Nuisances sonores : décision du 23 novembre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/14899

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Nuisances sonores : décision du 23 novembre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/14899
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 23 NOVEMBRE 2023

N° 2023/750

Rôle N° RG 22/14899 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BKJH2

[W] [O]

C/

A.S.L. [Adresse 4]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SCP BADIE, SIMON-THIBAUD

SCP SCHRECK

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de DRAGUIGNAN en date du 26 octobre 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/02575.

APPELANT

Monsieur [W] [O]

né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 3], demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Roselyne SIMON-THIBAUD substituée par Me Sébastien BADIE, de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

et assisté de Me Laurent LE GLAUNEC, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMEE

A.S.L. [Adresse 4]

Prise en la personne de son représentant légal en exercice Monsieur DEMURTAS – Président

dont le siège social est situé [Adresse 2]

représentée par Me Philippe SCHRECK de la SCP SCHRECK, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 17 octobre 2023 en audience publique devant la cour composée de :

M. Gilles PACAUD, Président rapporteur

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

Mme Florence PERRAUT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2023,

Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Le lotissement du Domaine [Adresse 4], situé sur la Commune de [Localité 6], est organisé en Association Syndicale Libre (ASL) dont les statuts ont été régulièrement mis à jour.

Monsieur [W] [O] est propriétaire du lot 47 sur lequel il a fait édifier en 2010 une villa avec piscine.

Se plaignant de l’implantation, sans autorisation de l’assemblée générale de l’ASL et sans autorisation administrative, d’un local poubelles, générateur de nuisances olfactives et sonores, à proximité de son lot, il a, par acte d’huissier en date du 8 avril 2022, fait assigner l’ASL du [Adresse 4], devant le président du tribunal judiciaire de Draguignan, statuant en référé, aux fins de l’entendre condamner, sous astreinte, à démolir cet ouvrage et condamner à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance contradictoire en date du 26 octobre 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Draguignan a :

– rejeté la demande de démolition formée par M. [W] [O] ;

– condamné [W] [O] aux dépens et à verser à l’ASL la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il a notamment considéré que :

– l’absence de production du ‘cahier des charges’ ou ‘règlement’ du lotissement ne permettait pas de s’assurer du respect de celui-ci ;

– la construction du local poubelle considéré pouvait, de par la taille et conception de cet ouvrage, être considérée comme des ‘travaux ordinaires’ au sens de l’article 18-2 des statuts de l’ASL et qu’à ce titre, ils pouvaient être réalisés par le Conseil d’administration sans autorisation de l’assemblée générale, à laquelle le président avait néanmoins rendu compte le 18 juillet 2022 avant obtenir quittus pour sa gestion ;

– le juge judiciaire était incompétent pour apprécier la légalité d’un acte administratif ou de son absence ;

– que le trouble anormal de voisinage n’était pas avéré dès lors que diverses photographies produites par des voisins établissent qu’avant la réalisation de ce local, les containers étaient stationnés devant son portail et parfois renversés : de plus les murs de cet ouvrage sont légèrement plus haut que lesdits containers qu’ils contribuent donc à masquer.

Selon déclaration reçue au greffe le 9 novembre 2022, M. [W] [O] a interjeté appel de cette décision, l’appel portant sur toutes ses dispositions dûment reprises.

Par dernières conclusions transmises le 2 octobre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, il sollicite de la cour qu’elle infirme l’ordonnance entreprise et, statuant à nouveau :

– déboute l’association syndicale libre le [Adresse 4] de toutes ses demandes ;

– condamne l’association syndicale libre le [Adresse 4] à démolir l’ouvrage à usage de local-poubelle construit au droit de sa propriété sous astreinte de 500 euros par jour de retard, passé le délai de huit jours après la signification de la décision à intervenir ;

– condamne l’association syndicale libre le [Adresse 4] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Par dernières conclusions transmises le 12 avril 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, l’ASL le [Adresse 4] sollicite de la cour qu’elle confirme en tout point l’ordonnance entreprise et :

– déboute M. [W] [O] de ses demandes ;

– condamne M. [W] [O] au paiement d’une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

L’instruction de l’affaire a été close par ordonnance en date du 3 octobre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le trouble manifestement illicite

Aux termes de l’article 835 alinéa 1 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite visé par ce texte désigne toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. Pour en apprécier la réalité, la cour d’appel, statuant en référé, doit se placer au jour où le premier juge a rendu sa décision et non au jour où elle statue. Enfin, le juge des référés apprécie souverainement le choix de la mesure propre à faire cesser le trouble qu’il constate.

A l’appui des ses prétentions, M. [O] soutient que le local poubelle qui lui cause des nuisances sonores et olfactive, entrainant une dépréciation de son bien, a été construit en violation des stipulations du ‘cahiers des charges’ du lotissement et sans autorisation administrative ni vote de l’assemblée générale des colotis. Il ajoute qu’il pouvait être édifié en d’autres lieux voisins.

L’ASL le [Adresse 4] réplique en soulignant que ledit ‘cahier des charges’ ne régit plus, depuis longtemps, les relations entre colotis. Elle ajoute qu’il ne trouve pas à s’appliquer, en la présente espèce, dès lors que ce local poubelle ne se trouve pas sur un terrain loti mais sur les voies et espaces verts. S’agissant d’un ouvrage très modeste, d’un coût limité s’analysant comme une ‘dépense courante et/ou petite réparation’, sa réalisation relevait des pouvoirs propres du président de l’ASL et ne nécessitait pas une délibération préalable de l’assemblée générale.

M. [O] verse aux débats le ‘cahier des charges du lotissement [Adresse 4]’ reçu le 14 avril 1965 par Maître [E], notaire à [Localité 7], qui stipule qu’il devra être laissé une bande de terrain libre de toute construction, de cinq mètres de largeur, le long de toutes les limites de chaque lot.

Tout en soutenant qu’il ne régit plus les relations entre colotis, l’ASL le [Adresse 4] ne produit aucun règlement et/ou cahier des charges susceptible de s’y substituer et ce, alors que, par courrier en date du 25 septembre 2013, son président a répondu à la Commune de [Localité 6], qui l’interrogeait sur ce point, qu’après consulatation des propriétaires, elle entendait maintenir le règlement du lotissement [Adresse 4] modifié le 24 décembre 1997.

Elle ne rapporte donc pas la preuve de l’obsolescence du ‘cahier des charges’ invoqué par l’appelant et ce, d’autant que le permis de construire accordé par la mairie à ce dernier, après avis de la commission d’urbanisme du 24 juin 2020, vise expressément un règlement du lotissement, approuvé le 29 mars 1957, et modifié les 24 décembre 1997 et 30 mars 2007.

Il résulte du procès-verbal de constat dressé le 26 janvier 2022 par Maître [F], huissier de justice à [Localité 5], que le ‘local poubelles’ litigieux a été construit à moins d’un mètre de la propriété de M. [O], ce qui, en regard aux photographies jointes à cet acte et versées aux débats par l’appelant, revient à le situer à moins de 10 mètres de sa piscine et de 5 mètres des transats qui ont naturellement vocation à se trouver sur la plage ombragée de ce terrain. Son implantation contrevient donc aux stipulations du cahier des charges précité et pose d’autant plus question que l’officier ministériel instrumentaire a également relevé que se trouve, à quelques décamètres de là, une place à usage de parking … qui aurait pu servir à l’implantation du local poubelle. La photographie illustrant ce constat établit que ladite place est, en outre, éloignée de toute habitation.

A l’examen des autres photographies, non contestées, versées aux débats par M. [O], rapprochés de celles prises par l’huissier de justice, la cour constate par ailleurs que tout en maintenant le local sur ce même côté de la voie, l’ASL le [Adresse 4] aurait pu aisément respecter une distance de 5 mètres (ou plus) par rapport à la propriété de l’appelant en le décalant sur le vaste terrain situé sur la droite de la borne à incendie (regardée de face depuis la route).

Il n’est, en outre, pas sérieusement contestable que, contrairement à ce que soutient l’ASL le [Adresse 4], la construction d’un local poubelle, avec dalle en béton et murs de près ou plus de huit rangées de parpaings ne constitue pas, au sens du règlement du lotissement une ‘dépenses courante et petite réparation’ susceptible d’être décidée par son seul président ou conseil d’administration mais un aménagement nécessitant une autorsisation de son assemblée générale.

Or contrairement à ce que M. [I], président de l’ASL le [Adresse 4] , a péremptoirement déclaré à Maître [F], le 26 janvier 2022, aucune ‘décision de l’assemblée générale’ n’avait, à cette date, autorisé cette construction et son implantation. Celle du 18 juillet suivant, qui lui a simplement donné quittus sur sa gestion, même si elle vise, en sa résolution n° 3, des travaux pour aménagement poubelle AF 1210 et la procédure de M. [O], ne peut valoir régularisation.

Enfin, M. [O] produit un courrier en date du 3 mai 2023, par lequel l’agence Janssens Immobilier-Knight Frank lui précise que M. [U] [H], potentiel acquéreur ne fera finalement pas d’offre et ajoute : En effet, la situation de votre villa ainsi que les caractéristiques correspondent à sa recherche ; seulement le local poubelle construit à vos dépens, adjacent à votre mur de jardin, est un trop gros désagrément dû aux nuisances sonores et aux fortes odeurs pouvant sans dégager.

Dès lors, contrairement à ce qu’à retenu le premier juge, il résulte de l’ensemble de ces éléments, avec l’évidence requise en référé, que la construction de ce local poubelle est constitutive d’un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser.

L’ordonnance entreprise sera donc infirmée de ce chef et l’Association syndicale libre le [Adresse 4] condamnée à démolir l’ouvrage à usage de local-poubelle construit au droit de M. [O], sous astreinte de 300 euros par jour de retard, passé le délai d’un mois après la signification de la décision à intervenir, ladite astreinte courant sur une période de douze mois.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il convient d’infirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a condamné [W] [O] aux dépens et à verser à l’ASL le [Adresse 4] la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’Association syndicale libre le [Adresse 4], qui succombe au litige, sera déboutée de sa demande formulée sur le fondement de ce texte. Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de l’appelant les frais non compris dans les dépens, qu’il a exposés en première instance et appel. Il lui sera donc alloué une somme de 3 000 euros en cause d’appel.

L’asssociation syndicale libre le [Adresse 4] supportera en outre les dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamne l’Asssociation syndicale libre le [Adresse 4] à démolir l’ouvrage à usage de local-poubelle construit au droit de la propriété de M. [W] [O], sous astreinte de 300 euros par jour de retard, passé le délai d’un mois après la signification de la décision à intervenir, ladite astreinte courant sur une période de douze mois ;

Condamne l’Asssociation syndicale libre le [Adresse 4] à payer à M. [W] [O] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute l’Asssociation syndicale libre le [Adresse 4] de sa demande sur ce même fondement ;

Condamne l’Asssociation syndicale libre le [Adresse 4] aux dépens de première instance et d’appel.

La greffière Le président

 


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