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Arrêt n°
du 06/07/2022
N° RG 21/01979 – N° Portalis DBVQ-V-B7F-FCM6
CRW / AA
Formule exécutoire le :
06.07.2022
à :
SCP LEDOUX FERRI RIOU-JACQUES TOUCHON MAYOLET
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
Arrêt du 06 juillet 2022
APPELANTE :
d’un jugement rendu le 06 octobre 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CHARLEVILLE-MEZIERES, section Activités diverses (n° F 20/00324)
Madame [D] [X]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par la SCP LEDOUX FERRI RIOU-JACQUES TOUCHON MAYOLET prise en la personne de Maître Sylvie RIOU-JACQUES, avocat au barreau des ARDENNES
INTIMÉ :
Monsieur [Z] [F] [E]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Non constituée
DÉBATS :
En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 mai 2022, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Christine ROBERT-WARNET, président de chambre, chargé du rapport, qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 06 juillet 2022.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Madame Christine ROBERT-WARNET, président
Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller
Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller
GREFFIER lors des débats :
Madame Lozie SOKY, greffier placé
ARRÊT :
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Christine ROBERT-WARNET, président, et Monsieur Abdel-Ali AIT AKKA, greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Mme [D] [X] a été embauchée à compter du 1er juillet 2020 par [Z] [E] dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, à temps partiel, en qualité d’employée de maison.
Soutenant avoir toujours rencontré des difficultés pour être payée, Mme [D] [X] a cessé son activité le 16 octobre 2020.
Par requête enregistrée au greffe le 30 décembre 2020, elle a saisi de demandes en paiement de rappel de salaire et d’indemnité pour travail dissimulé, le conseil de prud’hommes de Charleville-Mézières qui, par jugement du 8 octobre 2021, l’a déboutée de ses demandes.
Le 29 octobre 2021, Mme [D] [X] a interjeté appel.
Par conclusions transmises au greffe par RPVA le 16 décembre 2021, elle demande à la cour d’infirmer le jugement et de :
– dire et juger que la rupture du contrat de travail est prononcée aux torts de M. [Z] [E] à compter du 16 octobre 2020 avec toutes les conséquences de droit ;
– condamner [Z] [E] à lui payer les sommes suivantes :
2.944,43 euros au titre des salaires pour la période d’août à octobre 2020,
6.000 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle sollicite également la remise de ses bulletins de paie et documents de fin de contrat sous astreinte de 200 euros par jour de retard.
[Z] [E], à qui les conclusions de l’appelante ont été signifiées le 27 décembre 2021, n’a pas constitué avocat.
Sur ce,
A titre liminaire, il est rappelé que la cour d’appel, n’étant pas saisie de conclusions par l’intimé doit, pour statuer sur l’appel, examiner les motifs du jugement ayant accueilli les prétentions de cette partie en première instance.
Sur le rappel de salaires
Mme [D] [X] sollicite un rappel de salaires pour la période d’août à octobre 2020 d’un montant de 2.944,43 euros.
Elle explique avoir perçu la somme de 500 euros, sous forme d’acomptes, à titre de salaire d’août 2020 et avoir ensuite travaillé jusqu’au 16 octobre 2020, sans être payée.
Elle fait en outre valoir que les bulletins de paie établis par l’employeur sont erronés et produit aux débats, au soutien de sa demande, des bulletins de paie ‘reconstitués’par un expert-comptable auquel elle a eu recours.
Ces bulletins de paie ‘reconstitués’ concernent la période courant du 1er juillet 2020 au 16 octobre 2020 ainsi que l’indemnité compensatrice de congés payés dont le montant total pour l’ensemble s’élève 2.944,43 euros.
Il convient dès lors de rappeler que la cour n’est saisie, aux termes de l’article 954 du code de procédure civile, que des prétentions figurant dans le dispositif des écritures. Or, seul un rappel de salaires pour la période d’août à octobre 2020 figure dans celui-ci. La cour ne doit donc statuer que sur cette demande de sorte que le salaire de juillet 2020 et l’indemnité compensatrice de congés payés doivent être exclus.
De même, Mme [D] [X] ne déduit pas de son décompte, la somme de 500 euros qu’elle a perçue pour son salaire d’août 2020.
Pour prétendre à un rappel de salaire, Mme [D] [X] fait valoir que l’employeur a appliqué pour le mois d’août un taux horaire réduit sans son accord et au mépris des dispositions contractuelles et qu’elle a travaillé jusqu’au 16 octobre 2020 sans percevoir le moindre salaire.
Aux termes de son contrat de travail, Mme [D] [X] a été embauchée pour une durée hebdomadaire de travail de 8 heures ou plus sans toutefois dépasser 10 heures réparties comme suit :
‘lundi facultative 2h
mardi 2h
mercredi 2h
jeudi 2h
vendredi 2h’
L’article 6 du contrat de travail, relatif à la rémunération, prévoit un taux horaire de 25 euros bruts soit 20 euros nets. Sur cette base, il précise que le salaire mensuel pour 32 heures de travail s’élève à 800 euros bruts soit 640 euros nets ou pour 40 heures de travail à 1.000 euros bruts soit 800 euros nets.
