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C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S
CHAMBRE SOCIALE – A –
Section 1
PRUD’HOMMES
Exp +GROSSES le 7 JUILLET 2022 à
la SELARL LEXAVOUE POITIERS – ORLEANS
Me Damien VINET
Me PETER-JAY
AD
ARRÊT du : 7 JUILLET 2022
MINUTE N° : – 22
N° RG 19/03943 – N° Portalis DBVN-V-B7D-GCPY
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE BLOIS en date du 30 Septembre 2019 – Section : ACTIVITÉS DIVERSES
APPELANT :
Monsieur [D] [R] agissant en qualité d’héritier de Madame [O] [R]
né le 30 Juin 1957 à [Localité 9] (SUISSE)
[Adresse 2]
[Localité 4] (SUISSE)
représenté par Me Isabelle TURBAT de la SELARL LEXAVOUE POITIERS – ORLEANS, avocat au barreau d’ORLEANS,
ayant pour avocat plaidant Me Anne-Laure LEYNON de la SELEURL ANTHEMIS AVOCAT, avocat au barreau de PARIS
ET
INTIMÉS :
Madame [M] [K]
[Adresse 3]
[Localité 10]
représentée par Me Damien VINET, avocat au barreau de BLOIS
Monsieur [V] [R]
né le 16 Août 1952 à [Localité 9] ( SUISSE)
[Adresse 6]
[Localité 7]
représenté par Me Anne PETER JAY, avocat au barreau de PARIS
Monsieur [H] [R] agissant en qualité d’héritier de Madame [O] [R]
né le 16 Juillet 1954 à [Localité 9] (SUISSE)
[Adresse 1]
[Localité 5]
non représenté, n’ayant pas constitué avocat
Ordonnance de jonction avec RG 19/4003 et 20/00157 : 12 janvier 2022
Ordonnance de clôture : 21 avril 2022
Audience publique du 26 Avril 2022 tenue par M. Alexandre DAVID, Président de chambre, et ce, en l’absence d’opposition des parties, assisté lors des débats de Mme Karine DUPONT, Greffier.
Après délibéré au cours duquel M. Alexandre DAVID, Président de chambre a rendu compte des débats à la Cour composée de :
Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre, président de la collégialité,
Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre,
Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller
Puis le 7 juillet 2022 (délibéré prorogé, initialement fixé au 28 Juin 2022), Monsieur Alexandre DAVID, président de Chambre, assisté de Mme Karine DUPONT, Greffier a rendu l’arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
[O] [R], qui habitait le château [Adresse 8] à [Localité 10], en Loir-et-Cher, a engagé Mme [M] [K] en qualité d’aide ménagère, selon contrat à durée indéterminée du 9 mars 2009 qui prévoyait un horaire de travail de six heures hebdomadaires et plus si entente, la rémunération se faisant selon le dispositif du chèque emploi service.
[O] [R] est décédée le 21 octobre 2012. Aucun avenant au contrat de travail n’a été rédigé. Les bulletins de paie ont été établis au nom de M. [D] [R], le dernier des trois fils de la défunte, et celui-ci a réglé régulièrement à Mme [K] le salaire de ses heures de travail.
A compter du mois d’octobre 2015, Mme [K] s’est plainte de ce que M. [D] [R] avait cessé de lui régler ses salaires, alors qu’elle continuait à effectuer sa prestation de travail.
Selon elle, à force de le relancer, elle a pu obtenir le règlement pour les mois d’octobre et novembre 2015, mais à partir du mois de décembre suivant, M. [D] [R] n’aurait plus répondu à ses communications téléphoniques et courriers.
Le 26 septembre 2017, Mme [M] [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Blois d’une action dirigée contre M. [D] [R] et contre ses deux frères aînés M. [V] [R] et M. [H] [R] en qualité d’ayants droit de [O] [R], leur mère.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 11 avril 2018, M. [D] [R] a reproché à Mme [K] l’absence à son travail et l’a sommée de reprendre son poste, ce qu’elle a refusé le 13 avril suivant, par le canal de son conseil.
Le 22 mai 2018, M. [D] [R] a convoqué la salariée à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement pour le 4 juin suivant.
Par lettre recommandée du 11 juin 2018, Mme [K] a été licenciée pour faute grave, en raison de l’abandon de son poste.
Devant le conseil de prud’hommes, Mme [K] a sollicité
-à titre principal,
-le prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur,
-et la condamnation de M. [D] [R] à lui payer les sommes suivantes :
. 11’180 € de rappel de salaires de décembre 2015 à septembre 2017,
. 1 118 € au titre des congés payés afférents,,
. 1 015,20 € d’indemnité compensatrice de préavis,
. 101,52 € de congés payés afférents,
. 871,40 € d’indemnité légale de licenciement,
. 6 091,20 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 2 000 € de dommages-intérêts pour non paiement des salaires,
-à titre subsidiaire,
– la requalification du licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-et à la condamnation de M. [D] [R] à lui payer les mêmes sommes précitées outre 507,60 € de dommages-intérêts pour procédure irrégulière,
-en tout état de cause,
– un donner acte de son rapport à justice sur la mise en cause de Messieurs [V] et [H] [R],
– l’injonction à M. [D] [R] de lui remettre les documents de fin de contrat et les bulletins de paie depuis décembre 2015, sous astreinte de 100 € par jour de retard dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement,
– le débouté des demandes des trois frères,
– le conseil de prud’hommes de Blois devant se réserver la liquidation de l’astreinte,
-la condamnation de M. [D] [R] à lui payer la somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
De son côté, M. [D] [R] a conclu au rejet de toutes les demandes de son adversaire et à sa condamnation à lui payer la somme de 2000 € pour les frais de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour sa part, M. [V] [R] a souhaité être mis purement et simplement hors de cause, en sa qualité de cohéritier. Il a conclu au débouté de la demande de résiliation judiciaire à son encontre et, subsidiairement, au constat que la demande de dommages-intérêts était irrecevable à son égard, la salariée ne justifiant ni de la réalité de son activité depuis décembre 2015, ni de son préjudice.
Devant le conseil de prud’hommes, M. [H] [R] n’était ni comparant ni représenté.
Par jugement du 30 septembre 2019, le conseil de prud’hommes de Blois, section activités diverses, a :
– Pris acte de ce que Mme [M] [K] s’en rapporte sur la mise en cause de M. [H] [R] et [V] [R],
– Mis hors de cause M. [H] [R] et [V] [R],
– Requalifié le licenciement de Mme [M] [K] par M. [D] [R] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– Condamné M. [D] [R] à payer à Mme [M] [K] les sommes suivantes:
– 11 180 euros au titre des rappels de salaire de décembre 2015 à septembre 2017,
– 1118 euros au titre de congés payés afférents,
– 1015,20 euros au titre l’indemnité compensatrice de congés payés,
– 101,52 euros au titre de congés payés y afférents,
– 566,82 au titre de l’indemnité légale de licenciement,
– 3045,60 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse;
– 1000 euros au titre des dommages et intérêts pour non paiement des salaires
– 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Rappelé que l’exécution provisoire est de droit conformément aux dispositions de l’article R.1454-28 du code du travail, dans la limite de neuf mois de salaire calculés en fonction de la moyenne des trois derniers mois de salaire,
– Enjoint M. [D] [R] de remettre à Mme [M] [K] les documents de fin de contrat ainsi que ses bulletins de salaire de décembre 2015 à la date du prononcé du présent jugement, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard, dans le délai de 15 jours suivant la notification de la présente décision,
– Débouté Mme [M] [K] du surplus de ses demandes,
– Débouté Messieurs [D] [R] et [V] [R] de leurs demandes reconventionnelles,
– Condamné M. [D] [R] aux dépens.
Le 23 décembre 2019, M. [D] [R] a interjeté appel du jugement. Il a formé deux nouvelles déclarations d’appel les 30 décembre 2019 et 14 janvier 2020.
Par ordonnance du 12 janvier 2022, les trois instances ont été jointes sous le n° RG 19/03943.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 23 mars 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [D] [R] demande à la cour de :
– Déclarer M. [D] [R] bien fondé en son appel,
A titre principal,
– Constater l’absence de notification à Mme [M] [K] du décès de Mme [O] [R] le 21 octobre 2012,
– Constater que les demandes de Mme [M] [K] ont été à tort dirigées exclusivement contre M. [D] [R] et non pas à l’encontre de la succession de M. [O] [R],
– Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Blois le 30 septembre 2019, en ce qu’il n’a pas rejeté les demandes de Mme [M] dirigées à tort exclusivement contre Monsieur [D] [R],
En conséquence,
– Débouter Mme [M] [K] de l’intégralité de ses demandes ;
En tout état de cause,
– Constater que Mme [M] [K] ne rapporte aucune preuve de la poursuite de son activité à compter du mois de décembre 2015,
– Constater l’absence de tout manquement grave imputable à M. [D] [R], susceptible de justifier la demande de résiliation judiciaire de Mme [M] [K];
En conséquence,
– Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Blois le 30 septembre 2019, en ce qu’il a débouté Mme [M] [K] de sa demande de résiliation judiciaire, de sa demande de rappel de salaire et de toutes ses demandes indemnitaires liées à sa demande de résiliation judiciaire,
– Juger que les demandes de rappel de salaire et les demandes indemnitaires de Mme [M] [K] sont injustifiées, infondées et erronées,
– Constater la régularité de la procédure de licenciement initiée à l’encontre de Mme [M] [K] en raison de son absence injustifiée,
– Constater le bien-fondé du licenciement de Mme [M] [K] pour faute grave,
En conséquence,
– Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Blois le 30 septembre 2019 en ce qu’il a jugé le licenciement de Mme [M] [K] dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,
– Débouter Mme [M] [K] de ses demandes d’indemnité pour
licenciement sans cause réelle et sérieuse,
A titre subsidiaire,
– Si la Cour devait entrer en voie de condamnation en ce qui concerne le rappel de salaires et congés payés afférents, limiter les sommes aux montants suivants :
– 7 632,24 euros à titre de rappel de salaires,
– 763,22 euros au titre des congés payés afférents,
– Si la Cour devait entrer en voie de condamnation en ce qui concerne la requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse, limiter les sommes aux montants suivants :
– 133,42 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,
– 421,35 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– Si la Cour devait entrer en voie de condamnation, juger bien fondée la mise en cause de M. [V] [R] et M. [H] [R] et les condamner conjointement avec M. [D] [R], en leur qualité de co-indivisaires,
En conséquence,
– Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Blois le 30 septembre
2019 en ce qu’il a prononcé la mise hors de cause de Messieurs [V] et [H] [R],
En tout état de cause,
– Débouter Mme [M] [K] de ses demandes, fins et conclusions ;
– Condamner Mme [M] [K] au paiement de la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction conformément à l’article 699 du code de procédure civile au profit de la SELARL Lexavoue Poitiers-Orléans.
M. [D] [R] soutient que le décès de l’employeur met fin, ipso facto, au contrat de travail mais que celui-ci s’est poursuivi avec l’indivision successorale. Il s’est occupé seul de payer les frais de l’indivision, en sorte que ses deux frères doivent être tenus pour conjointement responsables avec lui de toute éventuelle condamnation qui serait prononcée par la cour.
C’est à bon droit que le conseil de prud’hommes a rejeté la demande de résiliation judiciaire, dès lors que Mme [K] ne démontre pas l’exercice effectif de son activité à compter de décembre 2015 et qu’elle a initié son action plus de deux ans après la date du manquement invoqué à tort. En effet, elle avait l’habitude de déposer des ‘post-it’ tous les mois indiquant le nombre d’heures travaillées, ce dont elle s’est abstenue, à compter de décembre 2015.
