Constitution d’avocat : décision du 6 novembre 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 23/00873

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Constitution d’avocat : décision du 6 novembre 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 23/00873
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ARRET DU

06 Novembre 2023

N° 9

N° RG 23/00873 – N° Portalis DBVT-V-B7H-UYR2

JUGEMENT DU

Juge de l’expropriation de LILLE

EN DATE DU

09 Décembre 2022

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre de l’Expropriation

APPELANT :

M. [W] [E]

[Adresse 4]

[Localité 2]

comparant en personne

INTIME :

Société SPL EURALILLE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Localité 3]

ayant pour avocat Me Pierre-Etienne BODART, avocat au barreau de Lille

DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES DES HAUTS DE FRANCE ET DU DEPARTEMENT DU NORD

DIVISION DU DOMAINE

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Mme [Z] [P]

faisant fonction de Commissaire du Gouvernement par délégation de Monsieur le Directeur des Services Fiscaux du Nord

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS

Hélène CHATEAU : PREMIERE PRÉSIDENTE

DE CHAMBRE

Clotilde VANHOVE : CONSEILLERE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE

Hélène CHATEAU : PREMIERE PRÉSIDENTE

DE CHAMBRE

Clotilde VANHOVE : CONSEILLERE

Céline MILLER : CONSEILLERE

GREFFIER : Christian BERQUET

DEBATS : à l’audience publique du 25 Septembre 2023

ARRET : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 06 Novembre 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Hélène CHATEAU, Première Présidente de Chambre et par Christian BERQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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Par délibération du conseil municipal en date du 15 mars 2013, le conseil de la communauté urbaine de [Localité 2] crée une zone d’aménagement concerté dite ‘[Adresse 10]’, qui a pour objet d’aménager un îlot actuellement enclavé, situé derrière une rangée continue de maisons, [Adresse 9] à [Localité 2].

La parcelle section AK [Cadastre 1], située [Adresse 4] à [Localité 2] appartenant à M. [W] [E] est concernée par ce projet.

Ce projet a été confié à la Société Publique Locale Eurallille qui devait préalablement assurer la maîtrise foncière des biens.

L’enquête préalable et l’enquête parcellaire se sont déroulées du 27 janvier 2014 au 28’février 2014.

Par arrêté en date du 14 août 2014, le Préfet du Nord a déclaré le projet d’utilité publique.

Par arrêté en date du 20 mars 2015, le préfet du Nord a déclaré cessibles au profit de la SPL Euralille les sept parcelles utiles à la réalisation de la [Adresse 10]

Le 19 juin 2015, le juge de l’expropriation du Nord a déclaré expropriée la parcelle en cause.

Par un mémoire déposé le 14 avril 2017, La SPL Euralille a saisi le juge de l’expropriation aux fins qu’il fixe l’indemnité d’expropriation de la parcelle 248’700 euros.

Dans ses conclusions déposées le 18 septembre 2017, Mme la commissaire du gouvernement a proposé de fixer l’indemnité totale de dépossession à la somme de 272’900 €.

La visite des lieux s’est déroulée le 28 septembre 2017.

Par jugement du 19 janvier 2018, le juge de l’expropriation du Nord a :

– fixé l’indemnité de dépossession revenant à M. [W] [E] pour la parcelle située [Adresse 4] à [Localité 2], cadastrée section AK [Cadastre 1] à la somme de 317 670 euros se décomposant comme suit :

287 700 € d’indemnité principale, au lieu des 1 000 000 € demandés

29 970 € d’indemnité de remploi, au lieu des 101 200 € demandés,

– fixé l’indemnité de déménagement revenant à M. [W] [E] à la somme de 5000’€,

– débouté M. [W] [E] pour le surplus, précision faite que M. [E] avait sollicité le remboursement de travaux réalisés à hauteur de 70 738,61 €, des délais pour quitter les lieux afin de lui permettre de retrouver un bien équivalent,

– laissé les dépens à la charge de l’expropriant la SPL Euralille,

– condamné la SPL Eurallille à payer à M. [W] [E] la somme de 2000 € d’indemnité d’article 700 du code de procédure civile.

