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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 09 NOVEMBRE 2023
N° 2023/ 701
Rôle N° RG 22/13285 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BKD6O
[N] [G]
C/
SAS EXPRESSION PARFUMEES
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Jean-Michel AUBREE
Me Roselyne SIMON-THIBAUD
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de GRASSE en date du 04 octobre 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/01073.
APPELANT
Monsieur [N] [G]
né le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 8], demeurant [Adresse 5] – [Localité 3]
représenté par Me Jean-Michel AUBREE, avocat au barreau de GRASSE, palidant
INTIMEE
SAS EXPRESSION PARFUMEES
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 4] – [Localité 3]
représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD substituée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
et assistée de Me Philippe AMSELLEM, avocat au barreau de GRASSE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 03 octobre 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Mme LEYDIER, Conseillère, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
M. Gilles PACAUD, Président
Mme Sophie LEYDIER, Conseillère rapporteur
Mme Florence PERRAUT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 novembre 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 novembre 2023,
Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE:
Monsieur [N] [G] est propriétaire d’une maison, située [Adresse 5] à [Localité 3].
En face, au [Adresse 4], se trouve une usine de fabrication de parfums, la société anonyme simplifiée (SAS) Expression Parfumées.
Se plaignant de nuisances sonores émanant des installations de celle-ci, particulièrement de la présence d’un compresseur se trouvant à environ 38 mètres de sa maison, M. [N] [G] a saisi la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement Provence Alpes Côte d’Azur (PACA) en charge des installations classées, dont les services ont constaté l’existence de non-conformités de l’établissement en limite de propriété en périodes diurne et nocturne.
La SAS Expression Parfumées a alors été mise en demeure par la préfecture des Alpes- Maritimes de procéder à la mise en place de mesures efficaces de réduction des nuisances sonores.
Se plaignant de la persistance de nuisances sonores toujours importantes, malgré les travaux réalisés par la SAS Expression Parfumées, M. [N] [G] l’a fait assigner devant le président du tribunal judiciaire de Grasse, statuant en référé, par acte du 7 juillet 2022, aux fins de voir ordonner une expertise.
Par ordonnance de référé contradictoire du 4 octobre 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse a :
– débouté M. [N] [G] de ses demandes,
– condamné M. [N] [G] aux dépens.
Le premier juge a essentiellement considéré que depuis la mise en demeure de la préfecture, la SAS Expression Parfumées avait effectué des travaux d’insonorisation de son usine, que des mesures avaient été prises et établissaient que les normes étaient respectées, et que M. [N] [G] ne produisait aucun élément de nature à établir la réalité des nuisances sonores qui persisteraient, selon lui.
Par déclaration reçue au greffe le 6 octobre 2022, M. [N] [G] a interjeté appel de toutes les dispositions de l’ordonnance entreprise dûment reprises.
Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 7 septembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus amples exposé des prétentions et moyens, l’appelant demande à la cour de réformer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :
– de désigner un expert, avec mission habituelle en pareille matière,
– dire que les frais de l’expertise devront être avancés par la SAS Expression Parfumées,
– condamner la SAS Expression Parfumées à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– réserver les dépens de l’instance.
Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 15 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus amples exposé des prétentions et moyens, la SAS Expression Parfumées demande à la cour, à titre principal, la confirmation de l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, et, très subsidiairement, de :
– déclarer que la société Expressions Parfumées formule les plus expresses réserves de droits et garanties sans que celles-ci ne puissent être considérées comme une quelconque reconnaissance de responsabilité,
– limiter le cas échéant la mesure expertale à l’appréciation de l’émergence de nuisances sonores conformes ou supérieures aux valeurs limites réglementaires de bruit en zone à émergence réglementée, sans qu’il ne soit question d’estimer une quelconque perte de valeur du bien de M. [G],
– condamner M. [G] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 19 septembre 2023.
MOTIFS :
Sur la demande d’expertise
Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile: ‘s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé’.
Pour que le motif de l’action soit légitime, la demande de mesure d’instruction doit reposer sur des faits précis, objectifs et vérifiables qui permettent de projeter un litige futur, qui peut n’être qu’éventuel, comme plausible et crédible. Il appartient donc à la partie qui sollicite une expertise de rapporter la preuve d’éléments suffisants à rendre vraissemblables ses allégations et démontrer que cette mesure présente un intérêt probatoire, dans la perspective d’un procès au fond susceptible d’être engagé ultérieurement.
