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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 9
ARRÊT DU 22 JUIN 2022
(n° , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/06266 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAAGX
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Avril 2019 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F18/03781
APPELANTE
SARL ALLIANCE VIE PARIS 5
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Olivier GROC, avocat au barreau de PARIS, toque : E1624
INTIMÉE
Madame [W] [M]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Jean-Luc CHOURAKI, avocat au barreau de PARIS, toque : C1122
(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2019/034720 du 21/08/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe MICHEL, président, et M. Fabrice MORILLO, conseiller, chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Philippe MICHEL, président de chambre
Mme Valérie BLANCHET, conseillère
M. Fabrice MORILLO, conseiller
Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile prorogé à ce jour.
– signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 26 avril 2004, Mme [M] a été engagée en qualité d’employée à domicile par la société Proxim Services, le contrat de travail ayant été transféré, à compter du 1er février 2012, à l’association Famille et Cité puis, à compter du 16 juin 2017, à la société Alliance Vie Paris 11 aux droits de laquelle vient désormais la société Alliance Vie Paris 5, celle-ci employant habituellement au moins 11 salariés et appliquant la convention collective nationale des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012.
Après avoir été convoquée à un entretien préalable suivant courrier recommandé du 6 décembre 2017, Mme [M] a été licenciée pour faute grave suivant courrier recommandé du 5 janvier 2018.
Contestant le bien-fondé de son licenciement et s’estimant insuffisamment remplie de ses droits, Mme [M] a saisi la juridiction prud’homale le 23 mai 2018.
Par jugement du 18 avril 2019, le conseil de prud’hommes de Paris a :
– dit que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,
– condamné la société Alliance Vie Paris 5 à payer à Mme [M] les sommes suivantes :
– 2 477,36 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 247,74 euros de congés payés afférents,
– 4 645,05 euros à titre d’indemnité de licenciement,
– 99,58 euros à titre de remboursement de transport,
– 14 244,82 euros à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
avec intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation par la partie défenderesse pour les créances salariales, et à compter du prononcé de la présente décision pour les autres indemnités,
– ordonné l’exécution provisoire au titre de l’article 515 du code de procédure civile,
– débouté Mme [M] du surplus de ses demandes,
– condamné la société Alliance Vie Paris 5 à payer à Maître [O], avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700-2 du code de procédure civile,
– rappelé qu’en application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, Maître [O] dispose d’un délai de 12 mois à compter du jour où la présente décision est passée en force de chose jugée pour recouvrer cette somme et que, à l’issue de ce délai, si il n`a pas demandé le versement de tout ou partie de la part contributive de l’Etat, il est réputé avoir renoncé à celle-ci,
– débouté la société Alliance Vie Paris 5 de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Alliance Vie Paris 5 aux dépens.
Par déclaration du 16 mai 2019, la société Alliance Vie Paris 5 a interjeté appel du jugement.
Par ordonnance du 21 janvier 2021, le conseiller de la mise en état de la cour d’appel a déclaré irrecevable la partie des conclusions notifiées le 11 février 2020 par la société Alliance Vie Paris 5 relative aux rappels de salaires et congés y afférents et à l’indemnité compensatrice de préavis.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 11 février 2020, la société Alliance Vie Paris 5 demande à la cour de :
– infirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté Mme [M] du surplus de ses demandes,
statuant à nouveau,
– dire que le licenciement est fondé sur une faute grave,
– débouter en conséquence Mme [M] de ses demandes,
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [M] de ses demandes de rappel de salaire et de congés payés y afférents,
– condamner Mme [M] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [M] aux entiers dépens dont distraction au profit de la société GROC conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 24 janvier 2022, Mme [M] demande à la cour de :
– dire qu’elle bénéficie d’une garantie de rémunération dont le montant annuel, pour une durée de travail équivalente à celle prévue par son contrat de travail, ne peut être inférieur à la rémunération versée en application de la convention collective nationale de la branche de l’aide de l’accompagnement, des soins et des services à domicile du 21 mai 2010 lors des douze derniers mois, et ce conformément aux dispositions de l’article L. 2261-14 du code du travail,
– fixer son salaire mensuel brut pour 120 heures à 1 272,72 euros à compter du 1er avril 2017 correspondant au minimum conventionnel d’un salarié ayant 13 ans d’ancienneté et justifiant à ce titre du coefficient 299 de la convention collective applicable,
– dire que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse,
– débouter la société Alliance Vie Paris 5 de l’intégralité de ses demandes,
– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Alliance Vie Paris 5 à lui payer une indemnité légale de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mais l’infirmer quant à leur quantum,
– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Alliance Vie Paris 5 à lui payer la somme de 99,58 euros au titre du remboursement de transport,
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes de rappels de salaire et congés payés y afférents, de sa demande de rappel d’indemnité compensatrice de congés payés et de sa demande de délivrance de bulletin de paie conforme,
– condamner en conséquence la société Alliance Vie Paris 5 à lui payer les sommes suivantes :
– 3 922,65 euros à titre de rappel de salaire pour la période d’avril 2017 à janvier 2018 ainsi que 392,26 euros au titre des congés payés y afférents,
– 406,68 euros à titre de rappel de salaire pour la période d’avril 2016 à mars 2017 et 40,66 euros au titre des congés payés y afférents,
– 389,51 euros à titre de rappel de salaire pour la période d’avril 2015 à mars 2016 et 38,95 euros au titre des congés payés y afférents,
– 101,55 euros à titre de rappel de salaire pour la période de janvier 2015 à mars 2015 et 10,15 euros au titre des congés payés y afférents,
– 322,14 euros à titre de rappel d’indemnité compensatrice de congés payés,
– 99,58 euros au titre du remboursement transport,
– 4 772,72 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,
– 2 545,44 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 254,54 euros au titre des congés payés y afférents,
– 14 636,28 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– ordonner la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil,
– ordonner à la société Alliance Vie Paris 5 de lui délivrer un bulletin de paie conforme à l’arrêt à intervenir,
– condamner la société Alliance Vie Paris 5 à payer à Maître [O] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 2° du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément à la loi sur l’aide juridictionnelle.
L’instruction a été clôturée le 22 février 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 30 mars 2022.
MOTIFS
Sur l’exécution du contrat de travail
Sur les rappels de salaire et de congés payés afférents
La salariée fait valoir qu’avant la cession de l’activité PAPH par l’association Famille et Cité à la société Alliance Vie Paris 5, elle relevait de la convention collective nationale de la branche de l’aide de l’accompagnement, des soins et des services à domicile du 21 mai 2010 et qu’après son passage au service de son nouvel employeur, à compter du 16 juin 2017, celui-ci a mis en cause l’ancienne convention collective pour appliquer immédiatement au personnel repris la convention collective des entreprises de services à la personne. Elle souligne qu’elle est dès lors en droit, conformément aux dispositions de l’article L. 2261-14 du code du travail, de bénéficier d’une garantie de rémunération dont le montant annuel, pour une durée de travail équivalente à celle prévue par son contrat de travail, ne peut être inférieur à la rémunération versée en application de la convention collective nationale de la branche de l’aide de l’accompagnement, des soins et des services à domicile lors des douze derniers mois. Elle précise que son salaire mensuel brut pour 120 heures doit donc être fixé à la somme de 1 272,72 euros à compter du 1er avril 2017 correspondant au minimum conventionnel d’un salarié ayant 13 ans d’ancienneté et justifiant à ce titre du coefficient 299 de la convention collective applicable. Elle soutient enfin que l’offre de reprise remise par la société et retenue par le tribunal de grande instance de Paris dans le jugement emportant plan de cession comprenait effectivement la reprise de 52 salariés dont les contrats de travail étaient poursuivis conformément à l’article L. 1224-1 du code du travail, qu’en conséquence, le nouvel employeur est tenu à l’égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l’ancien employeur à la date de la modification et qu’elle est donc fondée à solliciter des rappels de salaires et accessoires auprès de la société appelante dans la limite de la prescription.
Il sera rappelé qu’en appel, si l’intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond, et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l’appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés.
Aux termes de L. 1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise.
Il résulte des dispositions de l’article L. 1224-2 du code du travail que le nouvel employeur est tenu, à l’égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l’ancien employeur à la date de la modification, sauf dans les cas suivants :
1° Procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ;
2° Substitution d’employeurs intervenue sans qu’il y ait eu de convention entre ceux-ci.
