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COUR D’APPEL DE BORDEAUX
1ère CHAMBRE CIVILE
————————–
ARRÊT DU : 06 DECEMBRE 2023
N° RG 23/02052 – N° Portalis DBVJ-V-B7H-NHVM
S.A.S. CAPY
S.C.I. COMAT
c/
[W] [A]
[I] [Y]
[J] [Y]
[X] [S]
[L] [S]
[P] [E]
[Z] [E]
Nature de la décision : AU FOND
APPEL D’UNE ORDONNANCE DE REFERE
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décisions déférées à la cour : ordonnance de référé rendue le 20 février 2023 (RG : 22/01380) et ordonnance rectificative rendue le 27 mars 2023 (RG : 23/00519) par le Président du Tribunal Judiciaire de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 28 avril 2023
APPELANTES :
S.A.S. CAPY agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 12] – [Localité 11]
S.C.I. COMAT agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 18] – [Localité 11]
représentées par Maître Thomas PERINET de la SELAS OPTEAM AVOCATS, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistées de Maître Guillaume ACHOU-LEPAGE de la SELARL GUILLAUME ACHOU-LEPAGE, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX
INTIMÉS :
[W] [A]
né le [Date naissance 10] 1983 à [Localité 23]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 8] – [Localité 11]
[I] [Y]
né le [Date naissance 2] 1980 à [Localité 21]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 13] – [Localité 11]
[J] [Y]
née le [Date naissance 3] 1979 à [Localité 16]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 13] – [Localité 11]
[X] [S]
née le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 19] (PORTUGAL)
de nationalité Française
demeurant [Adresse 6] – [Localité 11]
[L] [S]
né le [Date naissance 7] 1954 à [Localité 17]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 6] – [Localité 11]
[P] [E]
né le [Date naissance 9] 1960 à [Localité 22]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 15] – [Localité 11]
[Z] [E]
née le [Date naissance 4] 1966 à [Localité 20]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 15] – [Localité 11]
représentés par Maître Amandine NAVARRO substituant Maître Clotilde GAUCI de la SCP COULOMBIE – GRAS – CRETIN – BECQUEVORT – ROSIER, avocats au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 octobre 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle LOUWERSE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Madame Paule POIREL
Conseiller : Mme Bérengère VALLEE
Conseiller : Mme Isabelle LOUWERSE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier : Mme Odile TZVETAN
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE.
M. [W] [A], M. [K] [D], les époux [Y], M. [L] [S] et Mme [X] [S], et les époux [E] sont propriétaires de parcelles voisines du terrain cadastré GX[Cadastre 14] situé [Adresse 5] à [Localité 11] appartenant à la SCI Comat et sur lequel la SAS Capy exerce une activité notamment de stockage et de destruction de déchets et ferrailles.
Invoquant un trouble manifestement illicite généré par cette activité en méconnaissance selon eux, de la réglementation d’urbanisme, de la santé publique et du droit de l’environnement, les différents requérants ont, par actes du 5 juillet 2022, fait assigner la SCI Comat et la SAS Capy devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins, à titre principal, de leur faire cesser toute activité sous astreinte et, à titre subsidiaire, de leur faire cesser l’activité de stockage et de destruction de déchets, ferrailles et véhicules hors d’usage sur la parcelle cadastrée section GX n°[Cadastre 14] et d’enlever intégralement les déchets, ferrailles et vehicules hors d’usage présents sur ladite parcelle,
Par ordonnance du 20 février 2023, le juge des référés a :
– constaté le désistement parfait de M. [D] lequel est donc hors de la présente cause,
– rejeté les fins de non recevoir invoquées par la SCI Comat et la SAS Capy,
– ordonné à la SCI Comat et à la SAS Capy de suspendre son activité de stockage et de destruction de déchets, ferrailles et véhicules hors d’usage sur la parcelle cadastrée section GX n°[Cadastre 14] et d’enlever intégralement les déchets, ferrailles et véhicules hors d’usage présents sur ladite parcelle, dans un délai d’un mois suivant la signification de la présente ordonnance, sous astreinte provisoire de 300 euros par jour de retard pendant un délai de trois mois,
– débouté la SCI Comat et la SAS Capy de leurs demandes reconventionnelles,
– dit n’y avoir lieu à une indemnité sur le fondernent de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la SCI Comat et la SAS Capy aux entiers dépens avec application de l’article 699 du code de procédure civile.
