Nuisances sonores : décision du 14 novembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 23/02619

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Nuisances sonores : décision du 14 novembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 23/02619
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 3

ARRET DU 14 NOVEMBRE 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/02619 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHCP3

Décision déférée à la Cour : Ordonnance

Ordonnance du 28 Novembre 2022 -Président du TGI de PARIS – RG n° 22/55628

APPELANTE

S.A.R.L. COMME UNE PLUME

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée et assistée par Me Roland ELBAZ, avocat au barreau de PARIS, toque : C0371

INTIMES

Mme [M] [R]

[Adresse 1]

[Localité 3]

M. [J] [R]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentés et assistés par Me Pascal PERRAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0731

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 03 Octobre 2023, en audience publique, rapport ayant été fait par Patricia LEFEVRE, Conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Jean-Christophe CHAZALETTE, Président de chambre

Patricia LEFEVRE, Conseillère

Valérie GEORGET, Conseillère

Greffier, lors des débats : Jeanne BELCOUR

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Jean-Christophe CHAZALETTE, Président de chambre et par Jeanne BELCOUR, Greffière, présent lors de la mise à disposition.

*****

Par acte sous seing privé du 27 juillet 2018, Mme [M] [R] et M. [J] [R] ont donné à bail commercial à la société Comme une plume, les lots 116 à 121, soit six caves en rez-de- jardin du bâtiment C de l’ensemble immobilier situé [Adresse 1] à destination d’usage de cours et stage de danse, chant théâtre, mise à disposition de salle de danse et d’organisation d’événements privés, moyennant un loyer annuel en principal de 30 000 euros, payable d’avance mensuellement.

Par acte extra-judiciaire du 2 mars 2022, M. et Mme [R] ont fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire pour une somme en principal de 54 194,07 euros au titre de l’arriéré locatif arrêté au 1er mars 2022.

Par acte extra-judiciaire en date du 16 juin 2022, M. et Mme [R] ont fait assigner la société Comme une plume devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir constater, subsidiairement prononcer la résiliation du bail avec les conséquences de droit et obtenir l’allocation de provisions et de dommages et intérêts.

Par ordonnance contradictoire du 28 novembre 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, a :

– constaté l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 2 avril 2022 à minuit ;

– ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les trois mois suivant la signification de la présente ordonnance, l’expulsion de la société Comme une plume et de tout occupant de son chef des lieux situés au [Adresse 1] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d’un serrurier ;

– rappelé que le sort des meubles trouvés sur place est régi par les dispositions des articles R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution ;

– fixé à titre provisionnel l’indemnité d’occupation due par la société Comme une plume, à compter de la résiliation du bail du 3 avril 2022 et jusqu’à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires ;

– condamné par provision la société Comme une plume à payer à M. [R] et Mme [R] la somme de 73.487,60 euros au titre des loyers, indemnités d’occupation et charges, impayés au 31 octobre 2022 (mois d’octobre 2022 inclus), avec intérêts au taux légal depuis la date de délivrance du commandement du 2 mars 2022 à hauteur de 54 194,07 euros, à compter de l’assignation pour la somme de 8 090,70 euros et de la présente ordonnance pour le solde, ainsi que les indemnités d’occupation postérieures ;

– dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de condamnation au paiement de la société Comme une plume de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,

– condamné la société Comme une plume à payer à M. [R] et Mme [R] la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement et les frais d’état des inscriptions de privilèges et nantissements ;

– dit n’y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes ;

– rappelé que sa décision est exécutoire à titre provisoire.

Le 30 janvier 2023, la société Comme une plume a relevé appel de cette décision et aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 6 avril 2023 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, elle demande à la cour, au visa des articles 9, 834, 835 du code de procédure civile, 1103, 1719 du code civil, d’infirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions sauf en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de condamnation au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts et au constat de l’existence d’une contestation sérieuse, de débouter M. et Mme [R] de l’ensemble de leurs demandes et de les renvoyer à mieux se pourvoir au fond et de les condamner solidairement à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d’appel.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 21 avril 2023 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, M. et Mme [R] demandent à la cour, au visa des articles L.145-41, L.143-2 du code de commerce, 1231-1, 1240 du code civil, 834, 835 du code de procédure civile, de déclarer mal fondé l’appel de la société Comme une plume et confirmer l’ordonnance entreprise sauf en ce qu’elle les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts et l’infirmant de ce chef et statuant à nouveau de condamner la société Comme une plume au paiement de la somme de 5 000 euros, à titre de dommages et intérêts en application de l’article 1231-1 anciennement 1147 du code civil, subsidiairement, en application de l’article 1240 anciennement 1382 du code civil. En tout état de cause, ils réclament la condamnation de la société Comme une plume au paiement de la somme de 91 978,46 euros selon au titre de l’actualisation de la dette locative selon un décompte provisoirement arrêté au 30 avril 2023. avec intérêts de droit ainsi qu’à la somme de 3 000 euros en application, à hauteur d’appel, de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

En application de l’article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

En vertu de l’article 835 du même code, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence preuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

En application de ces textes, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d’un contrat de bail en application d’une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en oeuvre régulièrement.

