une indemnité compensatrice équivalente à la somme de la dernière année d’achats de liasses de contrôle’.
Il est établi que, le 6 septembre 2007, la société Armor Contrôle Poids Lourds a sollicité son admission en qualité d’associé coopérateur auprès de la société A3S.
La société appelante a alors signé un bulletin d’engagement confirmant solliciter ‘ l’admission dans la ‘Coopérative Nationale des Entreprises de l’Inspection Technique des Véhicules’ conformément à ses statuts, règlement intérieur et cahier des charges que je m’engage à respecter, et à appliquer l’ensemble des dispositions qui y sont établies’.
Elle a, en outre, conclu, le 12 novembre 2012 une convention de sociétariat avec l’intimée, laquelle prévoit, s’agissant de sa durée ( article 11-2) que ‘ Elle est conclue pour une durée deux ans à dater de l’agrément préfectoral du contre de contrôle rattaché à la Coopérative A3S, et est renouvelable par tacite reconduction, sauf dénonciation par lettre recommandée avec accusé de réception par l’une ou l’autre des parties moyennant le respect d’un délai de préavis de six mois. Sauf décision contraire de l’assemblée générale des sociétaires, la convention tacitement reconduite comporte les mêmes clauses et conditions que la précédente’.
Il résulte ainsi de ces éléments que la société Armor Contrôle Poids Lourds, en adhérant à la Coopérative, était tenue de se conformer aux dispositions des statuts, du règlement intérieur lors de son admission et des règlements ultérieurs adoptées par les assemblées générales extraordinaires ainsi de la convention de sociétariat.
Or, comme l’a relevé à juste titre le tribunal de commerce, le règlement intérieur du 30 juillet 2016 utilisé comme référence par la société intimée a été approuvé en assemblée générale de la Coopérative le 30 juillet 2016 et est dès lors opposable à tous les associés-coopérateurs, de sorte que la société appelante ne peut utilement soutenir que l’article 5-1 dudit document fixant les modalités de calcul de l’indemnité de résiliation ne lui est pas opposable et ce peu importe que ni les statuts et ni la convention de sociétariat ne mentionnent le montant des indemnités en cas de départ anticipé.
De même, il ne peut-être tiré aucune conséquence de l’article 1-2 de la convention de sociétariat liant les parties et précisant que ‘ Domaine d’application: Elle annule et remplace le règlement intérieur précédemment à l’article 51 des statuts A3S et d’applique rétroactivement à chaque sociétaire à l’issue de l’assemblée générale du 22 septembre 2012″ dès lors que l’article 3 relatif aux engagement du sociétaire rappelle que celui-ci est tenue notamment de:
– respecter et appliquer sans réserve les dispositions dans les documents en vigueur de la Coopérative A 3S notamment, statuts, règlement intérieur, cahier des charges (…),
– appliquer les décision collectives découlant des assemblées générales (…)’
Dans ces conditions, les modifications du règlement intérieur régulièrement approuvées en assemblée générales en 2016 sont bien applicables à tout sociétaire, dont la société appelante.
En l’occurrence, la société Armor Contrôle Poids Lourds a obtenu un premier agrément préfectoral pour son centre de contrôle technique poids lourds ( PL) le 24 juin 2008 et un second agrément préfectoral relatif à son centre de contrôle technique véhicules légers
( VL) le 28 mars 2013.
Conformément, aux statuts, au règlement intérieur et à la convention de sociétariat susvisés, l’engament coopératif de la société appelante s’est donc renouvelé, à défaut de dénonciation dans les délais sus-énoncés :
– 4 fois et pour la dernière fois le 24 juin 2018 pour le centre PL,
– 2 fois et pour la dernière fois le 28 mars 2017 pour le centre VL.
Celle-ci a adressé un courrier de démission le 23 mars 2018 qui ne pouvait cependant prendre effet, au regard des dispositions qui précèdent, qu’à l’issue du renouvellement de la convention à savoir :
– le 23 juin 2020, à défaut du respect du préavis de six mois précédent la démission pour le centre PL,
– le 27 mars 2019 pour le centre VL.
Or, la société Armor Contrôle Poids Lourds a cessé toute relation avec la société A3S à compter du 30 septembre 2018, sans respecter le délai de préavis de six mois qui lui avait était imparti et qu’elle avait accepté.
En effet, c’est en vain que cette dernière prétend avoir respecté le préavis de six mois en ce que ledit préavis a en effet été donné le 23 mars 2018 avec un retrait effectif au 30 septembre 2018, au motif qu’il n’est aucunement fait obligation à l’adhérant de notifier son préavis six mois avant l’échéance, une telle allégation étant contraire aux dispositions de l’article 11-2 de la convention de sociétariat qu’elle a dûment régularisée et qui indique que ‘ Elle ( la convention) est conclue pour une durée deux ans à dater de l’agrément préfectoral du contre de contrôle rattaché à la Coopérative A3S, et est renouvelable par tacite reconduction, sauf dénonciation par lettre recommandée avec accusé de réception par l’une ou l’autre des parties moyennant le respect d’un délai de préavis de six mois. Sauf décision contraire de l’assemblée générale des sociétaires, la convention tacitement reconduite comporte les mêmes clauses et conditions que la précédente’.
