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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
Chambre sociale 4-2
(Anciennement 6e chambre)
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 22 FEVRIER 2024
N° RG 21/02914 –
N° Portalis DBV3-V-B7F-UYPR
AFFAIRE :
[K] [Y]
C/
[G] [O] épouse [Z]
[J] [O]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 août 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE
N° Section : AD
N° RG : 19/03217
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Anthony MOTTAIS
Me Didier FRERING
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT DEUX FEVRIER DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Madame [K] [Y]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentant : Me Anthony MOTTAIS de la SELARL DERBY AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de CAEN, vestiaire : 081 substitué par Me Paul CASENAV, avocat au barreau de PARIS
APPELANTE
****************
Madame [G] [O] épouse [Z]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Didier FRERING, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1106
Monsieur [J] [O]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentant : Me Didier FRERING, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1106
INTIMES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 28 novembre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Domitille GOSSELIN,
Greffier lors de la mise à disposition : Madame Dorothée MARCINEK
Vu le jugement rendu le 3 août 2021 par le conseil de prud’hommes de Nanterre,
Vu la déclaration d’appel de Mme [K] [Y] du 5 octobre 2021,
Vu les conclusions de Mme [K] [Y] du 18 septembre 2023,
Vu les conclusions de Mme [Z] née [O] et M. [O] ès qualités d’ayants droit de [M] [O] du 26 septembre 2023,
Vu l’ordonnance de clôture du 25 octobre 2023.
EXPOSE DU LITIGE
Mme [K] [Y], née le 29 juillet 1952, a été engagée par contrat de travail à durée indéterminée du 15 septembre 2015, par Mme [M] [O], alors âgée de 104 ans, en qualité d’assistante de vie, moyennant une rémunération initiale de 12 euros net par heure, pour une durée hebdomadaire de 30 heures par semaine et de 5 heures par jour du lundi au samedi.
[M] [O] est décédée le 30 décembre 2016.
Par courrier en date du 21 février 2017, Mme [G] [Z] née [O] et M. [J] [O], en leur qualité d’ayants droit d'[M] [O], ont notifié à Mme [Y] la fin de son contrat dans les termes suivants :
« Le signataire de la présente et Mme [G] [Z], ès qualités d’héritiers de la succession [M] [O], vous avons reçue le 17 février dernier pour l’entretien préalable auquel nous vous avions convoquée et où vous vous êtes présentée accompagnée de votre fille.
Nous vous rappelons que vous avez été embauchée par notre mère, Mme [M] [O], alors âgée de 104 ans, en qualité d’auxiliaire de vie essentiellement afin d’assurer une présence à ses côtés.
Ainsi que nous vous l’avons exposé, notre mère est décédée le 30 décembre 2016.
Aux termes de l’article 13 de la Convention collective Nationale des Salariés du Particulier Employeur, étendue, applicable à votre contrat de travail « Le décès de l’employeur met fin ipso facto au contrat de travail qui le liait au salarié. La date du décès de l’employeur fixe le départ du préavis ».
En conséquence, compte tenu de votre ancienneté, votre préavis d’un mois a commencé le 31 décembre 2016 pour finir le 31 janvier 2017.
A cette date vous sont dus les salaires ayant pu courir au mois de janvier 2017, vos congés payés liquidés au 31 janvier 2017 ainsi que votre indemnité de licenciement.
Nous vous adressons en conséquence l’ensemble des sommes qui vous sont dues ainsi que les documents légaux (certificat de travail, attestation Pôle emploi) vous revenant par courrier tournant. »
A la date de la rupture, Mme [Y] était en arrêt de travail depuis le 7 juin 2016.
Par requête reçue au greffe le 16 octobre 2019, Mme [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre des demandes suivantes :
– condamner Mme [Z] et M. [O], ès qualités d’ayants droit de Mme [O] à verser à Mme [Y] les sommes suivantes :
– rappel de salaire : 5 111,97 euros net,
– congés payés y afférents : 511,19 euros net,
– au titre des repos compensateurs : 3 483,78 euros net,
– congés payés y afférents : 348,37 euros net,
– rappel d’indemnité de licenciement : 942 euros,
– dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale de travail et des repos obligatoires : 15 000 euros,
– dommages et intérêts pour travail dissimulé : 25 728 euros,
– les sommes ci-dessus portant intérêt au taux légal au jour de la saisine du conseil de prud’hommes,
– condamner Mme [Z] et M. [O], ès qualités d’ayants droit de Mme [O], à transmettre à Mme [Y] les bulletins de paie et documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour, passé un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement,
– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir,
– fixer le salaire moyen de Mme [Y] à 4 288 euros,
– condamner Mme [Z] et M. [O], ès qualités d’ayants droit de Mme [O], à verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [Z] et M. [O], ès qualités d’ayant droit de Mme [O], aux entiers dépens.
