Your cart is currently empty!
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 3
ARRET DU 23 NOVEMBRE 2023
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/10629 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CD2EN
Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Mars 2021 -Juge des contentieux de la protection de PARIS – RG n° 11-19-1083
APPELANTE
SA BATIGERE EN ILE DE FRANCE,
immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 582 000 105
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Christian PAUTONNIER et plaidant par Me Isabelle JANISZEK, SELARL PAUTONNIER ET ASSOCIES – avocat au barreau de PARIS, toque : L0159
INTIME
Monsieur [M] [H]
né le 13 mars 1983 à[Localité 5]r (Senegal)
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Me Shamir ALIBAKSH de la SELAS HERMERION AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, C324
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Aurore DOCQUINCOURT, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Monsieur François LEPLAT, Président de chambre
Madame Anne-Laure MEANO, Conseillère
Madame Aurore DOCQUINCOURT, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Joëlle COULMANCE
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Anne-Laure MEANO au lieu et place de Monsieur François LEPLAT, Président de Chambre, et par Joëlle COULMANCE, Greffière présente lors de la mise à disposition.
*****
EXPOSÉ DU LITIGE
Aux ternes d’un acte sous seing privé en date du 25 février 2015, la société d’HLM Batigere Ile de France a consenti à M. [M] [H] un contrat de location portant sur un logement situé [Adresse 3].
Par acte d’huissier en date du 21 août 2019, M. [M] [H] a fait citer la société d’HLM Batigere en Ile de France devant le tribunal d’instance de Paris aux fins de voir ledit tribunal, sous le bénéfice de l’exécution provisoire:
– condamner la société d’HLM Batigere en Ile de France à lui verser la somme de 10000 euros à titre de dommages et intérêts pour son préjudice moral;
– condamner la société d’HLM Batigere en Ile de France à lui verser la somme de 50 euros par jour, soit la somme totale de 54780 euros, à titre de dommages et intérêts pour son préjudice de jouissance;
– condamner la société d’HLM Batigere en Ile de France à lui verser la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens en ce compris la totalité des frais d’expertise juridique qu’il a engagé.
Il a fait valoir notamment au soutien de ses prétentions que depuis son entrée dans les lieux, il subit des nuisances sonores de manière récurrente provenant des étages supérieurs et de problèmes de tuyauterie ; qu’une pétition a été signée par plusieurs locataires subissant les mêmes troubles, qu’un rapport d’étude acoustique a été établi le 16 juin 2016 à la demande du bailleur qui relève un bruit perturbateur. M. [M] [H] ajoute avoir saisi le président du tribunal de grande instance qui a ordonné une expertise judiciaire ; qu’il a été contraint de déménager de son appartement en avril 2018. Il a précisé avoir refusé le complément d’expertise à défaut de pouvoir consigner les sommes demandées, ayant atteint le plafond de sa protection juridique.
La société d’HLM Batigere en Ile de France, représentée par son conseil, a précisé que l’immeuble concerné a été construit avant les normes acoustiques actuelles, impliquant qu’il soit par nature sonore ; que les bruits de communauté constituent des troubles normaux de voisinage en habitat collectif. Elle a souligné que M. [M] [H] a refusé de procéder à la consignation ordonnée pour la poursuite des investigations ; que ces bruits ont cessé au départ de l’intéressé qui s’est vu attribuer un nouveau logement. Elle a conclu à l’absence de preuve des troubles allégués.
Par jugement contradictoire entrepris du 31 mars 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris a ainsi statué :
Déclare la société d’HLM Batigere Ile de France responsable du préjudice de jouissance subi par M. [M] [H] dans le cadre de l’exécution du bail du 25 février 2015 portant sur le bien sis [Adresse 3] ;
Condamne la société d’HLM Batigere Ile de France à payer à M. [M] [H] la somme de 5550 euros en réparation de ce trouble de jouissance pour la période de mars 2015 à mars 2018 inclus ;
Déboute M. [M] [H] de sa demande d’indemnisation d’un préjudice moral distinct de son préjudice de jouissance;
Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement ;
Condamne la société d’HLM Batigere Ile de France à payer à M. [M] [H] la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société d’HLM Batigere Ile de France aux entiers dépens, en ce compris le coût de l’expertise judiciaire diligentée par M. [V] [R], expert, datée du 29 juin 2018 ;
Rejette toute demande plus ample ou contraire.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu l’appel interjeté le 7 juin 2021 par la SA Batigere en Ile de France,
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 6 septembre 2021 par lesquelles la SA d’HLM Batigere en Ile de France demande à la cour de :
Vu les articles 1353 et 1719 et suivants du code civil,
Déclarer la société Batigere en Ile de France, recevable et bien fondée en son appel,
Y FAISANT DROIT,
Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré la société Batigere en Ile de France responsable du préjudice de jouissance subi par M. [M] [H] et condamné la société Batigere en Ile de France à lui payer la somme de 5.550 euros en réparation de ce trouble de jouissance,
ET STATUANT À NOUVEAU :
Dire et juger que l’immeuble a été construit avant les règlementations actuelles impliquant qu’il soit par nature ” sonore ” sans que cela ne constitue un défaut de conformité ;
Constater à défaut dire et juger qu’aucun bruit ” anormal ” n’a été détecté aux termes des rapports établis tandis que les bruits de communauté sont des troubles normaux de voisinage;
Constater que M. [M] [H] a bénéficié d’un nouveau logement et a quitté l’appartement avant le dépôt du rapport d’expertise ;
EN CONSÉQUENCE :
Dire et juger qu’aucune disposition légale n’oblige le bailleur à effectuer des travaux d’isolation phonique tandis qu’en tout état de cause, la société Batigere en Ile de France n’était pas tenue de faire les recherches complémentaires et par suite d’éventuels travaux, M. [M] [H] ayant quitté l’appartement ensuite du relogement dont il a bénéficié ;
Débouter M. [M] [H] de l’ensemble de ses demandes à toutes fins qu’elles comportent;
Condamner M. [M] [H] aux dépens et à payer la somme de 1.500 euros à la société Batigere en Ile de France en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [M] [H] a constitué avocat mais n’a pas fait parvenir de conclusions.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions remises au greffe et au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En application de l’article 954 alinéa 6 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas est réputée s’approprier les motifs du jugement.
En application de l’article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n’est pas tenue de statuer sur les demandes tendant à ” constater “, ” donner acte “, ” dire et juger ” en ce qu’elles ne sont pas, exception faite des cas prévus par la loi, des prétentions, mais uniquement des moyens, comme c’est le cas en l’espèce.
Sur les dommages et intérêts pour préjudice de jouissance
Selon l’article 1719 du code civil, ‘le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière :
1° De délivrer au preneur la chose louée et, s’il s’agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d’habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l’expulsion de l’occupant ;
2° D’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée ;
3° D’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail (…)’.
L’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 dispose que le bailleur est obligé ‘d’assurer au locataire la jouissance paisible du logement et, sans préjudice des dispositions de l’article 1721 du code civil, de le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle hormis ceux qui, consignés dans l’état des lieux, auraient fait l’objet de la clause expresse mentionnée au a ci-dessus (…)’.
En l’espèce, le premier juge a exactement relevé que M. [H] s’est plaint de nuisances sonores dès sa main courante du 6 avril 2015 pour une entrée dans les lieux le 25 février 2015 et en a rapidement informé le bailleur, avant de lui transmettre une pétition signée par 12 autres locataires, tous arrivés dans les lieux avant lui, faisant état de nuisances répétitives (tapages, déplacements de meubles à des heures tardives,…).
Le rapport d’étude acoustique établi par la société Aïda le 16 juin 2016 relève un niveau de bruit ambiant résiduel supérieur aux normes sur les deux points de contrôle et l’existence d’un bruit dit ‘perturbateur’, caractérisé par des coups, qui ne surviennent pas tous les jours, mais parfois plusieurs fois par jour.
Le rapport d’expertise de M. [R] relève que l’immeuble, ancien, est sonore, et que des bruits de tuyauterie pourraient être supprimés par l’intervention d’un plombier pour supprimer le contact entre les tuyaux ; il a noté l’existence de bruits nocturnes identifiés par l’étude du bureau acoustique Aïda, dont il souligne la qualité ; les mesures de nuit avec le bureau d’étude n’ont pu être menées à bien faute de consignation complémentaire, les frais s’élevant à 9800 euros HT, l’expert soulignant que le bailleur prenait parfois à sa charge une partie ou la totalité de la consignation pour favoriser la résolution du différend, ce qui n’avait pas été le cas dans ce dossier.
C’est par une parfaite appréciation des éléments de la cause que le premier juge a considéré que tant les conclusions du bureau d’étude que celles de l’expert témoignent de la réalité des affirmations de M. [H], tant s’agissant de l’insuffisante isolation sonore de l’immeuble que de l’existence de bruits anormaux au volume significatif, objet de la pétition des locataires. Il a estimé à juste titre que ces deux éléments étaient de nature à créer un préjudice de jouissance pour les occupants, et que M. [H] apportait la preuve suffisante de ce trouble.
Le premier juge a indiqué à juste titre que la société Batigère en Ile de France, qui soutient que les bruits proviendraient de l’appartement de M. [H] lui-même, et auraient eu pour but de lui permettre d’obtenir un relogement, ne rapporte nullement la preuve de ses allégations. Le fait que M. [H] n’ait pas accepté le premier relogement qui lui était proposé ne saurait établir qu’il n’était pas victime de nuisances sonores dans le logement litigieux.
Enfin, le premier juge a pertinemment relevé que l’expert avait invité le bailleur à poursuivre la mission du bureau d’étude et à faire certains travaux de réhabilitation des appartements pour réduire les nuisances, mais que la SA Batigère en Ile de France ne justifiait d’aucune intervention en ce sens, ne manifestant dès lors, contrairement à ce qu’a pu indiquer la DHRIL dans un courrier, aucune volonté réelle d’établir l’origine des bruits et de mettre un terme aux nuisances.
S’agissant de l’évaluation du préjudice, c’est par des motifs exacts et pertinents, qui ne sont pas utilement contredits par l’appelante, laquelle ne produit en cause d’appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l’appréciation faite par le tribunal, et que la cour adopte, que le premier juge a considéré que les nuisances ont été subies dès l’entrée dans les lieux de M. [H], et jusqu’à son déménagement, soit de mars 2015 à mars 2018, et qu’il y avait lieu, compte tenu de son état d’asthénie avec céphalées constatée médicalement, et du fait que les bruits anormaux n’étaient pas quotidiens, de fixer à la somme de 150 euros par mois le montant de l’indemnisation, soit, sur 37 mois, une somme de 5550 euros.
Il convient dès lors de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré la SA D’HLM Batigère en Ile de France responsable du préjudice de jouissance subi par M. [H] dans le cadre de l’exécution du bail du 25 février 2015 et en ce qu’il l’a condamné à payer à M. [H] la somme de 5550 euros en réparation de ce trouble de jouissance pour la période de mars 2015 à mars 2018 inclus.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
La SA D’HLM Batigère en Ile de France, partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel et sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme, en ses dispositions frappées d’appel, le jugement entrepris,
Et y ajoutant,
Condamne la SA d’HLM Batigère en Ile de France aux dépens d’appel,
Rejette toutes autres demandes.
La greffière Pour le président empêché