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Arrêt n° 22/00565
30 août 2022
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N° RG 19/01089 –
N° Portalis DBVS-V-B7D-FAOR
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Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de THIONVILLE
28 mars 2019
F17/00103
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
Chambre Sociale-Section 1
ARRÊT DU
Trente août deux mille vingt deux
APPELANTE :
Mme [Y] [P]
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représentée par Me Alice RADDE-GALERA, avocat au barreau de THIONVILLE
(bénéficie d’une aide juridictionnelle partielle numéro 2019/009335 du 04/11/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de METZ)
INTIMÉS :
Mme [O] [E] ès qualité de curatrice de Monsieur [A] [R], suivant décision de curatelle renforcée rendue par jugement d’aggravation du Tribunal d’Instance d’ILLKIRCH en date du 19 juin 2017
[Adresse 2]
[Localité 11]
M. [X] [R], en qualité d’héritier de M. [A] [R], décédé le 04 mai 2019
[Adresse 8]
[Localité 6]
M. [D] [R], en qualité d’héritier de M. [A] [R], décédé le 04 mai 2019
[Adresse 1]
[Localité 10]
Mme [H] [PS], en qualité d’héritière de M. [A] [R], décédé le 04 mai 2019
[Adresse 9]
[Localité 4]
Mme [Z] [PS] épouse [K], en qualité d’héritière de M. [A] [R], décédé le 04 mai 2019
[Adresse 3]
[Localité 12]
Représentés par Me Stéphane FARAVARI, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Gaston SCHEUER, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 mars 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Laëtitia WELTER, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre
Mme Anne FABERT, Conseillère
Mme Laëtitia WELTER, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Hélène BAJEUX
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Laëtitia WELTER, Conseillère, subsituant la Présidente de Chambre régulièrement empêchée et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS
Mme [Y] [P] a été embauchée en qualité d’assistante de vie pour s’occuper de Mme [R], malade. Suite au décès de Mme [R], Mme [P] est restée au service de M. [R], suivant contrat à durée indéterminée à compter du 1er mars 2015.
Par jugement du 25 novembre 2015, confirmé par la cour d’appel de Metz le 21 avril 2016, M. [A] [R] était placé sous curatelle.
M. [A] [R] était décédé le 4 mai 2019.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 14 février 2017, Mme [P] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 1er mars 2017.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 07 mars 2017, Mme [P] était licenciée, M. [R] déménageant en Alsace, au domicile de ses enfants.
Le 02 juin 2017, Madame [P] saisissait le Conseil de prud’hommes de Thionville aux fins de :
Condamner la partie défenderesse à verser les sommes suivantes :
‘Heures supplémentaires (majoration à 25 et 50 % ) : 186 265,20 € net
‘Congés payés afférents à ces heures supplémentaires : 18 626,52 € net
‘Dommages et intérêts pour non respect de la durée maximale quotidienne et hebdomadaire : 5 000,00 €
‘Dommages et intérêts pour non attribution du jour de repos hebdomadaire : 5000,00 €
‘Salaire du mois de février 2017 : 2 000,00 € net
‘Congés payés y afférents : 200,00 € net
‘Salaire correspondant à la période allant du 1er au 9 mars 2017 : 600,00 € net
‘Congés payés y afférents : 60,00 € net
‘Indemnité légale de licenciement : 3 624,17 €
‘Dommages et intérêts pour rupture abusive de la relation de travail : 40 000,00 €
‘Article 700 du code de procédure civile : 3 000,00 €
Ordonner à la partie défenderesse la délivrance, ce sous astreinte de 100 € par jour de retard commençant à courir 8 jours après la notification de la décision à intervenir, une attestation destinée à Pôle Emploi rectifiée conformément aux termes de la décision à intervenir,
Ordonner l’exécution provisoire sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile,
Condamner la partie défenderesse aux entiers frais et dépens
Par jugement du 28 mars 2019, le Conseil de prud’hommes de Thionville a :
Rejeté l’exception de sursis à statuer soulevée sur le fondement de l’article 4 du Code de Procédure Pénale, par la partie défenderesse, compte tenu d’une plainte pénale contre ‘ X ‘, en cours, déposée devant le Procureur de la République près le T.G.I. de Thionville, par les enfants de M. [A] [R] pour dénoncer une situation de faits troublants,