Mme [Z] et M. [O] ès qualités avaient, quant à eux, demandé à ce que Mme [Y] soit déboutée de ses demandes.
Par jugement contradictoire rendu le 3 août 2021, le conseil de prud’hommes de Nanterre a :
– dit que les demandes de Mme [Y] sont mal fondées,
– débouté Mme [Y] de l’intégralité de ses demandes,
– condamné Mme [Y] aux entiers dépens.
Par déclaration du 5 octobre 2021, Mme [Y] a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 18 septembre 2023, Mme [K] [Y] demande à la cour de :
– infirmer le jugement de première instance en ce qu’il l’a déboutée de l’intégralité de ses demandes et condamnée aux dépens,
Statuant à nouveau,
– condamner Mme [Z] et M. [O] ès qualités d’ayants droit de Mme [O] à verser à Mme [Y] les sommes suivantes :
– 5 111,97 euros net à titre de rappel de salaire outre 511,19 euros net au titre des congés payés y afférents,
– 3 483,78 euros net au titre des repos compensateurs outre 348,37 euros net au titre des congés payés y afférents,
– 942 euros à titre de rappel d’indemnité de licenciement,
– 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale de travail et des repos obligatoires,
– 25 728 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
– 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
les sommes ci-dessus portant intérêt au taux légal au jour de la saisine du conseil de prud’hommes,
– condamner Mme [Z] et M. [O] ès qualités d’ayants droit de Mme [O] à transmettre à Mme [Y] les bulletins de paie et documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour, passé un délai de 15 jours à compter de la notification du présent jugement,
– condamner Mme [Z] et M. [O] ès qualités d’ayant droit de Mme [O] aux entiers dépens.
Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 26 septembre 2023, Mme [G] [Z] née [O] et M. [J] [O] demandent à la cour de :
– dire irrecevables les demandes de payement des heures supplémentaires,
– confirmer purement et simplement le jugement dont appel dans toutes ses dispositions,
– débouter Mme [Y] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l’audience et rappelées ci-dessus.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 25 octobre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1- sur le rappel de salaires au titre de la majoration des heures supplémentaires
Si les dispositions du code du travail relatives à la durée du travail et au temps partiel ne sont pas applicables aux employés de maison qui travaillent au domicile privé de leur employeur et sont soumis à la convention collective nationale des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999, il n’en va pas de même de celles de l’article L. 3171-4 du code du travail relatives à la preuve de l’existence ou du nombre des heures effectuées.
En effet, l’article L. 3171-4 du même code dispose que, ‘en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.’
Un salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord au moins implicite de l’employeur, soit s’il est établi que leur réalisation a été rendue nécessaire par les tâches qui ont été confiées au salarié.
Au visa du texte susmentionné, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences légales ainsi rappelées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Il résulte de l’article 15 de la convention collective nationale des salariés de particulier employeur, dans sa version applicable à l’espèce que ‘Conformément à la directive européenne n° 97/81 du 15 décembre 1997 publiée auJOCEL. 14 du 20 janvier 1998, tout salarié dont la durée normale de travail calculée sur une base hebdomadaire, ou en moyenne sur une période d’emploi pouvant aller jusqu’à 1 an, est inférieure à 40 heures hebdomadaires, est un “travailleur à temps partiel”.
Une heure de présence responsable correspond à 2/3 de 1 heure de travail effectif : voir article 3a”Définition de la présence responsable”.
a) Durée du travail pour un salarié à temps plein
La durée conventionnelle du travail effectif est de 40 heures hebdomadaires pour un salarié à temps plein.
Pour les emplois sans heures de présence responsable (voir art. 2 “Classification”), dans le cas où le salarié reste à la disposition de l’employeur sans travail effectif, les heures au-delà de 40 heures et dans la limite de 4 heures par semaine seront rémunérées au taux plein du niveau de la classification.
