Nuisances sonores : décision du 14 novembre 2023 Cour d’appel de Reims RG n° 23/00297

·

·

Nuisances sonores : décision du 14 novembre 2023 Cour d’appel de Reims RG n° 23/00297
Je soutiens LegalPlanet avec 5 ⭐

ARRET N°

du 14 novembre 2023

R.G : N° RG 23/00297 – N° Portalis DBVQ-V-B7H-FJNE

[U]

c/

[T]

Etablissement Public TROYES AUBE HABITAT

BD

Formule exécutoire le :

à :

la SELARL D. LEGRAS

la SCP DELVINCOURT – CAULIER-RICHARD – CASTELLO AVOCATS ASSOCIES

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE- SECTION INSTANCE

ARRET DU 14 NOVEMBRE 2023

APPELANT :

d’un jugement rendu le 16 décembre 2022 par le Juge des contentieux de la protection de Troyes

Monsieur [N] [U]

4 rue des Maraîchers – Appt 01

10440 LA-RIVIERE-DE-CORPS

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2023-000426 du 06/02/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de REIMS)

Représenté par Me Delphine LEGRAS de la SELARL D. LEGRAS, avocat au barreau de REIMS

INTIMEES :

Madame [M] [T] épouse [U]

4 rue des Maraîchers – Appt 01

10440 LA-RIVIERE-DE-CORPS

N’ayant pas constitué avocat

Etablissement Public TROYES AUBE HABITAT industriel et commercial, immatriculé au RCS de TROYES sous le N° 341 498 061, pris en la personne de son Président domicilié de droit audit siège

47 Rue Louis Ulbach

10000 TROYES

Représentée par Me Isabelle CASTELLO de la SCP DELVINCOURT – CAULIER-RICHARD – CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS, et Me Chloé RICARD avocat au barreau de l’AUBE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

M. Bertrand DUEZ, président de chambre

Mme Anne LEFEVRE, conseiller

Mme Christel MAGNARD, conseiller

GREFFIER :

Madame Lucie NICLOT, greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 10 octobre 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 14 novembre 2023,

ARRET :

Réputé contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023 et signé par M. Bertrand DUEZ, président de chambre, et Mme Lucie NICLOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Exposé du litige :

Par acte sous seing privé du 12 février 2013, la société Troyes Aube Habitat a donné en location à Mme [M] [U] et M. [N] [U] un logement situé 4 rue des Maraîchers – porte 1 – 10440 La Rivière de Corps, moyennant le règlement d’un loyer mensuel de 545,03 euros outre les charges locatives, ainsi que 35 euros au titre de la location d’un garage.

Par exploit d’huissier du 10 juin 2021 la société Troyes Aube Habitat a assigné en résiliation de bail Mme [M] [U] et M. [N] [U] devant le juge des contentieux et de la protection de Troyes statuant en référé.

Le bailleur invoquait des plaintes de voisins concernant des nuisances sonores lors de disputes conjugales, des insultes et menaces des voisins ainsi que des tapages liés aux situations d’ébriété de Mme [M] [U].

Par ordonnance de passerelle au fond en date du 23 décembre 2021, le juge des contentieux de la protection statuant en référé a ordonné la clôture du dossier en référé et le renvoi devant le juge du fond.

Par jugement du 16 décembre 2022 le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Troyes a, avec exécution provisoire :

Prononcé la résiliation du bail passé entre la société Troyes Aube Habitat et Mme [M] [U] et M. [N] [U] relatif au logement situé 4 rue des Maraîchers – porte 1 – 10440 La Rivière de Corps, à compter du 16 décembre 2022,

Dit que Mme [M] [U] et M. [N] [U] sont occupants sans droit ni titre,

Ordonné, en conséquence, à défaut de libération spontanée des lieux, l’expulsion de Mme [M] [U] et M. [N] [U] et de celle de tous occupants de leur chef par toutes voies, moyens de droit et au besoin avec l’assistance de la force publique et d’un serrurier et ce, conformément à l’article L.412-1 du code des procédures civiles d’exécution, à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement de quitter les lieux,