Constaté que M. [A] [R], défendeur au litige, a fait l’objet d’une mesure de curatelle simple par jugement du Tribunal d’instance de Thionville, du 26 novembre 2015, et désignant Mme [S] [C], sa nièce, en qualité de curatrice,
Constaté que suite à un appel interjeté sur ledit jugement par Mme [O] [E], et M. [D] [R], la Chambre des tutelles de la Cour d’appel de Metz a confirmé le jugement du TI de Thionville du 26 novembre 2015, y ajoutant que M. [X] [R] était désigné en qualité de subrogé tuteur, aux côtés de Mme [S] [C], pour exercer la curatelle de M. [A] [R],
Constaté que, par ordonnance de décharge du curateur et subrogé curateur rendue par le juge des tutelles du Tribunal d’instance d’Illkirch le 3 avril 2017, Mme [S] [C] a été déchargée de ses fonctions de curatrice, et que Mme [O] [E], domiciliée [Adresse 2] [Localité 11], a été désignée en qualité de mandataire spécial, renforçant ainsi les effets du régime de la curatelle simple pour la transformer en régime de curatelle renforcée, ce par jugement d’aggravation de la curatelle simple en curatelle renforcée, rendu par le Tribunal d’instance d’Illkirch, le 19 juin 2017,
Constaté que le jugement du Tribunal d’instance d’Illkirch précité a désigné Mme [O] [E], demeurant [Adresse 2] à [Localité 11], comme curatrice pour assister le majeur incapable dans l’administration de ses biens et de sa personne, et qu’il a désigné par ailleurs M. [X] [R], demeurant [Adresse 8] 57050 [Localité 6], en qualité de subrogé curateur, précisant que le curateur recevra seul les revenus de la personne en curatelle, qu’il assurera également le règlement des dépenses auprès des tiers,
Statuant au fond,
Constatant que Mme [Y] [P] devait bénéficier, en application des dispositions de la convention collective applicable, d’un préavis de deux mois, ainsi que d’une indemnité conventionnelle de licenciement,
Condamné M. [A] [R], bénéficiant d’une mesure de protection de curatelle renforcée par jugement rendu le 19 juin 2017 par le Tribunal d’instance d’Illkirch, ayant désigné Mme [O] [E], en qualité de curateur pour assister le défendeur dans l’administration de ses biens et de sa personne, à payer à Mme [Y] [P] les sommes suivantes :
‘2 000,00 € nets au titre de la période de préavis pour le mois de Février 2017,
‘200,00 € nets à titre de congés payés y afférents
‘600 € nets au titre de la période de préavis pour le mois de Mars 2017,
‘60,00 € nets à titre de congés payés y afférents,
‘2 476,00 € nets à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
‘1 250,00 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
Débouté Mme [Y] [P] du surplus de ses demandes,
Débouté Monsieur [A] [R] représentée par Mme [O] [E], curatrice de ce dernier, désignée par jugement du Tribunal d’instance d’Illkirch , du 19 juin 2017, de leur demande reconventionnelle fermée au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
Mis les dépens à la charge de M. [A] [R].
Le 26 avril 2019, Madame [P] a régulièrement interjeté appel de ce jugement.
Par ses dernières conclusions du 18 janvier 2022, Madame [P] demande à la Cour de :
Confirmer le Jugement du Conseil des Prud’hommes en ce qu’il a condamné l’employeur au paiement d’une somme de 2 000 € au titre du salaire du mois de février 2017, outre 200 € au titre de congés payés y afférents et au paiement d’une somme de 600 € nets au titre du salaire pour la période du 1er au 09 mars 2017, outre 60 € nets à titre de congés payés ;
Infirmer le Jugement du Conseil de Prud’hommes de THIONVILLE pour le surplus ;
Statuant à nouveau :
Dire et juger que le licenciement ne repose sur aucune cause réelle ni sérieuse ;
Condamner l’employeur au paiement d’une somme de 40 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive de la relation de travail ;
Condamner l’employeur au paiement d’une somme de 3 624.17 € au titre du solde d’indemnité légale de licenciement due à Madame [P] ;
Condamner l’employeur au paiement d’une somme de 172 702.20 € au titre des heures supplémentaires et 17 270.22 € à titre de congés payés y afférent ;
Condamner l’employeur au paiement d’une somme de 5 000 € au titre de dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale de travail quotidienne et hebdomadaire ;
Condamner l’employeur au paiement d’une somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect du repos hebdomadaire ;
Par leurs dernières conclusions du 1er février 2022, Madame [E], Monsieur [X] [R] et Monsieur [D] [R], en leur qualité d’ayants droit de M. [A] [R], demandent à la Cour de :
Rejeter l’appel de Madame [P], le dire mal fondé.
