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SD/AB
N° RG 21/00412
N° Portalis DBVD-V-B7F-DK5J
Décision attaquée :
du 12 mars 2021
Origine : conseil de prud’hommes – formation paritaire de NEVERS
——————–
M. [Z] [R]
C/
M. [I] [F]
——————–
Expéd. – Grosse
Me LE ROY DES
BARRES 29.4.22
Me FINOT 29.4.22
COUR D’APPEL DE BOURGES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 29 AVRIL 2022
N° 77 – 14 Pages
APPELANT :
Monsieur [Z] [R]
La Marquise – 58340 SAINT GRATIEN SAVIGNY
Représenté par Me Adrien-Charles LE ROY DES BARRES, avocat postulant, du barreau de BOURGES
Représenté par Me Valérie BARDIN de la SCPA BARTHELEMY & ASSOCIES, avocat plaidant, du barreau de CLERMONT-FERRAND
INTIMÉ :
Monsieur [I] [F]
Résidence Georges Bouqueau – 8, rue J. Sounié – 58160 IMPHY
Majeur protégé par une curatelle renforcée prononcée par le juge des tutelles du tribunal d’instance de Nevers le 28 avril 2017
(curatrice : Mme [P] [V] avisée de la présente procédure)
Représenté par Me Edith FINOT de la SELAS ELEXIA ASSOCIES, avocat au barreau de NEVERS
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats :
PRÉSIDENT : Mme BRASSAT-LAPEYRIERE, conseiller rapporteur
en l’absence d’opposition des parties et conformément aux dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme JARSAILLON
Lors du délibéré : Mme VIOCHE, présidente de chambre
Mme BRASSAT-LAPEYRIERE, conseillère
Mme ALLEGUEDE, conseillère
29 avril 2022
DÉBATS : A l’audience publique du 04 mars 2022, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l’arrêt à l’audience du 29 avril 2022 par mise à disposition au greffe.
ARRÊT : Contradictoire – Prononcé publiquement le 29 avril 2022 par mise à disposition au greffe.
* * * * *
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [I] [F], né le 20 juillet 1971, a été embauché à compter du 1er janvier 1990 en qualité de gardien de propriété par M. [Z] [Y] [R] à raison de 84 heures de travail par mois, sans contrat de travail écrit ; au dernier état de la relation de travail, son salaire déclaré était de 812,28 € brut par mois.
Jusqu’en 2004, M. [Z] [Y] [R] a dirigé une exploitation agricole, qu’il a cédée à son fils, M. [X] [R] ; il tient désormais des chambres d’hôtes et gîtes créés en 2000.
La convention collective initialement applicable était celle des jardiniers et jardiniers-gardiens de propriétés privées du 30 janvier 1986 jusqu’à ce qu’elle soit dénoncée en 2009 ; depuis, l’emploi considéré relève de la convention collective nationale des particuliers employeurs du 24 novembre 1999.
M. [F] souffre d’une déficience intellectuelle et est reconnu travailleur handicapé, depuis le 1er juin 2005.
Le 23 août 2016, il a été victime d’un accident de travail, reconnu comme tel par la MSA, et a été placé en arrêt de travail. A l’issue d’une visite de pré-reprise, le 18 octobre 2016, le médecin du travail a estimé que M. [F] n’était pas alors en capacité de reprendre son travail.
Selon courrier du 21 décembre 2016, M. [F] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur après avoir quitté le logement mis à sa disposition par celui-ci au mois de novembre 2016.
Il a néanmoins été convoqué à une visite de reprise fixée le 23 janvier 2017, le médecin du travail concluant à son aptitude, “sous réserve du respect strict des restrictions suivantes : Pas d’utilisation ni conduite d’engin mécanique (sauf tondeuse), travail manuel exclusif avec encadrement rapproché de la hiérarchie “.
Par courrier du 17 février 2017, M. [R] a demandé à M. [F] de justifier de son absence à son poste de travail et le salarié lui a confirmé sa prise d’acte de la rupture de son contrat de travail suivant courrier du 27 mars 2017.
Le salarié a été placé sous le régime de la curatelle renforcée par ordonnance du juge des tutelles de Nevers en date du 28 avril 2017.
Le 1er juin 2017, M. [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Nevers afin qu’il soit notamment jugé qu’il était salarié de M. [R] depuis le 1er janvier 1990 suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps plein en qualité de gardien B niveau III de la convention collective applicable et faire produire à sa prise d’acte de la rupture de son contrat de travail les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Par jugement du 12 mars 2021 dont appel, le conseil de prud’hommes de Nevers a
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notamment :
> Dit que M. [F] a été engagé en qualité de gardien B niveau III sur la base d’un temps complet de 174 heures,
> Dit que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse aux torts exclusifs de M. [R],
> Condamné M. [R] à payer à M. [F] les sommes suivantes :
– 97 655,76 € à titre de rappel de salaire pour la période du 01/01/2012 au 24/12/2016, outre la somme de 9 765,57 € au titre des congés payés afférents,
– 5 209,56 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 520,95 € au titre des congés payés afférents,
– 7 524,90 € au titre de l’indemnité de licenciement,
– 31 258 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif,
– 10 419,12 € au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
– 2 500 € au titre des dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,
– 4 000 € au titre de dommages et intérêts pour le refus de lui accorder des congés payés,
> Condamné M. [R] à délivrer à M. [F] les documents de fin de contrat conformes à la décision sous astreinte de 50 € par jour et par document à compter du 30ème jour suivant la notification du jugement,
> Condamné M. [R] à payer à M. [F] la somme de 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et l’a débouté de sa propre demande à ce titre,
> Débouté M. [F] de ses demandes de dommages et intérêts au titre de l’absence de couverture de frais de santé obligatoire, de la discrimination en raison d’un handicap, de la privation des indemnités journalières de sécurité sociale, de sa demande de remboursement à la MSA des sommes versées au titre des indemnités journalières suite à l’accident du travail du 23 août 2016 et de sa demande de restitution de documents personnels et administratifs,
> Ordonné l’exécution provisoire en vertu des dispositions de l’article R. 1454-28 du code du travail dans la limite de 9 mois de salaire,
> Fixé la moyenne des salaires à la somme de 1 736,52 €,
> Condamné M. [R] aux entiers dépens, en ce compris les éventuels frais d’exécution du présent jugement par voie d’huissier.
Par arrêt du 13 décembre 2018, la chambre correctionnelle de la présente cour a infirmé le jugement du tribunal correctionnel de Nevers du 6 février 2018 en ce qu’il a relaxé M. [R] des faits d’opération illicite de prêt de main d”uvre exclusif dans un but lucratif au préjudice d’une personne vulnérable et l’a déclaré coupable de ce délit. Pour le surplus, elle a confirmé le jugement du tribunal correctionnel s’agissant de la culpabilité du prévenu pour exécution d’un travail dissimulé commis à l’encontre d’une personne vulnérable et pour rétribution inexistante ou insuffisante du travail d’une personne vulnérable ou dépendante.
Par déclaration enregistrée au greffe de la présente cour le 12 avril 2021, M. [R] a interjeté appel de ce jugement le critiquant en toutes ses dispositions lui causant grief.
Vu les dernières conclusions, déposées au greffe le 10 janvier 2022, par lesquelles M. [R] demande à la présente cour de :
1. Sur la classification et la demande de rappel de salaires
> Infirmer le jugement en ce qu’il a dit que M. [F] avait été engagé sur la base d’un temps complet de 174 heures, en qualité de gardien B, niveau III, conformément à la convention collective nationale du particulier employeur et en ce qu’il l’a condamné à lui payer la somme de 97 655,76 € à titre de rappel de salaire pour la période du 01/01/2012 au 24/12/2016, outre la somme de 9 765,57 € au titre des congés payés y afférents, encore celle de 10 419,12 € au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
Statuant à nouveau,
> Débouter M. [F] de sa demande au titre de la classification gardien B, niveau III, et par conséquent de sa demande de rappels de salaires et congés payés sur la base de 174 heures,
> Débouter M. [F] de sa demande formulée au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail
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dissimulé,
2. Sur la prise d’acte de la rupture aux torts de l’employeur
A titre principal,
> Infirmer le jugement en ce qu’il a :
– Dit que la prise d’acte produisait les effets d’un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse aux torts exclusifs de M. [R],
– L’a condamné à payer à M. [F] les sommes de :
° 97 655,76 € à titre de rappel de salaire pour la période du 01/01/2012 au 24/12/2016, outre la somme de 9 765,57 € au titre des congés payés y afférents,
° 5 209,56 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 520,95 € au titre des congés payés y afférents,
° 7 524,90 € au titre de l’indemnité de licenciement,
° 31 258 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif,
° 10 419,12 € au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
> L’a condamné à payer à M. [F] la somme de 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Subsidiairement, si le jugement est confirmé s’agissant d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
> L’infirmer sur le montant de l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents, l’indemnité de licenciement et les dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Statuant à nouveau,
> Condamner M. [R] à payer la somme de 1 676,13 € brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, la somme de 167,61 € au titre des congés payés y afférents, la somme de 3 511 € net au titre de l’indemnité de licenciement, diminuer les dommages et intérêts dus au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [F] ne rapportant pas la preuve du préjudice subi au travers de sa demande indemnitaire,
3. Sur le manquement à l’obligation de sécurité
A titre principal :
> Infirmer le jugement , cette question relevant de la compétence exclusive du Pôle social et en conséquence, débouter M. [F] de sa demande indemnitaire,
Subsidiairement,
> Infirmer le jugement en l’absence de manquement à l’obligation de sécurité de résultat,
Infiniment subsidiairement,
> Diminuer les dommages et intérêts alloués par les premiers juges ou sollicités par M. [F],
4. Sur le préjudice subi pour refus d’accorder des congés
Infirmer le jugement en ce qu’il a condamné M. [R] à verser la somme de 4 000 € de dommages et intérêts ; subsidiairement, diminuer les dommages et intérêts sollicités par M. [F],
5. Sur le préjudice retraite
Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [F] de sa demande indemnitaire et le débouter de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 20 000 € ; subsidiairement, diminuer les dommages et intérêts sollicités par M. [F],
6. Sur l’appel incident de M. [F], statuant à nouveau :
> Sur la discrimination de M. [F] en raison de son handicap et l’absence de formation
– Juger que M. [F] n’a pas été victime de discrimination en raison de son handicap et constater que l’employeur n’a pas failli sur la formation,
En conséquence,
– Confirmer le jugement, subsidiairement, diminuer les dommages et intérêts sollicités par M. [F], faute de rapporter la preuve du préjudice subi à hauteur de 50 000 €,
> Sur l’absence de couverture frais de santé obligatoire
– Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [F] de cette demande ; subsidiairement, diminuer les dommages et intérêts sollicités,
> Sur la privation des indemnités journalières de sécurité sociale
– Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [F] de cette demande ; subsidiairement,
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diminuer les dommages et intérêts sollicités,
> Sur la restitution des documents personnels et administratifs
– Confirmer le jugement et écarter la demande d’astreinte,
> Sur le remboursement à la MSA des sommes versées au titre des IJ suite à l’accident de travail du 23 août 2016,
– Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [F] de cette demande
En tout état de cause,
– Débouter M. [F] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner M. [F] à lui payer une somme de 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner le même aux dépens en ce compris ceux de première instance,
Vu les dernières conclusions déposées au greffe le 8 octobre 2012 par lesquelles M. [F] demande à la présente cour de :
> Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne le quantum des dommages et intérêts alloués pour licenciement abusif, pour manquement à l’obligation de sécurité et pour préjudice subi pour refus d’accorder les congés payés pendant sa période au service de M. [R], outre en ce qu’il l’a débouté du surplus de ses demandes,
> Le réformer pour le surplus et statuant à nouveau,
> Constater que M. [R] a manqué à son obligation de sécurité de résultat et à son obligation de formation et qu’il a été victime de discrimination en raison de son handicap,
En conséquence,
> Condamner M. [R] à lui payer les sommes suivantes :
– 45 000 € au titre de l’indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– 5 000 € à titre de dommages et intérêts en raison du refus de l’employeur de lui accorder ses congés payés,
– 1 000 € à titre de préjudice pour l’absence de couverture des frais de santé obligatoire,
– 20 000 € au titre du préjudice de retraite,
– 10 000 € au titre de manquement à l’obligation de sécurité de résultat,
– 50 000 € au titre du préjudice pour discrimination en raison du handicap,
> Ordonner à M. [R] de lui délivrer un bulletin de paie, une attestation Pôle emploi, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et un relevé DIF, sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document à compter de la décision à intervenir,
> Ordonner à M. [R] de rembourser à la MSA la totalité des sommes versées par celle-ci à l’occasion de l’accident de travail du 23 août 2016,
> Ordonner à M. [R] de lui restituer ses documents personnels et administratifs, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
> Débouter M. [R] de l’ensemble de ses demandes,
> Le condamner à lui payer une somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
> Condamner le même aux dépens, en ce compris ceux de première instance.
Vu l’ordonnance de clôture en date du 23 février 2022 ;
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées.
SUR CE
– Sur la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet
Selon l’article L. 3123-14 du code du travail, dans sa version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, applicable à l’espèce, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat
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écrit qui doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.
En l’espèce, M. [F] soutient qu’il a été embauché à compter du 1er janvier 1990 sans contrat de travail, à temps partiel, ainsi qu’il résulte de ses bulletins de salaire, de sorte qu’il est présumé avoir travaillé à temps complet pour une durée hebdomadaire de 40 heures hebdomadaires ou 174 heures mensuelles selon la CCN des particuliers employeurs.
M. [R] ne conteste pas l’absence de contrat de travail pour son salarié qui, de son propre aveu, exerçait à mi-temps. C’est donc à juste titre que celui-ci fait valoir que l’absence d’écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition entre les jours de la semaine ou entre les semaines du mois fait présumer que son emploi est à temps complet.
Dès lors, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part, que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à sa disposition.
M. [R] expose avoir recueilli M. [F] à la mort de son père, lui-même ouvrier agricole à son service. Il atteste que l’intéressé présente une déficience mentale importante, dont la lourdeur entraîne selon lui une réelle perte de productivité évaluée par l’Agefiph à 41,6% par demi-journée travaillée, et soutient que cette limitation de ses capacités est peu compatible avec un emploi à temps complet outre le fait que la portée de ses déclarations doit être relativisée. Il conteste à cet égard les témoignages adverses selon lesquels M. [F] assumait de multiples tâches d’exécution sans répit et en veut pour preuve les attestations qu’il produit aux termes desquelles l’intéressé travaillait rarement l’après-midi, faisait ce qu’il voulait quand il voulait, et consacrait beaucoup de temps à la course à pied ou au vélo. Il joint à cet égard une coupure de presse datant de 2005 qui relate le parcours de M. [F] et notamment son appétence pour la course de fond depuis 8 ans, récompensée régulièrement par des médailles et des podiums et nécessitant un entraînement de 30 à 40 km tous les deux jours.
Pour autant, ces éléments sont insuffisants à rapporter la preuve de la durée du travail exacte, mensuelle ou hebdomadaire convenue entre M. [R] et M. [F] et dès lors que ce dernier n’avait pas à se tenir à la disposition permanente de son employeur, alors qu’au surplus il résidait sur son lieu de travail. La décision déférée sera donc confirmée en ce qu’elle a fait droit à la demande de requalification du contrat de travail de M. [F] à temps partiel en contrat de travail à temps complet sur la base de la durée conventionnelle.
Sur ce point, les parties s’accordent pour retenir la convention collective nationale des particuliers employeurs, laquelle prévoit, dans sa version applicable à la présente espèce, en ses articles 15 et 20, que la durée conventionnelle du travail effectif est de 40 heures hebdomadaires ou 174 heures mensuelles pour un salarié à temps plein.
Quant à la classification conventionnelle du salarié, il sera rappelé que la détermination de la catégorie professionnelle du salarié s’apprécie d’après les fonctions réellement exercées par celui-ci, au regard des définitions données par la convention collective applicable, et non d’après les énonciations contractuelles. Il appartient au salarié, qui se prévaut d’une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au regard de son contrat de travail, de démontrer qu’il assure, de façon permanente, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu’il revendique.
Au cas d’espèce, M. [F] revendique le statut de gardien B, niveau III, considérant qu’il était l’homme à tout faire de M. [R], assurait l’entretien des espaces verts et de la propriété, s’occupait des animaux et effectuait diverses tâches agricoles comme il l’explique dans sa lettre de prise d’acte et ainsi que cela ressort du rapport de l’AGEFIPH. L’employeur s’y oppose aux
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motifs que son handicap ne lui permet pas de se prévaloir de la classification querellée et qu’au surplus, il convient d’appliquer la nouvelle classification des emplois instaurée par l’accord du 21 mars 2014.
Aux termes de la convention collective applicable, les emplois repères sont classés en cinq domaines d’activités parmi lesquels ‘l’environnement externe’ qui regroupait jusqu’à l’accord du 21 mars 2014, au niveau I et II respectivement, les employé(e)s d’entretien et petits travaux toutes mains A et B, et au niveau II et III les gardien(ne)s A et B. La nouvelle grille de classification mise ultérieurement en place a créé douze niveaux mais a laissé au niveau I, les employé(e)s d’entretien et petits travaux toutes mains A et au niveau III, les gardien(ne)s B, réunissant au niveau II, les employé(e)s d’entretien et petits travaux toutes mains B et les gardien(ne)s A.
En toute hypothèse, le niveau III B auquel prétend M. [F] consiste principalement à surveiller la propriété, l’entretenir et assurer des tâches complémentaires comme par exemple s’occuper des animaux de compagnie, nettoyer et entretenir les bassins, la piscine ainsi que les annexes techniques, nettoyer la voiture de l’employeur, fendre et ranger le bois.
Or, les déclarations du salarié quant au descriptif de ses activités ne correspondent pas à une activité de gardiennage ; en effet, tant les attestations qu’il produit que celles communiquées par l’employeur le décrivent comme l’homme à tout faire, voire le ‘larbin’ assumant des tâches agricoles mais sans autonomie, incapable par exemple selon l’expert en piscine de nettoyer le bassin ou de l’entretenir. Il résulte également du rapport de l’AGEFIPH dont il se prévaut qu’il s’occupait de la tonte des pelouses et du désherbage des parterres, de la taille des bordures et rosiers, du débardage du bois de chauffage, de la récolte du potager, de nourrir les poules et récolter les oeufs et de ramasser les feuilles mais qu’il cassait beaucoup de matériel. Dans ces conditions, M. [F] ne justifie pas des activités requises pour prétendre au niveau d’emploi sollicité et par voie infirmative, sa demande à ce titre sera rejetée et son salaire mensuel brut sera fixé sur la base du niveau I.
– Sur la demande en paiement de rappel de salaire au titre de l’exécution du contrat de travail pour la période du 1er juin 2012 au 24 décembre 2016
Il est de jurisprudence constante, au visa de l’article 1353 du code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que, nonobstant la délivrance de fiche de paie, la charge de la preuve du paiement du salaire incombe à l’employeur qui se prétend libéré de son obligation.
En l’espèce, M. [F] soutient que depuis son embauche, il n’a jamais reçu de salaire de la part de son employeur, lequel a profité de son état de faiblesse mais aussi d’aides financières en raison de son handicap. Il réclame la somme de 97 655,76 € à ce titre outre 9 765,58 € au titre des congés payés afférents à compter du 1er juin 2012.
L’employeur se défend d’avoir failli à cette obligation sans autre explication alors qu’au surplus, il résulte de l’arrêt de la chambre correctionnelle de la cour d’appel de Bourges en date du 13 décembre 2018, désormais définitif, que les comptes bancaires de M. [F] ne portent trace d’aucun versement de salaire de la part de son employeur.
En l’absence de plus amples éléments produits par l’employeur, il sera considéré que celui-ci échoue à satisfaire à sa part probatoire et confirmant la décision déférée sur ce point, il sera fait droit à la demande du salarié de paiement de ses salaires en son principe. En revanche, s’agissant du quantum, celui-ci sera infirmé, faute pour le salarié de démontrer qu’il pouvait relever de la catégorie gardien B niveau III comme exposé supra.
Il s’en déduit que M. [F] est bien fondé à solliciter la somme de 88 893,12 € outre 8 889,31 €
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de congés payés afférents, selon le décompte suivant :
– du 1er juin 2012 au 30 novembre 2012 : 6 x (174 x 9,04 €) = ………..9 437,76 €
– du 1er décembre 2012 au 31 mars 2016 : 40 x (174 x 9,49 €) = ….66 050,40 €
– du 1er avril 2016 au 24 décembre 2016 : 8 x (174 x 9,63 €) = …….13 404,96 €
– Sur la demande en paiement d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé
Aux termes de l’article L. 8221-5 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, applicable au litige, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, le fait par l’employeur de se soustraire intentionnellement soit à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche, soit à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur ces derniers un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail, soit aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
L’article L. 8223-1 du même code prévoit qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l’employeur a eu recours en commettant les faits énoncés à l’article L. 8221-5 du code du travail, a droit à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire.
En l’espèce, M. [F] relève que son employeur n’a procédé à sa déclaration préalable à l’embauche qu’à compter du 1er juillet 2004 et que tout au long de la relation de travail, il a intentionnellement mentionné sur ses bulletins de salaire des heures de travail inférieures à celles qu’il a effectivement réalisées. Il ajoute qu’au surplus, il ne lui remettait qu’occasion-nellement des bulletins de salaires. Il demande sa condamnation au paiement d’une indemnité forfaitaire à hauteur de 10 419,12 € à partir d’un salaire mensuel brut de 1 736,52 € en rappelant que M. [R] a été définitivement condamné à ce titre par la chambre des appels correctionnels de la cour de céans. L’employeur s’en défend en arguant que la demande de rappel de salaire sur la base de 174 heures doit être écartée.
Il a été précédemment démontré que le contrat de travail à temps partiel de M. [F] devait être requalifié en contrat de travail à temps complet, faute pour l’employeur d’être en mesure de justifier notamment de la durée du travail exacte de son salarié, de sorte que la moitié des heures effectuées par le salarié ont échappé à toute déclaration ; au surplus, il n’est pas remis en cause que la déclaration préalable à l’embauche du salarié n’est intervenue qu’à compter du 1er juillet 2004. Ainsi, l’élément matériel de l’infraction se trouve constitué. Pour se justifier, M. [R] dit avoir agi dans ce qu’il croyait être l’intérêt du salarié mais le fait de ne pas rémunérer son salarié pour son travail tout en percevant des aides financières à raison de son handicap caractérise une intention frauduleuse. La décision déférée sera donc confirmée mais infirmée en son quantum qui sera fixé à la somme de 10 053,72 €.
– Sur la demande en paiement de dommages et intérêts au titre de l’obligation de sécurité
Aux termes des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail, l’employeur est tenu d’une obligation de santé et sécurité au travail et doit prendre les mesures nécessaires pour y satis-faire, en ce inclus des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d’information et de formation, la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
En l’espèce, M. [F] fait grief à son employeur d’être à l’origine de son accident du travail du 23 août 2016 et d’avoir cherché à le dissimuler en retardant l’appel des services de secours. Il lui reproche également de n’avoir pris aucune mesure de précaution, même élémentaire, afin de le protéger et de ne lui avoir pas davantage remis de matériel de protection. Il rappelle à cet
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égard qu’il a été victime de six accidents du travail auparavant. Il prétend qu’en outre, M. [R] n’a jamais respecté les préconisations de la médecine du travail concernant la conduite d’engins mécaniques, la nécessité de l’encadrer ou le port de charges lourdes. Il affirme enfin n’avoir pas reçu d’information adaptée sur les risques inhérents à son emploi notamment en matière de sécurité incendie. Il sollicite la somme de 10 000 € à ce titre.
De son côté, l’employeur objecte que le manquement à l’obligation de sécurité relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale devenu Pôle social, et demande à titre principal le débouté de M. [F]. Subsidiairement, il relève que l’accident du travail du 23 août 2016 est intervenu alors qu’il travaillait pour son fils, M. [X] [R], de sorte qu’aucune condamnation ne peut être dirigée contre lui ; en toute hypothèse, il conteste avoir demandé au salarié de faire brûler les tuyaux de drainage et ce d’autant que celui-ci présente des traits de pyromanie ; il observe par ailleurs qu’aucun des accidents du travail allégués par le salarié n’a été reconnu comme tel ; il soutient encore, s’agissant de la conduite d’engins motorisés, qu’elle était ponctuelle et avait pour seul but de faire plaisir à M. [F], et s’interroge sur les informations adaptées qu’il pouvait lui délivrer en matière de sécurité compte tenu de son handicap. Il conclut à l’infirmation du jugement querellé ou à tout le moins à la diminution des dommages et intérêts dans la mesure où, selon lui, M. [F] ne rapporte pas la preuve d’un préjudice subi à hauteur de ses prétentions.