Les bulletins de salaire établis par l’employeur retiennent un taux horaire de base de 20 euros bruts au mépris des dispositions contractuelles.
En outre, l’employeur étant défaillant, il ne rapporte pas la preuve qui lui incombe du paiement effectif du salaire. Au contraire par courrier du 26 octobre 2020, il indiquait être redevable du salaire de septembre 2020. (pièce 7)
Dans ces conditions et au regard des éléments produits par Mme [D] [X], il y a lieu de considérer que la demande de rappel de salaire est fondée.
Cependant, aucun élément ne permet de déterminer le nombre d’heures effectuées par Mme [D] [X] au cours de la période concernée par le rappel de salaire. Les bulletins de paie établis par l’employeur et ceux élaborés par Mme [D] [X] sont contradictoires.
A défaut d’élément établissant le nombre d’heures réalisées, il sera retenu,
– pour les mois d’août et septembre 2020, sur la base du contrat de travail, une durée de travail de 40 heures
– pour la période courant du 1er au 16 octobre 2020, sur la base des indications de Mme [D] [X], une durée de travail de 11 heures
soit un total de 91 heures.
Le salaire correspondant, par application des dispositions contractuelles, s’élève à la somme de 1.820 euros nets à laquelle il convient de déduire la somme de 500 euros perçue au titre du salaire d’août 2020. La somme restant due s’élève ainsi à 1.320 euros nets.
En conséquence, [Z] [E] sera condamné à payer à Mme [D] [X] cette somme à titre de rappel de salaire pour la période courant d’août 2020 au 16 octobre 2020.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la rupture du contrat de travail
Mme [D] [X] demande à la cour de dire et juger que la rupture du contrat de travail est prononcée aux torts de l’employeur ‘avec toutes les conséquences de droit’.
Mme [D] [X] ne qualifie pas juridiquement sa demande.
Dans ses écritures, elle explique avoir cessé son activité le 16 octobre 2020 en raison du non paiement de son salaire. Mais aussi, dès la saisine de la juridiction prudhomale, elle invoquait l’existence d’un travail dissimulé.
Il y a lieu en conséquence de qualifier cette rupture en une prise d’acte de la rupture du contrat de travail, dont il convient d’apprécier si elle résulte de manquements imputables à l’employeur.
La prise d’acte ne permet au salarié de rompre le contrat de travail aux torts de l’employeur qu’en cas de manquement de ce dernier à ses obligations, suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
Si les griefs invoqués contre l’employeur sont fondés, la prise d’acte produit les effets d’un licenciement abusif. En cas contraire, elle produit les effets d’une démission.
Les manquements de l’employeur susceptibles de justifier la rupture du contrat de travail à ses torts s’apprécient à la date de la prise d’acte de la rupture.
En l’espèce, Mme [D] [X] a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 16 octobre 2020 pour non paiement de salaire.
A cette date, elle n’avait perçu qu’une partie de son salaire d’août et pas encore celui de septembre 2020, tel qu’établi par ses comptes bancaires et les courriers échangés entre les parties.
Elle justifie avoir réclamé à son employeur le paiement de son salaire par courrier du 25 septembre 2020.
En outre, elle justifie dès son premier salaire de juillet 2020 d’un retard de paiement d’un mois. En effet, alors qu’aux termes de son contrat de travail ‘le salaire est payé le 5 de chaque mois’, l’employeur lui a remis un chèque le 13 août 2020. Or, celui-ci n’a pu être encaissé pour cause de compte clôturé tel qu’établit par courrier bancaire du 27 août 2020. Ainsi, ce n’est que le 29 août 2020 que Mme [D] [X] a reçu, en espèces, son salaire de juillet 2020.
Par ailleurs, il a été établi dans les précédents développements que l’employeur a appliqué un taux horaire inférieur à celui fixé dans le contrat de travail.
Enfin, par courrier du 25 septembre 2020, l’employeur a procédé à un décompte des salaires depuis juillet, desquels il a déduit de manière rétroactive des charges sociales, non justifiées, ce qui aboutissait au surplus au paiement d’un salaire net inférieur à celui contractuellement convenu.
L’ensemble de ces manquements constitue une violation des obligations contractuelles incombant à un employeur, suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail, sans qu’il y ait lieu d’examiner, à ce stade, comme surabondants les moyens relatifs au recours au travail dissimulé.
La poursuite du contrat de travail s’étant ainsi révélée impossible du fait de l’employeur, la prise d’acte par Mme [D] [X] de la rupture de son contrat de travail est prononcée aux torts de l’employeur, produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, au 16 octobre 2016.
La cour relève que celle-ci ne formule aucune demande indemnitaire comme conséquence de cette rupture du contrat de travail, aux torts de l’employeur.
En revanche, elle prétend au paiement d’une indemnité pour travail dissimulé, dans le bénéfice est ouvert au salarié dont le contrat de travail est rompu, quel qu’en soit le mode.
– Sur le travail dissimulé
Il résulte de l’application des dispositions des articles L8221-3 et suivants du code du travail que l’exécution d’un travail dissimulé, ouvrant droit, pour le salarié dont le contrat est rompu, quel qu’en soit le mode, au bénéfice de l’indemnité prévue par les dispositions de l’article 8223-1 du même code suppose une intention de l’employeur de dissimuler tout ou partie de l’activité de ce salarié.
Selon contrat de travail, Mme [D] [X] a été embauchée par ‘[E] [Z], dont le numéro d’immatriculation URSSAF est 48513711100020, demeurant à l’adresse suivante: [Adresse 1]’ en qualité d’employée de petits travaux femme toute mains A-échelle 2 de la convention collective nationale des salariés du particulier employeur.
Par courrier du 6 novembre 2020, l’URSSAF a indiqué à Mme [D] [X] :
– n’avoir été destinataire d’aucune déclaration préalable à l’embauche,
– que le numéro SIRET indiqué dans le contrat de travail ‘correspond à l’identification officielle d’une entreprise individuelle que M. [Z] [E] a dirigé mais qui compte tenu d’une procédure collective (liquidation judiciaire) n’a plus, à ce jour , d’existence’,
– n’avoir reçu aucune déclaration de la part de M. [Z] [E] en qualité de particulier employeur,
– que l’employeur n’a pas adhéré à l’offre de service Chèque Emploi Service Universel.
En outre, par courrier du 27 août 2020, la banque a avisé Mme [D] [X] du rejet du chèque remis par son employeur en date du 13 août 2020 pour cause de ‘compte clôturé’, chèque dont l’émetteur était ‘M. [Z] [E] [Adresse 3]’.
Enfin, Mme [D] [X] produit également aux débats un extrait du site ‘procédure collective.fr’ dont il ressort que [Z] [E] était le dirigeant de l’établissement ‘ fleurs des sacres’ visé dans le chèque et que celui-ci a été placé en redressement judiciaire le 26 juin 2019, soit avant l’embauche de Mme [D] [X].
Il résulte de ces éléments que Mme [D] [X] a été embauchée dans le cadre d’une activité d’employée de maison par un particulier employeur qui a indiqué dans le contrat de travail le numéro SIRET d’une entreprise lui appartenant mais pour laquelle Mme [D] [X] ne travaillerait pas, qui au surplus était placée en procédure collective. De plus, il a souhaité la rémunérer avec les fonds de cette entreprise alors que le compte bancaire de celle-ci était clôturé.
En outre, par courrier du 25 septembre 2020, l’employeur a justifié la diminution du montant des salaires par la déduction de charges sociales alors qu’il est établi qu’aucune déclaration n’a été effectuée auprès de l’organisme social.
L’ensemble de ces agissements caractérise l’élément intentionnel du travail dissimulé.
Dans ces conditions, et sur la base d’un salaire de 1.000 euros, [Z] [E] doit être condamné à payer à Mme [D] [X] la somme de 6.000 euros.
Le jugement doit être infirmé en ce sens.
Sur les bulletins de paie et documents de fin de contrat
Les bulletins de salaire émis par l’employeur étant contraires aux dispositions contractuelles, le jugement sera infirmé en ce qu’il a dit la demande sans objet.
[Z] [E] sera condamné à remettre à Mme [D] [X] l’attestation Pôle emploi, le certificat de travail ainsi qu’un bulletin de salaire reprenant les sommes accordées à l’intéressée par le présent arrêt.
La résistance de l’employeur pour satisfaire, au cours de la relation contractuelle, aux obligations légales lui incombant justifie que soit prononcée une astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard, passé un délai de 15 jours à compter de la notification du présent arrêt, pour l’ensemble des documents dont la remise est ordonnée, pendant un délai de 2 mois au-delà duquel il sera de nouveau statué.
Sur les autres demandes
Il y a lieu de préciser que toute condamnation est prononcée sous déduction des éventuelles cotisations sociales salariales applicables.
Compte tenu des termes de la présente décision, [Z] [E] sera condamné à payer à Mme [D] [X] la somme de 1.200 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel, par infirmation du jugement sur ce point.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi;
Infirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Charleville-Mézières le 6 octobre 2021 en toutes ses dispositions;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Analyse en une prise d’acte la rupture du contrat de travail aux torts de [Z] [E], à effet du 16 octobre 2020;
Condamne [Z] [E] à payer à Mme [D] [X] les sommes suivantes :
1.320 euros nets à titre de rappel de salaires pour la période courant d’août 2020 au 16 octobre 2020,
6.000 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé;
Précise que toutes les condamnations sont prononcées sous réserve de déduire les cotisations salariales ou sociales éventuellement applicables
Ordonne à [Z] [E] à remettre à Mme [D] [X] l’attestation Pôle emploi, le certificat de travail ainsi qu’un bulletin de salaire conforme aux termes de la présente décision sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard, passé un délai de 15 jours à compter de la notification du présent arrêt, pour l’ensemble des documents dont la remise est ordonnée, pendant un délai de 2 mois au-delà duquel il sera de nouveau statué ;
Condamne M. [Z] [E] à payer à Mme [D] [X] la somme de 1.200 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel ;
Condamne M. [Z] [E] aux dépens de première instance et d’appel.
Le greffier La présidente