Cet article pourra être revu en fonction de la répercussion sur la profession de l’évolution générale des emplois.
b) Heures supplémentaires
Les heures supplémentaires sont celles effectivement travaillées, effectuées au-delà de l’horaire hebdomadaire de 40 heures de travail effectif.
1. Horaires réguliers :
Si l’horaire est régulier, la majoration pour heures supplémentaires est applicable lorsque le nombre d’heures de travail effectif et/ou le nombre d’heures résultant de la transformation (1) en heures de travail effectif dépasse 40 heures hebdomadaires.
2. Horaires irréguliers :
Si l’horaire est irrégulier, la majoration pour heures supplémentaires est applicable lorsque le nombre d’heures de travail effectif et/ou le nombre d’heures résultant de la transformation (1) dépasse une moyenne de 40 heures hebdomadaires calculée sur un trimestre.
En cas d’horaires irréguliers, l’amplitude hebdomadaire va de 0 à 48 heures.
3. Rémunération.- Récupération :
Les heures supplémentaires telles que calculées aux paragraphes précédents sont rémunérées, ou récupérées dans les 12 mois, suivant accord entre les parties.
Elles ne pourront excéder une moyenne de 8 heures par semaine calculée sur une période quelconque de 12 semaines consécutives sans dépasser 10 heures au cours de la même semaine.
Elles donneront lieu en rémunération ou en récupération à une majoration de 25 % (pour les 8 premières heures) et à une majoration de 50 % (pour les heures supplémentaires au-delà de 8 heures)’ […].
L’article 3 a/ de la convention collective définit ainsi la présence responsable : ‘Les heures de présence responsable sont celles où le salarié peut utiliser son
temps pour lui-même tout en restant vigilant pour intervenir, s’il y a lieu.
Le nombre d’heures éventuelles de présence responsable peut évoluer notamment en fonction de :
– l’importance du logement ;
– la composition de la famille ;
– l’état de santé de la personne âgée, handicapée ou malade.
Une heure de présence responsable équivaut à deux tiers d’une heure de travail effectif.’
L’appelante soutient qu’elle a effectué de nombreuses heures supplémentaires qui ont été rémunérées au taux normal ce que reconnait, selon elle, l’employeur qui en a fait mention sur les bulletins de salaires ; que la convention collective du particulier employeur prévoit que les heures supplémentaires sont les heures effectuées au-delà de la 40ème heure, soit une majoration de 25% à compter des 8 premières heures et 50% pour les heures suivantes.
Selon le contrat de travail, la salariée travaillait du lundi au samedi de 9 heures à 14 heures, soit 5 heures de travail effectif et 30 heures par semaine.
La rubrique ‘nombre d’heures de présence responsable’ et le nombre correspondant en heures de travail effectif ‘(1 h de présence responsable =2/3 d’1 h de travail effectif)’ n’est pas renseignée dans le contrat.
L’appelante, pour justifier des heures supplémentaires, s’appuie sur les attestations d’emploi valant bulletins de salaire établies par le CESU mentionnant entre septembre 2015 et juin 2016 le nombre d’heures travaillées rémunérées à un salaire horaire net de 12 euros soit :
– 177 heures travaillées pour un salaire brut de 2 777,54 euros et un salaire net de 2 124 euros comprenant 10% au titre des congés payés, du 15 au 30 septembre 2015,
– 302 heures travaillées pour un salaire brut de 4 728,92 euros et un salaire net de 3 624 euros comprenant 10% au titre des congés payés, pour le mois d’octobre 2015,
– 272 heures travaillées pour un salaire brut de 4 261,21 euros et un salaire net de 3 264 euros
comprenant 10% au titre des congés payés, pour le mois de novembre 2015,
– 247 heures travaillées pour un salaire brut de 3 876,35 euros et un salaire net de 2 964 euros comprenant 10% au titre des congés payés, pour le mois de décembre 2015,
– 271 heures travaillées pour un salaire brut de 4 250,78 euros et un salaire net de 3 252 euros comprenant 10% au titre des congés payés, pour le mois de janvier 2016,
– 247 heures travaillées pour un salaire brut de 3 876,35 euros et un salaire net de 2 964 euros comprenant 10% au titre des congés payés, pour le mois de février 2016,
– 168 heures travaillées pour un salaire brut de 2 639,78 euros et un salaire net de 2 016 euros comprenant 10% au titre des congés payés, pour le mois de mars 2016,
– 130 heures travaillées pour un salaire brut de 2 042,68 euros et un salaire net de 1 560 euros comprenant 10% au titre des congés payés, pour le mois d’avril 2016,
– 140 heures travaillées pour un salaire brut de 2 199,83 euros et un salaire net de 1 680 euros comprenant 10% au titre des congés payés, pour le mois de mai 2016,
– 51 heures travaillées pour un salaire brut de 801,35 euros et un salaire net de 612 euros comprenant 10% au titre des congés payés, du 1er au 7 juin 2016
(pièces n°10 appelante).