Confirmer le Jugement entrepris à l’exception de l’indemnité de l’article 700 du CPC.
Débouter Mme [P] de ses fins et conclusions en ce qu’elles tendent à solliciter la condamnation aux montants suivants :
‘40.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive de la relation de travail
‘3624,17 € au titre du solde d’indemnité légale de licenciement
‘172.702,20 € au titre des heures supplémentaires
‘17.270,22 € à titre de congés payés y afférents
‘5000 € au titre de dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale de travail quotidienne et hebdomadaire
‘5000 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect du repos hebdomadaire
‘astreinte de 100 € par jour de retard commençant à courir 8 jours après la notification de la décision à intervenir d’une attestation Pôle-Emploi rectifiée
‘3 000 € au titre de l’article 700 du CPC pour les frais de première instance
‘3 000 € au titre de l’article 700 du CPC pour les frais à hauteur d’appel
les entiers frais et dépens.
Condamner Madame [P] au paiement d’une indemnité de 3 000 € au titre de l’article 700 du CPC.
Condamner Madame [P] aux entiers frais et dépens d’instance et d’appel.
Il convient en application de l’article 455 du Code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 mars 2022.
MOTIVATION
Sur le licenciement
Mme [P] sollicite la somme de 40 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Toutefois, elle ne motive aucunement cette demande, et ne la fonde pas juridiquement, se contentant d’affirmer que M. [R] n’aurait jamais souhaité la licencier, et trouvant la procédure « totalement inique et pour M. [R], et pour elle-même puisqu’elle perdait son emploi ».
Cette demande non motivée sera donc rejetée et le jugement entrepris confirmé sur ce point.
Sur l’indemnité de préavis
L’appel de Mme [P] ne portant pas sur ce point, et les intimés n’ayant pas formé appel incident, la présente cour n’est pas saisie de la demande de versement de salaire au cours du préavis.
Sur l’indemnité de licenciement
Le conseil de prud’hommes a alloué à Mme [P] la somme de 2 476 € au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement, dans la mesure où elle avait d’ores et déjà bénéficié du versement de la somme de 642,50 €.
Mme [P] conteste ce montant dans la mesure où elle considère que son ancienneté ne remonte pas au 1er mars 2015, mais au 1er octobre 2006, ce qui modifie donc le montant de l’indemnité de licenciement.
Toutefois, le seul contrat versé aux débats liant Mme [P] à M. [R] est bien daté du 1er mars 2015. Son emploi précédant la liait à Mme [R], et n’est, en tout état de cause, pas produit.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a considéré que l’ancienneté de Mme [P] remontait au 1er mars 2015, et qu’elle pouvait donc prétendre au versement de la somme de 2 476 € au titre de l’indemnité de licenciement.
Sur les heures supplémentaires
A titre liminaire, il convient de préciser les termes du contrat de travail liant Mme [P] à M. [R].
Mme [P] était employée auprès de M. [R] en qualité d’assistante de vie 1 de niveau 2 « pour assurer une présence auprès de M. [R] en veillant à son confort physique et moral, et en exécutant les tâches ménagères courantes.
A cet effet, elle est embauchée à temps plein, étant convenu entre les parties que la durée du travail hebdomadaire sera de 2 heures de travail effectif au titre des tâches ménagères et 7,5 heures de présence responsable correspondant à un horaire pendant lequel la salariée peut utiliser son temps pour elle-même tout en restant vigilante pour intervenir à la demande de M. [R] s’il y a lieu ».
S’agissant des heures supplémentaires, il résulte de l’article L. 3171-4 du Code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties, que l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié et que le juge doit se déterminer au vu de ces éléments et de ceux produits par le salarié.
Le salarié étant en demande, il lui appartient néanmoins de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande, tant sur l’existence des heures dont il revendique le paiement que sur leur quantum, à charge pour l’employeur de les contester ensuite en produisant ses propres éléments
Ces éléments doivent être suffisamment sérieux et précis quant aux heures effectivement réalisées pour permettre à l’employeur d’y répondre.