Fixé l’indemnité d’occupation due à compter du 16 décembre 2022 au montant du loyer courant, provisions sur charges comprises et réévaluée comme le serait le loyer si le contrat de bail n’avait pas été résilié,

Condamné in solidum Mme [M] [U] et M. [N] [U] à payer à la société OPH Troyes Aube Habitat le montant de cette indemnité d’occupation jusqu’à libération effective des lieux,

Condamné in solidum Mme [M] [U] et M. [N] [U] aux dépens et à payer à la société OPH Troyes Aube Habitat la somme de 200 € (deux cent euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Les 18 janvier 2023 et 19 janvier 2023 M. [N] [U] a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions.

Les deux procédures ont été jointes sous le numéro le plus ancien le 28 mars 2023.

Il s’est vu accorder le bénéfice de l’aide juridictionnelle partielle à hauteur de 25 % par décision du Bureau d’aide juridictionnelle de Reims du 6 février 2023 complétée le 29 mars 2023.

Mme [M] [U] n’a pas constitué avocat en cause d’appel et s’est vu signifier la déclaration d’appel et les conclusions de l’appelant par exploits d’huissier de Justice respectifs des 12 avril et 5 mai 2023.

Aux termes de ses conclusions d’appelant signifiées par voie électronique le 18 avril 2023 M. [N] [U] sollicite :

L’infirmation de la décision déférée dans les limites de la déclaration d’appel et, jugeant à nouveau de :

Débouter la société OPH Troyes Aube Habitat de sa demande de résiliation judiciaire du bail à l’égard de M. [N] [U] et de toutes demandes subséquentes,

Juger que le contrat de bail se poursuit à l’égard de Monsieur [U],

Ordonner l’expulsion de Madame [T] épouse [U] seule,

Subsidiairement,

En tout état de cause, condamner la société OPH Troyes Aube Habitat à verser à M. [N] [U] une somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour expulsion abusive,

Débouter la société OPH Troyes Aube Habitat de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel à l’égard de M. [N] [U],

Condamner Madame [T] épouse [U] au règlement de l’intégralité des dépens de première instance et d’appel,

Débouter la société OPH Troyes Aube Habitat de toutes demandes plus amples ou contraires

Au soutien de ses prétentions M. [N] [U] ne conteste pas les nuisances subies par le voisinage mais expose qu’elles ne sont dues qu’au seul comportement de son épouse Mme [M] [T]-[U] qui souffre d’alcoolisme notoire ce qui engendre un comportement irascible avec lui et les voisins.

Il indique subir cette situation et précise avoir engagé une procédure de divorce.

M. [N] [U] précise qu’il est âgé de 71 ans et en situation d’invalidité à 80 % à la suite d’un AVC. Il précise qu’en ce qui le concerne, il est un locataire calme et sérieux.

M. [N] [U] indique qu’il a besoin de demeurer dans l’appartement de sorte qu’il soutient la résiliation du bail mais seulement à l’encontre de son épouse.

Pour le surplus des arguments à l’appui des moyens invoqués, il sera renvoyé aux dernières conclusions de M. [N] [U] conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions d’intimée signifiées par voie électronique le 6 septembre 2023, la société OPH Troyes Aube Habitat sollicite qu’il soit :

Déclaré M. [N] [U] mal fondé en son appel,

Débouté M. [N] [U] de toutes ses demandes, fins et prétentions,

En conséquence :

Confirmé le jugement rendu par le tribunal judiciaire de TROYES en date du

16 décembre 2022 en toutes ses dispositions,

Condamné M. [N] [U] à payer à l’OPH Troyes Aube Habitat la somme de 3 888,61 euros, somme à parfaire au titre des indemnités d’occupation.