Par ces seules attestations, Mme [Y] apporte ainsi des éléments factuels permettant à l’employeur qui assure le contrôle des heures de travail accomplies, d’y répondre utilement.
Les ayants droit de l’employeur affirment que Mme [Y] décomptait son temps de travail hors de tout contrôle sans distinguer heures de travail effectif, heures de présence responsable et heures de repos qui n’avaient pas à être payées ; que c’est sur la base de ces relevés qu’elle a été déclarée et payée ; qu’elle n’a jamais contesté les montants qui lui étaient réglés ou les bulletins de salaire établis par le CESU pendant l’exécution du contrat de travail.
Ils indiquent de même que Mme [Y], en dehors d’allégations sur sa charge de travail, n’évoque pas quelles étaient ses tâches ; qu’aucun détail des heures prétendument effectuées n’est versé aux débats ; que le dépassement de l’amplitude horaire hebdomadaire n’est pas justifié ; qu’une heure de présence responsable équivaut à 2/3 d’heure de temps ; que seule Mme [Y] peut effectuer le calcul entre heures effectives et heures de présence responsable, l’employeur étant décédé et ses héritiers âgés de 89 et 82 ans ne pouvant y suppléer.
Ils font valoir également que ses fonctions étaient celles d’une assistante de vie consistant à assurer une présence responsable, le ménage étant exécuté par une femme de ménage ; que les repas d'[M] [O] étaient portés par la mairie de sorte que Mme [Y] n’avait pas à faire la cuisine pour l’employeur mais pour elle-même en faisant ses courses aux frais d'[M] [O]; que Mme [Y] se bornait à accompagner cette dernière lors de ses sorties au parc, restait dans l’appartement pour regarder la télévision ou se reposait dans la seconde chambre ou assistait aux visites faites à son employeur.
L’employeur étant décédé ne peut produire un quelconque relevé, la salariée n’ayant pas contesté sa rémunération avant le décès d'[M] [O] puisque les courriers dont elle se prévaut sont postérieurs à ce décès, et les ayants droit de la défunte n’ayant pas accès au compte CESU de celle-ci du fait du décès.
L’appelante fait état ‘de cadences infernales compte tenu de l’âge de l’employeur’ mais ne précise pas en quoi consistaient ses tâches auprès d’une personne âgée de 104 ans, le contrat de travail décrivant ainsi le poste ‘ soins à personne âgée et handicapée’.
Or, les intimés allèguent que la salariée ne faisait pas le ménage, ni la cuisine, ses fonctions consistant à faire la toilette de la personne – aucun élément du dossier ne permettant d’affirmer que les soins à la personne excédaient la toilette -, la promener au parc, regarder la télévision avec elle, être présente lors de visites de personnes de l’extérieur. Ils affirment également que Mme [Y] se reposait dans la seconde chambre de l’appartement.
Ces allégations, certes non confirmées par des éléments tels des attestations, ne sont pas utilement démentis par l’appelante et sont pertinentes au regard de l’âge très avancé de l’employeur laquelle devait se reposait une grande partie de la journée.
Les heures travaillées déclarées au CESU sur la base des heures fournies par un employeur particulièrement vulnérable, n’ont pu l’être que sur les déclarations de la salariée.
Les heures travaillées déclarées supposent que la salariée effectuait sur 15 jours (septembre 2015) près de 90 heures par semaine soit sur 6 jours, près de 15 heures par jour, et sur un mois (octobre 2015 à mars 2016) respectivement 60 heures, 54 heures, 49 heures, 54 heures, 49 heures, 33 heures par semaine, aucun élément ne permettant d’établir que Mme [Y] travaillait pendant son jour de repos, et encore moins de nuit en logeant chez l’employeur.
Il en résulte que, contrairement à ce qu’indique le contrat de travail, Mme [Y] travaillait à plein temps selon des horaires irréguliers, ce qu’elle revendique d’ailleurs dans ses courriers adressés aux ayants droit postérieurement au décès de l’employeur (pièces n°8 et 9 appelante).
En l’absence d’éléments permettant d’établir l’existence d’heures de présence responsable, le contrat ne l’indiquant pas et la salariée le contestant, il convient de faire application de l’article 15 précité de la convention collective applicable aux termes duquel, pour un plein temps correspondant à 40 heures par semaine dans un emploi sans heures de présence responsable telle que définie à l’article 3 a/ de la convention collective précité, et dans le cas où le salarié reste à la disposition de l’employeur sans travail effectif, les heures au-delà de 40 heures et dans la limite de 4 heures par semaine seront rémunérées au taux plein du niveau de la classification.
L’article 15 doit être appliqué dans ses dispositions relatives aux heures supplémentaires pour des horaires irréguliers.
Au regard des attestations valant bulletin de salaire du CESU, des éléments en présence tels que rappelés ci-dessus, de l’absence de tout décompte hebdomadaires des heures effectuées pour l’application des dispositions conventionnelles, le rappel de salaire selon les heures soumises à majoration (soit 3 euros à 25% et 6 euros à 50%), appréciées souverainement, s’établit :
– en septembre 2015 à 501 euros,
– en octobre 2015 à 459 euros,
– en novembre 2015 à 279 euros,
– en décembre 2015 à 129 euros,
– en janvier 2016 à 273 euros,
– en février 2016 à 129 euros,
– en juin 2016 à 21 euros,
soit un total de 1 791 euros net à titre de rappel de salaire et 179,10 euros net de congés payés afférents.
L’appelante fait valoir qu’elle a reçu des chèques qui justifient le paiement des heures déclarées ainsi que des chèques pour des paiements complémentaires non déclarés de [M] [O] et de [J] [O].
Les paiements complémentaires émanent effectivement de l’employeur qui est décédé et ne peut s’expliquer, les sommes relativement faibles pouvant constituer des remboursements d’achats effectués par la salariée pour le compte de l’employeur. Enfin, la somme réglée par M. [O] soit 2 479 euros l’a été postérieurement au décès le 24 février 2017, s’agissant du règlement dans le cadre du solde de tout compte (pièces n°11 appelante).
Les intimés seront donc condamnés à payer les sommes de 1 791 euros net à titre de rappel de salaire et 179,10 euros net de congés payés afférents, par infirmation du jugement.
L’appelante sera déboutée du surplus de ses demandes à ces titres.
2- sur les repos compensateurs
L’appelante soutient qu’elle est en droit de réclamer des repos compensateurs, les heures pouvant donner droit à repos compensateur étant celles effectuées au-delà d’un contingent annuel d’heures supplémentaires fixé à 220 heures par an ; qu’elle a effectué 391,31 heures supplémentaires au cours de l’année 2015 soit 171,31 heures au delà du contingent annuel ; qu’elle a effectué 629,32 heures supplémentaires au cours de l’année 2015 [sic 2016].
Aux termes de l’article L. 3121-11 du code du travail dans sa version applicable à la présente espèce ‘des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d’un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.
Une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche fixe l’ensemble des conditions d’accomplissement d’heures supplémentaires au-delà du contingent annuel ainsi que les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel, la majoration des heures supplémentaires étant fixée selon les modalités prévues à l’article L. 3121-22. Cette convention ou cet accord collectif peut également prévoir qu’une contrepartie en repos est accordée au titre des heures supplémentaires accomplies dans la limite du contingent.’
L’article L. 7221-2 du code du travail dans sa version applicable à la présente espèce, liste les dispositions applicables au salarié employé de maison défini à l’article L. 7221-1 dans sa version applicable à la présente espèce.
N’y figure pas le repos compensateur.
Il résulte en conséquence de la combinaison des articles L. 3121-11 et L. 7221-2 du code du travail que les dispositions de ce code relatives à la durée du travail et au repos compensateur ne sont pas applicables aux employés de maison qui travaillent au domicile privé de leur employeur et sont soumis à la convention collective nationale des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999 [applicable à la présente espèce] (Soc., 8 juillet 2020 n°17-11.131, 17-10.622).
Mme [Y] sera déboutée de sa demande à ce titre par confirmation du jugement.
3- sur le non-respect des durées maximales de travail
L’appelante soutient qu’elle a été soumise à des cadences infernales sans bénéficier des périodes de repos prévues par la loi ; qu’elle n’a pas bénéficié d’une visite médicale d’embauche ; qu’elle a dépassé la durée maximale de 50 heures par semaine prévue par la convention collective ; que le droit au jour de repos hebdomadaire a été à maintes reprises enfreint ; que ces conditions de travail ont porté atteinte à sa santé et conduit à la survenance de son AVC.
Les intimés font valoir que Mme [Y] était libre dans l’exercice de sa mission ; qu’elle ne donne pas une description des tâches qui lui auraient été imposées, l’employeur au regard de son grand âge n’étant pas en mesure d’exiger et d’imposer des cadences infernales à la salariée laquelle n’assurait que des heures de présence responsable, occupée à regarder la télévision ou à se reposer dans la seconde chambre ; que son AVC intervenu à son propre domicile n’a pas été reconnu en accident du travail, la salariée ayant été victime de son surpoids et de son hypertension ; qu’elle s’est désistée de sa demande de reconnaissance de faute inexcusable de l’employeur fondée sur la même argumentation.
En l’espèce, si effectivement des heures travaillées ont été réglées, il résulte des éléments en présence que, au regard de l’âge de l’employeur, des tâches confiées à la salariée laquelle n’en donne aucune description, mais se limitant selon les intimés à la toilette de la personne âgée, à une présence accompagnante, promenades, repos dans l’une des chambres de l’appartement, la salariée ne préparant pas les repas et n’assurant pas l’entretien ménager de l’appartement, toutes les heures travaillées ne correspondaient pas à un travail effectif.
Aucun élément du dossier ne permet également d’affirmer que l’AVC de Mme [Y] serait dû aux heures effectuées par la salariée, la pathologie n’ayant pas été reconnue en accident du travail.
S’agissant de la visite médicale d’embauche, l’employeur étant décédé, la preuve de l’existence ou de l’absence de visite médicale ne peut être rapportée, d’autant que la salariée pouvait avoir en sa possession une attestation de suivi médical par la médecine du travail datant de moins d’un an, pour le même poste, de sorte que [M] [O] n’avait dans ce cas pas d’obligation de faire repasser une visite médicale d’embauche.
De même, l’appelante n’apporte pas la preuve d’un travail le dimanche, jour de repos, seul l’employeur étant en mesure de confirmer ou de contester cette allégation, la salariée n’ayant en neuf mois jamais fait la moindre réclamation ni à l’employeur, ni à l’inspection du travail.
Par une appréciation souveraine des éléments en présence, il convient de fixer à 200 euros le montant des dommages-intérêts pour non-respect des durée maximales de travail.
Les intimés seront condamnés à payer ladite somme à Mme [Y] par infirmation du jugement.
L’appelante sera déboutée du surplus de sa demande à ce titre.
4- sur l’indemnité de licenciement
L’appelante expose qu’elle avait un an et quatre mois d’ancienneté, a perçu une indemnité de licenciement de 487 euros, qu’elle percevait en moyenne 4 288 euros en tenant compte des heures supplémentaires de sorte qu’il lui est dû un complément de 942 euros à titre de rappel de salaire.
Au regard de l’ancienneté de l’appelante inférieure à deux ans, il convient de faire application des dispositions légales, les dispositions conventionnelles étant moins avantageuses pour la salariée.
L’article L. 1234-9 du code du travail dispose dans sa version applicable à la présente espèce que ‘le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte une année d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement […].’
Selon l’article R. 1234-2 dudit code dans sa version applicable à la présente espèce, ‘l’indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d’ancienneté[…]’.
Il résulte des attestations d’emploi de septembre 2015 à juin 2016 et de l’attestation de Pôle emploi que la moyenne des douze derniers mois était de 2 167,17 euros, auxquels s’ajoutent la moyenne des heures supplémentaires calculées ci-dessus pour la même période soit une somme mensuelle de 2 202,42 euros.
Pour une ancienneté de 1 an et quatre mois, l’indemnité de licenciement s’élève à 587,30 euros.
Il a été réglé une somme à ce titre de 487 euros (pièce n°6 appelante). Il reste dû une somme de 100,30 euros au paiement de laquelle les intimés seront condamnés par infirmation du jugement.
