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10 mai 2022
Cour d’appel de Chambéry
RG n°
21/00482
COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 10 MAI 2022
N° RG 21/00482 – N° Portalis DBVY-V-B7F-GUR5
[C] [X]
C/ S.A.S. VEYRAT EQUIPEMENT
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ANNECY en date du 14 Janvier 2021, RG F19/00150
APPELANT :
Monsieur [C] [X]
221 route de la Plaine
74210 SAINT-FERREOL
Représenté par Me Florian PRELE, avocat au barreau d’ANNECY
INTIMEE :
S.A.S. VEYRAT EQUIPEMENT
dont le siège social est sis 4 rue des Vernaies
74230 THONES
prise en la personne de son représentant légal
Représentée par la SELARL EPSILON, avocat au barreau d’ANNECY
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 10 Mars 2022 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Frédéric PARIS, Président,
Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller
Madame Françoise SIMOND, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Sophie MESSA,
********
Faits et procédure
La SARL [C] [X], représentée par M. [C] [X] a signé un contrat d’agent commercial en date du 31 aout 2016 avec la société Veyrat Equipement.
La société Veyrat Equipement a pour activité le commerce de matériel professionnel à destination de l’hôtellerie, de la restauration et des collectivités.
Par courrier du 22 mai 2019, M. [C] [X] a mis un terme à sa relation contractuelle et a annoncé à la société son intention de solliciter la requali’cation de son contrat en contrat de travail s’appuyant sur « un lien évident de subordination ».
La société Veyrat Equipement a contesté l’intégralité des allégations de M. [C] [X] et a pris acte de la rupture de son contrat d’agent commercial.
Par requête du 3 juillet 2019, M. [C] [X] a saisi le conseil de prud’hommes d’Annecy aux fins principalement de voir requalifier son contrat d’agent commercial en contrat de travail.
Par jugement du 14 janvier 2021, auquel il convient de se référer pour plus ample exposé des motifs ayant présidé à sa décision, le conseil de prud’hommes d’Annecy a :
– constaté l’existence d’un contrat d’agent commercial conclu entre la société Veyrat
Equipement et la société [C] [X],
– constaté l’absence de lien de subordination entre la société Veyrat Equipement et la
société [C] [X] et son gérant M. [C] [X],
– constaté l’application de la présomption, de non salariat de la société [C] [X]
et de son gérant M. [C] [X],
– dit que le contrat d’agent commercial signé par M. [C] [X] avec la société
Veyrat Equipement ne peut être requali’é en contrat de travail,
en conséquence débouté M. [C] [X] de l’ensemble de ses demandes,
– débouté la société Veyrat Equipement de sa demande au titre de l’article 700 du code
de procédure civile,
– condamné M. [C] [X] aux entiers dépens.
Par déclaration en date du 8 mars 2021 effectuée par RPVA, M. [C] [X] a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 14 mai 2021, auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens, il sollicite :
– l’infirmation en toutes ses dispositions du jugement du conseil de prud’hommes
d’Annecy du 14 janvier 2021,
– que sa déclaration d’appel soit déclarée recevable,
– qu’il soit jugé que le lien de subordination entre lui et la société Veyrat Equipement
est caractérisé,
– qu’il soit en conséquence jugé que la présomption de non salariat doit être écartée,
– qu’il soit jugé que le contrat d’agent commercial signé le 31 août 2016 doit être
requalifié en contrat de travail,
– que son salaire de référence soit fixé à 1535 € par mois,
– que la société Veyrat Equipement soit condamnée à lui verser :
* 1 055,31 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
* 4 605 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 3 070 euros à titre d’indemnité de préavis,
* 50 655 euros à titre de rappels de salaires,
– que la société Veyrat Equipement soit condamnée à lui verser la somme de 3 000 €
au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,
– que soit ordonnée la remise des documents de fin de contrat sous astreinte de 50 € par
jour de retard un mois après la notification du jugement, la cour se réservant le pouvoir
de liquider l’astreinte au besoin,
– que l’exécution provisoire de la décision à intervenir soit ordonnée.
M. [C] [X] soutient qu’il a exécuté ses prestations au profit de la société Veyrat Equipement à titre exclusif et sous lien hiérarchique de ce mandant ; qu’il recevait des ordres de la part de la hiérarchie de cette société, notamment ordre d’assister aux réunions, d’aller sur les chantiers, de faire le point avec les clients, d’aller chercher les règlements, d’opérer un retour client à la société ; que son chiffre d’affaires provenait uniquement de cette société ; qu’il utilisait les outils informatiques et la carte de visite mis à disposition par cette société ; que les tarifs lui étaient imposés ; que peu importe les mentions figurant au contrat d’agent commercial, puisque seules doivent être prises en compte les conditions dans lesquelles l’activité est réellement exercée ; que tous ces éléments constituent un faisceau d’indices qui s’opposent en l’espèce à l’application de la présomption de non-salariat.
Au regard de ses fonctions et classifications, son salaire de référence doit être fixé sur la base du Niveau V échelon 1 de la convention collective du commerce de gros, dont relève la société Veyrat Equipement.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 28 septembre 2021, auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens, la société Veyrat Equipement sollicite :
– que le jugement du 14 janvier 2021 soit confirmé en toutes ses dispositions ;
– que M. [C] [X] soit condamné à lui verser une somme de 3 000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
La société Veyrat Equipement soutient que l’article L 8221-6 du code du travail édicte pour l’agent commercial une présomption de non-salariat; que la subordination, dont la démonstration est nécessaire pour combattre cette présomption, et qui suppose l’exécution d’un contrat de travail sous l’autorité d’une employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, n’est pas démontrée en l’espèce ; que M. [C] [X] disposait d’un mandat non-exclusif et prospectait pour d’autres sociétés; qu’il n’a jamais reçu d’ordres et n’a jamais été sanctionné par exemple quand il n’écoutait pas les propositions qui lui étaient faites d’intervenir auprès de clients ; que M. [C] [X] a pu décider de se mettre en indisponibilité de sa propre initiative ; que les moyens, tel que l’informatique ou une carte de visite, qui peuvent être mis à disposition d’un agent commercial par son mandant pour faciliter l’exécution du contrat qui les lie ne sont pas incompatibles avec l’indépendance qui préside au contrat d’agent commercial ; que M. [C] [X] était libre de venir ou non au bureau qui était mis à sa disposition
S’agissant du salaire de référence, l’appelant se contente de revendiquer un statut conventionnel sans la moindre justification.
A supposer que des sommes lui soient dues à titre de rappel de salaire, les commissions qu’il a déjà perçues au cours de la relation contractuelle devraient en être déduites.
M. [C] [X] ne produit aucune pièce de nature à justifier qu’il a subi un préjudice au titre du licenciement qu’il allègue.
L’instruction de l’affaire a été clôturée le 3 décembre 2021.
L’affaire a été évoquée à l’audience du 10 mars 2022 et a été mise en délibéré au 10 mai 2022.
Motifs de la décision
Il résulte des dispositions de l’article 1779 du code civil que le contrat de travail est une convention par laquelle une personne s’engage à travailler pour le compte d’une autre et sous sa subordination moyennant une rémunération.
En application de l’article L. 1221-1 du code du travail, ce lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pourvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner le manquement de son subordonné. L’existence d’un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leurs conventions, mais se caractérise par les conditions de faits dans lesquelles s’exerce l’activité professionnelle.
Par ailleurs, il appartient à la partie qui entend se prévaloir de l’existence d’un contrat de travail de rapporter la preuve de l’existence d’un lien de subordination.
Aux termes de l’article L. 8221-6 du code du travail, les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés sont présumées ne pas être liées avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription.
Cependant, l’existence d’un contrat de travail peut être établie lorsque ces personnes fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci.
En l’espèce, les courriels produits par M. [C] [X] ne sont pas envoyés par la direction de la société Veyrat Equipement, mais majoritairement par sa responsable administrative.
Les courriels produits comportant le ton le plus « impératif » sont rédigés ainsi :
« Bonjour, veuillez prendre note de la réunion qui aura lieu mardi 2 octobre à 8h00. Merci d’y assister. Cordialement. »
« Il y aura une réunion à Thônes mardi 2 octobre à 8h00, présence obligatoire pour tous les employés de l’agence de Thônes».
Si ce dernier courriel peut laisser penser à un ordre, cette formulation doit être relativiser compte-tenu de ce que le courriel est envoyé par la responsable administrative et non la direction, et de ce qu’il s’agit du seul comportant une formule pouvant revêtir une forme impérative.
Aucun des autres courriels produits ne revêt de caractère impératif ni même n’est susceptible d’être interprété comme une injonction.
Il sera relevé que M. [C] [X] essaye de tirer argument d’un courriel du 30 mars 2018 qui lui a été envoyé pour démontrer un lien de subordination en retranscrivant (volontairement ou non…) de manière fausse son contenu : son correspondant lui indique « je te promets (‘) de ne plus te donner de temps de pose », et il remplace au sein de ses conclusions le mot « pose » par « pause », ce qui est de nature à donner un tout autre sens, dans son intérêt, à cette phrase.
Le fait que M. [C] [X] ait disposé d’une carte de visite à l’en-tête « Veyrat Equipement », d’une adresse mail au nom de cette société et d’outils informatiques ne caractérise pas un lien de subordination entre lui et cette société, une telle organisation n’apparaissant pas incohérente compte-tenu de son travail d’agent commercial chargé de vendre les produits de cette dernière. La société lui indique par ailleurs, dans un courriel du 6 septembre 2018 dénué de toute injonction ou forme impérative « comme cela t’as déjà été spécifié tu peux tout à fait venir au bureau où tous les éléments nécessaires à ton travail, bureau, ordinateur, bureau d’études… sont mis à ta disposition ».
Dans un courriel adressé à la responsable administrative de Veyrat Equipement le 16 août 2018, M. [C] [X] lui indique « je t’informe donc que je suis indisponible jusqu’à nouvel ordre, et te prie de bien vouloir respecter cette nouvelle situation ». Dans un courriel du 27 août 2018, la responsable administrative lui indique « je suis désolée mais je suis obligée de faire une entorse à ton souhait que l’on respecte ton indisponibilité. D’ailleurs, peux-tu me dire jusqu’à quand tu n’es pas disponible car nous n’avons rien reçu concernant cela et je ne sais pas comment faire pour tes chantiers.
Cet échange de mail vient conforter l’absence de lien de subordination, M. [C] [X] n’hésitant pas à notifier son « indisponibilité », que la société Veyrat Equipement ne conteste pas.
Le fait que M. [C] [X] réalisait l’intégralité de son chiffre d’affaires avec cette société ne saurait caractériser l’existence d’un lien de subordination. Il n’est pas démontré qu’il était tenu à une exclusivité envers la société Veyrat Equipement.
M. [C] [X] ne produit aucun élément de nature à démontrer que les prix de vente lui étaient imposés. Il produit au contraire deux mails du 23 avril 2019 dont il ressort qu’il a effectué une remise à un client sans que la société n’en soit informée.
L’analyse de l’ensemble de ces éléments ne permet pas de caractériser l’existence d’un lien de subordination entre M. [C] [X] et la société Veyrat Equipement.
En conséquence, M. [C] [X] sera débouté de l’ensemble de ces demandes.
M. [C] [X] succombant à l’instance, il sera condamné à verser à la société Veyrat Equipement la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.