En l’espèce, Mme [P] affirme avoir été présente 24 heures sur 24 aux côtés de M. [R]. Elle précise retirer « les 2 h de tâches ménagères constituant du travail effectif et les 7 h de présence représentant 5 heures de travail effectif, on obtient un solde de 15 h par jour, qui, si on les considère comme des heures de présence correspondent à 10 heures de travail effectif, soit 70 heures par semaines qui n’ont pas été rémunérées, ce qui, pour la période considérée (juin 2014 au 13 janvier 2017) représente 137 semaines ».
Néanmoins, après avoir pris connaissance des pièces versées aux débats par les intimés, Mme [P] estime qu’elle « aurait dû être plus précise quant au chiffrage effectué pour les quelques heures de travail qu’elle a presté en dehors du domicile de M. [R] ».
Elle affirme ainsi n’avoir effectué que 5 heures de travail en dehors du domicile de M. [R], au bénéfice d’autres personnes, et sollicite donc le versement de la somme de 172 702,20 € au titre des 65 heures supplémentaires par semaine sur 137 semaines, effectuées mais non rémunérées.
Au soutien de ses demandes, elle verse aux débats l ‘arrêt de la cour d’appel de Metz du 21 avril 2016 statuant sur la mesure de protection à l’égard de M. [R] qui précise que celui-ci « vit à son domicile en s’appuyant sur l’assistance de sa dame de compagnie, Mme [P] qui s’est rendue indispensable auprès de lui, vit avec lui, et gère toutes ses affaires ».
Elle se prévaut également de plusieurs attestations de voisins ou de commerçants qui confirment sa présence régulière aux côtés de M. [R], sans plus de précision.
Ainsi, M. [N] [WT] indique « je peux confirmer que sa dame de compagnie s’occupait jour et nuit de M. [R] en tant que voisin aujourd’hui retraité et vivant en face de chez lui. Il semblait très heureux de vivre chez lui et s’entendait parfaitement avec sa dame de compagnie et son chien. Je les voyait très souvent partir dans leur voiture VW Golf ».
M. [M] [V] explique « M. [R] a été encadré jour et nuit par Mme [P], 7 jours sur 7. Mme [P] l’accompagnait très régulièrement en voiture que ce soit pour acheter du pain ou pour des sorties diverses (courses …) ».
M. [L] [T] indique « en tant que vis à vis de M. [R], je peux confirmer que tous les jours, sa dame de compagnie s’occupait de lui, l’emmenait en différents endroits tels le centre commercial Leclerc de [Localité 13] ou autre (‘) il nous a même dit que sans elle, vu son handicap visuel, il ne savait pas ce qu’il serait devenu, car ses enfants étaient ingrats envers lui, et qu’en aucun cas il n’aurait voulu vivre chez eux, et qu’il était très content de vivre ses vieux jours dans son domicile avec sa dame de compagnie ».
Mme [G] [W] « atteste sur l’honneur que Mme [P] s’occupait jour et nuits de mon cousin [A] ».
M. [F] [B] « certifie que Mme [P] travaille jours et nuits, sans congé, sans vacance, sans rien tout le temps elle travaille même les jours fériés du lundi au dimanche ».
Les petites filles de M. [R] ont également fourni des attestations.
Mme [H] [PS] indique ainsi « il apparaissait très clairement que le rapport entre notre grand-père et Mme [P] n’était pas exclusivement professionnel et comportait un volet affectif (‘) Il nous a semblé qu’elle partageait en quelque sorte sa vie, logeait chez lui, avait ramené ses animaux domestiques et y recevait sa s’ur. L’état de notre grand-père ne nécessitant en aucun cas la présence permanente d’une gouvernante, celle-ci ne s’expliquait pour nous que par l’amitié qui semblait les lier. D’ailleurs le discours de Mme [P] distinguait clairement le volet affectif de ses activités de gouvernante, elle indiquait expressément qu’elle aimait notre grand-père comme un père et ne considérait nullement le temps passé à ses côtés comme une activité professionnelle ».
Cette attestation est confirmée par celle de Mme [Z] [PS].
La salariée fournit donc bien des éléments de nature à étayer sa demande, tant sur l’existence des heures dont elle revendique le paiement que sur leur quantum.
Il appartient donc à l’employeur de fournir les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié.
En l’espèce, les intimés produisent le rapport d’un détective privé qui, selon eux, conclut au fait que Mme [P] n’aurait pas exercé de façon exclusive chez M. [R].
Il ressort de ce rapport que l’enquêteur s’est rendu au domicile de M. [I] [R] qui lui indique avoir employé Mme [P] en avril 2015 (9h), et en mai 2015 (6h), en qualité d’aide ménagère pour sa femme.
Mme [P] reconnaît d’ailleurs avoir travaillé en tout et pour tout 15 heures au service de M. [R].
L’enquêteur a également visité la fille de Mme [J] qui affirme que Mme [P] a travaillé pour sa mère, à compter d’octobre 2015, les lundis matins, mercredis matin et jeudi matin.
Mme [P] explique que « pour rendre service à sa fille, elle passait deux fois par semaine pour rendre visite à la maman, mais ne s’attardait pas, devant rejoindre le domicile de M. [R] ».
Il ressort du jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Thionville le 30 septembre 2021, que, des propres déclarations de Mme [P], elle a été embauchée par Mme [J] le 1er octobre 2015, et qu’elle travaillait au bénéfice de cette personne 3h30 tous les mercredis matin.
L’enquêteur a également interrogé Mme [U] qui explique employer Mme [P], une fois par semaine, depuis décembre 2015.
Il ressort du jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Thionville le 1er juillet 2021, que, des propres déclarations de Mme [P], elle a été embauchée par Mme [U] en décembre 2015, et qu’elle travaillait au bénéfice de cette personne tous les jeudis matin.
Enfin, l’enquêteur a interrogé le fils de M. [AG] qui avait employé Mme [P], jusqu’au 26 janvier 2015, 8 heures par semaine.
Les intimés présentent ainsi des éléments venant contredire les prétentions de Mme [P]. Il ne s’agit toutefois pas « d’éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié » comme l’exige l’article L 3171-4 du code du travail.
Mme [P], qui a revu ses prétentions à la baisse après avoir pris connaissance du rapport de l’enquêteur privé, ne tient toutefois pas compte dans ses calculs des temps de trajet entre le domicile de M. [R] et les domiciles des personnes chez qui elle travaillait alors.
Elle ne prend pas plus en considération les dispositions de l’article 3 de la convention collective nationale des salariés du particulier employeur, aux termes duquel 1 heure de présence responsable équivaut à 2/3 d’heure de travail effectif, le temps passé au domicile de M. [R] étant, pour partie du temps de travail effectif, et pour partie du temps de présence responsable.
Par conséquent, au vu des éléments fournis tant par la salariée que par les intimés, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a intégralement débouté la salariée de sa demande d’heures supplémentaires. Les intimés seront condamnés à verser à Mme [P] la somme de 10 000 € au titre des heures supplémentaires pour la période allant de juin 2014 au 13 janvier 2017, outre 1 000 € au titre des congés payés afférents.
Sur les demandes de dommages et intérêts pour violation des dispositions impératives de la durée maximale de travail
Mme [P] sollicite le versement de la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour non respect de la durée quotidienne hebdomadaire du travail, outre 5 000 € de dommages et intérêts pour non attribution du jour de repos hebdomadaire.
Toutefois, il n’existe pas de préjudice nécessaire, et Mme [P] n’expose ni ne justifie du moindre préjudice en l’espèce, ses demandes seront donc rejetées et le jugement entrepris confirmé sur ce point.
Sur les autres demandes
Le jugement sera confirmé en ses dispositions sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Les intimés devront remettre une attestation Pôle emploi rectifiée conformément aux termes de la présente décision sans qu’il y ait lieu d’assortir ce point d’une astreinte.
Il n’y a pas lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement rendu le 28 mars 2019 par le conseil de prud’hommes de Thionville, sauf en ce qu’il a intégralement débouté Mme [Y] [P] de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents ;
Et, statuant à nouveau,
Condamne in solidum Mme [O] [E], M. [X] [R], M. [D] [R], Mme [H] [PS] et Mme [Z] [PS], en leur qualité d’ayants droit de M. [A] [R], à verser à Mme [Y] [P] la somme de 10 000 € au titre des heures supplémentaires, outre 1 000 € au titre des congés payés afférents ;
Dit qu’il appartient à Mme [O] [E], M. [X] [R], M. [D] [R], Mme [H] [PS] et Mme [Z] [PS], en leur qualité d’ayants droit de M. [A] [R], de délivrer à Mme [Y] [P] une attestation Pôle emploi rectifiée conformément aux termes de la présente décision ;
Dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Dit que chaque partie supportera la charge de ses dépens.
La GreffièreP/La Présidente régulièrement empêchée
La Conseillère