Mme [Y] sera déboutée du surplus de sa demande à ce titre.
5- sur le travail dissimulé
L’appelante soutient que l’employeur s’est délibérément abstenu de mentionner ses heures supplémentaires à compter de 2016, tout en réglant un salaire supérieur à celui qui ressortait des bulletins de paie sans déclarer les cotisations sociales.
Les intimés indiquent que la preuve de la volonté de l’employeur de frauder les droits du salarié n’est pas rapportée.
L’article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l’article L. 8221-3 du même code [dans sa version applicable à la présente espèce] relatif à la dissimulation d’activité ou exercé dans les conditions de l’article L. 8221-5 du même code [dans sa version applicable à la présente espèce] relatif à la dissimulation d’emploi salarié.
Aux termes de l’article L. 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 du même code relatif au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
L’article L. 8221-5 2° et 3° du code du travail [dans sa version applicable à la présente espèce] dispose notamment qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli ou de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
En l’espèce, l’employeur a déclaré le nombre d’heures travaillées mais sans appliquer la majoration de 25% et 50%, étant observé que le CESU a établi les bulletins de salaire sur la base de la déclaration des heures travaillées sans constater la moindre anomalie.
S’agissant des cotisations sociales, les bulletins de salaire les mentionnent mais sur la base d’un taux horaire normal et non majoré. Cependant, contrairement à ce qu’allègue l’appelante, les montants des chèques émis par l’employeur correspondent bien aux salaires mentionnés sur les bulletins pour les mois de décembre 2015, février 2016, mars 2016 et avril 2016, aucun élément ne permettant d’établir que les chèques d’un montant de 839 euros (juin 2016) et 210 euros (avril 2016) correspondraient à des salaires non déclarés.
Au regard du grand âge de l’employeur, de l’absence de toute réclamation de la salariée, ces éléments sont insuffisants pour démontrer l’intention de l’employeur de se soustraire à ses obligations relatives au paiement des heures supplémentaires lesquelles ne correspondaient pas, en outre pour la plupart, à un travail effectif, et au paiement des cotisations sociales.
L’appelante sera déboutée de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé par confirmation du jugement.
6- sur l’intérêt légal
Les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par les ayants droit de l’employeur de leur convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes et la créance indemnitaire portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
7- sur les documents sociaux
Il sera ordonné aux intimés de remettre à la salariée un bulletin de salaire récapitulatif des rappels de salaire et congés payés afférents, un solde de tout compte rectifié et une attestation Pôle emploi [France travail].
L’appelante sera déboutée de sa demande d’astreinte laquelle ne se justifie pas.
8- sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné Mme [Y] aux dépens.
Les intimés seront condamnés à payer une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour l’ensemble de la procédure.
Ils seront condamnés aux dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu le 3 août 2021 par le conseil de prud’hommes de Nanterre, sauf en ce qu’il a débouté Mme [K] [Y] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé et de sa demande de repos compensateur,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne Mme [G] [Z] née [O] et M. [J] [O] ès qualités d’ayants droit de [M] [O] à payer à Mme [K] [Y] :
– la somme de 1 791 euros net à titre de rappel de salaire et 179,10 euros net de congés payés afférents,
– la somme de 100,30 euros à titre de complément d’indemnité de licenciement,
– la somme de 200 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales de travail,
Déboute Mme [K] [Y] du surplus de ses demandes à ces titres,
Dit que les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par les ayants droit de l’employeur de leur convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes et que la créance indemnitaire portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Ordonne la remise par Mme [G] [Z] née [O] et M. [J] [O] ès qualités d’ayants droit de [M] [O] à Mme [K] [Y], d’un bulletin de salaire récapitulatif des rappels de salaire et congés payés afférents, d’un solde de tout compte rectifié et d’une attestation Pôle emploi [France travail],
Dit n’y avoir lieu à assortir d’une astreinte,
Condamne Mme [G] [Z] née [O] et M. [J] [O] ès qualités d’ayants droit de [M] [O] à payer à Mme [K] [Y] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour l’ensemble de la procédure,
Condamne Mme [G] [Z] née [O] et M. [J] [O] ès qualités d’ayants droit de [M] [O] aux dépens de première instance et d’appel.
Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Dorothée Marcinek, greffier, pour le greffier empêché, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
P/ Le greffier empêché, Le président,