Agent commercial : décision du 5 mai 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 20/01416

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Agent commercial : décision du 5 mai 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 20/01416
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5 mai 2022
Cour d’appel de Grenoble
RG n°
20/01416

C2

N° RG 20/01416

N° Portalis DBVM-V-B7E-KNDP

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Michel PICCAMIGLIO

la SELARL CABINET LAURENT FAVET

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 05 MAI 2022

Appel d’une décision (N° RG 18/01033)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 03 mars 2020

suivant déclaration d’appel du 26 Mars 2020

APPELANT :

Monsieur [K] [O]

né le 23 Septembre 1974 à La TRONCHE (38700)

de nationalité Française

20, Allée Jean Baptiste Clément

38800 PONT DE CLAIX

représenté par Me Michel PICCAMIGLIO, avocat au barreau de GRENOBLE,

INTIMEE :

SOCIETE SNCF VOYAGEURS, venant aux droits de L’EPIC SNCF MOBILITES, prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant en cette qualité audit siège,

9, Rue Jean Philippe RAMEAU

93200 SAINT DENIS

représentée par Me Laurent FAVET de la SELARL CABINET LAURENT FAVET, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,

et par Me Antoine GIRARD-MADOUX, avocat plaidant inscrit au barreau de CHAMBERY,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Blandine FRESSARD, Présidente,

M. Frédéric BLANC, Conseiller,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

DÉBATS :

A l’audience publique du 17 février 2022,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère chargée du rapport, assisté, de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 05 mai 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 05 mai 2022.

EXPOSE DU LITIGE

M. [K] [O], né le 23 septembre 1974, a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée par la société SNCF en qualité d’agent contractuel comme agent du service commercial voyageur à compter du 1er décembre 2007.

Suivant avenant du 15 avril 2013 il a été nommé agent commercial classe C à compter du’1er mars 2013.

M. [K] [O] a été élu en qualité de délégué du personnel et membre du comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail depuis 2015. Depuis janvier 2019, il est membre du comité social et économique.

Le 19 mai 2017, Mme [E] [W] a été contrôlée à bord du TGV n°9879 reliant Strasbourg à Valence sans titre de transport et en possession du «’pass carmillon’» de M.'[K] [O]. S’identifiant comme étant la concubine de l’agent, elle a réglé une amende de’275’euros et remis le «’pass carmillon’» de M. [K] [O] à l’agent contrôleur.

Par courrier daté du 1er septembre 2017 notifié le 15 septembre 2017 M. [K] [O] s’est vu notifier la suspension des facilités de circulation transport dont il bénéficie en sa qualité d’agent SCNF pour la période du 29 juin 2017 au 29 juin 2022.

M. [K] [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Grenoble aux fins de contester la mesure dont il a fait l’objet, qualifiée de sanction.

Suivant jugement en date du 3 mars 2020, le conseil de prud’hommes de Grenoble a’:

DIT que la sanction administrative, notifiée par la SNCF à M. [K] [O] est régulière, légitime et non prescrite,

DÉBOUTE M. [K] [O] de l’ensemble de ses demandes,

CONDAMNE M. [K] [O] aux dépens.

La décision rendue a été notifiée par lettres recommandées avec accusés de réception signés le’13 mars 2020 par M. [K] [O] et le 9 mars 2020 par la SNCF MOBILITES.

Appel de la décision a été interjeté par’M. [K] [O] suivant déclaration de son conseil au greffe de la présente juridiction le 26 mars 2020.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 23 juin 2020, M.'[K]'[O] sollicite de la cour de’:

INFIRMER le jugement en ce qu’il a :

– DIT que la sanction administrative, notifiée par la SNCF à M. [K] [O] est régulière, légitime et non prescrite,

– DEBOUTE M. [K] [O] de l’ensemble de ses demandes,

– CONDAMNE M. [K] [O] aux dépens.

Et statuant à nouveau

PRONONCER l’annulation de la sanction ;

CONDAMNER la société SNCF MOBILITES au paiement de 2 876.87 euros pour le remboursement des frais engagés du fait de la mesure administrative ;

CONDAMNER la société SNCF MOBILITES au paiement de 6 000 euros au titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

CONDAMNER la société SNCF MOBILITES au paiement de 1 500 euros au titre de l’article’700 du code de procédure civile

CONDAMNER la même aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 21 septembre 2020, la société SNCF VOYAGEURS SA, venant aux droits de l’EPIC SNCF MOBILITES, sollicite de la cour de’:

Rejetant toutes fins et conclusions contraires,

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Grenoble le 3 mars 2020,

En conséquence,

Débouter M. [K] [O] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Laisser les dépens à la charge de M. [K] [O].

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l’article’455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures susvisées.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 20 janvier 2022.

L’affaire, fixée pour être plaidée à l’audience du 17 février 2022, a été mise en délibéré’5’mai’2022.

MOTIFS DE L’ARRÊT

1 ‘ Sur la demande d’annulation de la mesure de retrait des facilités de transport

Selon l’article L1331-1 du code du travail constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

L’article L1331-2 du code du travail dispose que les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites. Toute disposition ou stipulation contraire est réputée non écrite.

Les dispositions applicables à la SNCF sont régies par différents référentiels dont le référentiel RH00400 intitulé « facilités de circulation des actifs sur le réseau SNCF » qui prévoit notamment le droit, pour le salarié, de bénéficier de facilités de circulation, à titre personnel ou pour certains de ses ayants-droits.

L’article 1.3 du référentiel prévoit que l’utilisation des facilités de circulation est exclusivement personnelle et qu’en cas de cession ou de prêt à un tiers, le contrevenant s’expose à des mesures administratives et d’éventuelles poursuites.

L’article 1.5 du référentiel prévoit la suppression temporaire ou définitive de ces facilités en cas de fraude, irrégularité, ou attitude outrageante.

Or, le bénéfice de facilités de circulation présente pour les agents un avantage économique indiscutable en ce qu’il permet de bénéficier de la gratuité ou de réductions sur les voyages’SNCF et de réaliser une économie conséquente sur les déplacements ferroviaires.

Il s’ensuit que la retenue de ces facilités constitue une sanction pécuniaire prohibée par les dispositions susmentionnées qui s’appliquent aux agents de la SNCF, même si l’agent a fait un usage irrégulier de ces facilités qui était formellement interdit par le statut.

Nonobstant la qualification de mesure administrative retenue par l’employeur, la décision de suspension des facilités de circulation pendant cinq ans constitue donc une sanction pécuniaire prohibée par les dispositions de l’article L1331-2 précité.

Aussi la cour relève qu’il n’est pas contesté que M. [K] [O] a prêté sa carte «’pass carmillon’» à un tiers qui ne disposait pas de la qualité d’ayants-droits, que ce dernier a présenté cette carte sans justifier d’aucun titre de transport valable lors d’un contrôle, et qu’il a restitué cette carte à l’agent contrôleur.

Par courrier du 8 juin 2017, l’employeur a informé le salarié de l’instruction du dossier et sollicité la transmission par écrit des «’circonstances qui ont conduit à commettre l’infraction rapportée.’».

La décision de suspension des facilités de circulation est donc intervenue à la suite d’agissements du salarié que l’employeur a considéré comme fautifs et constitutifs d’une infraction.

Or, la sanction a été notifiée plus de deux mois après les faits alors que la prescription était acquise par application de l’article L. 1233-4 du code du travail.

En conséquence, la sanction disciplinaire et pécuniaire infligée à M.'[K] [O] doit être annulée. Le jugement entrepris est infirmé en ce sens.

2 ‘ Sur la demande de remboursement de frais de transport

La décision de suspension des facilités de transport étant annulée, M. [K] [O] doit être rétabli dans les droits dont il a été privé du fait de cette sanction, la charge de la preuve du préjudice économique allégué lui incombant.

Ne bénéficiant plus des facilités de transport depuis le 29 juin 2017, M. [K] [O] s’est vu remettre une carte de circulation pour les trajets entre son domicile et son lieu de travail avec la notification de la sanction le 15 septembre 2017. Aussi, par courriel du 26 décembre 2018, il a reçu des consignes précises pour effectuer sans frais les déplacements liés aux missions confiées dans le cadre de ses mandats syndicaux.

Toutefois, M. [K] [O] sollicite le remboursement de frais de déplacement sans démontrer qu’ils résultent du retrait de ses facilités de transport par train.

En effet, il justifie de dépenses faites pour l’utilisation de son véhicule personnel à raison de frais de péage d’autoroute, de frais de stationnement et de facture de consommation d’essence, sans apporter aucun élément tendant à expliciter ni les trajets effectués avec son véhicule, ni les raisons pour lesquelles il a réalisé ces déplacements en voiture par préférence à la voie ferrée, ni même caractériser une augmentation de ses dépenses de transport par voiture comparativement à la période pendant laquelle il disposait des facilités de transport.

A défaut de démontrer que ces dépenses résultent du retrait injustifié de ses facilités de transport, il doit être débouté de sa demande de remboursement de frais de transport, par confirmation du jugement déféré.

3 ‘ Sur la demande de dommages et intérêts

Il appartient à celui qui réclame la réparation d’un préjudice qu’il estime avoir subi d’en justifier.

L’application de la sanction pécuniaire et disciplinaire a généré un préjudice moral indiscutable pour le salarié qui s’est trouvé indûment privé d’un attribut de ses fonctions d’agent SNCF.

En l’absence d’élément complémentaire quant aux effets de la sanction sur la réputation et l’image du salarié au sein de l’entreprise tel qu’il le prétend, la cour évalue à 2’000 euros le montant des dommages et intérêts qui réparera le préjudice moral subi par le salarié du fait de la sanction injustifiée.

Infirmant le jugement entrepris, la société intimée est condamnée à verser cette indemnité à M.'[K] [O].

4 ‘ Sur les demandes accessoires

La société SNCF VOYAGEURS SA venant aux droits de l’EPIC SNCF MOBILITES, partie perdante à l’instance au sens des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, doit être tenue d’en supporter les entiers dépens de première instance et d’appel par infirmation du jugement dont appel.

Il serait par ailleurs inéquitable, au regard des circonstances de l’espèce comme des situations économiques des parties, de laisser à la charge de M. [K] [O] l’intégralité des sommes qu’il a été contraint d’exposer en justice pour la défense de ses intérêts, de sorte qu’il convient de condamner la société SNCF VOYAGEURS SA venant aux droits de l’EPIC SNCF MOBILITES à lui verser la somme de 1’500’euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d’appel.

 


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