Le premier employeur rembourse les sommes acquittées par le nouvel employeur, dues à la date de la modification, sauf s’il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention intervenue entre eux.
En application des dispositions précitées et au vu du jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 15 juin 2017 ayant arrêté un plan de cession partielle de l’association Famille et Cité avec reprise de l’activité PAPH par Alliance Vie Paris dans les conditions suivantes : poursuite de l’ensemble des contrats de travail attachés à cette activité, soit 52 contrats, et ce « avec la prise en charge de l’ensemble des congés payés acquis par les salariés repris, RTT acquis, 13ème mois. Les salariés conserveront leur ancienneté et leur droit acquis conformément aux dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail. », la cour retient que, s’agissant d’une cession intervenue dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire ouverte à l’égard de de l’association Famille et Cité, la société Alliance Vie Paris 5 ne peut se voir réclamer les salaires antérieurs à la date de la modification intervenue, soit le 16 juin 2017.
Dès lors, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la salariée de ses demandes de ce chef au titre de la période courant de janvier 2015 au 15 juin 2017.
En application de l’article L. 2261-14 du code du travail, lorsque l’application d’une convention ou d’un accord est mise en cause dans une entreprise déterminée en raison notamment d’une fusion, d’une cession, d’une scission ou d’un changement d’activité, cette convention ou cet accord continue de produire effet jusqu’à l’entrée en vigueur de la convention ou de l’accord qui lui est substitué ou, à défaut, pendant une durée d’un an à compter de l’expiration du délai de préavis prévu à l’article L. 2261-9, sauf clause prévoyant une durée supérieure.
Lorsque la convention ou l’accord qui a été mis en cause n’a pas été remplacé par une nouvelle convention ou un nouvel accord dans le délai fixé au premier alinéa du présent article, les salariés des entreprises concernées bénéficient d’une garantie de rémunération dont le montant annuel, pour une durée de travail équivalente à celle prévue par leur contrat de travail, ne peut être inférieur à la rémunération versée, en application de la convention ou de l’accord mis en cause, lors des douze derniers mois. Cette garantie de rémunération s’entend au sens de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, à l’exception de la première phrase du deuxième alinéa du même article L. 242-1.
Cette garantie de rémunération peut être assurée par le versement d’une indemnité différentielle entre le montant de la rémunération qui était dû au salarié en vertu de la convention ou de l’accord mis en cause et de son contrat de travail et le montant de la rémunération du salarié résultant de la nouvelle convention ou du nouvel accord, s’il existe, et de son contrat de travail.
Lorsque la mise en cause concerne une convention ou un accord à durée déterminée, le deuxième alinéa du présent article :
1° S’applique jusqu’au terme qui aurait été celui de la convention ou de l’accord en l’absence de mise en cause si ce terme est postérieur à la date à laquelle la convention ou l’accord mis en cause cesse de produire ses effets en application du premier alinéa ;
2° Ne s’applique pas si ce terme est antérieur à la date à laquelle cette convention ou cet accord cesse de produire ses effets en application du premier alinéa.
Une nouvelle négociation doit s’engager dans l’entreprise concernée, à la demande d’une des parties intéressées, dans les trois mois suivant la mise en cause, soit pour l’adaptation aux dispositions conventionnelles nouvellement applicables, soit pour l’élaboration de nouvelles stipulations.
En application de ces dispositions, en l’absence de justification de l’existence de négociations ou d’un accord de transition ou de substitution, il convient effectivement de retenir une rémunération mensuelle de base calculée en application des dispositions de la convention collective nationale de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile, soit, compte tenu d’une ancienneté de 13 ans correspondant à un coefficient conventionnel de 299 et non de 291 comme retenu à tort par les premiers juges, une rémunération mensuelle de référence de 1 272,72 euros.
Par conséquent, étant en outre observé à la lecture des bulletins de paie produits que l’employeur a appliqué, à compter de juillet 2017, des déductions d’heures intitulées « heures avenant contrat » qui apparaissent injustifiées, la cour accorde à la salariée, par infirmation du jugement, un rappel de salaire d’un montant total de 3 831,64 euros au titre de la période courant à compter du 16 juin 2017 outre 383,16 euros au titre des congés payés y afférents.
Sur le rappel d’indemnité compensatrice de congés payés
La salariée fait valoir qu’au moment du transfert de son contrat de travail, elle totalisait 26,04 jours de congés payés acquis, dont 25 jours ouvrés au titre de l’année N -1 et 1,04 jour ouvré au titre de l’année N et que du 1er juin 2017 au 8 janvier 2018, elle a acquis 15,22 jours de congés payés, et que pour une raison ignorée, l’employeur a liquidé mensuellement, à l’occasion de l’établissement de chaque bulletin de salaire, l’indemnité de congés payés, contrevenant aux règles légales prévoyant que l’employeur doit retenir la solution la plus avantageuse pour le salarié.
En application des dispositions des articles L.3141-24 et L. 3141-28 du code du travail, au vu des bulletins de paie des mois de juin 2017 à janvier 2018, la salariée, qui était en droit de percevoir au titre des jours de congés payés acquis, sur la base de la rémunération mensuelle de référence précitée, une somme de 2 047,55 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés, n’ayant effectivement été réglée que d’une somme de 1 725,41 euros, il convient, par infirmation du jugement, de lui accorder un rappel de ce chef d’un montant de 322,14 euros.
Sur la demande de rappel d’indemnités de transport
La salariée indique ne pas avoir bénéficié du remboursement régulier de ses frais de transport au titre de son abonnement NAVIGO annuel.
L’employeur réplique que l’intéressée n’a jamais fourni de justificatif pour solliciter son remboursement.
En application des dispositions des articles L. 3261-2 et R. 3261-1 et suivants du code du travail, l’employeur prend en charge 50 % du coût des titres d’abonnements souscrits par les salariés pour leurs déplacements accomplis au moyen de transports publics entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail, la prise en charge des frais de transport par l’employeur étant subordonnée à la remise ou, à défaut, à la présentation des titres par le salarié.
En l’espèce, la salariée versant aux débats un justificatif de souscription d’un contrat d’abonnement navigo annuel au titre de la période courant du 1er mars 2017 au 28 février 2018 de nature à permettre la prise en charge des frais de transport par son employeur, la cour confirme le jugement en ce qu’il a accordé à la salariée la somme de 99,58 euros à titre de rappel de remboursement de frais de transport.
Sur la rupture du contrat de travail
La société appelante fait valoir qu’aucune disposition du contrat de travail de la salariée ne lui permettait de refuser des missions les dimanches et jours fériés, qu’elle produit des attestions démontrant très clairement que des missions lui ont été proposées les week-ends mais que l’intéressée les a systématiquement refusées, la précédente direction lui ayant reproché un comportement similaire. Elle indique qu’il lui est également reproché d’exercer un second emploi, chez un autre employeur, tous les week-ends du samedi matin au lundi matin, 24 heures sur 24, la plaçant en infraction au regard des règles relatives à la durée légale du travail, l’intéressée étant déjà coutumière du fait en ce qu’elle avait antérieurement travaillé pendant 6 années au delà de la durée maximale du travail sans en informer son employeur.
L’intimée réplique que, contrairement à ce qu’énonce la lettre de licenciement, elle n’a jamais exprimé le refus de travailler les week-ends et les jours fériés dans la mesure où cette demande ne lui a jamais été faite par son employeur, l’intéressée soulignant qu’à supposer toutefois que la demande lui ait été faite, les motifs avancés pour justifier de ce refus sont totalement erronés dans la mesure où elle n’avait pas d’autre emploi que celui qu’elle occupait chez l’appelante, et ce depuis le 15 août 2015, ce qu’elle avait expressément indiqué lors de l’entretien préalable. S’agissant du second grief relatif à la durée maximale du travail, elle souligne que l’employeur reconnaît lui-même qu’il n’a pas suffisamment d’éléments précis lui permettant d’apprécier, le cas échéant, le respect de la durée maximale du travail. Elle précise que le fait qu’elle se serait trouvée par le passé en situation de cumul d’emploi, plaçant ses employeurs d’alors en infraction sur la durée maximale du travail, ne peut venir à l’appui du présent licenciement.
Aux termes de l’article L. 1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instructions qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
En l’espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée de la manière suivante :
« Nous vous avons convoqué le 18 décembre 2017 à 16h pour un entretien préalable à un éventuel licenciement. Vous vous êtes présentée accompagnée de Mme [R], la Déléguée du Personnel.
Vous avez pu vous exprimer sur les faits qui vous étaient reprochés, à savoir : vous refusez de travailler les week-ends et les jours fériés.
Nous nous étions rencontrées au mois d’août 2017 afin de faire un point sur votre situation et sur notre présentation du fait de la reprise. Nous vous rappelons que nous avons repris le service Famille et Cité en date du 15 juin 2017 sur jugement du tribunal de Grande Instance de Paris.
A ce titre, les contrats et les avenants signés de votre part au préalable se poursuivent.
Lors de cette rencontre, vous avez évoqué un emploi chez un autre employeur tous les week-ends du samedi matin au lundi matin, 24 heures sur24 pour de l’aide à domicile. Toutes les heures sont comptées selon vos propos comme des heures effectives. Ce qui représente un nombre d’heures très important sur une activité concurrente à celle du service Alliance Vie. De plus, cette situation nous contraint à ne pas pouvoir vous positionner les weeks-end chez nos clients alors que nous avons des besoins.
Nous vous rappelons qu’il n’est pas interdit pour un salarié d’avoir une autre activité dès lors: – qu’il fait preuve de·loyauté envers son employeur et n’exerce pas une activité concurrente ;
– que la durée totale des emplois rémunérés qu’il occupe ne le conduit pas à excéder la durée maximale de travail (Code du travail, art, L 8261-1).
Au regard du contrat que vous avez chez Alliance Vie, repreneur de Famille et Cité, le cumul de ces deux emplois ne respecte pas les règles légales, et nous met, de fait, dans une situation illégale. Nous vous avons relancé à plusieurs reprises afin d’obtenir les éléments précis
permettant de vérifier le respect de la durée légale de travail.
Lors de l’entretien préalable qui s’est déroulé le 18 décembre 2017 dernier, nous vous avons de nouveau officiellement demandé en présence de Mme [R], déléguée du personnel, des explications sur ce cumul d’emplois.
Vous nous avez dit ne plus travailler chez cet employeur et vous vous êtes engagée à nous fournir une attestation sur l’honneur dans les jours suivants. Nous avons insisté sur l’urgence de clarifier cette situation. Nous vous avons laissé un délai suffisant pour nous faire parvenir ce document.
Vous n’avez pas tenu votre engagement et nous n’avons pas reçu d’attestation de votre part à ce jour. Dans ces conditions, nous ne pouvons pas maintenir votre contrat de travail. Nous avons décidé de poursuivre la procédure de licenciement pour faute grave.
Votre licenciement prend effet immédiatement, dès la première présentation de cette
lettre. Vous ne percevrez pas d’indemnités de préavis ni de licenciement. »
Pour caractériser l’existence d’une faute grave, l’employeur produit des attestations établies par une coordinatrice (Mme [B]), une conseillère sociale (Mme [U]), la responsable de secteur (Mme [Y]) ainsi que la directrice (Mme [G]).
Outre le fait que les attestantes sont toujours sous lien de subordination, la cour retient également que celles-ci se limitent à indiquer de manière générale, imprécise et non circonstanciée qu’elles auraient à plusieurs reprises proposé à la salariée des missions le week-end et que cette dernière les aurait toujours refusées en prétextant travailler chez un particulier le week-end, précisant que l’intimée était « réputée » pour refuser toutes les missions le week-end, leurs seules déclarations et affirmations n’étant corroborées ou étayées par aucune autre pièce versée aux débats de nature à établir la réalité, la matérialité ainsi que les circonstances précises des propositions de missions litigieuses et des refus manifestés par l’intimée.
S’agissant par ailleurs du grief relatif au dépassement de la durée maximale du travail, outre le fait que l’employeur ne procède à nouveau que par voie de simples affirmations alors que la salariée apparaît lui avoir indiqué à plusieurs reprises qu’elle ne travaillait plus pour le compte d’un autre employeur depuis 2015, la cour ne peut de surcroît que relever à la lecture des pièces produites en réplique par l’intimée (contrat de travail du 7 mai 2009 conclu avec un particulier employeur, courrier de rupture y afférent du 15 juin 2015 faisant état d’un préavis de 2 mois et avis d’impôt 2014, 2015 et 2016) que cette dernière établit qu’elle n’exerçait pas d’autre emploi durant la période précédant son licenciement et qu’aucun dépassement de la durée maximale du travail ne pouvait dès lors être retenu.