Il doit être relevé que le présent litige porte sur les éventuels manquements de l’employeur à ses obligations dans le cadre de l’exécution du contrat de travail, parmi lesquelles celles relatives à la sécurité de son salarié, et non sur les conséquences de l’accident du travail du 23 août 2016, de sorte que la juridiction sociale reste seule compétente pour en connaître.
Au fond, il apparaît que l’employeur ne justifie ni d’actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, ni d’actions d’information et de formation de son salarié, ni même encore de la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés, notamment au handicap de celui-ci qui ne saurait motiver une quelconque exception aux principes en la matière. C’est ainsi que le 23 août 2016, alors qu’il était mis à disposition auprès de M. [X] [R] par son employeur, M. [Z] [Y] [R], que le salarié a pu mettre le feu à des tuyaux de drainage sans être en mesure d’en apprécier les risques et de s’en protéger outre le fait qu’il en est résulté, à tout le moins, une certaine confusion dans sa prise en charge médicale. Par ailleurs, la consultation du dossier médical du salarié confirme l’existence de plusieurs accidents du travail antérieurs, ce qui illustre l’absence de vigilance apportée par l’employeur à la sécurité de son salarié, qu’il aurait dû encadrer en raison de sa déficience mentale comme le rappelait régulièrement la médecine du travail. De la même façon, il est avéré que l’employeur s’est affranchi des préconisations régulières de celle-ci quant à la conduite de tracteurs et autres engins mécaniques et il n’est pas démontré que le salarié était dispensé du port de charges lourdes supérieures à 10 kg conformément aux restrictions émises depuis 2009.
Ces éléments suffisent à établir que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité à l’égard de M. [F] ainsi que l’ont justement apprécié les premiers juges. La décision déférée sera donc confirmée en son principe mais infirmée en son quantum qui sera réévalué à la somme de 4 000 € en réparation du préjudice en découlant.
– Sur la demande en paiement de dommages et intérêts au titre de la discrimination à raison du handicap
L’article L. 1134-1 du code du travail, dans sa version applicable à la présente espèce, prévoit que lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa
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décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
L’article L. 1132-1, dans sa version applicable à la présente espèce, pose le principe qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.
En l’espèce, M. [F] invoque qu’il a été discriminé par son employeur à raison de son handicap aux motifs que pendant 27 ans, il n’a jamais été ni classé ni rémunéré conformément à la convention collective applicable et n’a pas davantage connu d’évolution salariale ; il prétend au surplus qu’il ne pouvait pas prendre la totalité de ses congés payés et qu’il était logé dans un logement insalubre. Il rappelle encore que son employeur a manqué à son obligation de lui payer ses salaires et qu’il n’a pas bénéficié d’un encadrement adapté à son handicap. Il demande la somme de 50 000 € en réparation du préjudice en résultant.
Toutefois, il a été précédemment admis qu’il ne justifiait pas d’un niveau de classification supérieur à celui occupé et il ne fournit aucun élément s’agissant de son logement. En revanche, l’examen des quelques bulletins de salaire en sa possession établit que s’il a bénéficié d’une légère évolution salariale, sa classification est restée identique tout au long de la relation de travail, outre le fait qu’il ne prenait manifestement pas la totalité de ses congés payés. Au surplus, il a été démontré supra qu’il n’a pas été régulièrement rémunéré et qu’il n’a pas été correctement encadré au regard de ses difficultés, notamment en terme de formation, à tout le moins en matière de sécurité ; il s’en déduit qu’il présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte.
L’employeur se limite à répondre sur la seule question de la formation, estimant qu’il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir réussi à inculquer à son salarié les compétences de base que l’Education nationale aurait échoué à lui donner.
Dans ces conditions, en l’absence de plus amples éléments sur les raisons à l’origine de ses décisions concernant son salarié, il doit être considéré que M. [R] a fait preuve de discrimination à son égard à raison de son handicap. Infirmant la décision entreprise, qui ne motive pas sa décision de rejet, M. [F] se verra accorder la somme de 5 000 € en réparation de son préjudice de ce chef.
– Sur la demande en paiement de dommages et intérêts au titre des congés payés
Par application de l’article L. 3141-3 du code du travail, le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur. La durée totale du congé exigible ne peut excéder trente jours ouvrables.
En l’espèce, M. [F] soutient qu’il n’a jamais pu profiter de ses cinq semaines annuelles de congés payés et sollicite la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice en résultant. L’employeur affirme qu’il a bénéficié de l’intégralité de ses congés payés
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mais ne produit aucun élément au soutien de cette allégation alors que la preuve lui en incombe ; en outre, dans la mesure où tous les bulletins de salaire n’ont pas été délivrés, il est impossible à la cour de vérifier le décompte des congés payés querellés.
La décision déférée sera donc confirmée en ce qu’elle a fait droit à la demande de M. [F] mais elle sera infirmée en son quantum, qui sera limité à la somme de 2 500 €.
– Sur la demande en paiement de dommages et intérêts au titre de l’absence d’affiliation à un régime complémentaire de frais de santé
L’article L. 911-7 du code du travail prévoit que les entreprises dont les salariés ne bénéficient pas d’une couverture collective à adhésion obligatoire en matière de remboursements complémentaires de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident déterminée selon l’une des modalités mentionnées à l’article L. 911-1 dont chacune des catégories de garanties et la part du financement assurée par l’employeur sont au moins aussi favorables que celles mentionnées aux II et III du présent article sont tenues de faire bénéficier leurs salariés de cette couverture minimale par décision unilatérale de l’employeur, dans le respect de l’article 11 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques. Les salariés concernés sont informés de cette décision.
Les particuliers qui emploient du personnel ne sont pas concernés par cette obligation. Ils n’ont donc pas à souscrire une mutuelle collective pour les employés dès lors qu’ils n’ont pas le statut d’entreprise.
En l’espèce, M. [F] reproche à son employeur ne pas l’avoir affilié à un régime complémentaire de frais de santé comme il en avait l’obligation depuis le 1er janvier 2016. Il demande 1 000 € à ce titre expliquant que cette omission lui a été préjudiciable au regard des frais engendrés par son accident du travail même s’il disposait d’un contrat de mutuelle individuel. C’est à juste titre que l’employeur objecte qu’il n’avait pas à satisfaire à cette obligation en sa qualité de particulier employeur, de sorte que la décision déférée doit être confirmée sur ce point.
– Sur les autres demandes en paiement de dommages et intérêts
> au titre de la minoration des indemnités journalières de sécurité sociale du 23 août au 24 décembre 2016
En l’espèce, M. [F] fait valoir que pendant son arrêt de travail, consécutif à l’accident du 23 août 2016, il a perçu des indemnités journalières inférieures à celles qu’il aurait dû percevoir car évaluées sur la base d’un salaire erroné. Il demande la somme de 1 000 € à ce titre.
Dans la mesure où il a été démontré que M. [F] ne justifiait pas du niveau de classification revendiqué, sa demande tendant au paiement d’un complément d’indemnités journalières sur ce fondement ne peut prospérer, ainsi que les premiers juges en ont exactement décidé.
> au titre de la minoration de sa retraite
En l’espèce, M. [F] expose que durant 27 ans, il n’a pas cotisé à la retraite sur la base des heures de travail qu’il accomplissait réellement ; il précise que si le préjudice sera réparé pour la période du 1er juin 2012 au 24 décembre 2016, il demeure un préjudice pour celle du 1er janvier 1990 au 31 mars 2012 et réclame 20 000 € à ce titre sans toutefois fournir aucune pièce permettant d’en apprécier ainsi que le souligne pertinemment l’employeur. Ajoutant à la décision déférée, il convient de débouter M. [F] de cette demande.
– Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail
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Le salarié qui reproche à l’employeur des manquements à ses obligations peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail, ce qui entraîne la cessation immédiate du dit contrat, de sorte que le salarié n’est pas tenu d’exécuter un préavis.
Il appartient au juge du fond de statuer sur les effets de cette rupture, qui, seront ceux d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les manquements allégués sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat ou dans le cas contraire, d’une démission.
En l’espèce, M. [F] a pris acte de la rupture de son contrat de travail selon courrier du 21 décembre 2016 et invoque à l’encontre de son employeur les griefs suivants :
– le non-paiement de ses salaires,
– le non-paiement de l’indemnité complémentaire prévue la CCN applicable pendant son arrêt de travail consécutif à son accident du travail du 23 août 2016,
– l’impossibilité de prendre l’ensemble de ses congés payés,
– le manquement à l’obligation de sécurité et le non-respect des préconisations de la médecine du travail,
– la dissimulation de son emploi en omettant de lui remettre régulièrement ses bulletins de paie et de déclarer toutes ses heures de travail.
Il ressort des développements précédents que l’ensemble des griefs ont été discutés et retenus à l’encontre de l’employeur, à l’exception de celui tiré du non versement de l’indemnité complémentaire d’incapacité de travail prévue aux termes des articles L. 1226-1, D. 1226-1 à D.1226-8 du code du travail et repris à l’article 19 de la CCN applicable dans sa version alors en vigueur pour les salariés absents pour maladie ou accident. Sur ce point, l’employeur ne conteste pas la réalité du grief mais fait valoir qu’il est ancien et ne peut étayer la demande de prise d’acte ce qui relève d’une analyse erronée dans la mesure où il a persisté jusqu’au mois d’octobre 2016, soit deux mois avant la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié. Au surplus, il vient s’ajouter à ceux déjà établis qui ont perduré jusqu’au 21 décembre 2016.