Condamné M. [N] [U] à payer à la société OPH Troyes Aube Habitat une indemnité de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d’appel.

Au soutien de ses prétentions la société OPH Troyes Aube Habitat expose que l’immeuble en question est situé dans un quartier résidentiel et ne se trouve composé que de peu d’appartement.

Le bailleur indique que les troubles causés, tant le jour que la nuit, le sont à la fois par Mme [M] [U] et par M. [N] [U] comme le précisent les attestations de locataires produites aux débats.

La société OPH Troyes Aube Habitat rappelle que M. [N] [U] n’a jamais contesté les nombreux courriers reçus du bailleur lui enjoignant de cesser les nuisances.

Le bailleur indique que M. [U] ne règle plus ses loyers.

Pour le surplus des arguments à l’appui des moyens invoqués, il sera renvoyé aux dernières conclusions de la société OPH Troyes Aube Habitat conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

La procédure a fait l’objet d’une ordonnance de clôture le 19 septembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur la demande de résiliation du bail

L’article 1103 du code civil précise que : « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits». L’article 1104 du code civil ajoute que : «Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public ».

L’article 1728 du code civil applicable à la date du contrat dispose :

« Le preneur est tenu de deux obligations principales :

1° D’user de la chose louée en bon père de famille, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d’après les circonstances, à défaut de convention ;

2° De payer le prix du bail aux termes convenus ».

L’article 1729 du code civil dispose que : « Si le preneur n’use pas de la chose louée raisonnablement ou emploie la chose louée à un autre usage que celui auquel elle a été destinée, ou dont il puisse résulter un dommage pour le bailleur, celui-ci peut, suivant les circonstances, faire résilier le bail ».

L’article 7.b de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précise que le locataire est obligé :

« b) D’user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location ».

Il revient aux juges du fond de déterminer, par leur pouvoir souverain, si l’inexécution de l’obligation contractuelle invoquée est suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire d’un contrat de bail.

En l’espèce pour justifier de la demande de résiliation du bail la société OPH Troyes Aube Habitat produit les attestations de quatre locataires voisins : mesdames [K] (pièces n° 8 et 9), [S] (pièces n° 11 à 13 et 16), Vast (pièces n° 14 et 15) et monsieur [E] (pièce n° 17)

Ces attestations du voisinage, pour certaines renouvelées, s’étalent sur la période 2020-2023 et mentionnent toutes :

Des hurlements intempestifs et fréquents accompagnés d’insultes de la part de Mme [M] [U].

L’alcoolisation fréquente de Mme [M] [U].

Les interventions fréquentes de la police au domicile de Mme [M] [U] et M. [N] [U]

Les attestations de Mme [Y] [S] des 17.12.2020 et 27.02.2023 mentionnent que ces nuisances sont dues aux ‘altercations quotidiennes de M. [N] [U] et de Mme [M] [U].’

La société OPH Troyes Aube Habitat justifie également que les locaux loués aux époux [U] se situent dans une petite résidence de sorte que la production d’attestations émanant de quatre locataires voisins sera considérée comme significative d’un trouble apporté à l’ensemble du voisinage du domicile occupé par les époux [U].

Le bailleur justifie également avoir envoyé aux époux [U] quatre courriers les mettant en demeure de mettre un terme à leurs comportements (courriers des 7.12.2017, 18.07.2018, 11.07.2019 et 18.05.2020 – pièces 3 à 6).

L’examen de ces courriers met en exergue une gradation des mises en demeure, allant jusqu’à l’indication de l’engagement d’une procédure de résiliation du bail (courrier LRAR du 18.05.2020) après avoir plusieurs fois demandé sans succès aux deux locataires d’adopter un comportement propre à ne pas troubler la tranquillité des voisins. (Pièces n° 3 et 4)

Il est ainsi suffisamment justifié que le comportement de Mme [M] [U], mais également celui de M. [N] [U] a entraîné une longue période de troubles et de nuisances de voisinage qui n’a pu être solutionnée amiablement par le bailleur.

A supposer même, mais uniquement pour les besoins de l’analyse, que M. [N] [U] ne soit pas la cause principale de nuisances, ne faisant que se défendre des agressions de son épouse comme il l’indique dans ses conclusions, il n’en demeure pas moins que la résiliation du bail, conclu au nom des deux époux est la seule solution pour faire cesser les nuisances retenues.

En effet M. [N] [U] ne justifie pas avoir engagé une procédure de divorce à l’encontre de Mme [M] [U].

La copie de la lettre de son conseil envoyée à Mme [M] [U] le 14 mars 2023 ne justifie en effet pas de l’engagement effectif à ce jour d’une procédure de divorce ou de séparation de corps; M. [N] [U] n’ayant versé aux débats aucune pièce justifiant des suites données à ce courrier depuis six mois.

Il s’ensuit que la résiliation du bail du seul chef de Mme [M] [U], comme le réclame M. [N] [U], ne permettra pas au bailleur d’expulser l’épouse du domicile puisque cette dernière pourra toujours revendiquer son maintien au domicile conjugal au bénéfice des articles 212 et 215 du code civil.

En conséquence, nonobstant l’âge et l’état de santé de M. [N] [U], la décision déférée sera confirmée en ce qu’elle prononce la résiliation du bail du chef des deux époux.

2/ Sur la demande de condamnation de M. [N] [U] au titre des indemnités d’occupation arrêtées au 28 août 2023.

La société OPH Troyes Aube Habitat produit un compte locatif arrêté au 28 août 2023 accusant un débit à la charge des deux locataires de 3 888,61 €.

Pour autant la décision déférée a fixé l’indemnité d’occupation due à compter du 16 décembre 2022 (date de résiliation du bail) au ‘montant du loyer courant, provisions sur charges comprises et réévaluée comme le serait le loyer si le contrat de bail n’avait pas été résilié.’

Le jugement du 16 décembre 2022 a fixé cette indemnité à la charge des deux époux.

Or il n’est pas démontré que la société OPH Troyes Aube Habitat a signifié ses conclusions d’intimée à Mme [M] [U] qui n’a pas constitué en procédure.

Il s’ensuit qu’il n’est pas justifié que la demande de liquidation partielle de l’indemnité d’occupation au 28.08.2023 à hauteur de 3 888,61 € ait été portée au contradictoire de Mme [M] [U].

En conséquence la décision déférée sera simplement confirmée en ce qu’elle a fixé l’indemnité d’occupation à la charge des deux époux et au montant du loyer à compter du 16 décembre 2022 et la demande complémentaire en cause d’appel de la société OPH Troyes Aube Habitat sera rejetée.

3/ Sur les dépens et les frais irrépétibles.

Il ressort des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile que, sauf décision contraire de la juridiction, la partie qui succombe est tenue aux dépens et à payer les frais irrépétibles de l’autre partie.

En l’espèce le sens de la présente décision conduit à confirmer le jugement du 16 décembre 2022 rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Troyes sur les dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance.

M. [N] [U], qui succombe à l’appel, sera également tenu aux dépens de l’appel et à payer à la société OPH Troyes Aube Habitat la somme de 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs

La cour, statuant par décision réputée contradictoire

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du 16 décembre 2022 rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Troyes entre la société OPH Troyes Aube Habitat et M. [N] [U] et Mme [M] [U].

Y ajoutant :

Déboute la société OPH Troyes Aube Habitat de sa demande de liquidation au 28.08.2023 de l’indemnité d’occupation due par les époux [U].

Condamne M. [N] [U] aux dépens de l’appel.

Condamne M. [N] [U] à payer à la société OPH Troyes Aube Habitat la somme de 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d’appel.

Le greffier Le président

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x