Particulier employeur : décision du 22 juin 2022 Cour d’appel de Reims RG n° 21/01442

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Particulier employeur : décision du 22 juin 2022 Cour d’appel de Reims RG n° 21/01442
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Arrêt n°

du 22/06/2022

N° RG 21/01442

MLB/FJ

Formule exécutoire le :

à :

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 22 juin 2022

APPELANTE :

d’un jugement rendu le 20 mai 2021 par le Conseil de Prud’hommes de CHALONS-EN-CHAMPAGNE, section Activités Diverses (n° F 20/00011)

Madame [P] [U]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par la SELARL LAQUILLE ASSOCIÉS, avocats au barreau de REIMS

INTIMÉ :

Monsieur [N] [E]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par la SELARL GUYOT – DE CAMPOS, avocats au barreau de REIMS

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 mai 2022, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Christine ROBERT-WARNET, président de chambre, et Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 22 juin 2022.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Madame Christine ROBERT-WARNET, président

Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Monsieur Francis JOLLY, greffier

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Christine ROBERT-WARNET, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Madame [P] [U] a été embauchée par Monsieur [N] [E] à compter du 24 mai 2013 en qualité d’employée de maison à domicile, dans le cadre du dispositif du chèque emploi service, sans contrat de travail écrit.

Par lettre recommandée datée du 4 mars et déposée le 5 mars 2019, avec accusé de réception, Madame [P] [U] a adressé à Monsieur [N] [E] un courrier ayant pour objet la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail.

Le 30 janvier 2020, elle a saisi le conseil de prud’hommes de Châlons-en-Champagne notamment d’une demande tendant à voir requalifier la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement en date du 20 mai 2021, le conseil de prud’hommes a :

– dit et jugé que la prise d’acte de Madame [P] [U] notifiée le 4 mars 2019 présente les effets d’une démission,

– débouté Madame [P] [U] de sa demande de requalification de la prise d’acte en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– débouté Madame [P] [U] de sa demande de rappel de salaire,

– débouté Madame [P] [U] de sa demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

– débouté Madame [P] [U] de sa demande de dommages-intérêts pour non versement de l’intégralité du salaire et défaut de remise des fiches de paie,

– débouté Madame [P] [U] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné la remise du certificat de travail et de l’attestation Pôle Emploi à Madame [P] [U], sous astreinte,

– condamné Madame [P] [U] à payer à Monsieur [N] [E] la somme de 720 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– débouté Monsieur [N] [E] de sa demande de dommages-intérêts,

– débouté Monsieur [N] [E] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement,

– dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens.

Le 12 juillet 2021, Madame [P] [U] a formé une déclaration d’appel.

Dans ses écritures en date du 29 mars 2022, elle demande à la cour d’infirmer le jugement sauf du chef de la remise des documents de fin de contrat et sauf du chef du rejet des demandes de Monsieur [N] [E] et statuant à nouveau :

– de constater les graves manquements de l’employeur à ses obligations,

– de dire et juger que la prise d’acte doit être requalifiée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– de condamner Monsieur [N] [E] à lui payer les sommes de :

. 540 euros à titre d’indemnité de licenciement,

. 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 720 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis y compris les congés payés,

. 4450 euros à titre de rappel de salaire et 445 euros au titre des congés payés y afférents,

. 2160 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

. 1500 euros à titre de dommages-intérêts pour non-versement de l’intégralité des salaires et défaut de remise des fiches de paie,

. 3500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– d’ordonner la remise des bulletins de salaire, du certificat de travail et de l’attestation Pôle Emploi,

– de condamner Monsieur [N] [E] aux dépens.

Dans ses écritures en date du 6 janvier 2022, Monsieur [N] [E] conclut à la confirmation du jugement sauf du chef du rejet de ses demandes de dommages-intérêts et d’indemnité de procédure et sauf en ce qu’il a dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens. Il demande à la cour, statuant à nouveau, et y ajoutant de :

– condamner Madame [P] [U] à lui payer la somme de 2000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive de la relation contractuelle et celle de 3500 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel,

– débouter Madame [P] [U] de toutes ses demandes contraires,

– condamner Madame [P] [U] aux dépens de première instance et d’appel.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé.

Motifs :

– Sur le rappel de salaires :

La convention collective applicable à la relation de travail est la convention collective nationale des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999, de sorte que les dispositions du code du travail relatives à la durée du travail et au temps partiel ne sont pas applicables à Madame [P] [U], en sa qualité d’employée de maison à domicile.

Madame [P] [U] a été déboutée par les premiers juges de sa demande de rappel de salaires d’un montant de 4450 euros, outre les congés payés y afférents, correspondant à la différence entre le salaire pour un horaire de 36 heures et le salaire perçu pour les heures qu’elle a effectuées de janvier 2017 à février 2019.

Elle demande à la cour d’infirmer une telle disposition soutenant que le temps de travail contractuellement prévu était de 36 heures et que l’employeur l’a unilatéralement diminué, ce que celui-ci conteste à raison.

En effet, la seule réalisation de 36 heures de travail aux mois de juillet et août 2013 est insuffisante à établir qu’il s’agissait de la durée de travail convenue entre les parties, alors que l’examen des bulletins de salaire produits au cours de la relation contractuelle met en évidence, jusqu’au début de l’année 2018, un nombre d’heures effectuées de l’ordre de 24 heures par mois, hors congés ou absence, et qu’il n’a été accompagné d’aucune réclamation de la salariée sur cette période au titre des heures accomplies.

A partir du début de l’année 2018, hors congés et absence de Madame [P] [U], l’examen des bulletins de paie établit qu’elle travaillait une dizaine d’heures par mois et les derniers échanges entre les parties par SMS mettent en évidence l’accord de la salariée sur la durée du travail : à la date du mois de septembre 2018, elle demande à son employeur de préparer le chèque de 120 euros pour le mois précédent -soit pour 12 heures de travail-, à la date du 23 novembre 2018, elle informe son employeur par SMS qu’elle fera désormais ‘ses heures’ non plus le mardi, étant désormais indisponible mais le jeudi, et le 4 janvier 2019, elle réclame également à son employeur de lui préparer son chèque de 120 euros, correspondant aux 9 heures travaillées en décembre 2018, outre le jour férié.

Le jugement doit donc être confirmé du chef du rejet de la demande au titre du rappel de salaire.

– Sur l’indemnité de travail dissimulé :

Madame [P] [U] demande vainement à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande au titre de l’indemnité de travail dissimulé.

En effet, elle soutient à tort que son employeur aurait cessé de la déclarer à compter du mois d’avril 2018, alors même qu’elle produit les bulletins de paie à compter de cette date.

Le jugement doit donc être confirmé de ce chef.

– Sur les dommages-intérêts pour non-versement de l’intégralité du salaire et défaut de remise des fiches de paie :

C’est encore vainement, au vu du rejet de sa demande de rappel de salaire et en l’absence de manquement au titre de la remise des fiches de paie, que Madame [P] [U] demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages-intérêts d’un montant de 1500 euros pour non-versement de l’intégralité du salaire et défaut de remise des fiches de paie.

Le jugement doit être confirmé de ce chef.

– Sur les effets de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail :

Dans un courrier daté du 4 mars 2019, Madame [P] [U] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Si les griefs invoqués par la salariée au soutien de la prise d’acte sont fondés, la prise d’acte est requalifiée en licenciement aux torts de l’employeur.

A défaut, la prise d’acte est requalifiée en démission.

Les premiers juges ont retenu que la prise d’acte de Madame [P] [U] produisait les effets d’une démission, écartant 3 des 4 griefs invoqués par la salariée et retenant que le seul grief établi n’était pas d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail, ce que la salariée conteste.

Aucun manquement de l’employeur n’est caractérisé au titre du paiement des salaires, alors que la demande au titre du rappel de salaire a été rejetée, ni au titre de la mensualisation du salaire, laquelle n’est pas applicable aux salariés travaillant à domicile.

Il n’est pas davantage caractérisé de manquement de l’employeur au titre de l’obligation de fournir le travail convenu, alors que l’horaire contractuel n’était pas de 36 heures.

Madame [P] [U] soutient encore qu’elle n’était pas en mesure d’anticiper le nombre d’heures à réaliser, ce qui constituait un handicap pour organiser son temps de travail auprès de ses autres employeurs.

Or, les volumes horaires ont été précédemment relevés et Madame [P] [U] est mal fondée à soutenir qu’elle n’aurait pas été en mesure d’organiser son temps de travail, alors même qu’il ressort du SMS du 23 novembre 2018 qu’elle imposait à son employeur le changement de son jour de travail.

Madame [P] [U] prétend encore avoir été victime de harcèlement moral.