Dès lors, l’employeur ne rapportant pas la preuve, qui lui incombe, de l’existence de faits imputables à la salariée constituant une violation des obligations du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rendait impossible son maintien dans l’entreprise, la cour confirme le jugement en ce qu’il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences financières de la rupture
S’agissant des indemnités de rupture, en application des dispositions légales et conventionnelles régissant la relation de travail et sur la base de la rémunération de référence précitée, la cour, par infirmation du jugement sur le quantum, accorde à la salariée les sommes de 2 545,44 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis (correspondant à un préavis d’une durée de 2 mois) outre 254,54 euros au titre des congés payés y afférents et 4 772,72 euros à titre d’indemnité légale de licenciement.
Conformément aux dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, eu égard à l’ancienneté dans l’entreprise (13 ans) et à l’âge de la salariée (57 ans) lors de la rupture du contrat de travail et compte tenu des éléments produits concernant sa situation personnelle et professionnelle postérieurement à la rupture du contrat de travail, l’intéressée n’ayant pas retrouvé d’emploi, ayant perçu l’allocation
d’aide au retour à l’emploi et bénéficiant désormais de l’allocation de solidarité spécifique, la cour lui accorde, par infirmation du jugement sur le quantum, la somme de 14 636,28 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les autres demandes
Il convient d’ordonner la remise à la salariée d’un bulletin de paie récapitulatif conforme à la présente décision.
En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, il y a lieu de rappeler que les condamnations portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes pour les créances salariales et, pour les créances indemnitaires, à compter du jugement pour les montants confirmés et du présent arrêt pour le surplus.
La capitalisation des intérêts sera ordonnée conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil.
Selon l’article L. 1235-4 du code du travail, dans sa version applicable au litige, il y a lieu d’ordonner à l’employeur fautif de rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à la salariée du jour de son licenciement au jour du jugement, dans la limite de trois mois d’indemnités.
En application des dispositions de l’article 700 2° du code de procédure civile et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, l’employeur sera condamné à payer à Maître [O], avocat de Mme [M], bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, la somme supplémentaire de 1 000 euros au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés en cause d’appel s’il n’avait pas eu cette aide, la somme accordée en première instance étant confirmée.
L’employeur, qui succombe, supportera les dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté Mme [M] de ses demandes de rappel de salaire, de congés payés afférents et de rappel d’indemnité compensatrice de congés payés ainsi que sur le quantum des indemnités de rupture et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne la société Alliance Vie Paris 5 à payer à Mme [M] les sommes suivantes :
– 3 831,64 euros à titre de rappel de salaire pour la période courant à compter du 16 juin 2017 outre 383,16 euros au titre des congés payés y afférents,
– 322,14 euros à titre de rappel d’indemnité compensatrice de congés payés,
– 2 545,44 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 254,54 euros au titre des congés payés y afférents,
– 4 772,72 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
– 14 636,28 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Rappelle que les condamnations portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la société Alliance Vie Paris 5 de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes pour les créances salariales et, pour les créances indemnitaires, à compter du jugement pour les montants confirmés et du présent arrêt pour le surplus ;
Ordonne la capitalisation des intérêts selon les modalités de l’article 1343-2 du code civil ;
Ordonne à la société Alliance Vie Paris 5 de remettre à Mme [M] un bulletin de paie récapitulatif conforme à la présente décision ;
Ordonne à la société Alliance Vie Paris 5 de rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à Mme [M] du jour de son licenciement au jour du jugement, dans la limite de trois mois d’indemnités ;
Condamne la société Alliance Vie Paris 5 à payer à Maître [O], avocat de Mme [M], bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, la somme supplémentaire de 1 000 euros au titre de l’article 700 2° du code de procédure civile et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Déboute Mme [M] du surplus de ses demandes ;
Condamne la société Alliance Vie Paris 5 aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT