Nuisances sonores : décision du 16 novembre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/14333

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Nuisances sonores : décision du 16 novembre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/14333
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 16 NOVEMBRE 2023

N° 2023/732

Rôle N° RG 22/14333 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BKHRO

[Z] [J]

C/

Syndic. de copro. PALAIS ROTA

S.A.R.L. LE PECHE MIGNON

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Maud DAVAL-GUEDJ

Me Claire ROUX

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de NICE en date du 21 octobre 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/00733.

APPELANTE

Madame [Z] [J]

(intimée dans le dossier 22/14486)

née le 5 janvier 1956 à [Localité 5] (Tunisie) demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ – MONTERO – DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

et assistée de Me Valérie BONAUD CUNHA, avocat au barreau de NICE

INTIMES

Syndicat des copropriétaires du PALAIS ROTA sis [Adresse 3]

représenté par son syndic en exercice – le cabinet LVS – SARL

dont le siège social est [Adresse 2]

représentée par Me Claire ROUX, avocat au barreau de NICE

S.A.R.L. LE PECHE MIGNON

(appelant dans le dossier 22/14486), dont le siège social est situé [Adresse 3]

représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ – MONTERO – DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

et assistée de Me Valérie BONAUD CUNHA, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 10 octobre 2023 en audience publique devant la cour composée de :

M. Gilles PACAUD, Président

Mme Angélique NETO, Conseillère rapporteur

Mme Florence PERRAUT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023,

Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La société à responsabilité limitée (SARL) Le Peché Mignon exploite, suivant bail commercial en date du 24 janvier 2007 et avenant du 24 avril 2018, une activité de traiteur et restauration rapide au rez-de-chaussée de l’immeuble en copropriété Palais Rota situé [Adresse 4]. Elle a fait l’acquisition du fonds de commerce précédemment exploité par la SARL Le VII, depuis le 15 décembre 2010, suivant acte de cession en date du 24 avril 2018.

Les locaux qu’elle exploite appartiennent désormais à Mme [Z] [J].

L’assemblée générale des copropriétaires du 20 septembre 2019 a autorisé le syndic de la copropriété à ester en justice contre la société Le Péché Mignon pour avoir fait procéder à l’installation d’un climatiseur sans autorisation et de plus bruyant avec écoulement des eaux de condensat sur la façade. De plus, la défaillance du système de ventilation génère la propagation d’odeurs dans la résidence.

Le climatiseur sera enlevé et la société Le Péché Mignon et Mme [J] auront, jusqu’au 31 décembre 2019, pour présenter un projet comprenant la mise en place d’un conduit d’évacuation en toiture et mise en place d’un climatiseur à l’extérieur aux normes minimales légales et traitement des condensats.

L’assemblée générale des copropriétaires du 26 novembre 2020 va autoriser la société Le Péché Mignon à procéder à la pose de la climatisation comme elle avait été posée initialement et à effectuer, concernant la mise en conformité de l’extraction, les travaux préconisés par le bureau d’études Technologies § Environnement, dans un rapport en date du 25 mai 2020, suivant un devis des travaux dressé par la société Alp’Cheminée, dans un délai de trois mois sous le contrôle d’un maître d’oeuvre dûment assuré en la personne de Mme [D] [T], architecte.

Les travaux de mise en conformité de l’extraction ne seront pas réalisés en raison notamment d’un refus de la déclaration préalable, le 23 avril 2021, au motif d’un avis défavorable de l’architecte des bâtiments de France en ce que le projet, en l’état, était de nature à altérer l’aspect du site inscrit. Il est alors préconisé d’éviter tout cheminement horizontal et de traiter la sortie du conduit en façon de socle de cheminée traditionnelle.

L’assemblée générale des copropriétaires du 17 décembre 2021 a pris acte que l’architecte des bâtiments de France a refusé de valider les travaux imposés lors de la dernière assemblée générale et que M. [F], architecte de la copropriété, a refusé la mission tendant à trouver une solution technique avec la soicété Alp’Cheminée.

Se plaignant de la persistance des nuisances provenant de l’activité de la société Le Péché Mignon, le syndicat des copropriétaires du Palais Rota, représenté par son syndic en exercice, l’a fait assigner, ainsi que Mme [J], par actes d’huissier en date des 7 et 12 avril 2022, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Nice aux fins notamment de voir ordonner une expertise judiciaire.

Par ordonnance en date du 21 octobre 2022, ce magistrat a :

– ordonné une expertise judiciaire en désignant pour y procéder M. [G] [N] aux frais avancés du syndicat des copropriétaires afin notamment de constater et décrire la réalité des désordres dénoncés par le syndicat des copropriétaires et, le cas échéant, d’indiquer les travaux et moyens nécessaires pour y remédier et remettre en état des lieux ;

– ordonné à Mme [Z] [J] de communiquer la copie du contrat de bail au syndicat des copropriétaires ;

– dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– laissé provisoirement à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Il a considéré que la persistance des nuisances et non-conformités résultaient des pièces de la procédure, et notamment du rapport du bureau d’études du 11 juin 2020, de sorte que le syndicat des copropriétaires justifiait d’un motif légitime à voir ordonner la mesure d’expertise sollicitée. En revanche, il a estimé qu’il n’y avait pas lieu d’étendre la mission de l’expert, telle que sollicitée par la société Le Péché Mignon et Mme [J], à savoir demander à l’expert de fournir les éléments d’information permettant de déterminer la régularité des fenêtres en toiture de l’immeuble et des climatiseurs situés dans sa courrette intérieure, au motif que ces demandes ne présentaient pas de lien direct et suffisant avec l’objet du litige et que l’architecte des bâtiments de France avait préconisé, pour le système d’extraction, d’éviter tout cheminement horizontal en traitant la sortie du conduit en façon de socle de cheminée traditionnelle.

Suivant deux déclarations transmises au greffe les 27 et 31 octobre 2022, Mme [J] et le Peché Mignon ont interjeté appel de cette ordonnance en ce qu’elle a refusé d’étendre la mission de l’expert et en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens pour la société Le Péché Mignon.

Ces deux instances ont été jointes par ordonnance en date du 9 novembre 2022.

Aux termes de ses dernières écitures transmises le 21 septembre 2023, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, la société Le Péché Mignon demande à la cour de réformer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a rejeté la demande d’extension de la mission de l’expert et statuant à nouveau :

– d’étendre la mission de l’expert à la vérification de l’origine de la non-conformité du système d’extraction et en particulier si elle ne provient pas de la pose en toiture de velux rendant impossible la distanciation de l’extraction de 8 mètres d’un ouvrant ;

– de condamner le syndicat des copropriétaires à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– de le condamner aux dépens avec distraction au profit de la SCP Cohen Guedj-Montero-Daval Guedj, sur leur offre de droit.

Elle indique que l’activité exercée dans le fonds, depuis au moins 2006, est une activité de restauration, sans que les copropriétaires ne se plaignent de la moindre nuisance. Elle expose que l’acte de cession du 24 avril 2018 stipule qu’il n’y a aucun litige concernant l’exploitation des lieux et que l’extraction de la cuisine est aux normes en vigueur et conforme aux réglementations d’hygiène, de sécurité et de salubrité. Elle expose que le fait pour la bailleresse de l’avoir autorisée à exercer les activités complémentaires de traiteur, alimentation générale, épicerie fine, vente à emporter, sur place et en livraison n’a entraîné aucun changement du système d’extraction de la cuisine qu’elle devait entretenir périodiquement afin d’éviter toutes nuisances envers la copropriété. Elle estime donc que la bailleresse a volontairement caché la non-conformité du système d’extraction.

Elle expose avoir entrepris de nombreuses démarches afin que des professionnels se prononcent sur cette conformité et, le cas échéant, les travaux à réaliser. Elle indique que, s’il est apparu que le système d’extraction n’était pas aux normes lors de la cession, ce dernier fonctionne parfaitement et est régulièrement entretenu, de sorte qu’il n’est à l’origine d’aucune nuisance sonore ou olfactive. Elle souligne que l’absence de respect des normes n’est pas due au matériel lui-même mais à la configuration des lieux et à la situation de l’immeuble qui rendent difficile le placement de l’extraction à plus de 8 mètres d’un ouvrant. Elle estime donc qu’il s’agit d’un problème purement technique et administratif qu’elle tente de régler et, en aucun cas, une difficulté à l’origine de troubles anormaux de voisinage. Elle fait observer que l’expertise sollicitée par le syndicat des copropriétaires n’a vocation qu’à trouver une solution technique à l’installation de l’extraction refusée par l’architecte des bâtiments de France et qu’il n’apporte pas la preuve de prétendus troubles manifestement inventés pour les besoins de la cause.

Elle indique que, si elle accepte l’expertise sollicitée dans un souci d’apaisement, elle demande à ce que la mission de l’expert soit étendue. Elle relève que l’expert, qui a débuté ses opérations, a constaté, lors d’une visite anonyme sur les quatre qui ont été éffectuées, des odeurs de cuisine dans l’immeuble, sans qu’il ne soit établi que ces dernières proviennent exclusivement de son activité, ne serait-ce parce qu’elles ont été constatées à un moment où son établissement était fermé. Elle souligne que le syndicat des copropriétaires est entouré de plusieurs restaurants et d’une boulangerie. Elle indique avoir réalisé tous les travaux préconisés par l’expert, et en particulier le déplacement du coffret DSO Destructeur d’Odeurs vers la hotte aspirante.

Elle estime donc qu’il est important pour l’expert de se prononcer sur le point de savoir si l’impossibilité de placer l’extraction à plus de 8 mètres d’un ouvrant ne provient pas du fait que le syndicat des copropriétaire a laissé ouvrir des velux en toiture sans aucune autorisation de l’assemblée générale et/ou de la commune. Elle indique que, s’il s’avère que c’est la pose de ces vélux qui rende impossible la pose d’une extraction respectant toutes les normes en vigueur, le syndicat des copropriétaire serait mal venu à lui reprocher une non-conformité de son système, de même qu’il serait mal venu à lui imposer la réalisation de travaux qui ne serviraient à rien dès lors que son système, bien que non conforme, n’est pas à l’origine des nuisances dénoncées.

Aux termes de ses dernières écitures transmises le 22 septembre 2023, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, Mme [J] demande à la cour de réformer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a rejeté la demande d’extension de la mission de l’expert et statuant à nouveau :

– de donner à l’expert judiciaire les missions de :

* fournir à la juridiction qui sera éventuellement saisie des éléments d’information permettant de déterminer la régularité, tant au regard de la copropriété qu’au regard des règles d’urbanisme, de l’ouverture des fenêtres de toit en toiture de l’immeuble [Adresse 6] ;

* fournir à la juridiction qui sera éventuellement saisie des éléments d’information permettant de déterminer la régularité, au regard de la copropriété, des climatiseurs situés dans la courette intérieure de l’immeuble, en précisant notamment s’ils sont alimentés et évacués en eau par des percements de la façade, ainsi qu’au regard des règles de l’urbanisme, des groupes de climatisation posées en toiture de l’immeuble ;

– de rejeter toutes demandes formulées à l’encontre de Mme [J] ;

– de condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– de le condamner aux dépens, en ce compris le coût du procès-verbal du constat du 19 mai 2022.

A titre liminaire, elle fait valoir que sa demande ne devait pas s’analyser comme une demande d’extension de mission mais comme une demande reconventionnelle et que le premier juge ne pouvait, sans respecter le principe du contradictoire, soulever d’office une fin de non-recevoir faute de lien suffisant entre la prétention originaire et la demande reconventionnelle en application de l’article 70 du code de procédure civile.

Elle affirme justifier d’un motif légitime à la demande d’expertise qu’elle sollicite.

Tout d’abord, elle expose que la mise en conformité de l’extraction s’avère difficile en raison des fenêtres qui ont été pratiquées sur le toit et de l’impossibilité de respecter la distance de 8 mètres entre le débouché de l’extraction et les ouvertures des parties habitables. Elle insiste sur le fait que ces ouvertures ne sont pas d’origine et qu’un certain nombre de propriétaires ont procédé à ces ouvertures sans aucune autorisation de l’assemblée générale, pas plus que des services d’urbanisme de la commune, alors même que l’immeuble est dans un secteur protégé et que l’avis de l’architecte des bâtiments de France était indispensable. Elle souligne que l’ouverture des parties communes dans des conditions irrégulières est soumise à la prescription trentenaire, de sorte que l’action qu’elle envisage d’exercer au fond n’est pas manifestement irrecevable.

Ensuite, elle fait état de nombreux climatiseurs installés dans la courrette intérieure de l’immeuble avec des percements des murs des parties communes sans aucune autorisation de l’assemblée générale. Elle indique, là encore, que l’action qu’elle envisage d’exercer au fond est soumise à la prescription trentenaire.

Aux termes de ses dernières écitures transmises le 25 septembre 2023, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, le syndicat des copropriétaires Palais Rota, représenté par son syndic en exercice, sollicite de la cour qu’elle :

– confirme l’ordonnance entreprise ;

– déboute les appelantes de leurs demandes de complément de mission ;

– les condamne solidairement à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Il indique avoir sollicité la mise en oeuvre d’une expertise en raison des troubles anormaux de voisinage causés par l’activité de la société Le Péché Mignon, et en particulier des odeurs qui émanent de ses cuisines tous les matins, dès 6 heures du matin, jusqu’à la fermeture de l’établissement. Il affirme que ces nuisances proviennent de la non-conformité du système d’extraction installé dans le local loué. Il souligne que les courriers adressés par la copropriétaire-bailleresse à son preneur n’ont pas permis de mettre un terme aux troubles causés dès lors qu’aucune solution technique n’a été mise en oeuvre pour mettre en conformité le système d’extraction.

Il insiste sur le fait que la solution technique préconisée par le bureau d’études Technologies § Environnement n’a pas été accueilli favorablement par l’architecte des bâtiments de France pour une raison purement esthétique et non pour une impossibilité téchnique, de sorte que la présence des climatiseurs et/ou vélux est sans incidence sur la faisabilité du projet. Il estime qu’outre le fait que les climatiseurs dénoncés par Mme [J] sont hors débat, il appartient au syndicat des copropriétaires de s’en inquiéter, de sorte que Mme [J] ne justifie pas d’un intérêt légitime à sa demande formée de ce chef. Il indique qu’il en est de même pour le vélux dès lors que le cheminement prévu pour la gaine d’extraction est un cheminement intérieur via une verrière et que l’architecte des bâtiments de France, qui souhaite éviter lors de la sortie en toiture tout cheminement horizontal, préconise la sortie du conduit en façon de sortie de cheminée traditionnelle. Il souligne que l’expertise ordonnée par le premier juge vise à déterminer les nuisances causées par la non-conformité du système d’extraction et les travaux de nature à y remédier, en tenant compte des considérations esthétiques mises en avant par l’achitecte des bâtiments de France ainsi que de la configuration des lieux, telle qu’elle existe avec la présence de fenêtres sur le toit, et non pas à se prononcer sur la régularité des constructions affectant les parties communes.

L’ordonnance entreprise a été clôturée suivant ordonnance en date du 26 septembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’extension de la mission l’expertise sollicitée par la société Le Péché Mignon et sur l’expertise judiciaire sollicitée par Mme [J]

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Pour que le motif de l’action soit légitime, il faut et il suffit que la mesure soit pertinente et qu’elle ait pour but d’établir une preuve dont la production est susceptible d’influer sur la solution d’un litige futur ayant un objet et un fondement précis et non manifestement voué à l’échec.

Dès lors, le demandeur à la mesure doit justifier d’une action en justice future, sans avoir à établir l’existence d’une urgence. Il suffit que le demandeur justifie de la potentialité d’une action pouvant être conduite sur la base d’un fondement juridique suffisamment déterminé et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée, à condition que cette mesure soit possible. Il ne lui est pas demandé de faire connaître ses intentions procédurales futures. Il lui faut uniquement établir la pertinence de sa demande en démontrant que les faits invoqués doivent pouvoir l’être dans un litige éventuel susceptible de l’opposer au défendeur, étant rappelé qu’au stade d’un référé probatoire, il n’a pas à les établir de manière certaine.

Il existe un motif légitime dès lors qu’il n’est pas démontré que la mesure sollicitée serait manifestement insusceptible d’être utile lors d’un litige ou que l’action au fond n’apparaît manifestement pas vouée à l’échec.

En l’espèce, l’expert judiciaire désigné par le premier juge a pour mission de :

– constater et décrire la réalité des désordres invoqués par le syndicat des copropriétaires par référence à son assignation, conclusions et aux pièces qui y sont visées et celles versées en procédure ;

– rechercher la ou les causes de ces désordres, les décrire et situer leur date d’apparition, en donnant toutes explications techniques utiles sur les moyens d’investigations employés ;

– indiquer les travaux et moyens nécessaires pour remédier aux désordres et remettre en état les lieux, en faisant produire par les parties des devis que l’expert appréciera et annexera à son rapport et, à défaut, s’adjoindre, si nécessaire, un sapiteur afin de procéder au chiffrage des travaux ;

– donner son avis sur la durée des travaux de réfection nécessaires et leur coût ainsi que les éventuels préjudices annexes.

A la lecture des pièces de la procédure et de l’ordonnance entreprise, il apparaît que le syndicat des copropriétaires se plaint de nuisances, sonores et olfactives, provenant du système d’extraction mis en place dans le local loué à la société Le Péché Mignon.

Il n’est pas contesté que ce système n’est pas aux normes. En effet, la société Technologie § Environnement indique, dans un rapport du 11 juin 2020, dressé à la demande de la société Le Péché Mignon, qu’alors même que la cuisine est équipée de gaz, la ventilation n’est pas conforme à la réglementation applicable en raison d’un fonctionnement discontinu de l’extraction et de l’absence d’entrée d’air. Elle indique que le système se compose d’une hotte d’extraction, située dans la cuisine au-dessus des fours et des plaques de cuission, qui aspire l’air, lequel est ensuite transféré dans une gaine qui passe dans le local stockage avant d’être filtré et de passer dans un ventilateur puis dans un nébulisateur et d’être rejeté vers l’extérieur dans une réservation placée dans la fenêtre donnant sur la cour arrière de l’immeuble. Elle souligne que, bien que le nébulisateur permet de neutraliser la plupart des odeurs, elle a pu constater que des odeurs résiduelles persistaient à la sortie de la gaine de rejet. Etant donné que, d’après le règlement sanitaire départemental type, l’air doit être évacué à 8 mètres des ouvrants des parties habitables, elle préconise un rejet en toiture en passant par le puits de lumière situé derrière le WC, lequel débouche en toiture, sachant que les vélux qui s’y trouvent donnent, pour certains, sur des parties habitées et, pour d’autres, sur des combles non habités, et que les 8 mètres à respecter concernent les parties habitables. Elle souligne que des tubes frigorifiques de l’unité extérieure de climatisation placée en toiture sortent du puits de lumière et que la lucarne se trouvant à gauche donne sur une partie non habitable, tandis que celle située à droite donne sur une partie habitable, de sorte qu’elle préconise de faire rejeter l’air en toiture par une gaine placée dans le puits de lumière, de réaliser une traversée de la verrière placée au-dessus du puits de lumière de façon étanche et de placer deux coudes et une pièce de rejet d’air avec grillage en toiture de manière à rejeter l’air à plus de 8 mètres des ouvrants donnant sur des parties habitables.

Il convient de relever que la déclaration préalable a été refusée, le 23 avril 2021, au regard de l’avis défavorable de l’architecte des bâtiments de France émis le même jour. Ce dernier a estimé que le projet, en l’état, [était] de nature à altérer l’aspect [du] site inscrit avant d’émettre les recommandations suivantes, à savoir qu’il conviendra d’éviter tout cheminement horizontal et de traiter la sortie du conduit en façon de socle de cheminée traditionnelle.

Ainsi, et contrairement à ce que prétendent les appelantes, l’avis défavorable émis par l’architecte des bâtiments de France ne s’explique vraisemblablement pas par le non-respect de la distance de 8 mètres à respecter entre la sortie du rejet de l’air et les ouvrants, en l’occurrence les vélux installés en toiture, donnant sur des parties habitables.

Bien plus, malgré la non-conformité du système d’extraction, les premières investigations de l’expert judiciaire, relatées dans ses comptes-rendus de visite des 12, 25 mai, 5, 15 juin et 9 août 2023, le conduisent à émettre de sérieux doutes sur le fait que les odeurs de cuisine constatées proviennent, en tout ou partie, du local exploité par la société Le Péché Mignon.

Or, indépendamment de la question de savoir si l’activité de la société Le Péché Mignon est à l’origine de nuisances sonores et olfactives excédant les inconvénients normaux de voisinage, laquelle devra être tranchée par le juge du fond s’il venait à être saisi, les appelants justifient d’un motif légitime à voir étendre la mission de l’expertise à la question de la mise en conformité du système d’extraction au regard de la réglementation applicable en matière de gaz, des projets qui ont été envisagés, notamment par la société Technologie § Environnement, dans son rapport du 11 juin 2020, et des préconisations de l’architecte des bâtiments de France, dans son avis du 21 avril 2021.

En effet, même à supposer que l’expert judiciaire ne retienne aucune nuisance sonore ou olfactive émanant du local exploité par la société Le Péché Mignon, le syndicat des copropriétaires pourra toujours exiger de Mme [J] et/ou du preneur, notamment par la voie judiciaire, de procéder aux travaux de mise en conformité de son système d’extraction pour des raisons de sécurité.

Il en résulte qu’il y a lieu d’étendre la mission de l’expert désigné par le premier juge de manière à ce qu’il :

– décrive le système d’extraction desservant le local exploité par la société Le Péché Mignon ;

– dise s’il est conforme à la réglementation applicable, notamment en matière de gaz ;

– dans la négative, indique les raisons techniques ;

– indique les travaux et moyens nécessaires pour remédier à cette non-conformité, au regard de la réglementation applicable en matière de gaz, des projets qui ont été envisagés, notamment par la société Technologie § Environnement, dans son rapport du 11 juin 2020, et des préconisations de l’architecte des bâtiments de France, dans son avis du 21 avril 2021 ;

– indique si ces travaux et moyens sont réalisables au regard de la configuration de l’immeuble, et notamment de la pose de vélux en toiture ;

– donne son avis sur la durée des travaux de réfection nécessaires et leur coût ainsi que les éventuels préjudices annexes.

Il y a donc lieu d’ajouter à l’ordonnance entreprise entreprise, qui n’a pas statué expressément sur ce point dans son dispositif, en étendant la mission de l’expert dans d’autres termes que ceux proposés par la société Le Péché Mignon.

En revanche, il n’y a pas lieu de demander à un expert de se prononcer sur la régularité, tant au regard de la copropriété qu’au regard des règles de l’urbanisme, de l’ouverture des fenêtres en toiture de l’immeuble et des climatiseurs situés dans la courette intérieure ainsi que les groupes de climatisation posés en toiture de l’immeuble. En effet, alors même que cette demande vise à rechercher si des travaux ont été effectués par des copropriétaires sur des parties communes sans autorisation de l’assemblée générale, les copropriétaires concernés n’ont pas été mis en cause à la procédure, de sorte qu’aucune mesure ne peut être prononcée sans que le principe du contradictoire ne soit respecté. De plus, l’utilité d’une mesure d’expertise dans le cadre de travaux qui auraient été réalisés sur des parties communes sans autorisation de l’assemblée générale se pose.