D’ailleurs dans son courrier du 21 juin 2017, la salariée ne sollicitait que son salaire pour ce mois-là, alors qu’elle était libre de venir travailler puisqu’elle possédait la clé du château, où aucun des trois frères ne vivait.
Il est acquis, ainsi, qu’elle ne s’est pas tenue à la disposition de son employeur et que le défaut de paiement du salaire était justifié par l’absence d’activité fournie de sa part.
Le fait qu’elle ait attendu deux ans pour agir en justice ôte toute gravité aux manquements éventuels de l’employeur.
Sur le temps de travail, il n’a pu dépasser 6,50 heures en 2015, soit 28 heures par mois comme l’indiquent les déclarations CESU.
En outre, la salariée ne peut solliciter les congés payés qui, dans le cadre du chèque emploi service sont inclus dans le règlement pour 10 %. En tout état de cause, elle ne saurait revendiquer un salaire au-delà de septembre 2017, ce qu’elle a sollicité seulement devant le conseil des prud’hommes.
Pour les dommages-intérêts sollicités, sa déclaration de revenus indique qu’elle a perçu d’autres revenus et exercé, ainsi, une autre activité, en sorte qu’elle ne saurait démontrer la mauvaise foi de M. [D] [R].
Sur le licenciement, elle s’est abstenue de reprendre contact dans les 48 heures avec M. [D] [R], après sa mise en demeure de reprendre le travail.
À ses yeux, l’ancienneté de Mme [K] ne peut être supérieure à 4 ans et 9 mois, puisque le contrat de travail s’est achevé, deux mois après le décès de Mme [R] et la moyenne des salaires mensuels s’élève, en fait, à 280,90 € comme cela résulte des pièces du débat.
Ainsi l’indemnité légale de licenciement ne pouvait-elle dépasser, subsidiairement, 133,42 € et les dommages-intérêts 421,35 €.
Il se fonde sur les dispositions des articles 784 et 815-2 du Code civil pour démontrer que tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis et, qu’en conséquence, ses deux frères doivent être tenus pour responsables conjointement de toute condamnation qui serait prononcée contre lui.
Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 6 août 2020 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [M] [K], relevant appel incident, demande à la cour de :
– Déclarer recevable et bien fondée Mme [M] [K] en ses demandes,
En y faisant droit,
– Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Blois le 30 septembre 2018, en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et le rappel de salaire postérieur à septembre 2017 au 11 juin 2018,
Statuant à nouveau,
– Condamner M. [D] [R] à payer à Mme [M] [K] la somme de 4568,40 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– Condamner M. [D] [R] à payer à Mme [M] [K] la somme de 4238, 40 euros à titre de rappel de salaire sur la période d’octobre 2017 au 11 juin 2018 outre la somme de 423,84 euros au titre de congés payés afférents,
– Condamner M. [D] [R] à payer à Mme [M] [K] la somme de 3000 euros de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel outre les entiers dépens de première instance de l’appel,
– Débouter M. [D] [R] en toutes ses demandes,
– ‘Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir’.
Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail, Mme [M] [K] fait valoir qu’elle ne percevait plus de salaire depuis octobre 2015. Il s’agit, selon elle, de manquements suffisamment graves de l’employeur qui justifient le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail.
S’agissant du rappel de salaires, faute d’avoir été licenciée, elle se trouve toujours au service de l’employeur. Elle affirme avoir continué à travailler sur la base de neuf heures par semaine.
Dès lors qu’elle a sollicité le règlement de son salaire à plusieurs reprises, sans réponse de la part de l’employeur, elle a nécessairement subi un préjudice pour avoir travaillé sans avoir était payée.
Elle souligne que l’employeur est tenu de fournir un travail à sa salariée, en sorte que sa carence, en dépit de nombreuses relances, permet d’en conclure qu’il a voulu se débarrasser d’elle à moindre coup, sans lui fournir la moindre bulletin de paie depuis décembre 2015.
À titre subsidiaire, sur le licenciement pour faute grave, intervenu postérieurement à la demande de résiliation judiciaire, elle a tenté de joindre M. [D] [R], dès réception de son courrier du 11 avril 2018 lui enjoignant de reprendre son travail, en vain.
La lettre de licenciement pour faute grave lui fait grief de s’être absentée de son travail depuis 2015 sans autorisation de son employeur, alors que celui-ci n’a plus répondu à ses propres messages et qu’elle-même a continué à se rendre à son travail sans salaire, les faits restant par ailleurs prescrits.
Elle souligne que M. [D] [R] intervenait en son seul nom, et non au nom de la succession.
Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 28 mars 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [V] [R] demande à la cour de :
– Déclarer recevable les présentes conclusions compte tenu de l’irrégularité de toute signification qui aurait été diligentée à une autre adresse que celle de M. [V] [R] qui habite [Adresse 6],
– Prendre acte qu’aucune demande n’est formée directement à son encontre par M. [D] [R] ou Mme [M] [K] à l’encontre de M. [V] [R];
– Juger que les demandes formées par Mme [M] [K] contre M. [D] [R] ne relèvent pas de la succession de Mme [O] [R],
– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé la mise hors de cause de M. [V] [R].
M. [V] [R] souligne que les demandes de la salariée ne sauraient concerner la succession, dès lors que le décès de l’employeur met fin, ipso facto, au contrat de travail qui le lie à son salarié, ce contrat ne se poursuivant pas automatiquement avec les héritiers.
Par ailleurs, l’article 784 du Code civil, dont les dispositions sont excipées par son frère, ne concerne que les actes liés à la rupture du contrat de travail et non la reprise de ce contrat par un héritier.
L’aide ménagère a continué son office dans l’intérêt du seul [D] [R], qui résidait au château ,et non pour la conservation du bien tandis que les revendications de Mme [K] ne se sont adressées qu’à lui seul et que la procédure de licenciement n’a été diligentée que par lui, sans indication de ce qu’il agissait au nom de l’indivision.
Enfin, la résiliation judiciaire était formée sur le fondement des seuls agissements fautifs de [D] [R], le seul employeur à compter du 22 octobre 2012.
En tout état de cause, l’abandon de poste de Mme [K] est continu et réitéré depuis décembre 2015 sans qu’elle ait jamais repris son activité.
M. [H] [R], auquel la déclaration d’appel a été signifié le 11 février 2020, n’a pas constitué avocat.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 21 avril 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Le jugement attaqué a été notifié à Mme [K] le 2 octobre 2019, mais la notification à M. [D] [R] ne comporte pas de date certaine, dans la mesure où il habitait en Suisse et que celle-ci n’a pu le joindre, en sorte que le délai pour faire appel n’a pas couru à son égard. Dans ces conditions ,son appel est recevable, ainsi que les appels incidents, sur le fondement de l’ article 550 du code de procédure civile.
L’acte d’huissier de justice du 11 février 2020 ayant été remis à domicile, il y a lieu de statuer par arrêt par défaut en application de l’article 474 du code de procédure civile.
Sur la demande de mise hors de cause de M. [V] [R]
Le château [Adresse 8], à [Localité 10], laissé par [O] [R], à son décès à 90 ans, le 21 octobre 2012, avait fait l’objet d’une donation-partage notariée en 1978, au profit de ses trois fils, date à partir de laquelle ils en possédaient la nue-propriété, l’usufruit étant réservé à leurs parents.
Au décès de leur mère, ils en sont devenus co-indivisaires.
L’article 13 de la convention collective nationale des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999 prévoit que le décès de l’employeur met fin, ipso facto, au contrat de travail qui le liait à son salarié et que le contrat ne se poursuit pas automatiquement avec les héritiers.