Par lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 13 février 2018, M. [W] [E] a formé appel de cette décision au motif que la juridiction avait sous-évalué la consistance de son bien, faisant observer qu’un de ses voisins avait obtenu une indemnité beaucoup plus avantageuse.

Par arrêt du 26 novembre 2018, la chambre de l’expropriation de la cour d’appel de Douai a :

– déclaré recevable l’appel formé par M. [W] [E] à l’encontre du jugement rendu le 19 janvier 2018 par la juridiction de l’expropriation du Nord

– rejeté la demande formée par la SPL Euralille de voir déclarer caduque cet appel,

– infirmé le jugement du 19 janvier 2018 sauf en ce qu’il a laissé les dépens à la charge de l’expropriant la SPL Euralille et l’a condamnée à verser à M. [W] [E] la somme de 2000 € d’indemnité d’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau sur les autres chefs,

– fixé l’indemnité de dépossession revenant à M. [W] [E] pour le bien immobilier situé [Adresse 4] à [Localité 2] cadastré section AK [Cadastre 1] à la somme de 477’280 euros dont :

– 432 800 euros à titre d’indemnité principale

– 44 480 euros à titre d’indemnité de remploi

– fixé l’indemnité de déménagement à la somme de 19 000 euros,

Y ajoutant

– laissé les dépens d’appel à la charge de la SPL Euralille,

– condamné la SCP Euralille à payer à M. [W] [E] la somme de 3000 € d’indemnité d’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.

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Par jugement en date du 11 décembre, à la suite de l’annulation de la déclaration d’utilité publique, M. [W] [E] a recouvré la propriété de son bien.

Suivant déclaration d’intention d’aliéner en date en date du 3 mars 2022, Maître [K] notaire portait à la connaissance de la ville l’intention de M. [E] de vendre le bien sis [Adresse 4] à [Localité 2] cadastré section AK n°[Cadastre 1], moyennant le prix de 1 680 000 euros à la SAS Stone Promotion.

Par courrier du 2 mai 2022, la SPL Euralille formait auprès du notaire une demande de visite du bien sur le fondement de l’article L213-2 du code de l’urbanisme. M. [E] s’opposait à cette demande. Par décision du 2 juin 2022, la directrice générale de la SPL Euralille décidait d’exercer le droit de préemption urbain sur le bien litigieux pour un prix de 553 520 euros en ce compris la commission devant être versée par le vendeur à l’intermédiaire. Cette décision était signifiée à M. [E] et à Maître [K] le 3 juin 2022. M. [E] refusait cette offre le 1er août 2022.

La SPL Euralille a saisi le 10 août 2022 la juridiction de l’expropriation de Lille pour voir fixer le prix dudit immeuble.

Par jugement du 9 décembre 2022, la juridiction de l’expropriation de Lille a :

– fixé la date de référence au 18 juin 2020,

– fixé le prix de l’immeuble à la somme de 512 000 euros,

– débouté les parties de leurs autres demandes,

– laissé les dépens à la charge de la SPL Euralille.

Par lettre recommandée avec avis de réception postée le 15 février 2023, M. [E] a formé appel de cette décision dans un courrier ainsi rédigé :

Après quatorze années de luttes juridiques opposées à la société publique locale Euralille, comprenant neuf procédures en justice à mon encontre, qui se sont soldées par un jugement favorable du «’tribunal administratif’» de Douai ainsi que du Conseil d’État, en abrogeant la décision d’utilité publique et en me restituant mon droit de propriété, la SPL préempte mon bien située au [Adresse 4] à Lille pour la deuxième fois.

Je tiens dans un premier temps à vous signaler que je dispose d’un courrier provenant de la SPL Euralille datée du 15 février 2021 stipulant que la société publique locale Euralille n’entendait pas faire appel des jugements du «’tribunal administratif’» de Douai ainsi que du Conseil d’État en ma faveur. Ce qui n’empêche pas cette dernière d’abuser de son pouvoir et de préempter mon bien une deuxième fois. Notamment lorsque mon courrier adressé à Mme la juge expropriation et Mme [P] commissaire du gouvernement stipule que je me suis retiré de la vente qui devait avoir lieu entre la société Stone et moi-même et que de ce fait, je ne suis plus vendeur et reste propriétaire de mon bien. Par conséquent étant redevenu propriétaire, je peux disposer, user et jouir de mon bien comme je le souhaite, tant que ce n’est pas illégal comme le dispose l’article 544 du code civil.

