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12 avril 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/10345
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 6
ARRET DU 12 AVRIL 2023
(n° ,5pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/10345 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZCB
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Avril 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Bobigny – RG n°
APPELANTE
S.A.R.L. SOCADE
immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de BOBIGNY sous le numéro 316 753 102, représenté par son Président en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Sophie MEIMOUN ATTIA, avocat au barreau de PARIS
ayant pour avocat plaidant Me Yoann ATTAL
INTIME
Monsieur [E] [P]
né le [Date naissance 1] 1944 à [Localité 6] (Algérie), de nationalité algérienne
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Jessica CHUQUET de la SELEURL CABINET CHUQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : E0595
ayant pour avocat plaidant Maître Christophe BRUSCHI, avocat au Barreau de Lyon
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant MME Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère, et M.Vincent BRAUD, Président.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
M.Marc BAILLY, Président de chambre,
M.Vincent BRAUD, Président, chargé du rapport
MME Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par M.Vincent BRAUD, Président, et par MME Anaïs DECEBAL,Greffier, présent lors de la mise à disposition.
*
* *
Le 14 avril 2014, [E] [P] émettait un chèque no 7314676 d’un montant de 15 000 euros, stipulé payable à la société SOCADE. L’effet était encaissé par ladite société le 18 avril 2014.
[E] [P] écrivait par lettres simples le 10 septembre 2016 puis le 10 août 2017 à la societe SOCADE, afin de connaître le nom des personnes ayant utilisé le chèque.
Par lettre recommandée en date du 29 mai 2018, le conseil de [E] [P] écrivait à la société SOCADE pour lui signaler que le chèque litigieux avait été utilisé par un tiers sans que ne fût vérifiée l’identité de son titulaire conformément à l’article L. 131- 15 du code monétaire et financier. Il demandait réparation du préjudice financier.
La société SOCADE, par réponse du 25 juin 2018, lui transmettait une facture à son nom de 15 000 euros pour 13 513 serviettes de bain. Suivant lettre recommandée du 6 juillet 2018, le conseil de [E] [P] réitérait sa demande de réparation du préjudice financier causé à son client, contestant formellement avoir remis son chèque à monsieur [B], agent commercial de la société SOCADE en Algérie, et avoir acquis ladite marchandise.
C’est dans ces circonstances que par exploit d’huissier en date du 13 novembre 2019, [E] [P] a assigné en payement la société SOCADE devant le tribunal de grande instance de Bobigny.
Par jugement contradictoire en date du 8 avril 2021, le tribunal judiciaire de Bobigny a :
‘
Déclaré recevable l’action engagée par [E] [P] à l’encontre de la société SOCADE ;
‘ Condamné la société SOCADE à payer à [E] [P] :
– la somme de 15 000 euros indûment perçue outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 29 mai 2018 ;
– la somme de 1 000 euros à titre d’indemnité de procédure sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ Débouté [E] [P] de sa demande de dommages et intérêts ;
‘ Dit n’y avoir lieu de prononcer l’exécution provisoire du présent jugement ;
‘ Condamné la société SOCADE aux entiers dépens.
Par déclaration du 2 juin 2021, la société à responsabilité limitée SOCADE a interjeté appel du jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 27 août 2021, la société à responsabilité limitée SOCADE demande à la cour de :
IN LIMINE LITIS :
-DECLARER prescrite depuis le 4 avril 2019 l’action introduite par Monsieur [E] [P] contre la société SOCADE devant le tribunal judiciaire de Bobigny le 14 novembre 2019 ;
-en conséquence, DEBOUTER Monsieur [E] [P] de l’ensemble de ses demandes ;
A TITRE PRINCIPAL :
– DIRE ET JUGER que n’ouvre pas droit à l’action en répétition la situation où l’accipiens n’a reçu que ce que lui devait son débiteur et que le solvens a à se reprocher d’avoir payé sans prendre les précautions commandées par la prudence ;
– CONSTATER l’irrecevabilité des demandes formées par Monsieur [P] en ce qu’elles sont infondées et lui sont inopposables ;
– en conséquence, DEBOUTER Monsieur [P] de l’ensemble de ses demandes,
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
– CONDAMNER Monsieur [P] à payer à la société SOCADE une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 19 novembre 2021, [E] [P] demande à la cour de :
In limine litis
REJETER la demande formée in limine litis par la Société SOCADE aux fins de voir déclarer prescrite l’action introduite par [E] [P] et de voir en conséquence débouter celui-ci de l’ensemble de ses demandes,
Au fond
CONFIRMER la décision entreprise,
REJETER l’ensemble des demandes et prétentions de la Société SOCADE,
CONDAMNER la Société SOCADE aux entiers dépense de première instance et d’appel ainsi qu’à payer à [E] [P] la somme de 2.000 € en cause d’appel sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 novembre 2022 et l’audience fixée au 28 février 2023.
CELA EXPOSÉ,
Sur la prescription :
En cause d’appel, [E] [P] n’agit plus qu’en répétition de l’indu. L’action en répétition de l’indu, quelle que soit la source du paiement indu, se prescrit selon le délai de droit commun applicable, à défaut de disposition spéciale, aux quasi-contrats.
Aux termes de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
[E] [P] expose qu’il a tiré le chèque en cause au titre d’un prêt consenti à [K] [N] qui s’était présenté comme le dirigeant de la société SOCADE ; qu’il n’a découvert son erreur que le 19 septembre 2015, de sorte qu’il n’est pas prescrit en son action.
[E] [P] verse aux débats une reconnaissance de dette émanant de [K] [N] (pièce no 2 de l’intimé).
Est également versée aux débats la lettre adressée le 19 septembre 2015 par [E] [P] à [S] [N], où [E] [P] découvre que la société SOCADE n’appartient pas à [K] [N] (pièce no 8 de l’intimé). La société SOCADE a elle-même produit cet écrit en première instance, de sorte qu’elle n’apparaît pas fondée à insinuer qu’il aurait été rédigé pour les besoins de la cause.
Ainsi que le premier juge l’a considéré à raison, ce n’est qu’en apprenant l’absence de lien entre son emprunteur et la tierce personne à laquelle il avait remis les fonds, que [E] [P] a pu connaître que la société SOCADE avait reçu ce qui ne lui était pas dû. Le jugement querellé sera confirmé en ce qu’il déclare recevable l’action engagée par [E] [P] contre la société SOCADE dans le délai de cinq ans suivant le 19 septembre 2015.
Sur la répétition de l’indu :
Aux termes de l’article 1376 ancien du code civil, dans sa rédaction applicable à l’espèce, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s’oblige à le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu.
Comme l’a rappelé à bon droit le premier juge, la preuve de l’indu incombe au demandeur à l’action.
[E] [P] nie avoir jamais été commerçant tant en France qu’en Algérie, et conteste avoir passé aucune commande à la SOCADE qui justifierait le payement de 15 000 euros. Il produit en ce sens un certificat de non-imposition délivré le 14 novembre 2018 par le receveur des impôts d’Ain El-Kebira, ainsi qu’un certificat de non-inscription au registre du commerce d’Algérie pour la période du 1er janvier 1984 au 27 février 2019 (pièce no 9 de l’intimé).
La société SOCADE est une société de grossiste en produits d’hygiène, d’entretien et de cosmétique, exportant et distribuant ses produits notamment en Algérie. Elle explique que [E] [P] et [K] [N] ont passé commande de 13 513 serviettes de bains auprès de son agent commercial en Algérie pour un montant de 15 000 euros. Au soutien de son allégation, elle verse aux débats une facture du 23 juin 2014 et un bon de livraison du 16 juillet 2014 au nom de [E] [P], à son adresse en France pour la première, et à son adresse en Algérie pour le second (pièces nos 2 et 3 de l’appelante).
Encore que cette facture ne soit pas acquittée alors que la société SOCADE a encaissé le chèque plus de deux mois auparavant, la réalité de la commande et de la livraison est corroborée par le bon de transport, visé et signé par [E] [P].
Au regard des pièces versées aux débats, [E] [P] ne prouve pas à suffisance que la somme de 15 000 euros versée à la SOCADE ne lui ait pas été due.
Le jugement attaqué sera infirmé en conséquence.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Aux termes de l’article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. [E] [P] en supportera donc la charge.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1o À l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2o Et, le cas échéant, à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l’article 37 de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 .
Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent.
La somme allouée au titre du secundo ne peut être inférieure à la part contributive de l’État majorée de 50 %.
Sur ce fondement, [E] [P] sera condamnée à payer à la SOCADE la somme de 1 800 euros au titre des frais irrépétibles.
LA COUR, PAR CES MOTIFS,
INFIRME PARTIELLEMENT le jugement en ce qu’il :
‘ Condamne la société SOCADE à payer à [E] [P] :
– la somme de 15 000 euros indûment perçue outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 29 mai 2018 ;
– la somme de 1 000 euros à titre d’indemnité de procédure sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ Condamne la société SOCADE aux entiers dépens ;
Statuant à nouveau dans cette limite, et y ajoutant,
DÉBOUTE [E] [P] de ses demandes ;
CONFIRME toutes les autres dispositions non contraires ;
CONDAMNE [E] [P] à payer à la société SOCADE la somme de 1 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE [E] [P] aux entiers dépens de première instance et d’appel ;
REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT