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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 26 OCTOBRE 2023
N° 2023/650
Rôle N° RG 22/11554 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ4UE
S.C.I. ACCESS 13 FR
S.A.S. MES DOMAINES 13 FR
C/
[F] [R]
[K] [M] épouse [R]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Constance DRUJON D’ASTROS
Me Frédéric TEISSIER
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire d’AIX EN PROVENCE en date du 26 juillet 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/00274.
APPELANTES
S.C.I. ACCESS 13 FR
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 18]
S.A.S. MES DOMAINES 13 FR
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 18]
représentées par Me Constance DRUJON D’ASTROS de la SCP DRUJON D’ASTROS & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Naz Ekin BAYKAL, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, plaidant
INTIMES
Monsieur [F] [R]
né le [Date naissance 4] 1968 à [Localité 21], demeurant [Adresse 2]
Madame [K] [M] épouse [R]
née le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 16], demeurant [Adresse 2]
représentés par Me Frédéric TEISSIER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Mathilde TEISSIER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 septembre 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Gilles PACAUD, Président, et Mme Florence PERRAUT, Conseillère, chargés du rapport.
M. Gilles PACAUD, Président, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Gilles PACAUD, Président rapporteur
Mme Angélique NETO, Conseillère
Mme Florence PERRAUT, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2023,
Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte notarié en date du 7 mars 2001, la société civile immobilière (SCI) Access 13 FR a acquis une propriété dite le Domaine l’Escapade située [Adresse 23] à [Localité 24] composé des parcelles cadastrées C [Cadastre 15], [Cadastre 14], [Cadastre 11] et [Cadastre 8].
Ce domaine est spécialisé dans l’hébergement meublé de tourisme.
La SCI Access 13 FR, en direct ou par l’intermédiaire d’une société d’exploitation, la société par actions simplifiée (SAS) Mes Domaines 13 FR, située [Adresse 18] à [Localité 24], accueille une clientèle très diversifiée pour leur faire connaître la région en leur proposant diverses activités.
Suivant acte notarié en date du 23 juin 2010, Mme [K] [M] épouse [R] et M. [F] [R] ont acquis un immeuble rural situé [Adresse 22] à [Localité 24] en bordure de la route de [Localité 17] composé des parcelles cadastrées C [Cadastre 7], [Cadastre 13], [Cadastre 12], [Cadastre 10], [Cadastre 9], [Cadastre 5] et [Cadastre 6].
Les parcelles cadastrées C [Cadastre 11] et C [Cadastre 12] sont directement limitrophes. Un mur mitoyen a été érigé en limite séparative de ces deux parcelles.
Faisant grief à la SCI Access 13 FR d’avoir coupé un pin d’Alep centenaire situé sur le talus de leur parcelle cadastrée C [Cadastre 9], Mme et M. [R] l’ont, par acte d’huissier en date du 4 mai 2021, assigné devant le tribunal de proximité de Martigues aux fins de la voir condamner à les indemniser du préjudice subi. Cette procédure est toujours pendante devant ce tribunal.
Se prévalant de troubles anormaux de voisinage et de désordres causés par Mme et M. [R], la SCI Access 13 FR et la SAS Mes Domaines 13 FR les ont fait assigner, par acte d’huissier en date du 9 février 2022, devant le juge des référés du tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence aux fins d’obtenir une expertise judiciaire et leur condamnation à leur verser la somme de 10 000 euros à titre de provision.
A titre reconventionnel, Mme et M. [R] ont sollicité la condamnation des deux sociétés à procéder à la fermeture des ouvertures et terrasses réalisées en infraction avec les servitudes consenties entre les deux fonds.
Par ordonnance en date du 26 juillet 2022, ce magistrat a :
– débouté la SCI Access 13 FR et la SAS Mes Domaines 13 FR de l’ensemble de leurs prétentions ;
– dit que la demande reconventionnelle ne relève pas de la compétence du juge des référés faute d’urgence et en présence d’une contestation sérieuse ;
– condamné la SCI Access 13 FR et la SAS Mes Domaines 13 FR à verser à M. et Mme [R] la somme de 400 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la SCI Access 13 FR et la SAS Mes Domaines 13 FR aux dépens de l’instance en référé.
Ce magistrat a estimé que la comparaison entre les photographies et constats d’huissier de justice montre l’absence de désordres, et en particulier l’existence de cyprès sur la propriété de Mme et M. [R] qui ne respecteraient pas les distances légales, la présence de branches de figuiers qui dépasseraient la propriété de Mme et M. [R], l’utilisation par ces derniers d’une partie des murs mitoyens comme des murs de soutènement à l’origine d’infiltrations, la construction d’un hangar sans autorisation à l’origine d’écoulements d’eaux, la construction d’un poulailler sans autorisation à l’origine de nuisances et, de manière générale, des nuisances résultant des travaux réalisés par Mme et M. [R] sur leur propriété, qui nécessiterait une expertise judiciaire et de voir faire droit à la demande de provision sollicitée par les deux sociétés. Par ailleurs, il a considéré que la demande reconventionnelle formée par les Mme et M. [R] se heurtait à une contestation sérieuse et ne présentait aucune urgence dès lors que les ouvertures et terrasses en cause ont été faites à une date déterminée.