Aux termes de l’article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

Le bail commercial litigieux contient une clause résolutoire (article 11) reproduite dans le commandement de payer du 2 mars 2022 et la société Comme une plume ne conteste pas que les causes de ce commandement n’ont pas été réglées dans le mois de sa signification.

En application de l’article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, de délivrer au locataire la chose louée, de l’entretenir en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée et d’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail. L’obligation de délivrance s’entend d’une délivrance matérielle de la chose louée mais aussi d’une mise à disposition d’un local permettant un usage conforme à sa destination.

En l’espèce, la société Comme une plume s’oppose à l’acquisition de la clause résolutoire en formulant une exception d’inexécution consistant à faire valoir qu’elle a supporté le coût de travaux et d’équipements supplémentaires pour assurer l’isolation des locaux et en réduire le taux d’humidité afin de les rendre compatibles avec les activités prévues au bail, dont elle écrit qu’elle aurait pu exiger de M. et Mme [R] qu’ils en supportent le coût ; que les bailleurs ne sont pas assurés que les activités prévues au bail étaient pleinement conformes au règlement de copropriété et que de ce fait, elle est dans une situation juridique incertaine, voire précaire puisque le syndicat des copropriétaires s’est opposé à son activité en se prévalant de la destination des locaux loués (des caves) au règlement de copropriété, et qu’il a obtenu, aux termes d’un arrêt de la cour d’appel de Paris rendu le 13 novembre 2020, sur l’appel d’une ordonnance de référés, une restriction de ses horaires d’ouverture en raison des nuisances sonores causées par son activité.

Ainsi qu’il ressort de l’assignation qui a été délivrée à la locataire ainsi qu’aux bailleurs, le 28 juillet 2021, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble dénie la commercialité des locaux loués et plus particulièrement leur affectation à l’activité prévue au bail dans la mesure où ils n’ont jamais été conçus pour accueillir et recevoir du public et que l’activité de la société Comme une plume est contraire à la destination générale de l’immeuble et est incompatible avec la configuration matérielle des lieux, ce qui exclurait toute affectation à un usage autre que celui prévu du règlement de copropriété.

Par conséquent, la cour doit constater, qu’au 2 mars 2022, date du commandement de payer visant la clause résolutoire, l’obligation de payer les loyers était sérieusement contestable en raison d’une part, du caractère équivoque de la délivrance des lieux dont la commercialité est contestée depuis l’introduction de l’instance en référé en janvier 2019, contestation réitérée dans le cadre d’une procédure au fond et d’autre part, d’une décision qui interdit l’exploitation des locaux, le soir et le week-end, ce qui empêche une exploitation normale du fonds de commerce. La clause résolutoire ne peut donc être considérée comme acquise avec l’évidence requise en référé.

Les bailleurs, qui ne peuvent pas s’exonérer de l’obligation de délivrer des locaux pouvant servir à l’usage convenu, opposent en vain la clause de renonciation à recours contre le bailleur au cas où les locaux se révéleraient impropres à l’exercice (…) de l’activité du preneur (article 10-13 du bail).

La décision sera, par conséquent, infirmée dans ses dispositions relatives à l’acquisition de la clause résolutoire, à l’expulsion de la locataire, au sort des meubles et à la fixation d’une indemnité provisionnelle d’occupation.

Pour les motifs retenus ci-dessus, la demande de provision au titre des loyers impayés se heurte à une contestation sérieuse. La décision déférée sera infirmée de ce chef.

Formant appel incident, M. et Mme [R] sollicite l’allocation d’une somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts. Ils réclament paiement de leur créance indemnitaire elle-même, alors que le juge des référés peut seulement allouer une provision de ce chef. Il n’y a donc lieu à référé de ce chef et la décision déférée sera confirmée en ce qu’elle a rejeté cette demande.

Enfin, il sera dit n’y avoir lieu à référé au titre de la demande d’actualisation de la créance formée à hauteur d’appel. Celle-ci se heurte à une contestation sérieuse et excède les pouvoirs du juge des référés puisqu’elle tend au paiement de la créance des bailleurs et non à une allocation provisionnelle.

Les condamnations prononcées en première instance au titre des dépens et frais irrépétibles seront infirmées. M. et Mme [R] seront condamnés aux dépens de première instance et d’appel et à payer une indemnité au titre des frais exposés par  l’appelante pour assurer sa défense.

PAR CES MOTIFS,

Infirme l’ordonnance du 28 novembre 2022 sauf en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé sur la demande en paiement de la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés

Dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de M. et Mme [R]

Condamne in solidum M. et Mme [R] au paiement de la somme de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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