Je souligne puis les arrêts du conseil d’État fin 2019, les documents suivants ne m’ont pas été restitués : certificat de non appel du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lille le 11 décembre 2020 publications auprès du service de la publicité foncière compétent et ce après plusieurs réclamations auprès de la SPL Euralille représentée par leur avocat Maître Pierre Étienne Bodart en passant à mon avocate Maître Sylvie Lhermie. Il ne s’agit là ni plus ni moins que d’une rétention de documents, ce qui va à l’encontre des décisions du conseil d’État. Nous nous questionnons sur cette intention délibérée de ne pas me restituer mes documents.

Nous rappelons que nous n’étions pas vendeurs à moins que nous trouvions un bon acquéreur. Cela été le cas avec le promoteur Stone qui nous a fait une offre à 1’600’000 €, pour laquelle un compromis de vente a été signé avec des conditions suspensives. Par ailleurs nous réitérons le fait que nous refusons la visite de huissier, commissaire du gouvernement, juge d’expropriation, car toutes les habitations sont vouées à la démolition. Nous ne voyons absolument pas l’intérêt d’autoriser ces personnes à pénétrer dans ma propriété.

Nous trouvons révoltant que la SPL Euralille exerce un deuxième droit de préemption au prix de 553’520 euros fait un jugement du «’tribunal administratif’» de Douai et un arrêt du conseil d’État sans tenir compte d’une hausse du prix de l’immobilier sur [Localité 2]. De plus, bien que je me sois retiré de la vente, concernant la décision de Mme la juge expropriation disponible le 23 janvier récupéré chez l’huissier le 2 février 2023, cette dernière fixe la valeur de mon bien immobilier à 512’000 €. La SPL Euralille aurait-elle un but de racheter notre immeuble au prix de bas possible et de réaliser une plus-value en le revendant au promoteur immobilier Stone ‘

Ce prix serait également la conséquence de leur acharnement à notre encontre ‘ Toutes les voies de recours ont été utilisées Mme la juge expropriation et la SPL Euralille décide de statuer sur les prix respectifs de 500’000 € et 553’520 € soit trois fois moins que la somme de 1’600’000 € accordé par la société Stone, pour

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mon habitation et mon terrain situé [Adresse 8] faisant 602 m² à proximité de deux gares, des métros, des centres commerciaux du centre-ville, qui de plus, seront voués à la démolition et permettront de réaliser une opération financière très fructueuse avec la construction de plusieurs immeubles. Sous couvert du droit de préemption sur notre habitation, ils exercent un excès de pouvoir. Je mets l’accent sur le fait que Mme la juge expropriation et Mme [P] commissaire du gouvernement estiment la valeur de mon bien à 512’000 €. Ce qui représente pour la surface totale de 602 m² un prix moyen de 850,50 € le mètre carré alors que le prix du mètre carré médian du [Adresse 8] est de 3696 € le mètre carré.

Comme j’ai pu le préciser à Mme la maire [Y] [F] lors d’une réunion de quartier en la présence de son adjointe Mme [M] [A] «’le système dont la SPL appartient est une organisation bien ficelée dont les rouages reposent sur une stratégie pour laquelle, par tous les moyens, vous intimidez et harcelez les citoyens par les voies dites légales dans l’unique but que nous cédions notre habitation à un prix dérisoire.’»’

Nous constatons que la SPL spécule sur des biens qui ne leur appartiennent pas, qu’ils spolient les personnes à qui les biens appartiennent, comme cela a été le cas depuis la première indemnité qui m’a été imposée au prix de 225’000 €.

Nous nous demandons dans quelle mesure leur proposition est compatible avec l’article 17 de la déclaration des droits de l’an 1789 établi comme l’un des principaux généraux reconnus tant par le Conseil Constitutionnel, le Conseil d’État, la Cour de cassation disposition au terme de laquelle «’la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée l’exige évidemment et sous la constatation d’une juste et préalable indemnité.’» Ce principe a été rappelé lors du verdict du Conseil Constitutionnel dans sa décision en date du 21 janvier 2011.

En outre ainsi que l’a rappelé Monsieur [T] [B] dans son traité de droit constitutionnel, l’intérêt général ne doit pas être confondu avec la somme des intérêts particuliers et nous constatons, bien que la cour administrative de Douai le conseil d’État ont annulé l’utilité publique.

Nous ajoutons que dans la Constitution du 24 juin 1793 – déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, l’article 16 précise que «’le droit de propriété est celui qui appartient aux citoyens de jouir et de disposer à son gré de ses biens, de ses revenus, du fruit de son travail et de son industrie ; En cela étant propriétaire depuis 1996, mon habitation correspond à tout un labeur de vie pour laquelle la SPL Euralille souhaite me déposséder à l’âge de 66 ans, retraité, après quatorze ans de procédure et de tribulations qui ont été très coûteuses aussi bien financièrement que physiquement ; au total dix-neuf procédures pour ma mère Mme [S] [E] et nous-mêmes ( TGI expropriation, cour d’appel, cassation, utilité publique, le tribunal administratif, cour d’appel, conseil d’État, procédure de démolition du [Adresse 6], TGI annulation de l’expropriation). Ces dernières illustrant un acharnement et un harcèlement à notre encontre

Nous ajoutons également qu’il y a lieu de considérer qu’il y a eu un vice de forme compte tenu de l’intervention du commissaire du gouvernement à notre habitation, à la fois juge et partie, ce qui est contraire à la Cour européenne des droits de l’Homme. Nous tenons à préciser que nous n’hésitons pas à saisir cette dernière en cas de harcèlement réitéré à notre rencontre. Nous avons donc avisé dans un premier temps le Conseil d’État de leurs agissements et de cette situation.

En outre la SPL Euralille a indiqué au promoteur Stone vouloir établir un pourcentage de 70 % de logements sociaux lorsque la loi n’impose 30 %. Ce que le promoteur accepté le tout en voulant quand bien même acheter mon bien. Ce qui n’a pas empêché la SPL Euralille de préempter une deuxième fois. Cette dernière trouve donc des prétextes dans le but de réaliser une opération financière favorable en me lésant et en me portant préjudice.

Compte tenu de ces éléments je ne peux qu’opposer une fin de non recevoir à la proposition de la SPL Euralille et à la décision de Mme la juge expropriation, je n’hésite pas à qualifier d’indécente, au vu du montant alloué par le promoteur SAS Stone promotion représentée par Monsieur [U] [I].

Nous avisons que nous sommes prêts à aller jusqu’au bout de la procédure, en saisissant toute juridiction utile, eu égard à la concentration des moyens pour faire valoir nos droits. Je vous ferai part du juriste qui daignera vouloir m’accompagner dans cette procédure.

Nous rappelons et restons toujours extrêmement surpris, que Monsieur [H] [C] ait vendu son bien au prix de 650’000 € nets et a pu bloquer les permis de construire, permettant ainsi d’obtenir 300’000 € supplémentaires pour les débloquer par le promoteur immobilier.

Au vu de tous ces éléments, nous constatons que nous sommes victimes de discrimination car la manière dont nous sommes traités est très inégale par rapport à Monsieur [C], que le prix qui nous a été fixé est extrêmement défavorable. Serait-ce par rapport à mes origines ethniques ‘ Sociales ‘ Serait-ce par rapport à mon lieu d’habitation qui est mitoyen aux bâtiments de la ville, laissés volontairement à l’abandon, dans un état de déshérence depuis plus de trente ans nous disposons de photographies attestant ce fait.

Dans tous les cas, la SPL Euralille applique un traitement spécifique négatif à mon encontre avec un acharnement et du harcèlement. Nous demandons donc à obtenir un préjudice moral à hauteur de 10’000€.’»

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Suivant conclusions reçues le 2 mai 2023, la direction des finances publiques des Hauts de France et du département du Nord demande à la présente juridiction de :

1. constater et juger la déclaration d’appel formée par M. [W] [E] frappée de nullité, faute d’avoir été formée par avocat et ce sur le fondement des articles R 311-27 du code de l’expropriation qui impose la constitution d’avocat devant la cour d’appel et sur le fondement de l’article 901 du code de procédure civile qui précise que la déclaration d’appel comporte à peine de nullité la constitution de l’avocat.