Par ordonnance rectificative du 27 mars 2023, l’astreinte provisoire fixée à 300 euros l’a été à 500 euros.
Par déclaration du 28 avril 2023, les SAS Capy et SCI Comat ont relevé appel de la décision.
Par ordonnance du 12 mai 2023, l’affaire relevant de l’article 905 du code de procédure civile a été fixée pour être plaidée à l’audience de plaidoiries du 25 octobre 2023, avec clôture de la procédure au 11 octobre 2023.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 10 octobre 2023, les SAS Capy et Comat demandent à la cour, sur le fondement du Plan local d’urbanisme de [Localité 11], du code de l’environnement et notamment les articles L. 511-1 et suivants, de l’arrêté ministériel du 6 juin 2018 relatif aux installations de transit, regroupement ou tri de déchets dangereux, de l’article L. 113-8 du code de la construction et de l’habitation, des articles 64, 92, 700 et 835 du code de procédure civile et de l’article 555 du code civil, de :
– recevoir la SAS Capy et la SCI Comat en leur recours et les déclarer bien fondés,
En conséquence,
– réformer l’ordonnance de référé n° 22/01380 rendue le 20 février 2023 en ce qu’elle a :
– rejeté les fins de non-recevoir invoquées par la SCI Comat et la SAS Capy ;
– ordonné à la société Comat et à la société Capy de suspendre l’activité de stockage et de destruction de déchets, ferrailles et véhicules hors d’usage sur la parcelle cadastrée GX n°[Cadastre 14] et d’enlever intégralement les déchets, ferrailles et véhicules hors d’usage présents sur ladite parcelle, dans un délai d’un mois suivant la signification de la présente ordonnance, sous astreinte provisoire de 500 € par jour de retard pendant un délai de trois mois ;
– débouté la SCI Comat et la SAS Capy de leurs demandes reconventionnelles ;
– condamné la SCI Comat et la SAS Capy aux entiers dépens avec application de l’article 699 du Code de procédure civile ;
Puis statuant à nouveau,
– se déclarer incompétente pour se prononcer sur la demande la cessation de l’activité exploitée par la SAS Capy relevant du régime ICPE ;
– rejeter toutes les demandes, fins et conclusions de M. [A] et consorts ;
– ordonner, à titre reconventionnel, à M.[A] de mettre fin à l’empiétement de propriété sur la parcelle GX [Cadastre 14] appartenant à la SCI Comat dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 € par jour de retard jusqu’à son exécution totale ;
– condamner M.[A] à verser à la SCI Comat et à la SAS Capy une indemnité provisionnelle de 25.000 euros au titre de dommages et intérêts à valoir sur le trouble de voisinage subi résultant de l’empiétement de propriété ;
– condamner M. [A] et consorts à verser la somme de 5.000 € à verser à la SAS Capy et à la société Comat au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [A] et consorts aux entiers dépens.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 9 octobre 2023, les intimés demandent à la cour, sur le fondement des articles 394 et 395 du code de procédure civile, 835 du code de procédure civile, L.131-1 et L.131-3 du code des procédures civiles d’exécution, le code de l’urbanisme et notamment ses articles L.480-4 et L.610-1, L.511-1, L. 511-2, R. 514-4, L.173-1, R. 543-156, R. 543-161 et R. 543-62 du code de l’environnement, le code de la santé publique, et notamment ses articles R. 1336-4 et suivants, la théorie des troubles anormaux de voisinage et le Plan local d’urbanisme de [Localité 11], de :
– confirmer l’ordonnance RG 22/01380 rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de
Bordeaux le 20 février 2023 et rectifiée le 27 mars 2023, en ce qu’elle a :
– constaté le désistement parfait de M. [D] lequel est donc hors de la présente cause ;
– rejeté les fins de non-recevoir invoquées par la SCI Comat et la SAS Capy ;
– ordonné à la société Comat et à la société Capy de suspendre son activité de stockage et de destruction de déchets, ferrailles et véhicules hors d’usage sur la parcelle cadastrée section GX n°[Cadastre 14] et d’enlever intégralement les déchets, ferrailles et véhicules hors d’usage présents sur ladite parcelle, dans un délai d’un mois suivant la signification de la présente ordonnance, sous astreinte provisoire de 500 € par jour de retard pendant un délai de trois mois ;
– débouté la SCI Comat et la SAS Capy de leurs demandes reconventionnelles ;