En conséquence, au 21 octobre 2012, le contrat de travail avec Mme [K] a été rompu et, seul M. [D] [R] a manifesté la volonté de le poursuivre en inscrivant son seul nom sur les chèques emploi service remis à la salariée de janvier 2014 à novembre 2015. Il a pris l’initiative de licencier la salariée, et donc de sanctionner des manquements de la part de celle-ci, ce qui démontre qu’il se comportait comme le seul employeur. A cet égard, la lettre de licenciement reproche à la salariée une « absence sans autorisation de sa part», ce qui implique que M. [D] [R] contrôlait l’exécution de la prestation de travail. Il ne ressort d’aucun élément du dossier qu’il ait demandé à ses deux frères que la rémunération de la salariée soit considérée comme une dépense incombant à l’indivision ou les ait sollicités afin de partager avec lui le coût du salaire.
Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a mis hors de cause M. [V] et M. [H] [R].
Sur les prétentions au titre de la résiliation judiciaire du contrat de travail
L’article 954 du code de procédure civile dispose que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
En l’espèce, le dispositif des conclusions de Mme [M] [K] ne contient aucun chef de prétention tendant à ce que soit prononcée la résiliation judiciaire du contrat de travail. Les sommes demandées à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse concernent la seule indemnisation du licenciement intervenu le 11 juin 2018.
La cour n’est donc saisie d’aucune demande au titre de la résiliation judiciaire du contrat de travail.
Sur le bien-fondé du licenciement
Aux termes de la lettre de licenciement du 11 juin 2018, M. [D] [R] reproche à Mme [M] [K] une absence continue et injustifiée à son poste de travail depuis le 1er décembre 2015, malgré une lettre de relance du 11 avril 2018.
Même s’il n’est pas établi que Mme [K] ait été informée formellement du décès de [O] [R], son employeur, survenu le 21 octobre 2012, elle l’a su nécessairement par la reprise du contrat de travail par M. [D] [R] aussitôt après.
Il ressort des 23 dernières feuilles de paie que la salariée a été rémunérée pour une activité comprise entre 24 et 39 heures par mois, sauf pour le mois de vacances, et pour un salaire brut qui pouvait atteindre 470 € brut.
Elle a écrit à son employeur le 28 décembre 2015 : « vous deviez m’envoyer un courrier pour me dire si je dois continuer ou pas de travailler les mercredis. Je n’ai rien reçu de votre part, j’ai bien reçu le chèque de mon salaire de novembre 2015. Je vous demande de bien vouloir me faire parvenir mes fiches de paie d’octobre et novembre. En même temps vous deviez me donner vos coordonnées, je n’ai rien de vous ni aucune nouvelle, alors je vous demande de me licencier avec des indemnités si je ne dois plus travailler pour vous afin que je puisse rechercher du travail’ »
Le 21 janvier 2016, la salariée a écrit à son employeur : « suite au courrier que je vous ai envoyé le 28 décembre 2015, je n’ai aucune réponse de votre part. Et je n’ai toujours pas reçu mes fiches de paie d’octobre et novembre 2015. Alors je pense que ce n’est qu’un oubli ou alors vous voulez ne plus en entendre parler. Pour moi, sans nouvelles de votre part, je me verrai dans l’obligation d’entamer une procédure auprès d’un avocat afin d’obtenir mes droits’ » (pièce n° 5).
Le 6 juillet 2016, elle a adressé un courrier recommandé à M. [D] [R] rédigé ainsi : « dans ce courrier, je vous informe que je n’ai toujours pas perçu mes salaires depuis décembre 2015. En effet, vous êtes toujours mon employeur et de ce fait vous devez verser mes salaires mensuellement. Pour rappel, j’effectue neuf heures par semaine à un taux horaire de 10 € payés en chèque emploi service. Si cela est nécessaire je ferai appel à un tribunal pour que cette situation soit définitivement soldée’ » (pièce 6).
L’union locale CGT de Vendôme a rappelé à M. [D] [R] ses défaillances par courrier du 27 juillet 2016, en réitérant les termes utilisés par Mme [K] dans son message du 6 juillet 2016.
Un nouveau courrier recommandé de ce syndicat du 27 octobre 2016, faute de réponse, en rappelle les termes précédents et envisage la saisine d’un conseil de prud’hommes sous quinzaine.