2. constater qu’il n’y a plus à statuer, le bien n’étant plus en vente.

A titre subsidiaire, de confirmer le jugement de première instance en date du 9 décembre 2022 en ce qu’il a arrêté l’indemnité principale à la somme de 512 000 euros.

Ces conclusions ont été notifiées par le greffe à M. [E] et à la SPL Euralille par lettres recommandées avec avis de réception datées du 17 mai 2023 et reçue le 22 mai 2023 par M. [E].

Suivant conclusions d’appel incident reçues le 10 mai 2023, la SPL Euralille demande à la cour de réformer le jugement du 9 décembre 2022 n°22/00060 rendu par la juridiction de l’expropriation de Lille en ce qu’il a fixé le prix de l’immeuble litigieux à la somme de 512 000 euros et fixer ce prix à la somme de 553 520 euros, soit la valeur donnée par le service des domaines 503 200 euros plus 10% et de débouter M. [E] de l’ensemble de ses demandes. Ces conclusions ont été portées à la connaissance de M. [E] et de la direction des finances publiques des Hauts de France et du département du Nord par lettres recommandées avec avis de réception datées du 12 mai 2023 reçue le 22 mai par M. [E] et le 23 mai par Maître Bodart.

Suivant courrier reçu le 1er juin 2023, M. [E] a fait part de son étonnement d’avoir reçu par l’intermédiaire de la cour les conclusions de la SPL Euralille et du commissaire du gouvernement qui est à la fois juge et partie, ce qui est contraire à la Cour Européenne des droits de l’Homme. Il a maintenu ses précédentes observations et demandes de dommages et intérêts, rappelant qu’il renonçait à la vente compte tenu de la proposition indécente reçue et précisant que bénéficiant d’une protection juridique, il avait effectué les démarches pour avoir l’assistance d’un avocat et être dans l’attente d’une réponse.

A l’audience du 25 septembre 2023 à laquelle cette affaire a été fixée,

M. [E] comparant en personne, non assisté d’un avocat, a maintenu ses demandes et moyens précédemment exposés, remettant à la cour un courrier de l’agence Abrimmo en date du 25 août 2023 au terme duquel il était indiqué que la société Stone Promotion avec laquelle un compromis de vente avait été signé, était toujours acheteuse au prix de 1 600 000 euros net vendeur, même si le projet était en stand by du fait de la préemption. Il a été donné connaissance de ce courrier aux autres parties.

La SPL Euralille représentée par son avocat a maintenu ses demandes et moyens énoncés dans ses conclusions du 10 mai 2023.

La direction des finances publiques des Hauts de France et du département du Nord représentée par Mme [P] a elle-même maintenu ses demandes et moyens énoncés dans ses conclusions du 2 mai 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre préliminaire, il sera indiqué que :

– c’est en application de l’article R 311-26 dernier alinéa du code de l’expropriation que le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du Gouvernement, dès leur réception, tant une copie des pièces qui lui ont été transmises, que le mémoire

– il a été jugé par le conseil d’État dans un arrêt du 3 septembre 2007 n°22488 que l’interdiction selon laquelle l’agent ayant donné pour le compte de l’autorité expropriante l’avis d’estimation préalable aux offres d’indemnité ne peut être choisi comme commissaire du Gouvernement, garantit que cette dernière fonction ne soit pas assurée par une personne physique pouvant également représenter l’expropriant auprès de la même juridiction et dans la même instance suffit à ne créer aucun déséquilibre incompatible avec les principes de l’égalité des armes et du contradictoire.

1. Sur la nullité de la déclaration d’appel

L’article R311-24 du code l’expropriation tel que modifié par le décret n°2017-1255 du 8 août 2017 – art. 4 prévoit que :

Les décisions rendues en première instance ne sont pas susceptibles d’opposition.

L’appel est interjeté par les parties ou par le commissaire du Gouvernement dans le délai d’un mois à compter de la notification du jugement, par déclaration faite ou adressée par lettre recommandée au greffe de la cour. La déclaration d’appel est accompagnée d’une copie de la décision.