– condamné la SCI Comat et la SAS Capy aux entiers dépens avec application de l’article 699 du code de procédure civile ;
– débouter la société Comat et la société Capy de l’intégralité de leurs demandes, fin et prétentions,
A titre subsidiaire : en cas de réformation de l’ordonnance RG 22/01380 rendue par le juge des
référés du tribunal judiciaire de Bordeaux le 20 février 2023 et rectifiée le 27 mars 2023,
– constater le désistement parfait de M. [D] lequel est donc hors de la présente cause;
– rejeter les fins de non-recevoir invoquées par la SCI Comat et la SAS Capy ;
– ordonner à la société Capy et à la société Comat de cesser l’activité de stockage et de destruction de déchets, ferrailles et véhicules hors d’usage sur la parcelle cadastrée section GX n°[Cadastre 14] et d’enlever intégralement les déchets, ferrailles et véhicules hors d’usage présents sur ladite parcelle, dans un délai de quinze jours suivant la signification de la décision à venir et passé ce dernier, sous astreinte de 500 € par jour de retard jusqu’à l’exécution totale de la décision à intervenir ;
– débouter la société Comat et la société Capy de l’intégralité de leurs demandes, fin et prétentions ;
En tout état de cause :
– débouter la société Comat et la société Capy de leurs demandes reconventionnelles ;
– condamner in solidum la société Comat et la société Capy à verser aux intimés, M. [A], les époux [Y], les époux [S] et les époux [E], la somme de 5000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens dont distraction au profit de la SCP CGCB & Associés en application de l’article 699 du Code de procédure civile.
Par application de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément fait référence aux conclusions susvisées pour un exposé complet des prétentions et des moyens en fait et en droit développés par chacune des parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION.
Le juge des référés a rappelé que si effectivement, l’autorité du Préfet dispose d’une compétence exclusive en matière d’installations classées protection de l’environnement, ci-après ICPE, il reste que le juge des référés demeure compétent pour faire cesser le trouble manifestement illicite résultant de l’activité d’une ICPE dès lors que le trouble allégué dépasse les inconvénients normaux du voisinage et que sa décision ne contrarie pas les prescriptions préfectorales. Il a ensuite ordonné sous astreinte aux sociétés Comat et Capy de suspendre l’activité de stockage et de destruction de déchets, ferrailles et véhicules hors d’usage sur la parcelle cadastrée section GX n°[Cadastre 14] et d’enlever intégralement les déchets, ferrailles et véhicules hors d’usage présents sur ladite parcelle, après avoir notamment relevé que l’arrêté préfectoral pris le 30 novembre 2022 faisant suite à une inspection du 11 octobre 2022, dénonçait un certain nombre d’irrégularités dont notamment le fait que ‘l’exploitant n’a pas été en mesure de justifier que les niveaux sonores limites étaient bien respectées sur le site en limites de propriété et en zones à émergence réglementée’ et qu’un rapport d’acoustique produit par les demandeurs du 17 avril 2022 corroborait l’arrêté préfectoral relativement au dépassement des limites d’émergences sonores.
Sur la fin de non-recevoir soulevée par les appelantes.
La SAS Capy et la SCI Comat demandent en premier lieu l’infirmation de l’ordonnance en ce que les fins de non recevoir soulevées par elles ont été rejetées. Les SCI Comat et SAS Capy contestent en appel la compétence du juge judiciaire pour ordonner la cessation de l’activité de la SAS Capy, faisant valoir qu’une telle mesure viderait de sa substance la déclaration préalable et l’arrêté préfectoral autorisant l’activité de la SAS Capy et ferait ainsi obstacle à la décision préfectorale, violant par là le principe de la séparation de pouvoirs.
En application de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
En l’espèce, la demande des intimés est fondée sur l’existence d’un trouble anormal du voisinage généré par l’activité exercée sur la parcelle GX [Cadastre 14] à [Localité 11] et sur la méconnaissance de la réglementation d’urbanisme, du code de l’environnement et des limites réglementaires en matière d’émergence sonore constitutives d’un trouble manifestement illicite qu’il appartient au juge judiciaire de faire cesser sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile.
Il est de jurisprudence établie que le trouble manifestement illicite qu’il incombe à celui qui s’en prétend victime de démontrer, est caractérisé par toute perturbation résultant d’un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.
Un trouble anormal de voisinage peut caractériser un tel trouble, sous réserve que celui qui l’allègue le démontre avec une évidence suffisante, la seule violation de la loi n’étant pas constitutive d’un trouble illicite, indépendamment du préjudice subi par le demandeur.
La police des installations classées pour la protection de l’environnement est exercée par le préfet qui décide de la mise en ‘uvre et du fonctionnement des installations. Il est de jurisprudence établie que le juge judiciaire demeure compétent pour prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme aux nuisances constatées dès lors qu’elles ne contrarient pas les prescriptions éditées par l’autorité administrative dans le cadre de ses pouvoirs propres.
La SAS Capy et la SCI Comat ne contestent pas la compétence du juge des référés pour ordonner une mesure de suspension de l’activité de la SAS Capy, l’incompétence matérielle du juge des référés du tribunal judiciaire n’étant déniée que s’agissant de la cessation d’activité.
La confirmation de l’ordonnance de référé étant sollicitée en ce qu’elle a ordonné la suspension de l’activité, la cessation de l’activité n’étant sollicitée qu’à titre subsidiaire, l’incompétence ainsi soulevée ne sera examinée que si l’ordonnance est infirmée s’agissant de la demande principale.
Sur la réalité du trouble manifestement illicite.
Les SAS Capy et SCI Comat contestent la mesure de suspension ordonnée par le juge des référés aux motifs d’une part que l’activité incriminée d’exploitation de véhicules hors d’usage n’est pas exploitée sur la parcelle GX [Cadastre 14] à la [Localité 11], celle-ci l’étant sur un site distinct situé [Adresse 12] à [Localité 11], pas davantage que l’activité de destruction de déchets non dangereux et d’autre part que le rapport du cabinet Décibel Acoustique sur lequel s’est exclusivement fondé le juge des référés est établi sur la base du décret n°2006-1099 du 31 août 2006 relatif au bruit du voisinage pris en application des articles R.1334-30 à R.1334-37 et R.1337-06 du code de la santé publique, lequel n’est pas applicable au site en litige sur lequel est exploité une ICPE qui relève d’autres dispositions réglementaires.
S’agissant de l’activité exploitée par la SAS Capy, l’arrêté préfectoral du 12 novembre 2019 a délivré à la SAS Capy un agrément pour exploiter au [Adresse 12] à [Localité 11] un centre de véhicules hors d’usage, pour une durée de trois ans.
Dans le site en litige situé [Adresse 5] à [Localité 11], est exploitée, ainsi qu’il ressort de l’arrêté préfectoral du 7 juin 2022, une installation de tri, transit, regroupement de déchets non dangereux.
Par cet arrêté, la SAS Capy était mise en demeure de régulariser la situation administrative en déposant une déclaration en Préfecture et le cas échéant mettre en ‘uvre toutes les mesures visant à garantir la protection des intérêts visés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement.
Il était ainsi demandé à la SAS Capy de régulariser sa situation administrative, celle-ci ayant fait le choix de déposer une déclaration en préfecture aux fins d’être autorisée à exploiter une installation classée, ce qu’elle a fait par déclaration du 2 septembre 2022 visant une activité de transit, regroupement ou tri de métaux, installation classée relevant de l’article R512-17 du code de l’environnement.
En tout état de cause, la discussion sur la nature de l’activité exercée est sans incidence sur l’existence d’un éventuel trouble du voisinage qu’il convient d’apprécier au regard des pièces produites, étant observé que la SAS Capy ne produit pas les pièces justifiant de la réponse de la préfecture suite à sa déclaration tendant à être agréée en vue d’exploiter une activité classée, alors que le rapport d’inspection du 21 avril 2022 fait clairement état d’une activité de centre pour véhicules hors d’usage exploitée sans agrément sur le site de l’avenue Ampère à [Localité 11].
Par un arrêté du 30 novembre 2022, qui faisait suite à cette inspection, il était demandé à la SAS Capy de respecter diverses dispositions de l’arrêté ministériel du 6 juin 2018 et concernant notamment les moyens de lutte contre l’incendie, la réalisation d’une étude des niveaux sonores en limites de propriété et de mettre en place toute mesure éventuellement nécessaire dans un délai de 3 mois ainsi que de prendre diverses dispositions relatives à la protection des sols et des eaux.
Si par ce dernier arrêté il a été demandé à la SAS Capy de réaliser une étude des niveaux sonores, il n’en ressort pas pour autant que les niveaux sonores constatés lors des visites d’inspection n’étaient pas réglementaires, aucune constatation n’ayant été réalisée sur ce point lors de l’inspection, ainsi qu’il ressort du rapport d’inspection du 21 avril 2022.
Les intimés produisent un rapport d’étude technique établi par le cabinet Décibel Acoustique, qui a procédé les 4 et 15 avril 2022 à des mesures acoustiques selon le décret n° 2006-1099 du 31 août 2006 relatif aux règles propres à préserver la santé de l’homme contre le bruit du voisinage et a conclu à une situation ‘largement non réglementaire au regard du décret du 31 août 2066″, soit, le 4 avril 2022 une émergence globale de 14,5 décibels pour 9 d’émergence limite et de 16 décibels le 15 avril 2022 pour 6 décibels d’émergence limite, les émergences spectrales se caractérisant par un ‘dépassement important à très important dans toutes les bandes d’octave’. Il y est précisé que les bruits étudiés sont des bruits d’engins de levage et manutention de matériaux principalement métallique avec des chocs importants, des déplacements de bennes métalliques, des signaux d’avertissement sonores des engins.
Ce rapport s’il établit l’existence d’émergences sonores les 4 et 15 avril 2022, ne précise pas à quelle heure ni durant combien de temps elles ont été relevées.
Le procès-verbal de constat du 24 novembre 2022 établi à la demande de M. [A], fait état de la présence de bennes sur la parcelle GX [Cadastre 14] à [Localité 11], ainsi que d’un amoncellement de pare-chocs, la craste se trouvant du côté de la parcelle étant emplie de détritus mais aucune constatation n’a été réalisée quant à l’existence de nuisances sonores.
Le procès-verbal du 31 mai 2023 produit par les intimés ne comporte aucune constatation relative à des nuisances sonores.
Si la SAS Capy ne justifie pas qu’elle s’est conformée à l’arrêté du 30 novembre 2022 lui demandant de justifier de la réalisation d’une étude des niveaux sonores en limites de propriété, on ne peut pour autant en déduire que le niveau d’émergence n’est pas réglementaire, l’autorité préfectorale ne faisant pas état dans cet arrêté de l’existence de telles nuisances ainsi que l’a relevé à tort le juge des référés.
Ces seules pièces sont insuffisantes à rapporter la preuve de l’existence de nuisances sonores caractérisant avec l’évidence requise un trouble anormal du voisinage pouvant constituer un trouble manifestement illicite justifiant que soit prise en référé une mesure conservatoire destinée à le faire cesser.
Les intimés soutiennent ensuite que l’activité exploitée l’est en contravention de l’article L.610-1 du code de l’urbanisme en ce que sont interdits par le PLU de [Localité 11], en zone Ulb
au sein de laquelle est classé le terrain, les dépôts de ferraille, de vieux véhicules, et de matériaux de récupération, les appelantes contestant de tels dépôts.
Le procès-verbal de constat du 5 octobre 2022 établi à la demande de la SAS Capy fait état de ce que le terrain est propre et défriché, le matériel étant stationné et ordonné et que ne s’y trouvent aucun déchet sauvage ni dépôt de ferraille ou de vieux véhicules tandis que le procès-verbal de constat du 31 mai 2023 produit par les intimés fait état de la présence sur le terrain, de bennes remplies de divers matériaux de type carcasses de voitures, pneus, matériaux de BTP et autres aciers. La question de la régularité de l’exploitation de l’activité de la SAS Capy échappe en tout état de cause à la compétence du juge des référés et en outre, les intimés ne caractérisent pas l’existence du trouble manifestement illicite qui serait causé par une telle irrégularité, dont le caractère non régularisable n’est pas établi, le préfet ayant dans son arrêté du 7 juin 2022 de régulariser sa situation administrative.
Il en est de même s’agissant de la violation alléguée du code de l’environnement, les intimés invoquant l’exploitation d’un centre VHU sans agrément contrairement aux dispositions des articles R.543-156, l’article R.543-161, R.543-162 du code de l’environnement relatifs aux modalités d’exploitation d’un tel centre, l’exploitation d’un centre pour véhicules hors d’usage étant régularisable et les intimés ne caractérisant pas le trouble qui serait causé par une telle situation.
Les intimés ne caractérisent en conséquence pas l’existence du trouble manifestement illicite qui serait causé par l’activité exploitée par la SAS Capy sur la parcelle appartenant à la SCI Comat.
C’est donc à tort que le premier juge a retenu l’existence d’un trouble manifestement illicite et a ordonné la suspension de l’activité de la SAS Capy.
S’agissant de la demande tenant à voir ordonner la cessation de l’activité de la SAS Capy formée à titre subsidiaire, les appelantes soulèvent l’incompétence du juge des référés pour prononcer une telle mesure qui viendrait en contradiction de l’arrêté préfectoral autorisant l’exploitation de son activité, le seul juge compétent pour prendre une telle mesure relevant de la compétence administrative.
Cependant, la SAS Capy et la SCI Comat ne précisent pas quel arrêté administratif serait ainsi vidé de sa substance par une décision de cessation d’activité, aucune précision n’étant donnée quant à la réponse de l’administration suite à la déclaration d’ICPE du 9 septembre 2022, en sorte que l’exception d’incompétence est soulevée à tort.
La demande tendant à voir ordonner la cessation d’activité de la SAS Caqpy est en tout état de cause mal fondée en l’absence de trouble manifestement illicite caractérisé.
L’ordonnance doit donc être infirmée en ce qu’elle a ordonné la suspension de l’activité de la SAS Capy, la demande subsidiaire des intimés devant être rejetée.
Sur la demande reconventionnelle.
Les SAS Capy et SCI Comat demandent la réformation de l’ordonnance en ce qu’elles ont été déboutées de leur demande reconventionnelle et sollicitent en appel qu’il soit ordonné sous astreinte à M. [A] de mettre fin à l’empiétement de sa propriété sur la parcelle GX[Cadastre 14] appartenant à la SCI Comat dans un délai de quinze jours. Elles sollicitent en outre une somme de 25.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice.
Les appelants reprochent ainsi à M. [A] d’avoir réalisé sur sa parcelle des constructions sans autorisation et de ne pas respecter la limite divisoire indiqué sur le plan de rétablissement de limites, soutenant qu’il en résulte une atteinte à son droit de propriété et de jouissance caractérisant un trouble manifestement illicite.
Les intimés concluent au rejet de ces demandes.
C’est à juste titre que le juge des référés a relevé que le plan de bornage et de rétablissement de limites n’était pas signé par M. [A] et n’était pas contradictoire. En outre, la nature des constructions qui empiéteraient sur la limite divisoire – une paillote en bambou selon M. [A] – n’est pas précisée par les appelantes. En l’absence de certitude sur la limite divisoire des deux fonds, établie par un bornage contradictoire ou un bornage judiciaire, l’existence de l’empiétement n’est pas établie avec certitude en sorte que les demandes à ce titre sont mal fondées, l’ordonnance devant être confirmée en ce qu’elle a débouté les SAS Capy et SCI Comat de celles-ci.
Sur les mesures accessoires.
L’ordonnance est confirmée en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Partie perdante, les intimés seront condamnés aux dépens. L’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs,
La Cour,
Infirme l’ordonnance entreprise en ses dispositions dont appel, en ce qu’elle a ordonné à la SCI Comat et à la SAS Capy de suspendre l’activité de stockage et de destruction de déchets, ferrailles et véhicules hors d’usage sur la parcelle cadastrée section GX n°[Cadastre 14] à [Localité 11] et d’enlever intégralement les déchets, ferrailles et véhicules hors d’usage présents sur ladite parcelle, dans un délai d’un mois suivant la signification de la présente ordonnance, sous astreinte provisoire de 300 € par jour de retard pendant un délai de trois mois,
Statuant à nouveau de ce seul chef,
Déboute M. [W] [A], M. [I] [Y] et Mme [J] [Y], M. [L] [S] et Mme [X] [S], M. [P] [E] et Mme [Z] [E] de leurs demandes,
Dit qu’il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne les intimés aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Madame Paule POIREL, président, et par Madame Odile TZVETAN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,