Comme le rappelle à juste titre la société intimée, la relation entre une société coopérative et ses associés est régie par les lois qui ont structuré l’activité coopérative ainsi que les statuts de chaque coopérative, le droit coopératif pouvant ainsi déroger par des dispositions spéciales au droit commun des contrats. Il s’ensuit que le renouvellement du contrat ne donne pas naissance à un nouveau contrat à durée indéterminée mais à un nouveau contrat à durée déterminée qui ne peut être résilié à tout moment mais uniquement à chaque échéance et moyennant le respect d’un préavis de six mois.
La société Armor Contrôle Poids Lourds n’a donc pas respecté les modalités de retrait de la société coopérative.
Se prévalant également de l’article 1184 du code civil, elle prétend également que la résiliation de la convention de sociétariat a été prononcée suite aux manquements de la société A3S à ses obligations contractuelles et notamment son obligation d’assistance et de conseil alors même qu’elle était informée des difficultés rencontrées par son sociétaire dans les services mis à sa disposition.
Or, l’appelante ne produit aucun élément au soutien d’une telle affirmation, à l’exception d’une interview de la présidente de la société A3S dans un article de presse en septembre 2018 mais qui concerne l’activité en général de la coopérative, étant relevé que dans son courrier de résiliation du 23 mars 2018, elle ne fait état d’aucun manquement de la part de son co-contractant à ses obligations et invoque seulement son souhait d’être libérée de la clause des deux ans pour la résiliation de la convention de secrétariat, mettant d’ailleurs en évidence qu’elle en était parfaitement informée.
Quant à l’absence de tentative de conciliation de la part de la société A3S, comme l’a justement noté le tribunal, une telle absence est tout autant à noter de la part de la société Armor Contrôle Poids Lourds qui s’est contentée de notifier à son partenaire sa décision de quitter la coopérative. De surcroît, un tel motif n’est pas de nature à justifier une résiliation de la convention aux torts exclusifs de l’intimée et à exonérer la partie appelante de son obligation de respecter le délai de préavis de six mois tel que prévu par la convention les liant.
La société appelante dénonce enfin une rupture d’égalité entre les sociétaires, faisant valoir que la politique de la Coopérative, décidée en 2014, respectait jusqu’à présent la liberté de retrait des sociétaires, auquel il n’était réclamé aucune pénalité de sortie.
Elle se fonde notamment sur un courriel de M. [B], fondateur et ancien directeur de la société intimé mais qui n’engage que lui ainsi des courriers recommandés adressés par le conseil de la société A3S en 2016 concernant trois sociétaires qui ont fait l’objet d’une procédure d’exclusion, laquelle n’obéit pas aux mêmes règles que celle du retrait anticipé.
En tout état de cause, la société A3S est parfaitement fondée à appliquer les dispositions résultant de ses statuts, de son règlement intérieur et de la convention de sociétariat.
Dans ces conditions, l’appelante ayant unilatéralement cessé ses relations avec la Coopérative dès le 30 septembre 2018, sans respecter les dispositions de l’article 11 de la convention de secrétariat, l’article 5-1 du règlement intérieur lui est applicable.
Conformément à cet article, elle doit s’acquitter d’une indemnité compensatrice forfaitaire équivalente à la somme de la dernière année d’achat de liasses de contrôle, l’année de référence complète à prendre en compte étant l’année 2017.
Au regard des pièces produites, cette indemnité d’élève à la somme de 4.000 € pour le centre PL et 5.200 € pour centre VL, soit un total de 9.200 €.
A titre subsidiaire, la société Armor Contrôle Poids Lourds demande à la cour de réduire le montant de cette indemnité à la somme de 1 €, au motif qu’il s’agit d’une clause pénale qui présente un caractère manifestement excessif au regard notamment du comportement de la Coopérative et de l’absence de préjudice réel subi par cette dernière.
En vertu de l’article 1152 alinéa 2 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Le caractère excessif de la clause doit d’apprécier au regard du préjudice réellement subi par la société A3S.
Il est constant que celle-ci a été privée du versement d’une partie des recettes qu’elle escomptait jusqu’à la date d’échéance biennale du contrat, à savoir le 23 juin 2020 pour le centre PL et le 27 mars 2019, pour le centre VL, alors que la société appelante a unilatéralement quitté le réseau à compter du mois de septembre 2018.
En effet, aux termes tant des statuts que de la convention de sociétariat, le sociétaire s’engage à utiliser les produits et prestations de service mis en oeuvre par la Coopérative et à payer sans tarder les factures émises par celle-ci relatives aux produits et services fournis par celle-ci.
La société A3S justifie avoir subi un préjudice conséquent consécutivement au départ d’un certain nombre de sociétaires au cours des exercices 2017 et 2018, alors que précisément elle avait fait le choix d’un investissement accru notamment en matériel informatique, qu’il résulte des comptes de l’exercice clos au 31 décembre 2018 qu’elle a dégagé une perte d’exploitation de 128.353 € contre un bénéfice de 483.000 € l’année précédente et que son résultat définitif est de -193.657 € contre 484.300 € au 31 décembre 2017.