Au surplus, comme le relève à juste titre le premier juge, l’impossibilité de réaliser les travaux préconisés par la société Technologie § Environnement n’apparaît pas s’expliquer par la présence des vélux en toiture qui ne permettrait pas de respecter la distance de 8 mètres, dès lors que les travaux indiqués par cette société tiennent justement compte de cette distance dont elle fait elle-même état dans son rapport du 11 juin 2020, mais par le fait que l’architecte des bâtiments de France préconise, pour des raisons esthétiques d’éviter tout cheminement horizontal et de traiter la sortie du conduit en façon de socle de cheminée traditionnelle.

De même, dès lors que la climatisation posée par la société Le Péché Mignon n’a jamais été discutée par le syndicat des copropriétaires du Palais Rota dans le cadre de la présente procédure, l’assemblée générale des copropriétaires ayant autorisé, le 26 novembre 2020, son installation comme elle avait été posée initialement sans autorisation, et qu’il n’est pas établi que ces climatisations empêchent, même en partie, la mise en conformité du système d’extraction, la mesure d’expertise sollicitée par Mme [J] sur ce point ne repose sur aucun motif légitime en l’absence d’utilité.

Pour toutes ces raisons, il y a lieu d’ajouter à l’ordonnance entreprise entreprise, qui n’a pas statué expressément sur ce point dans son dispositif, en déboutant Mme [J] de sa demande d’expertise judiciaire.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Il est admis que la partie défenderesse, devenue intimée, à une demande d’expertise ordonnée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ne peut être considérée comme la partie perdante au sens des dispositions susvisées dès lors que la mesure d’instruction est ordonnée au seul bénéfice du syndicat des copropriétaires afin d’éclairer la juridiction du fond, dans le cas où elle serait saisie, sur le bien-fondé ou non de l’action qu’elle entend exercer à l’encontre des intimés.

Il y a donc lieu d’infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a laissé provisoirement à chaque partie la charge de ses propres dépens de première instance. Ces dépens seront mis à la charge du syndicat des copropriétaires. En revanche, l’ordonnance déférée sera confirmée en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, dès lors que l’expertise sollicitée par le syndicat des copropriétaires repose sur un motif légitime.

En revanche, étant donné que la cour a étendu la mission d’expertise dans d’autres termes que celle proposée par la société Le Péché Mignon et a débouté Mme [J] de sa demande tendant à voir ordonner une expertise, il y a lieu de condamner chacune des parties à prendre en charge les dépens par elle exposés, avec distraction au profit de la SCP Cohen Guedj-Montero-Daval Guedj, avocat aux offres de droit, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ces conditions, l’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure pour les frais exposés par les parties en appel non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de l’appel ;

Infirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a laissé provisoirement à chaque partie la charge de ses propres dépens et en ce qu’elle n’a pas tranché dans son dispositif les demandes tendant à étendre la mission d’expertise et à ordonner une autre expertise judiciaire ;

La confirme en ses autres dispositions critiquées ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Dit que l’expert désigné par le premier juge aura également pour mission :

– de décrire le système d’extraction desservant le local exploité par la société Le Péché Mignon ;

– de dire s’il est conforme à la réglementation applicable, notamment en matière de gaz ;

– dans la négative, d’indiquer les raisons techniques ;

– d’indiquer les travaux et moyens nécessaires pour remédier à cette non-conformité, au regard de la réglementation applicable en matière de gaz, des projets qui ont été envisagés, notamment par la société Technologie § Environnement, dans son rapport du 11 juin 2020, et des préconisations de l’architecte des bâtiments de France, dans son avis du 21 avril 2021 ;

– d’indiquer si ces travaux et moyens sont réalisables au regard de la configuration de l’immeuble, et notamment de la pose de vélux en toiture ;

– de donner son avis sur la durée des travaux de réfection nécessaires et leur coût ainsi que les éventuels préjudices annexes ;

Déboute Mme [Z] [J] de sa demande de voir ordonner une autre expertise judiciaire ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel non compris dans les dépens ;

Condamne le syndicat des copropriétaires du Palais Rota, représenté par son syndic en exercice, aux dépens de première instance ;

Condamne chaque partie à prendre en charge les dépens d’appel par elle exposés, avec distraction au profit de la SCP Cohen Guedj-Montero-Daval Guedj, avocat aux offres de droit, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La greffière Le président

 


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