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L’article R311-27 de ce même code modifié par Décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 – art. 21, version en vigueur depuis le 1 janvier 2020, prévoit que :

Les parties et le commissaire du Gouvernement sont convoqués à l’audience par le greffe.

Les parties sont tenues de constituer avocat dans les conditions de’l’article R. 311-9.Enfin, l’article 901 du code de procédure civile modifié par Décret n°2022-245 du 25 février 2022 – art. 1, version en vigueur depuis le 27 février 2022 prévoit que :

La déclaration d’appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article’54’et par le cinquième alinéa de’l’article 57, et à peine de nullité :

1° La constitution de l’avocat de l’appelant ;

2° L’indication de la décision attaquée ;

3° L’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté ;

4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

Elle est signée par l’avocat constitué. Elle est accompagnée d’une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d’inscription au rôle.

Il est constant que la déclaration d’appel du 15 février 2023 à l’encontre du jugement du juge de l’expropriation du Nord en date du 9 décembre 2022 a été formée par M. [E] seul, et ne fait nullement mention de constitution d’un avocat. S’agissant d’une instance avec représentation obligatoire par un avocat depuis le 1er janvier 2020, l’absence de représentation au moment de la déclaration d’appel prévue à l’article 901 ci-dessus rappelé constitue non point un simple vice de forme imposant un grief mais une irrégularité de fond affectant la valeur même de l’acte qui doit même être soulevée d’office comme contraire à une règle d’ordre public.

La présente juridiction ne peut en conséquence que déclarer nulle ladite déclaration d’appel.

2. Sur l’appel incident

L’article R311-26 du code de l’expropriation modifié par le décret n°2017-891 du 6 mai 2017 – art. 41 prévoit en son alinéa 2 que :

A peine d’irrecevabilité, relevée d’office, l’intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu’il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.

L’appel incident formé par la SPL Euralille l’a été dans le délai de trois mois de la déclaration d’appel, l’appelant n’ayant pas adressé de conclusions complémentaires à la suite de la déclaration d’appel.

La question se pose de savoir si à raison de la nullité de la déclaration d’appel, l’appel incident est recevable.

L’article 550 du code de procédure civile prévoit que l’appel incident … peut être formé en tout état de cause, alors que celui qui l’interjetterait serait forclos pour agir à titre principal. Dans ce dernier cas, il ne sera toutefois pas reçu si l’appel principal n’est pas reçu.

Dès lors que la présente juridiction n’a pas connaissance d’une notification du jugement du juge de l’expropriation du Nord du 9 décembre 2022, le délai pour faire appel est réputé ne pas voir commencé à courir, de sorte que l’appel incident de la SPL Euralille sera déclaré recevable comme ayant été formé dans les délais.

Toutefois, il est constant que M. [E] n’entend pas vendre à la SPL Euralille pour le prix proposé, même surévalué à 553 520 euros en cause d’appel, de sorte qu’il n’y pas lieu pour la présente juridiction de statuer sur cette offre, la demande formée au titre de l’appel incident formé par la SPL Euralille étant irrecevable comme n’ayant plus d’intérêt.

Chaque partie conservera en cause d’appel les frais et dépens qu’elle a exposés.

PAR CES MOTIFS

Déclare nulle la déclaration d’appel formé par M. [W] [E] reçue le 15 février 2023 à l’encontre du jugement de la juridiction d’expropriation du Nord en date du 9 décembre 2023,

Déclare recevable comme formé dans les délais l’appel incident formé le 10 mai 2023 par la SPL Euralille à l’encontre du jugement de la juridiction d’expropriation du Nord en date du 9 décembre 2023,

Déclare irrecevable la demande formée par la SPL Euralille de fixation du prix de l’immeuble sis [Adresse 4] à [Localité 2], cadastré section AK [Cadastre 1], propriété de M. [W] [E] à la somme de 553 520 euros, faute d’intérêt à agir,

873/23 – 7ème page

Dit que chaque partie conservera à sa charge les frais et dépens qu’elle a engagés dans le cadre de la présente instance en appel.

Le greffier La première présidente de chambre

C. BERQUET H. CHÂTEAU

 


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