Suivant déclaration au greffe transmise le 11 août 2022, la SCI Access 13 FR et la SAS Mes Domaines 13 FR ont interjeté appel de cette ordonnance sauf en ce qu’elle a débouté Mme et M. [R] de leur demande reconventionnelle.
Aux termes de leurs dernières conclusions transmises le 16 décembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, ces sociétés demandent à la cour :
– de réformer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions sauf en ce qu’elle a débouté Mme et M. [R] de leur demande reconventionnelle ;
– statuant à nouveau ;
– d’ordonner la mise en oeuvre d’une expertise en désignant tel expert qu’il plaira avec la mission sus-indiquée, à savoir :
* visiter les lieux, décrire les ouvrages ou installations litigieux ;
* examiner les documents et se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission ;
* y faire toutes constatations utiles sur l’existence des nuisances, des désordres et des non-conformités indiqués par la partie demanderesse dans l’assignation et par l’huissier dans son procès-verbal ;
* se faire communiquer par les parties ou même par des tiers, sauf à en référer au magistrat chargé de la surveillance des opérations d’expertise en cas de difficultés, tout document utile à l’accomplissement de sa mission ; entendre tous sachants ;
* rechercher l’origine, l’étendue et les causes de ces désordres ;
* faire toute mesure utile pour apprécier le niveau des nuisances sonores alléguées et en indiquer la ou les origines ;
* déterminer les origines et cause des infiltrations et remontées d’humidité affectant les locaux du Domaine l’Escapade ;
* indiquer si les ouvrages ou installations litigieux créent de dégâts d’infiltrations, nuisances sonores et olfactives ;
* indiquer si les arbres plantés et les constructions (hangar et poulailler) respectent les obligations légales ;
* préconiser dans une « note aux parties » intermédiaire les remèdes et les travaux nécessaires pour supprimer les nuisances ;
* au vu des devis que lui présenteront les parties et qu’il vérifiera, évaluer les travaux, le cas échéant nuisance par nuisance, ainsi que la durée de ces travaux ;
* indiquer si l’élagage des plantations est nécessaire ;
* indiquer si les ouvertures respectent les servitudes, entre autre les modifications et ouvertures effectuées par Mme et M. [R] sur le façade principale de leur maison d’habitation ;
* évaluer les préjudices de toute nature résultant des nuisances constatées, notamment le préjudice de jouissance subi ou pouvant résulter des travaux visant à les supprimer ;
* évaluer les préjudices de toute nature, et en particulier les moins-values, résultant des nuisances ne pouvant être supprimées ;
* plus généralement, fournir tous éléments techniques ou de fait de nature à permettre le cas échéant à la juridiction compétente sur le fond du litige de déterminer les responsabilités éventuelles encourues ;
* faire toute constatation utile à la solution du litige ;
– de juger que l’expert judiciaire devra accomplir sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile, qu’il pourra s’adjoindre tout spécialiste de son choix pris sur la liste des experts près du tribunal et que, sauf conciliation des parties, il déposera son rapport au secrétariat du greffe du tribunal dans les six mois de sa saisine ;
– de condamner solidairement Mme et M. [R] à verser à la SAS Mes Domaines 13 FR la somme provisionnelle de 10 000 euros à valoir sur la liquidation des préjudices à intervenir au titre de l’activité économique du Domaine l’Escapade ;
– de condamner solidairement Mme et M. [R] à verser à la SAS Mes Domaines 13 FR la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– de condamner solidairement Mme et M. [R] aux dépens de la procédure d’appel.
Elles se prévalent de trois types de troubles et désordres émanant de la propriété de Mme et M. [R].
S’agissant en premier lieu des nuisances sonores émanant de la propriété de leurs voisins, elles exposent que l’entreprise de M. [R], la société Sud Service Environnement, exerce son activité au sein même de la propriété familiale, et ce, sans aucune autorisation. Elles se plaignent d’engins bruyants, d’odeurs de gaz d’échappement voire de brûlages de déchets avec la propogation de fumées toxiques, parfois tôt le matin, par des employés qui chargent des camions de matériels et déchargent les gravats et déchets verts en provenance de leurs différents chantiers. Elles relèvent que ces nuisances entrainent des plaintes de clients et ont un impact sur l’activité économique et l’image du Domaine l’Escapade en ce qu’elle est contrainte de se tourner davantage vers des activités moins lucratives de type location de longue durée. Elles relèvent que le maire est intervenu, à leur demande, et a rappelé à leurs voisins l’arrêté réglementant les nuisances sonores et leurs obligations en tant qu’employeurs.