Dès lors, par leur multiplicité et leur récurrence, les griefs invoqués, en ce qu’ils touchent à l’essence même du contrat de travail ainsi qu’ à la sécurité et la santé du salarié, handicapé au surplus, étaient d’une gravité telle qu’ils empêchaient la poursuite de la relation de travail entre les parties. La prise d’acte est donc fondée et produit les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ainsi que l’ont exactement dit les premiers juges.
M. [F] peut donc prétendre aux indemnités de rupture, à savoir l’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, et l’indemnité légale de licenciement, qui seront évalués sur la base d’un salaire mensuel brut de 1 675,62 € (niveau I).
L’article L. 5213-9 du code du travail prévoit qu’en cas de licenciement, la durée du préavis déterminée en application de l’article L. 1234-1 est doublée pour les bénéficiaires du chapitre II, sans toutefois que cette mesure puisse avoir pour effet de porter au-delà de trois mois la durée de ce préavis. Il s’ensuit que M. [F] a droit à 3 mois d’indemnité compensatrice de préavis, soit la somme de 5 026,86 €, outre 502,68 € de congés payés afférents.
L’indemnité légale de licenciement sera quant à elle fixée à la somme de 7 484,43 €.
Par ailleurs, en application de l’article L. 1235-3 du code du travail, en l’absence de réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est au minimum de 2,5 mois s’agissant d’une entreprise de moins de 11 salariés et d’un salarié totalisant 26 ans d’ancienneté. Lors de la rupture de son contrat de travail, M. [F] était âgé de 45 ans ; il est placé sous une mesure de protection ; il justifie ne plus percevoir l’AAH mais il apparaît que dès que ses déclarations seront à jour, son dossier pourra être régularisé ; il atteste suivre une formation pour apprendre, lire et compter et dit se trouver en difficulté pour rechercher un emploi, ce qui est une réalité compte tenu de son parcours, de son absence de formation et de son handicap. Dès lors, au vu de ces éléments, il convient de lui accorder la somme de 20 000 €
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en réparation du préjudice résultant de son licenciement abusif.
La décision déférée sera donc infirmée s’agissant des montants alloués.
-Sur les autres demandes, les dépens et les frais irrépétibles :
M. [F] sollicite la remise de documents personnels restés dans son logement parmi lesquels notamment ses moyens de paiement mais en l’absence de plus amples précisions à leur sujet, la cour ne peut faire droit à sa demande.
Il demande également que soit ordonné à M. [R] de rembourser à la MSA la totalité des sommes versées par celle-ci à l’occasion de l’accident de travail du 23 août 2016. L’employeur s’y oppose considérant à juste titre que ce litige le concerne seul avec la MSA. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a débouté M. [F] de cette demande.
En revanche, il sera ordonné à M. [R] de remettre à M. [F] des documents de fin de contrat conformes au présent arrêt, dans un délai de 8 jours suivant la signification du dit arrêt, sans qu’il soit néanmoins nécessaire de prononcer une astreinte à cette fin.
Le jugement querellé est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
M. [R], qui succombe principalement, sera condamné aux dépens d’appel ainsi qu’à payer à M. [F] la somme complémentaire de 2 000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Il sera en conséquence débouté de sa propre demande d’indemnité de procédure.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe :
INFIRME la décision déférée, sauf en ce qu’elle a dit que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, en ce qu’elle a débouté M. [I] [F] de ses demandes en paiement de dommages et intérêts au titre de l’absence d’affiliation à un régime complémentaire frais de santé et de la minoration des indemnités journalières de sécurité sociale du 23 août au 24 décembre 2016, de remboursement à la MSA des sommes versées au titre des indemnités journalières et de la restitution de documents personnels et administratifs, et en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
CONDAMNE M. [Z] [Y] [R] à payer à M. [I] [F] les sommes suivantes :
– 88 893,12 € à titre de rappel de salaire du 1er juin 2012 au 24 décembre 2016,
– 8 889,31 € de congés payés afférents,
– 10 053,72 € à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé
– 4 000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,
– 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination à raison du handicap,
– 2 500 € à titre de dommages et intérêts pour congés payés non pris,
– 5 026,86 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 502,68 € au titre des congés payés afférents,
– 7 484,43 € à titre d’indemnité légale de licenciement,
– 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
DÉBOUTE M. [I] [F] de sa demande de dommages et intérêts pour minoration de sa retraite,
ORDONNE à M. [Z] [Y] [R] de remettre à M. [I] [F] un bulletin de salaire rectifié, une attestation Pôle emploi, un certificat de travail, un relevé DIF et un reçu pour solde de tout compte conformes au présent arrêt, dans un délai de 8 jours suivant la signification du dit arrêt mais DIT n’y avoir lieu à astreinte ;
CONDAMNE M. [Z] [Y] [R] à payer à M. [I] [F] une somme complémentaire de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [Z] [Y] [F] aux dépens d’appel et le déboute de sa propre demande d’indemnité de procédure.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;
En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VIOCHE, présidente de chambre, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
S. DELPLACE C. VIOCHE