Le 27 juin 2017, l’avocat de Mme [K] a envoyé un courrier officiel à M. [R], en Suisse : « malgré les nombreux courriers qui vous ont été adressés tant par ma cliente que par l’union locale CGT, vous n’avez jamais cru devoir, non seulement adresser le salaire de Mme [K] du mois de décembre 2015, mais également tenir compte qu’à défaut d’avoir été licenciée, elle reste toujours votre employée’ je vous remercie d’indiquer si nous pouvons trouver une solution amiable à ce litige’ ».
Le 11 avril 2018, M. [R], par lettre recommandée, a constaté l’absence de Mme [K] et l’a sommée de reprendre son poste. Le 16 avril suivant, celle-ci lui a adressé un SMS : « je viens vers vous pour les modalités de reprise de travail’ pourriez-vous me contacter’ ».
Le 23 avril 2018, l’avocat de Mme [K] a informé son confrère que M. [D] [R] n’avait pas donné suite aux appels téléphoniques et SMS de sa cliente.
Il convient de noter que dans la lettre de licenciement du 11 juin 2018 M. [D] [R] fait grief à la salariée « de son absence continue à son poste de travail depuis le 1er décembre 2015 sans autorisation de ma part et sans fournir de justification malgré mon courrier de relance du 11 avril 2018′ ».
Le salaire n’est dû qu’en contrepartie du travail. Il ne résulte d’aucune pièce du dossier que Mme [M] [K] ait accompli une prestation de travail pour le compte de M. [D] [R] au-delà du 31 décembre 2015 et qu’elle se soit tenue à disposition de celui-ci.
A cet égard, il convient de relever que Mme [M] [K] avait l’habitude de déposer tous les mois des « post-it » indiquant le nombre d’heures travaillées et qu’aucun « post-it » n’a été déposé à compter de fin 2015.
De plus, dans le courrier adressé à M. [R] le 21 juin 2017, le conseil de Mme [K] a sollicité le paiement du seul salaire de décembre 2015.
Elle-même avait adressé à son employeur divers messages par courrier SMS ou plis recommandés restés sans réponse si bien que, sans salaire de décembre 2015, ni fiches de paie pour octobre et novembre 2015, elle s’est vue totalement délaissée par M. [D] [R].
Aussi la cour doit-elle constater que le salaire mensuel de décembre 2015 n’a pas été payé et que les bulletins de paie ne sont pas parvenus à leur destinataire.
M. [D] [R] est resté l’employeur de Mme [K] jusqu’au licenciement pour faute grave du 11 juin 2018, mais n’allègue ni ne justifie d’aucune réponse à sa salariée, à compter de décembre 2015, jusqu’à la sommation du 11 avril 2018, où il constate son absence et la somme de reprendre son poste.
Mme [K] est ainsi restée pendant plusieurs années dans l’incertitude sur la situation de son contrat de travail.
Par conséquent, dans ce contexte, l’attitude de Mme [M] [K] consistant à ne pas se tenir à disposition de l’employeur et à ne pas fournir sa prestation de travail ne saurait être considérée comme fautive. Par voie de confirmation du jugement, il y a lieu de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences pécuniaires de la rupture
Sur la demande de rappel de salaire
Ainsi qu’il a été précédemment exposé, dans son courrier du 21 juin 2017, l’avocat de la salariée n’a sollicité que le règlement du mois de décembre 2015.
Les seuls bulletins de paie fournis de janvier à novembre 2015 indiquent une moyenne mensuelle de 32 heures travaillées, pour des salaires bruts compris entre 470,78 € et 196,39 €, le taux horaire étant de 12,80 € brut.
Il y a lieu de condamner M. [D] [R] à payer Mme [M] [K], à titre de rappel de salaire pour décembre 2015, la somme de 32 x 12,80 € = 415,36 € brut.