S’agissant en second lieu de désordres résultant de la construction d’un hangar et d’un poulailler par leurs voisins, sans aucune autorisation, elles soulignent, tout d’abord, que le hangar a été construit contre une partie du mur de l’immeuble de la SCI Access 13 FR et contre le mur mitoyen, et ce, sans aucun respect des distances légales et des règles en matière de maîtrise des eaux pluviales et d’implantation des constructions. Elles exposent que le mur a été utilisé comme un mur de soutien alors qu’il ne s’agit que d’un mur de séparation. Elles déclarent, de plus, que cette construction est à l’origine de nuisances sonores dès lors qu’elle a vocation à y accueillir des véhicules. Elles font également valoir l’existence d’importantes infiltrations d’eaux au niveau du mur de la maison qui donne sur la façade Ouest entraînant la formation de moisissures à l’intérieur du bâtiment et relèvent que ces désordres s’accentuent lors d’épisodes pluvieux. Elles exposent avoir procédé à la déclaration d’un sinistre le 31 mai 2021 auprès de leur assureur, la société Axa, qui a mandaté les cabinets Elex Polygon pour procéder à une expertise amiable, à laquelle Mme et M. [R] ont refusé de participer et de laisser les experts accéder à leur propriété, et ce, en méconnaissance de leur droit d’échelle mentionné dans les actes de propriétés. Ils relèvent que ces cabinets ont conclu à la non-maîtrise des eaux pluviales se déversant du toit du hangar construit sans autorisation. Elles insistent sur la nécessité de poursuivre les investigations pour déterminer l’origine des désordres, et ce, d’autant que les pièces produites démontrent que le hangar est dépourvu d’écoulement de toiture dont les poteaux sont noircis par le manque de canalisation.
Elles exposent, ensuite, que le poulailler a été construit derrière un grillage séparatif de clôture à proximité de la limite de propriété, ce qui est à l’origine de nuisances olfactives et sonores amplifiées par la présence d’un coq. Elles relèvent que sa surface est supérieure à 5m2 compte tenu du nombre d’agglos des murs et des canaux de couverture qui avoisine les 12 m2.
S’agissant enfin de désordres liés à l’implantation de différents types d’arbres et de plantes dépassant largement la limite séparative, ils font valoir l’existence d’un cyprès implanté sans aucun respect des distances légales, de deux conifères plantés avec des branches qui dépassent très largement le mur mitoyen et des brises vues en canisses endommagés par les branchages, ce qui créé un danger pour la sécurité des personnes. Ils soulignent également que des figuiers ont été implantés dans des rochers sans aucun entretien et aucun respect des obligations en matière d’élagage et de débroussaillage, les branches des figuiers dépassant la limite séparative pour se retrouver sur leur propriété.
Elles estiment donc justifier d’un motif légitime à la mise en oeuvre d’une expertise judiciaire en l’état de désordres et nuisances qui résultent des pièces produites. Elles considèrent également que la responsabilité de leurs voisins ne se heurte à aucune contestation sérieuse, de même que le préjudice subi dès lors que l’activité du domaine l’Escapade se trouve très perturbée par les infiltrations et nuisances et que l’activité meublé de tourisme est suspendue.
Concernant la demande reconventionnelle formée par Mme et M. [R], elles soulignent que le constat d’huissier produit par Mme et M. [R] a été dressé en violation de leur droit de propriété dès lors que les photographies ont été prises très proches de leur maison et qu’il a fallu, au moins, prendre une échelle afin de franchir le mur de séparation de 2 mètres de hauteur. De plus, elles soulignent que la détermination du caractère des ouvertures, alors même qu’elles auraient été établies en dehors de certaines conditions prévues par les articles 676 et 677 du code civil, relève de l’appréciation du juge du fond. Dans tous les cas, elles affirment que les infrastructures et implantations des bâtiments de la propriété de la SCI sont identiques au plan et conforme aux enregistrements cadastraux dès lors qu’elle n’a réalisé aucune ouverture depuis l’acquisition mais uniquement des murs de clôture, de sorte que les conditions prévues par l’article 677 du code civil ne peuvent être appliquées en ce qu’il ne s’agit pas de nouvelle ouverture ou construction. Ils relèvent également qu’un mur de séparation a été érigé et cache la totalité de la vue sur la parcelle voisine et que leurs voisins ont eux-mêmes réalisé sur leur maison d’habitation au moins sept ouvertures ou agrandissements de portes et fenêtres ainsi que la création d’une nouvelle extension.
Aux termes de leurs dernières conclusions transmises le 17 novembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, Mme et M. [R] sollicitent de la cour qu’elle :
– déboute les appelantes de leurs demandes ;
– réforme l’ordonnance entreprise et condamne les appelantes solidairement, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance entreprise, à procéder à la fermeture de toutes les ouvertures autres que des jours de souffrance aménagés conformément aux dispositions de l’article 677 du code civil et à supprimer toutes terrasses sur cette façade donnant sur la parcelle cadastrée C [Cadastre 12] depuis la parcelle C [Cadastre 11] ;
– réforme l’ordonnance entreprise et condamne les appelants à leur payer la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance ;
– condamne les appelantes à leur verser la somme de 2 500 euros sur le même fondement pour les frais exposés en appel ;
– les condamne aux dépens de première instance et d’appel.