En l’espèce, l’appelant formule un certain nombre de critiques concernant le rapport de mesures acoustiques du 19 janvier 2022 communiqué par la SAS Expression Parfumées et sur lequel s’est fondé le premier juge et il produit devant la cour :
– un procès-verbal de constat du 29 octobre 2022 établi par Maître [O] [U], commissaire de justice, dont il résulte :
* que le compresseur de l’usine appartenant à la SAS Expression Parfumées se trouve en hauteur et juste en face de sa maison, les deux bâtiments étant séparés par une route à double sens de circulation,
* que l’huissier a constaté ‘à l’oreille’, en se transportant dans les différentes pièces de vie de la maison de M. [G] situées en façades Nord et Ouest (baies ouvertes), et dans le jardin, qu’un bruit sourd ressemblant à celui d’une turbine ou d’un avion est très nettement audible de façon continue en provenance de l’usine appartenant à la SAS Expression Parfumées, ce bruit restant présent et audible malgré les bruits de la circulation provenant de l’avenue de [Localité 3], importants au moment de ses constatations effectuées entre 19 heures et 19 heures 30,
– un rapport de mesures des émissions sonores générées par le site Expressions Parfumées sur sa propriété établi le 6 septembre 2023 par le cabinet ECF Acoustique, dont il résulte :
* que sa propriété est située à environ 10 mètres du site Expressions Parfumées, sa maison se trouvant à environ 35 mètres du bâtiment supportant les équipements techniques,
* que la zone est constituée des sources sonores suivantes :
circulation routière ponctuelle chemin de Saint Marc,
ligne ferroviaire [Localité 9]/[Localité 3]
passage ponctuels d’avions
circulation routière lointaine de la Route Napoléon,
bruits de la nature,
l’environnement étant relativement calme de jour comme de nuit,
* que la bouche de soufflage du compresseur semble équipée d’un silencieux,
* que les différentes mesures réalisées depuis la chambre du premier étage de sa maison, fenêtres ouvertes, dans l’après-midi et dans la soirée du dimanche 20 août 2023, ont montré un dépassement de la valeur d’émergence réglementaire maximale de 4 dB (A) selon l’arrêté du 23 janvier 1997 avec une valeur de 5.5 dB (A) en période diurne et une valeur de 8 dB(A) en période nocturne.
En l’état de ces éléments, M. [G] justifie d’un intérêt légitime à obtenir une expertise au contradictoire des parties, suivant la mission précisée au dispositif du présent arrêt, étant précisé qu’en tant que demandeur à l’expertise, la consignation sur la rémunération de l’expertise doit être mise à sa charge.
En conséquence, l’ordonnance entreprise sera réformée.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
L’ordonnance entreprise doit être confirmée en ce qu’elle a débouté M. [G] de sa demande au titre des frais irrépétibles et l’a condamné aux dépens.
Même fondée sur les dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, l’instance de référé est une instance autonome dans laquelle il y a lieu de liquider les dépens, de sorte que la demande tendant à les voir réserver formée par l’appelante doit être rejetée.
La partie défenderesse, puis intimée à une demande d’expertise, ordonnée sur le fondement du texte précité, ne peut être considérée comme la partie perdante au sens des dispositions susvisées.
En l’espèce, aucune considération d’équité ne justifie d’allouer aux parties une indemnité au titre des frais irrépétibles.
En conséquence, l’appelant sera condamné aux dépens d’appel et il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme l’ordonnance entreprise seulement en ce qu’elle a rejeté la demande d’expertise,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Ordonne une expertise et désigne pour y procéder :
Monsieur [Z] [T], expert inscrit sur la liste de la cour d’appel d’Aix-en-Provence,
[Adresse 6]
[Localité 7]
Tél : [XXXXXXXX01] Fax : [XXXXXXXX01]
Mèl : [Courriel 10]
qui pourra recueillir l’avis de tous techniciens dans une spécialité distincte de la sienne après en avoir avisé les parties, avec mission :
– de se rendre sur les lieux au [Adresse 5] (domicile de M. [N] [G]) et au [Adresse 4] – [Localité 3], en présence des parties et de leurs conseils, ou à défaut celles-ci régulièrement convoquées par lettre recommandée avec demande d’avis de réception,
– se faire remettre tous documents utiles et entendre les parties en leurs explications, ainsi que tout sachant,
– dire si les nuisances sonores en provenance de l’usine de la SAS Expression Parfumées, dont se plaint M. [N] [G], sont avérées, et, le cas échéant, procéder à la recherche de l’origine, de la nature, du niveau et de l’étendue de ces nuisances, ainsi qu’à toutes vérifications permettant d’évaluer le niveau de ces nuisances, de jour comme de nuit, notamment avec le compresseur en fonctionnement puis arrêté,
– préciser, après avoir fait toutes les mesures utiles, s’il existe objectivement des nuisances sonores, supérieures aux valeurs limites réglementaires de bruits en zone à émergence réglementée,
– rechercher depuis quand l’usine de la SAS Expression Parfumées est installée à cet endroit et indiquer à quelle date ont été installés les équipements techniques bruyants, notamment le compresseur,
– dire si les travaux de réduction des nuisances sonores effectués par la SAS Expression Parfumées ont permis de réduire les émergences sonores en provenance de son usine, s’ils sont adaptés et suffisants, et/ou si d’autres travaux pourraient être effectués, le cas échéant, les décrire et en préciser le coût,
– rechercher à quelle date M. [N] [G] a acquis son bien immobilier situé au [Adresse 5], et préciser s’il existait déjà à cette date des nuisances sonores; le cas échéant, préciser lesquelles, et notamment s’il existait des nuisances en provenance de la SAS Expression Parfumées,
– après avoir sollicité le titre de propriété de M. [N] [G] permettant de déterminer la valeur d’acquisition de son bien, dire si cette valeur a évolué à la hausse ou à la baisse, et en fonction de quels paramètres, et préciser, dans le cas où des nuisances sonores résiduelles en provenance de la SAS Expression Parfumées seraient avérées, s’il en résulte des conséquences quant à la valeur du bien immobilier de M. [N] [G], et, le cas échéant dans quelles proportions,
– Répondre explicitement et précisément, dans le cadre de ces chefs de mission, aux dires des parties, après leur avoir adressé une note de synthèse comportant la détermination et l’évaluation du coût des travaux à réaliser, et leur avoir imparti un délai pour présenter ces dires, délai qui ne pourra être inférieur à un mois,
Dit que l’expertise sera mise en oeuvre et que l’expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile, sous le contrôle du magistrat chargé du contrôle des expertises au tribunal judiciaire de Grasse, qui pourra procéder à son remplacement par simple ordonnance,
Dit toutefois que dans l’hypothèse où l’expert aurait recueilli l’adhésion formelle des parties à l’utilisation de la plate-forme OPALEXE, celle-ci devra être utilisée pour les convocations, les communications de pièces et plus généralement pour tous les échanges,
Dit que M. [N] [G] devra consigner à la régie d’avances et de recettes du tribunal judiciaire de Grasse dans un délai de 2 mois à compter de la présente décision la somme de 4 000 euros, destinée à garantir le paiement des frais et honoraires de l’expert,
Dit qu’à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités imparties, la désignation de l’expert sera caduque à moins que le magistrat chargé du contrôle des expertises, à la demande d’une partie se prévalant d’un motif légitime ne décide une prorogation ou un relevé de caducité,
Dit que s’il estime insuffisante la provision initiale ainsi fixée, l’expert devra lors de la première ou au plus tard de la deuxième réunion des parties, dresser un programme de ses investigations et évaluer d’une manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours,
Dit qu’à l’issue de cette réunion, l’expert fera connaître au magistrat chargé du contrôle des expertises, la somme globale qui lui paraît nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et de ses débours et sollicitera, le cas échéant, le versement d’une consignation complémentaire,
Dit que l’expert devra déposer son rapport au greffe du tribunal judiciaire de Grasse, dans le délai de 4 mois à compter de la notification qui lui sera faite par les soins du greffier de la consignation, à moins qu’il ne refuse la mission et dit qu’il devra solliciter du magistrat chargé du contrôle de l’expertise une prorogation de délai, si celui-ci se révèle insuffisant,
Dit que conformément aux articles 173 et 282 du code de procédure civile, l’expert devra remettre copie de son rapport à chacune des parties en mentionnant cette remise sur l’original, accompagné de la copie de sa demande de rémunération, qui pourra donner lieu à toutes observations des conseils des parties auprès du magistrat chargé du contrôle des expertises et de l’expert dans les quinze jours à compter de la réception, l’expert devant préciser sur la demande de taxe adressée au magistrat taxateur, la date de l’envoi aux parties,
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [N] [G] aux dépens de première instance et d’appel.
La greffière Le président