L’article 16 f de la convention collective nationale des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999 prévoit : « Lorsque l’employeur et le salarié ont opté pour le chèque emploi-service, le salaire horaire net figurant sur le chèque emploi-service est égal au salaire horaire net convenu majoré de 10 % au titre des congés payés. Dans ce cas, il n’y a pas lieu de rémunérer les congés au moment où ils sont pris ».
Ainsi les congés payés étaient-ils déjà compris dans le montant du salaire net payé à hauteur de 10 % puisque chaque bulletin de paie comportait la formule « dont 10 % au titre des congés payés » sur le salaire net payé.
Par ailleurs, il n’est aucunement établi que la salariée n’aurait pas été remplie de ses droits à congés payés.
Dans ces conditions, il convient de débouter la salariée de sa demande de 1128 € de congés payés afférents et de celle concernant les congés payés antérieurs à décembre 2015 soit 1’015,20 €.
Sur l’indemnité légale de licenciement
Il y a lieu de retenir que Mme [M] [K] a été au service de M. [D] [R] du 21 octobre 2012, date de rupture du contrat de travail la liant à [O] [R] et à laquelle M. [D] [R] a fait appel à ses services, au 11 juin 2018, date du licenciement.
En application des articles L. 1234-9 et R. 1234-2 du code du travail, dispositions plus favorables que celles de l’article 12 de la convention collective applicable, il y a lieu de condamner M. [D] [R] à payer à Mme [M] la somme de 566,82 euros à titre d’indemnité de licenciement. Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls, le barème ainsi institué n’est pas applicable, permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi.
Le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur est également assuré par l’application, d’office par le juge, des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail.
Mme [M] [K] a acquis une ancienneté de cinq années complètes au moment de la rupture. Le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est compris entre 1,5 et 6 mois de salaire.
Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT (Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 21-14.490, FP-B+R).
Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’elles résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de condamner M. [D] [R] à payer à Mme [M] [K] la somme de 2000 euros brut à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur l’indemnité de préavis
Selon l’article L. 1234-1 du code du travail, la salariée a droit à deux mois d’indemnité de préavis puisqu’elle a travaillé au moins deux ans chez son employeur.
Il y a lieu de fixer l’indemnité compensatrice en considération de la rémunération que la salariée aurait perçue si elle avait travaillé durant cette période.
Il y a lieu de condamner M. [D] [R] à payer à ce titre les sommes de 830,72 € brut, outre 83,07 € brut au titre des congés payés afférents.
Sur la demande de dommages-intérêts pour non paiement des salaires
En définitive, seul le mois de décembre restait dû et n’a pas été payé pendant plusieurs années.
Mme [K] ne justifie pas du préjudice distinct qu’elle aurait subi du fait de ce retard.
Il y a lieu, par voie d’infirmation du jugement, de la débouter de sa demande de dommages-intérêts.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Il y a lieu de condamner M. [D] [R] aux dépens d’appel.
Il y a lieu de condamner M. [D] [R] à payer à Mme [M] [K] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de rejeter les autres demandes fondées sur ce texte.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt par défaut, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe :
Infirme le jugement rendu entre les parties le 30 septembre 2019 par le conseil de prud’hommes de Blois, sauf en ce qu’il a mis hors de cause M. [H] [R] et M. [V] [R], en ce qu’il a débouté Mme [M] [K] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, en ce qu’il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a condamné M. [D] [R] à payer à Mme [M] [K] les sommes de 566,82 € à titre d’indemnité légale de licenciement et de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
Condamne M. [D] [R] à payer à M. [D] [R] les sommes suivantes :
– 415,36 € brut à titre de rappel de salaire,
– 830,72 € brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 83,07 € brut au titre des congés payés afférents,
– 2 000 € brut à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Déboute Mme [M] [K] et M. [D] [R] du surplus de leurs prétentions ;
Condamne M. [D] [R] à payer à Mme [M] [K] la somme de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et rejette les autres demandes fondées sur ce texte ;
Condamne M. [D] [R] aux dépens d’appel.
Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier
Karine DUPONT Alexandre DAVID