En application des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par la salariée en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L.1152-2 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Madame [P] [U] invoque en premier lieu une modification incessante des horaires, laquelle n’est pas caractérisée au vu de l’examen des bulletins de paie, ni au travers de quelques SMS datant de la fin de l’année 2015 et du début de l’année 2016.

Elle invoque encore des propos désagréables et répétés, se référant à des SMS. Or, ceux-ci ne lui sont pas adressés par son employeur mais par sa compagne.

Elle invoque enfin l’absence totale de respect envers elle, laquelle ne ressort pas des échanges produits avec son employeur.

Le harcèlement moral n’est donc pas établi.

Les premiers juges ont retenu à raison que le manquement au titre de la surveillance médicale de la salariée était établi puisque celle-ci n’a eu ni visite médicale d’embauche, ni visite périodique.

Toutefois, c’est encore à raison qu’ils ont retenu qu’un tel manquement n’était pas d’une gravité suffisante pour avoir rendu impossible la poursuite du contrat de travail.

Dans ces conditions, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a retenu que la prise d’acte de Madame [P] [U] de la rupture de son contrat de travail produisait les effets d’une démission.

Il convient par voie de conséquence, ce que les premiers juges ont omis de faire, de la débouter de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité de préavis et de congés payés y afférents et d’indemnité légale de licenciement.

– Sur la remise des bulletins de salaire, du certificat de travail et de l’attestation Pôle Emploi :

Le jugement doit être confirmé en ce qu’il a ordonné à Monsieur [N] [E] de remettre à Madame [P] [U] le certificat de travail et l’attestation Pôle Emploi, sauf du chef de l’astreinte qui n’est plus réclamée à hauteur d’appel.

La demande de remise des bulletins de paie, sur laquelle les premiers juges n’ont pas statué, doit être rejetée, dès lors que ceux-ci ont été remis à la salariée.

– Sur la demande reconventionnelle :

. sur l’indemnité de préavis :

Dès lors que la prise d’acte produit les effets d’une démission, Madame [P] [U] est redevable d’une somme forfaitaire égale au montant correspondant au préavis de démission non exécuté.

C’est à tort que les premiers juges ont condamné Madame [P] [U] à payer à Monsieur [N] [E] la somme de 720 euros à ce titre, alors que celle-ci est redevable de deux mois de salaire, soit la somme de 240 euros (12 heures x 10 euros x 2 mois).

Le jugement doit être infirmé en ce sens.

. sur les dommages-intérêts pour rupture abusive de la relation contractuelle :

Le jugement doit être confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur [N] [E] de sa demande de dommages-intérêts pour rupture abusive de la relation contractuelle, dès lors que pas plus qu’en première instance, celui-ci ne caractérise de circonstances entourant la démission révélant une intention de nuire à l’employeur ou au moins une légèreté blâmable.

*******

Partie succombante, Madame [P] [U] doit être condamnée aux dépens de première instance et d’appel, déboutée de sa demande d’indemnité de procédure au titre des deux instances et condamnée en équité à payer à Monsieur [N] [E] la somme de 1200 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel.

Par ces motifs :

La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a :

– dit et jugé que la prise d’acte de Madame [P] [U] notifiée le 4 mars 2019 présente les effets d’une démission,

– débouté Madame [P] [U] de sa demande de requalification de la prise d’acte en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– débouté Madame [P] [U] de sa demande de rappel de salaire,

– débouté Madame [P] [U] de sa demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

– débouté Madame [P] [U] de sa demande de dommages-intérêts pour non-versement de l’intégralité du salaire et défaut de remise des fiches de paie,

– débouté Madame [P] [U] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné la remise du certificat de travail et de l’attestation Pôle Emploi à Madame [P] [U],

– débouté Monsieur [N] [E] de sa demande de dommages-intérêts,

L’infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :

Déboute Madame [P] [U] de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité de préavis et de congés payés y afférents et d’indemnité légale de licenciement ;

Déboute Madame [P] [U] de sa demande de remise des bulletins de salaire ;

Dit n’y avoir lieu à astreinte du chef de la remise du certificat de travail et de l’attestation Pôle Emploi ;

Condamne Madame [P] [U] à payer à Monsieur [N] [E] la somme de 240 euros au titre du préavis non exécuté ;

Condamne Madame [P] [U] à payer à Monsieur [N] [E] la somme de 1200 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel ;

Déboute Madame [P] [U] de sa demande d’indemnité de procédure à hauteur d’appel ;

Condamne Madame [P] [U] aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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