Concernant la demande d’expertise sollicitée, ils exposent qu’une expertise judiciaire n’a pas à palier la carence totale d’une partie dans l’administration de la preuve, faisant observer que les appelants ne font qu’alléguer des troubles et désordres, sans même les établir. Ils soulignent que la présence d’un poulailler dans une zone agricole, qui date depuis plus de 10 ans, comme le démontre le plan annexé à leur acte d’acquisition mentionnant des appentis, n’a rien d’anormal, étant relevé que, s’agissant d’une construction inférieure à 5m2, aucune autorisation n’est requise. Ils affirment qu’il en est de même des bruits d’engins agricoles liés à l’activité agricole de M. [R] qui est gérant d’une société immatriculée à la MSA. Ils relèvent également que les infiltrations alléguées par leurs voisins qui trouveraient leur origine dans l’abri pour voitures qu’ils ont réalisé ne sont aucunement établies par des éléments objectifs, sachant que la SCI Access 13 FR n’a jamais créé de drain sur la parcelle [Cadastre 12] pour recueillir les eaux pluviales en créant les ouvrages appropriés pour éviter les problèmes d’humidité, tel que cela résulte des servitudes mentionnées dans son titre de propriété. Ils soulignent que la pente de l’abri est inclinée vers leur propriété, de sorte que les eaux ruissellent vers la parcelle cadastrée [Cadastre 9] qui leur appartient, et que ce dernier ne s’appuie pas sur la construction voisine. Ils soulignent par ailleurs qu’aucune mesure n’a été prise s’agissant des arbres qui ne respecteraient pas les distances légales et relève que les appelantes ne leur ont jamais demandé de couper les branches susceptibles de déborder.
Concernant la demande de provision sollicitée, ils insistent sur le fait que les appelantes exercent une activité commerciale d’hôtellerie et de camping interdite par le PLU de la commune de [Localité 24] dans la mesure où, dans la zone A concernée, seules les activités agricoles sont permises et les habitations existantes. A l’inverse, ils déclarent que M. [R], qui dirige une société dont l’activité est agricole, a le droit de stationner sur son fonds les engins qu’il utilise dans le cadre de son activité, à réaliser du débroussaillage et à évacuer des déchets verts brûlés en période hivernale.
Concernant leur demande reconventionnelle, ils relèvent que lorsque les parcelles de terres ont été divisées en 1970, une servitude de tour d’échelle a été consentie au profit de la parcelle cadastrée [Cadastre 11] appartenant à la SCI Access 13 FR sur la parcelle cadastrée [Cadastre 12] leur appartenant, ainsi que la pose d’un drain. Il a été ainsi prévu que la parcelle [Cadastre 11] pouvait ouvrir en façade des ouvertures donnant sur la parcelle [Cadastre 12] mais de manière limitée. Ils considèrent que les ouvertures qui existent actuellement ne sont pas conformes aux dispositions conventionnelles, à savoir, au rez-de-chaussée, de simples jours de souffrance aménagés établis à 1,90 cm au-dessus du plancher du sol, en présence d’une porte-fenêtre vitrée qui n’a rien d’ancienne et d’une terrasse qui est interdite. Ils soutiennent que les photographies ont été prises par l’huissier de justice depuis leur propriété
L’instruction de l’affaire a été déclarée close par ordonnance en date du 5 septembre 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande d’expertise judiciaire
Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Pour que le motif de l’action soit légitime, il faut et il suffit que la mesure soit pertinente et qu’elle ait pour but d’établir une preuve dont la production est susceptible d’influer sur la solution d’un litige futur ayant un objet et un fondement précis et non manifestement voué à l’échec.
Dès lors, le demandeur à la mesure doit justifier d’une action en justice future, sans avoir à établir l’existence d’une urgence. Il suffit qu’il justifie de la potentialité d’une action pouvant être conduite sur la base d’un fondement juridique suffisamment déterminé et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée, à condition que cette mesure soit possible. Il ne lui est pas demandé de faire connaître ses intentions procédurales futures. Il lui faut uniquement établir la pertinence de sa demande en démontrant que les faits invoqués doivent pouvoir l’être dans un litige éventuel susceptible de l’opposer au défendeur, étant rappelé qu’au stade d’un référé probatoire, il n’a pas à les établir de manière certaine.
Il existe un motif légitime dès lors qu’il n’est pas démontré que la mesure sollicitée serait manifestement insusceptible d’être utile lors d’un litige ou que l’action au fond n’apparaît manifestement pas vouée à l’échec.
En l’espèce, pour justifier leur demande d’expertise judiciaire, les appelantes se prévalent d’un litige éventuel susceptible de les opposer aux intimés en raison de troubles qui dépassent les inconvénients normaux du voisinage tenant en particulier à des nuisances et désordres causés par l’activité agricole des voisins, leurs constructions et plantations.
Le trouble anormal de voisinage étant indépendant de la notion de faute, il n’est pas nécessaire pour les appelantes, afin de justifier le motif légitime de la mesure sollicitée, d’établir que Mme et M. [R] ont enfreint des règles, et en particulier celles de l’urbanisme ou les règles de l’art. En effet, si tel avait été le cas, il suffisait aux appelantes de solliciter la cessation de manquements illicites sans avoir à passer par une mesure d’instruction in futurum, ce qu’elles ne font pas.
De plus, et contrairement à ce que soutiennent Mme et M. [R], les dispositions de l’article 146 du code de procédure civile, relatives aux mesures d’instruction ordonnées au cours d’un procès, ne s’appliquent pas lorsque le juge est saisi d’une demande fondée sur l’article 145, de sorte qu’il n’est pas possible, pour refuser la mesure sollicitée par les sociétés Access 13 FR et Mes Domaines 13 FR, de leur opposer leur carence dans l’administration de la preuve des troubles allégués.
En revanche, les appelantes doivent démontrer que la mesure sollicitée se justifie par un motif légitime en ce qu’elle est nécessaire pour réunir, avant tout procès, des éléments de fait dont pourrait dépendre la solution du litige, et en l’occurrence des éléments démontrant les nuisances et désordres allégués.
S’agissant en premier lieu des nuisances occasionnées par l’activité professionnelle de M. [R], les appelantes se prévalent de plaintes de clients. Dans un mail en date du 24 août 2021, Mme [J] [P], qui déclare avoir séjourné dans le domaine l’Escapade en juillet 2021 avec sa famille, se plaint d’engins de travaux publics qui les ont réveillés à 8 heures du matin, d’un marteau piqueur lorsqu’ils étaient dans la piscine et d’odeurs de gaz d’échappement une journée entière. Mme [I] [D], locataire au domaine l’Escapade depuis le 1er septembre 2021, explique, dans une attestation en date du 23 mai 2022, avoir demandé à partir le 31 mai suivant en raison des nuisances causées par Mme et M. [R] tenant en particulier aux aboiements de leur chien, au bruit de leurs machines (tracteurs, débrouissailleuse et autres engins), qui tournent tous les jours, y compris les fins de semaine, et aux véhicules qui se garent en face de la fenêtre du logement qu’elle occupe. Mme [Y] [O], locataire au domaine depuis le 1er septembre 2021, atteste, le 4 mai 2022, être dérangée par les nombreux bruits provenant de la propriété des époux [R], et en particulier par les engins de chantier et les voitures qui se garent derrière le mur de sa chambre. Elle expose qu’elle envisage de quitter les lieux. Mme [E] [G], locataire depuis le 1er juillet 2019, atteste, le 15 mai 2022, avoir mis fin à sa location en grande partie à cause des nuisances provenant de la propriété des époux [R], et notamment de leurs tracteurs qui déplacent de la terre et des déchets verts en créant de la poussière et de fortes odeurs de pots d’échappement. Elle se plaint également de fumée provenant des déchets verts qu’ils brûlent et des aboiements de leur chien.
Mme et M. [R] ne contestent pas exercer une activité agricole sur leur propriété, M. [F] [R] étant le gérant de la société à responsabilité limitée Sud Services Environnement ayant pour objet l’entretien des espaces verts, et notamment la taille et le débroussaillage d’arbres et de haies ainsi que la création et l’entretien de tous systèmes d’irrigation, laquelle société emploie 15 salariés. Il n’en demeure pas moins que, nonobstant leur droit d’exercer leur activité dans une zone agricole, en conformité avec le plan local d’urbanisme, Mme et M. [R] ne doivent pas, par leur activité, causer de désagréments anormaux à leurs voisins. En effet, l’article R 1336-5 du même code dispose, de manière générale, qu’aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme, dans un lieu public ou privé, qu’une personne en soit elle même à l’origine ou que ce soit par l’intermédiaire d’une personne, d’une chose dont elle a la garde ou d’un animal placé sous sa responsabilité. Or, le fait même pour trois locataires d’avoir mis un terme à leur séjour dans le domaine plus tôt que prévu en raison des nuisances causées par l’activité des époux [R] tendent à corroborer la réalité des troubles dénoncés par les appelants au moment où elles ont initié la procédure. Seule la mesure sollicitée sera à même d’en déterminer la durée, la répétition ou son intensité.
S’agissant en second lieu des infiltrations qui sont apparues depuis que Mme et M. [R] ont procédé à une construction sur leur propriété, les appelantes se prévalent d’une déclaration de sinistre effectuée le 14 janvier 2021 en raison d’infiltrations affectant les sols, plafonds et murs des quatre chambres situées au rez-de-chaussée du bâtiment principal. Si l’huissier de justice ne constate, dans son procès-verbal du 21 juin 2021, que des altérations visibles au niveau des plinthes et mobilier, dans la chambre 2, avec des différenciations de teintes notables en partie basse au niveau de la zone en appui sur le sol, suite aux reprises de peintures effectuées fréquemment par les appelants dans l’attente des investigations pour déterminer l’origine des fuites, la société Polygon France indique, dans son rapport d’intervention du 23 juillet 2021, ne pas avoir été en mesure de procéder à une recherche de fuites en raison du refus des voisins de la laisser accéder à leur propriété. C’est ainsi qu’aux termes de son rapport définitif en date du 28 juillet 2021, l’assureur de la société Mes Domaine 13 FR indique que les infiltrations auraient pour origine le ruissellement des eaux pluviales de la toiture de l’abri voiture construit par Mme et M. [R].
Mme et M. [R], qui ne contestent pas avoir construit un abri voiture, verse aux débats un procès-verbal de constat, en date du 20 avril 2022, dressé à leur demande. La construction litigieuse a été faite le long d’une partie du mur mitoyen, sans le toucher, à proximité immédiate du mur de la propriété voisine. Il a été construit sur plots et dispose d’une toiture en bois sur laquelle des tuiles ont été posées. Si Mme et M. [R] affirment que leur construction respecte les règles de l’art, en ce qui concerne en particulier les eaux pluviables de la toiture, alors même que les tuiles de rive de la toiture des voisins sont absentes en partie basse de la pente Est et qu’ils n’ont jamais réalisé de drain constitué par une tranchée d’une profondeur maximum de un mètre cinquante de profondeur rempli de pierres et dont la surface sera cimentée et dont la pente sera inclinée [sur la parcelle C [Cadastre 13]] qui recevra les eaux de ruissellement et les eaux pluviales de la toiture de la construction [leur] appartenant, tel que cela résulte de l’acte de propriété des époux [R] en page 11, il n’en demeure pas moins que seule une expertise réalisée au contradictoire des parties pourra déterminer l’origine des infiltrations dénoncées par les appelantes.
S’agissant en troisième lieu des désordres liés aux arbres se trouvant sur la propriété de M. et Mme [R], il ressort du constat d’huissier dressé le 21 juin 2021, à la demande des appelantes, que des branches de cyprès et de figuiers plantés sur la propriété des époux [R] dépassent largement la limite séparative en partie haute ou basse. Or, il résulte de l’article 671 du code civil qu’il n’est pas permis d’avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu’à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus et, à défaut, de règlements et d’usages, qu’à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d’un demi-mètre pour les autres plantations. Les constatations qui ont été faites le 21 juin 2021 justifient la mesure d’expertise sollicitée.
S’agissant enfin des nuisances causées par le poulailler, sa présence est avérée par les constats d’huissier dressé le 21 juin 2021, à la demande des appelantes, et le 20 avril 2022, à la demande des époux [R]. Cette construction comporte un soubassement en parpaings qui est surmonté d’un grillage rigide et d’un toit en plaques ondulées. Le fait même pour ce poulailler d’avoir été construit à proximité de la limite des deux propriétés peut être source de nuisances sonores et olfatives excédant les inconvénients normaux de voisinage. La mesure sollicitée est donc également justifiée sur ce point.
Il résulte donc de l’ensemble de ces éléments que les appelantes rapportent la preuve de l’existence d’un motif légitime à voir ordonner la mesure d’expertise sollicitée afin de recueillir des éléments de fait pouvant servir de base au procès qu’elles envisagent d’exercer à l’encontre des époux [R] pour troubles anormaux de voisinage.
Il y a donc lieu d’infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a débouté les appelantes de leur demande d’expertise, laquelle sera ordonnée à leurs frais avancés conformément à la mission qui sera précisée dans le dispositif de la décision.
Sur la demande de provision
Par application de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Ils ne peuvent donc accorder qu’une provision au créancier, à l’exclusion du prononcé de toute condamnation définitive.
Il appartient au demandeur d’établir l’existence de l’obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu’en son montant et la condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés sans excéder ses pouvoirs, n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.
Une contestation sérieuse survient lorsque l’un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.
Enfin, c’est au moment où la cour statue qu’elle doit apprécier l’existence d’une contestation sérieuse, le litige n’étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l’articulation de ce moyen.
En l’espèce, dès lors que l’expertise judiciaire est ordonnée afin précisément d’établir la réalité des troubles anormaux de voisinage allégués par les appelantes et, le cas échéant, les éventuels préjudices subis, la provision sollicitée par les appelantes à valoir sur la réparation de leurs préjudices subis au titre de l’activité économique du Domaine l’Escapade résultant des nuisances et désordres causés par Mme et M. [R] se heurte nécessairement à une contestation sérieuse.
Il y a donc de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a débouté la société Mes Domaines 13 FR de sa demande de provision.
Sur la demande reconventionnelle portant sur l’obligation de faire sous astreinte
Par application de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dont les conditions ont été rappelées ci-dessus, il appartient au demandeur d’établir l’existence de l’obligation de faire qui fonde sa demande.
L’article 676 du code civil prévoit que le propriétaire d’un mur non mitoyen, joignant immédiatement l’héritage d’autrui, peut pratiquer dans ce mur des jours ou fenêtres à fer maillé et verre dormant. Ces fenêtres doivent être garnies d’un treillis de fer, dont les mailles auront un décimètre d’ouverture au plus, et d’un châssis à verre dormant.
L’article 677 du même code énonce que les fenêtres ou jours ne peuvent être établis qu’à 26 décimètres au-dessus du plancher ou sol de la chambre qu’on veut éclairer, si c’est à rez-de-chaussée, et à 19 décimètres au-dessus du plancher pour les étages supérieures.
La détermination du caractère des ouvertures, alors même qu’elles auraient été établies en dehors de certaines conditions prévues par les articles susvisés, relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.
De plus, si une servitude conventionnelle comporte au bénéficie d’une des parties une vue sur le fonds de l’autre, les prescriptions des articles susvisés ne peuvent être imposées au titulaire de cette servitude dont l’exercice est réglé par le titre.
En l’espèce, Mme et M. [R] se prévalent d’un manquement des appelantes à la servitude conventionnelle telle que stipulée dans leur acte de propriété.
Dans un paragraphe consacré aux ouvertures, l’acte de vente de M. et Mme [R], stipule en page 12 que :
Enfin, M. [V] et Mme [H] concèdent à Mr et Mme [L], leurs ayant causes ou leur ayants droits, à titre de servitude perpétuelle, le droit d’ouvrir dans la façade couchant de la grange ci-dessus donnant sur la parcelle C [Cadastre 12] leur appartenant, telles ouvertures qu’il leur plaira et, à leurs frais, et aux endroits qu’il leur paraîtra le plus convenable.
Au rez-de-chaussée : de simples jours de souffrance aménagés conformément aux stipulations de l’article 6 du code civil, établis toutefois à 1,90 cm au-dessus du plancher du sol.
Au 1er étage : toutes fenêtres, droits d’aspect ouvrant à l’intérieur avec volets, de hauteur et de largeur qu’il plaira aux consorts [L] de leur donner.
Les balcons et terrasses sur cette façade couchant étant interdites.
Fonds servant : C870
Fonds dominant : C869.
L’huissier de justice constate, dans son procès-verbal en date du 20 avril 2022 dressé à la demande des époux [R], l’existence d’une cour carrelée et d’une baie vitrée derrière laquelle sont installés une table, des chaises et un canapé, au niveau du rez-de-chaussée du bâtiment des voisins. Il précise que la photographie a été prise depuis le sommet du mur limitrophe, de sorte que les appelantes ne peuvent valablement se prévaloir d’une violation de leur propriété. En revanche, aucune mesure n’ayant été prise, l’ouverture en question étant manifestement dirigée vers la partie basse du mur de séparation des propriétés de deux mètres environ de hauteur, et la détermination du caractère des vues et ouvertures pratiquées sur l’héritage d’autrui étant une question de fait qu’il appartient aux juges du fond de trancher, et non au juge de l’évidence, la preuve d’un non-respect de la servitude conventionnelle par le fonds dominant appartenant aux appelantes se heurte à une contestation sérieuse.
Il y a donc lieu de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a débouté Mme et M. [R] de leur demande reconventionnelle tendant à voir ordonner aux appelantes de procéder à la femerture de toutes les ouvertures autres que des jours de souffrance aménagés et à supprimer toute terrasse sur la façade donnant sur la parcelle cadastrée C [Cadastre 12] depuis celle cadastrée C [Cadastre 11].
Il reste que la question des vues sur la propriété des voisins sera intégrée dans la mission de l’expert.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Il est admis que la partie défenderesse, devenue intimée, à une demande d’expertise ordonnée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ne peut être considérée comme la partie perdante au sens des dispositions susvisées dès lors que la mesure d’instruction est ordonnée au seul bénéfice des appelantes afin d’éclairer la juridiction du fond, dans le cas où elle serait saisie, sur le bien-fondé ou non de l’action qu’elles entendent exercer pour troubles anormaux de voisinage à l’encontre des époux [R].
Il y a donc lieu de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a condamné in solidum les appelantes aux dépens de première instance.
Elles seront également condamnées in solidum aux dépens de la procédure d’appel.
En revanche, dès lors que la demande d’expertise sollicitée par les appelantes repose sur un motif légitime, l’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure en faveur des époux [R] pour les frais exposés tant en première instance qu’en appel.
L’ordonnance entreprise sera donc infirmée en ce qu’elle a condamné les appelantes à verser aux époux [R] la somme de 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et Mme et M. [R] seront déboutés de leur demande formulée sur le même fondement pour les frais exposés en appel.
Les appelantes, en que parties perdantes, seront également déboutées de leur demande formée sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :
– débouté la SCI Access 13 FR et la SAS Mes Domaines 13 FR de leur demande d’expertise judiciaire ;
– condamné la SCI Access 13 FR et la SAS Mes Domaines 13 FR à verser à Mme [K] [M] épouse [R] et M. [F] [R] la somme de 400 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
La confirme en toutes ses autres dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant ;
Ordonne une mesure d’expertise entre, d’une part, la SCI Access 13 FR et la SAS Mes Domaines 13 FR et, d’autre part, Mme [K] [M] épouse [R] et M. [F] [R] ;
Commet pour y procéder M. [A] [Z], expert ingénieur des travaux du bâtiment, inscrit près la cour d’appel d’Aix-en-Provence, demeurant [Adresse 3], à [Localité 20], mèl.: [Courriel 19], avec pour mission, les parties dûment appelées, après avoir pris connaissance de tous documents utiles :
– de se rendre sur les lieux au domaine l’Escapade située [Adresse 23] à [Localité 24] ;
– de décrire les ouvrages, installations et plantations se trouvant au niveau de la limite séparative des parcelles cadastrées C [Cadastre 11] et C [Cadastre 12], et en particulier l’abri voiture des époux [R], leur poulailler, leur plantation et les bâtiments exploités par les SCI Access 13 FR et SAS Mes Domaines 13 FR ;
– de se prononcer sur la réalité, l’origine et la cause des infiltrations affectant les bâtiments exploités par les SCI Access 13 FR et SAS Mes Domaines 13 FR, et notamment de dire s’ils proviennent de l’abri voiture des époux [R] ;
– de décrire les ouvertures et terrasses récentes pratiquées par l’ensemble des parties au niveau des façades de leurs bâtiments donnant sur la propriété voisine et de dire si elles offrent des garanties de discrétion suffisantes pour leurs voisins ;
– de se prononcer sur la réalité et l’intensité des nuisances sonores et olfactives alléguées par les les SCI Access 13 FR et SAS Mes Domaines 13 FR au sein de leur propriété tenant notamment à l’activité agricole exercée par Mme et M. [R] sur leur propriété ainsi qu’au poulailler et à l’abri voiture situés à proximité de la limite séparative des propriétés et, le cas échéant, mesurer les émergences sonores conformément à la réglementation applicable après l’avoir rappelée ;
– de se prononcer sur la distance et la hauteur des plantations des époux [R], et en particulier de leurs cyprès et figuiers, par rapport à la limite séparative et de dire si les branches et racines avancent sur la propriété voisine ;
– de préconiser toutes mesures à prendre pour réduire et/ou supprimer les nuisances et désordres allégués ;
– d’en déterminer le coût, la durée et la nature ;
– de se prononcer sur les préjudices allégués par les parties ;
– de fournir au juge tous les éléments nécessaires permettant de quantifier les préjudices allégués ;
Désigne le magistrat chargé du contrôle des expertises du tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence pour contrôler l’expertise ordonnée, et dit qu’il lui sera référé de toute difficulté ou question relative au déroulement de celle-ci ;
Dit que l’expert :
– devra procéder personnellement à sa mission, mais pourra néanmoins recueillir l’avis d’un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne, et notamment en matière acoustique, à charge d’en informer préalablement le magistrat chargé du contrôle des expertises ;
– devra accomplir sa mission en présence des parties, ou celles-ci dûment appelées, les entendre en leurs dires, explications et réclamations et y répondre, et, lorsque ces observations seront écrites, les joindre à son rapport si les parties le demandent, et faire mention de la suite qui leur aura été donnée ;
– pourra recueillir les déclarations de toutes personnes informées, sauf à ce que soient précisés leurs nom, prénom et domicile, ainsi que leurs liens de parenté, d’alliance, de subordination, ou de communauté d’intérêts avec l’une ou l’autre des parties, devra impartir aux parties un délai de rigueur pour déposer les pièces justificatives qui lui apparaîtraient nécessaires ;
– pourra éventuellement, en application de l’article 275 alinéa 2 du code de procédure civile, à l’expiration dudit délai, saisir le magistrat chargé du contrôle des expertises pour faire ordonner la production de ces documents s’il y a lieu sous astreinte, ou, le cas échéant, être autorisé à passer outre, poursuivre ses opérations et conclure sur les éléments en sa possession ;
– devra vérifier que les parties ont été à même de débattre des constatations ou des documents au vu desquels il entend donner son avis ;
– devra, en concertation avec les parties, définir un calendrier prévisionnel de ses opérations à l’issue de la première réunion d’expertise, fixant à celles-ci un délai pour procéder à des interventions forcées, et les informant de la date à laquelle il prévoit de leur adresser son document de synthèse ;
– devra adresser aux parties un document de synthèse, sauf exception dont il s’expliquera dans son rapport, et arrêter le calendrier de la phase conclusive de ses opérations :
* fixant, sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse ;
* rappelant aux parties qu’il n’est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au-delà de ce délai ;
* rappelant la date qui lui est impartie pour déposer son rapport ;
– devra achever son rapport à l’expiration du délai, en répondant aux observations des parties ;
– devra référer au magistrat chargé du contrôle des expertises de toute difficulté faisant obstacle à l’accomplissement de sa mission, ou de toute nécessité d’extension de sa mission ;
– devra déposer son rapport en un seul exemplaire au greffe du tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence dans un délai de quatre mois à compter du jour où il aura été informé du versement de la consignation, sauf prorogation du délai dûment sollicitée auprès du juge du contrôle en temps utile ;
Dit que conformément à l’ article 173 du code de procédure civile, en le mentionnant dans l’original, l’expert devra remettre aux parties et aux avocats copie de son rapport ;
Dit qu’en cas d’empêchement de l’expert désigné, il sera procédé à son remplacement par ordonnance à la requête de la partie la plus diligente, ou d’office ;
Dit que la SCI Access 13 FR et la SAS Mes Domaines 13 FR devront consigner dans les deux mois de la présente décision la somme de 2 000 € à la régie d’avances et de recettes du tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence destinée à garantir le paiement des frais et honoraires de l’expert ;
Dit qu’à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités impartis, la désignation de l’expert sera caduque, sauf décision contraire du juge en cas de motif légitime, et qu’il sera tiré toutes conséquences de l’abstention ou du refus de consigner ;
Rappelle que par application de l’ article 282 du code de procédure civile, le dépôt par l’expert de son rapport est accompagné de sa demande de rémunération, dont il adresse un exemplaire aux parties par tout moyen permettant d’en établir la réception, et que, s’il y a lieu, celles-ci adressent à l’expert et à la juridiction ou, le cas échéant, au juge chargé de contrôler les mesures d’instruction, leurs observations écrites sur cette demande dans un délai de quinze jours à compter de sa réception ;
Déboute Mme [K] [M] épouse [R] et M. [F] [R] de leur demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance non compris dans les dépens ;
Déboute Mme [K] [M] épouse [R] et M. [F] [R] de leur demande formulée sur le même fondement pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens ;
Déboute la SCI Access 13 FR et la SAS Mes Domaines 13 FR de leur demande formulée sur le même fondement ;
Condamne in solidum SCI Access 13 FR et la SAS Mes Domaines 13 FR aux dépens de la procédure d’appel.
La greffière Le président