En outre, en sa qualité de professionnel averti, la société appelante n’apporte aucun élément permettant de démontrer que le montant de la clause est disproportionné par rapport aux pratiques du secteur d’activité concerné, la société A3S établissant que certains réseaux concurrents ont des durées d’affiliation et des montant bien supérieurs.
En considération de ces différents éléments, il convient d’appliquer strictement la sanction prévue pour le non respect de la période d’engagement et de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Armor Contrôle Poids Lourds à payer à la société Coopérative A3S la somme de 9.200 € au titre de l’indemnité de résiliation, avec intérêts au taux légal à compter du 30 octobre 2018, date de la mise en demeure.
Sur les demandes relatives à la restitution des fichiers clients :
Il résulte du règlement intérieur de la Coopérative A3S et de la convention de sociétariat liant les parties que la coopérative fournit aux associés des prestations informatiques, facturées dans l’achat des liasses de contrôle VL ou PL et qui comprennent notamment la mise à disposition du logiciel de contrôle technique, pour la durée du rattachement du sociétaire à la coopérative.
Le protocole d’assistance et de maintenance informatique soumis par la coopérative aux sociétaires précise en son article 2 que le logiciel ‘Logisystème II’ pour le contrôle technique des véhicules légers et le logiciel ‘Orion-PL’ pour le contrôle technique des véhicules lourds sont la propriété de la Coopérative A3S, qui accorde à chaque sociétaire une licence personnelle d’utilisation, durant toute la période de son rattachement à la coopérative, et procède elle-même à l’installation du logiciel sur du matériel référencé ou autorisé par elle.
L’article 2.1.4 mentionne que ‘lorsque l’installation de contrôle n’est plus rattachée à la Coopérative A3S, cela entraîne ipso facto l’interdiction d’utiliser ses logiciels et entraîne le retrait de la licence et la récupération immédiate des logiciels et de ses éléments pour les cas suivants : (…) démission du sociétaire ou exclusion de ce dernier (…).’
L’article 2.2 stipule que dans un tel cas, le sociétaire doit, au plus tard à 17h le jour de fin de rattachement à la Coopérative A3S, donner accès au service informatique A3S par télémaintenance aux micro-ordinateurs pour permettre la désinstallation des logiciels.
Il ressort des explications des parties concordantes sur ce point que pour chaque contrôle technique, les données relatives au client, au véhicule contrôlé et aux opérations de contrôle sont saisies et traitées au moyen du logiciel mis à disposition par la Coopérative A3S et qu’en cas de désinstallation ou de blocage du logiciel, le sociétaire ne peut plus accéder à ces données s’il n’a, au préalable, fait réaliser la procédure d’export de la base de donnée vers un format Excel.
Il appartient en conséquence à l’exploitant du centre de contrôle technique qui résilie la convention de sociétariat de prendre attache avec le service informatique de A3S avant la date d’effet de la résiliation pour organiser les opérations de désinstallation après export des données lui appartenant.
L’appelante sollicite la condamnation sous astreinte de la Coopérative A3S à lui remettre l’ensemble de ses fichiers clients, affirmant que malgré ses démarches amiables, la coopérative, qui avait désactivé le logiciel à la suite de son départ, avait toujours refusé d’intervenir pour lui rétablir l’accès à ces fichiers. Elle sollicite également l’allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu’elle prétend subir du fait de ce refus.
La société Armor Contrôle Poids Lourds ne justifie cependant d’aucune réclamation adressée à la Coopérative A3S durant toute l’année ayant suivi son départ, concernant l’extraction de sa base de donnée.
Ce n’est que devant le tribunal de commerce par conclusions du 3 septembre 2019, en réponse à l’action intentée par la société Coopérative A3S en paiement de l’indemnité de résiliation, que la société Armor Contrôle Poids Lourds a affirmé pour la première fois qu’elle était privée de l’accès à ses fichiers clients et formulé des demandes de remise sous astreinte et de dommages et intérêts.
La seule circonstance que le logiciel ‘Logisystème II’ installé sur son ordinateur ait été désactivé, ainsi que constaté par huissier le 29 octobre 2019, est insuffisante à établir que la société Armor Contrôle Poids Lourds aurait omis d’exporter sa base de données vers un autre support avant cette désactivation.
Les pièces produites par l’appelante, relatives à une procédure ayant opposé un autre exploitant de centre de contrôle, la société MHA, à la Coopérative A3S, sont dépourvues de toute utilité probante dans le cadre du présent litige.
Elle sera en conséquence déboutée de l’ensemble de ses demandes, le jugement étant confirmé sur ce point.
Partie succombante, la société Armor Contrôle Poids Lourds sera condamnée aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité pour frais irrépétibles d’appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions déférées,
Y ajoutant,
Condamne la société Armor Contrôle Poids Lourds à payer à la société Coopérative A3S la somme de 3000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Armor Contrôle Poids Lourds aux dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT