Nuisances sonores : décision du 12 décembre 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 22/03305

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Nuisances sonores : décision du 12 décembre 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 22/03305
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1ère Chambre

ARRÊT N°349

N° RG 22/03305 – N° Portalis DBVL-V-B7G-SZBF

M. [P] [G]

Mme [N] [F] épouse [G]

C/

M. [W] [L] [U] [B]

Mme [Z] [H] [A] épouse [B]

Me [V] [E]

S.A.R.L. RIVE GAUCHE IMMOBILIER

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 12 DÉCEMBRE 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,

Assesseur : Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de chambre,

Assesseur : Madame [V] BRISSIAUD, Conseillère entendue en son rapport,

GREFFIER :

Madame Isabelle OMNES, lors des débats et Madame Marie-Claude COURQUIN, lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 26 septembre 2023

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 12 décembre 2023 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 28 novembre 2023 à l’issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur [P] [G]

né le 21 Mars 1980 à [Localité 14] (29)

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Cédric MASSON de la SELARL ADVO, avocat au barreau de VANNES

Madame [N] [F] épouse [G]

née le 19 Décembre 1980 à [Localité 12] (87)

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Cédric MASSON de la SELARL ADVO, avocat au barreau de VANNES

INTIMÉS :

Monsieur [W] [L] [U] [B]

né le 02 Février 1960 à [Localité 13] (93)

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté par Me Dominique LE COULS-BOUVET de la SCP PHILIPPE COLLEU, DOMINIQUE LE COULS-BOUVET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Yves ROULLEAUX, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Madame [Z] [H] [A] épouse [B]

née le 24 Juillet 1956 à [Localité 11]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Dominique LE COULS-BOUVET de la SCP PHILIPPE COLLEU, DOMINIQUE LE COULS-BOUVET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Yves ROULLEAUX, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Maître [V] [E]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 9]

Représenté par Me Sylvie PÉLOIS de la SELARL AB LITIS / PÉLOIS & AMOYEL-VICQUELIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Constance PARIS, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

La SARL RIVE GAUCHE IMMOBILIER, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 5]

[Localité 10]

Représentée par Me Thibaud HUC de la SELARL CONSEIL ASSISTANCE DÉFENSE C.A.D., avocat au barreau de NANTES

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé conclu le 28 septembre 2018, avec le concours de l’agence immobilière Rive Gauche Immobilier, M. [W] [B] et son épouse, Mme [Z] [A], ont conclu une promesse synallagmatique de vente de leur maison d’habitation, située [Adresse 7] à [Localité 9] (Loire-Atlantique), cadastrée section [Cadastre 8], au profit de M. [P] [G] et de son épouse, Mme [K] [F], moyennant le prix de 475 000 €.

La vente était soumise aux conditions suspensives d’obtention d’un prêt de 530.800 € et d’obtention d’un certificat d’urbanisme ne révélant pas de servitude grave pouvant déprécier la valeur de l’immeuble vendu.

Un acompte de 8.000 € à valoir sur le prix de vente était déposé entre les mains de l’agence immobilière, désignée en qualité de séquestre.

La promesse de vente stipulait une régularisation de la vente au plus tard le 30 juin 2019, par acte authentique au rapport de Me [C] [M], notaire à [Localité 9], éventuellement assistée par Me [R], notaire à [Localité 4], ainsi qu’une clause pénale fixée à 10 % du prix net vendeur, à la charge de la partie dont le comportement aurait empêché la réalisation de la vente.

Les parties avaient également convenu le versement d’une commission au profit de l’agence immobilière d’un montant de 19.000 € à la charge de l’acquéreur.

Lors du rendez-vous de signature fixé le 7 juin 2019 en l’étude de Me [M], M. et Mme [G] ont fait savoir qu’ils ne souhaitaient pas réitérer la vente.

Par lettres recommandées avec accusé de réception du 13 juin 2019, reçues les 15 juin 2019 par l’agence Rive Gauche Immobilier, 17 juin 2019 par Me [M] et 18 juin 2019 par M. et Mme [B], M. et Mme [G] ont, par l’intermédiaire de leur conseil, indiqué avoir découvert le 5 juin que le bien à la vente se trouvait dans une zone susceptible d’être impactée par le réaménagement de l’aéroport de[15]e et qu’il était grevé d’une servitude T5 de dégagement de l’aérodrome (couloir d’envol).

Ils ont mis en demeure l’agence immobilière et le notaire chargé de la réitération de la vente de leur reverser les fonds reçus à l’occasion de celle-ci, notamment la somme consignée à titre de dépôt de garantie.

Ils ont, en outre, mis en cause la responsabilité des vendeurs, ainsi que celle de l’agent immobilier et de Me [M], estimant que ceux-ci ne pouvaient ‘sérieusement ignorer l’existence de cette servitude ou à tout le moins le projet d’extension de l’aéroport en direction de la commune de [Localité 9].’

Invoquant un vice du consentement et la condition suspensive relative au certificat d’urbanisme, ils les ont mis en demeure de leur verser ‘la somme forfaitaire de 10 000 €, correspondant pleinement aux tracas et au préjudice moral consécutifs à la découverte faite le 5 juin.’

Par lettre recommandée avec accusé de réception, M. et Mme [B] ont mis en demeure M. et Mme [G] de se présenter à l’étude de Me [M] le 9 juillet 2019 aux fins de signature de l’acte de vente, considérant que la servitude T5 de dégagement de l’aérodrome n’est pas de nature ‘à empêcher l’habitabilité du bien’.

Me [M] a fait sommation à M. et Mme [G] de se présenter à son office le 9 juillet 2019 pour régulariser la vente.

Par message électronique du 24 juin 2019, le conseil de M. et Mme [G] a informé Me [M] que ses clients ne se présenteront pas au rendez-vous fixé le 9 juillet 2019 et a sollicité le déblocage des fonds.

Un procès-verbal de carence a été dressé par Me [M] le 9 juillet 2019, M. et Mme [G] ne s’étant pas présentés.

Par courrier officiel du 20 août 2019, le conseil de M. et Mme [B] a fait savoir que ces derniers étaient disposés à prendre acte du refus de signature de l’acte authentique, sous réserve de l’accord de l’agence immobilière et du versement de la clause pénale.

C’est dans ces conditions que M. et Mme [G] ont par actes des 27 et 28 août 2019, fait assigner devant le tribunal judiciaire de Nantes, M. et Mme [B], la Sarl Rive Gauche Immobilier et Me [C] [M] notamment en paiement de la clause pénale et en restitution de la somme de 8.000 € séquestrée.

Par lettre officielle du 31 octobre 2019, le conseil de M. et Mme [B] a interrogé le conseil de M. et Mme [G] pour savoir si ces derniers souhaitaient acquérir aux conditions prévues, dans la mesure où le projet susceptible d’impacter la commune de [Localité 9], à savoir la création d’une piste transversale, avait été abandonné, l’État ayant décidé de prolonger l’actuelle piste de l’aéroport de [15], et à défaut, s’ils autorisaient ses clients à remettre le bien en vente.

Par message électronique du 6 novembre 2019, le conseil de M. et Mme [G] a répondu que ces derniers confirmaient l’information donnée sur la prolongation de l’actuelle piste de l’aéroport de [15], mais que ‘leur position n’avait pas changé d’un iota, à savoir que dès la réunion du 7 juin 2019, ils avaient exprimé leur position ferme et définitive de ne pas poursuivre la vente.’

Le 20 juillet 2020, l’agence Rive Gauche Immobilier a restitué à M. et Mme [G] la somme de 8 000 € séquestrée, après accord de M. et Mme [B].

Par jugement du 19 mai 2022, le tribunal judiciaire de Nantes a :

– débouté M. [P] [G] et son épouse, Mme [K] [F], de l’intégralité de leurs demandes ;

– condamné solidairement M. [P] [G] et son épouse, Mme [K] [F], à payer à M. [W] [B] et son épouse, Mme [Z] [A], la somme de 47.500 € au titre de la clause pénale contractuellement prévue ;

– condamné solidairement M. [P] [G] et son épouse, Mme [K] [F], à verser à la SARL Rive Gauche Immobilier la somme de 11.400 € à titre de dommages et intérêts ;

– condamné solidairement M. [P] [G] et son épouse, Mme [K] [F], à verser à M. [W] [B] et son épouse, Mme [Z] [A], la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– condamné solidairement M. [P] [G] et son épouse, Mme [K] [F], à verser à la SARL Rive Gauche Immobilier la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– condamné solidairement M. [P] [G] et son épouse, Mme [K] [F], à verser à Me [C] [M] la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné solidairement M. [P] [G] et son épouse, Mme [K] [F], aux dépens, qui pourront être recouvrés directement par Me Yves Roulleaux, avocat au barreau de Nantes, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

– dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit du présent jugement.

Suivant déclaration du 25 mai 2022, M. [P] [G] et Mme [N] [F] épouse [G] ont relevé appel de tous les chefs de ce jugement.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées et transmises le 30 juin 2023, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens et prétentions, M. [P] [G] et Mme [K] [F] épouse [G] demandent à la cour de :

– réformer en l’ensemble de ses dispositions le jugement rendu le 19 mai 2022 par le tribunal judiciaire de Nantes,

et, statuant à nouveau,

– condamner l’agence Rive Gauche Immobilier au paiement des intérêts aux taux légal sur la somme de 8.000 € du 28 septembre 2018 au 10 septembre 2020, outre les intérêts visés à l’article 1343-2 du code civil, puis des intérêts judiciaires sur les condamnations pécuniaires du jugement, au même taux d’intérêt légal en ce compris la majoration prévue à l’article L313-3 du Code monétaire et financier et jusqu’à parfait paiement,

– condamner in solidum ou à défaut solidairement M. et Mme [B], Me [M] et l’agence Rive Gauche Immobilier au paiement de la somme de 47.500 €, outre la somme de 8.419,25 €, sous réserve de majoration en cours d’instance, à majorer des intérêts compensatoires au taux d’intérêt légal à compter du 13 juin 2019, date de la mise en demeure valant sommation de payer et jusqu’au jour du jugement à intervenir, puis des intérêts judiciaires sur les condamnations pécuniaires du jugement, au même taux d’intérêt légal en ce compris la majoration prévue à l’article L313-3 du Code monétaire et financier et jusqu’à parfait paiement,

– condamner in solidum ou à défaut solidairement M. et Mme [B], Me [M] et l’agence Rive Gauche Immobilier au paiement de la somme de 4.800 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

– débouter les parties adverses de l’ensemble de leurs conclusions, fins et prétentions contraires,

– condamner les mêmes parties aux entiers dépens, dont distraction au profit de la selarl ADVO, société d’avocats, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Au soutien de leur appel, M. et Mme [G] font valoir en premier lieu qu’ils étaient bien fondés à refuser la réitération de la vente en raison de :

– la non réalisation de la condition suspensive tenant à l’obtention d’un certificat d’urbanisme ne révélant pas de servitude grave pouvant déprécier la valeur du bien.

À cet égard, ils font grief au tribunal d’avoir considéré que la servitude T5 de dégagement d’aérodrome révélée par le certificat d’urbanisme délivré le 14 décembre 2018 ne constituait pas une servitude d’urbanisme et d’avoir, en outre, déduit son absence de gravité de la décision des notaires de ne pas purger un nouveau délai de rétractation. Ils considèrent qu’une telle servitude, au-delà de ce qu’elle révèle d’un éventuel survol de la parcelle par des avions, est grave dans la mesure où elle limite les droits du propriétaire et engendre une dépréciation de la valeur du bien.

– la révélation après la signature du compromis d’une information essentielle tenant à l’extension de l’aéroport vers la commune de [Localité 9], constitutive d’un vice du consentement, dès lors qu’ils pensaient acquérir une maison dans un bourg paisible situé près d’une réserve naturelle.

Ils soutiennent que s’ils avaient été informés de l’éventualité de nuisances en raison de l’extension de l’aéroport de [Localité 4] et de la servitude T5 grevant la parcelle, ils n’auraient jamais signé la promesse de vente.

Ils expliquent que s’il était de notoriété publique que suite à l’abandon du projet de [Localité 16], un agrandissement de l’aéroport existant était envisagé, l’information relative à un éventuel agrandissement impactant directement la commune de [Localité 9] n’était, en revanche, pas notoirement connue, notamment de la part les habitants de [Localité 4], nonobstant les deux articles parus le 30 juin 2018 et le 6 novembre 2018 dans le journal Ouest-France.

Ils considèrent que le tribunal a jugé à tort que cette information était de notoriété publique et donc connue d’eux.

En revanche, le projet de piste transversale ne pouvait selon eux qu’être connu des vendeurs, habitant sur place depuis plusieurs années ainsi que du notaire et de l’agence immobilière, professionnels locaux de l’immobilier.

Ils en concluent que ce défaut d’information est constitutif d’un vice du consentement justifiant le refus des époux [G] de réitérer la vente, de sorte que, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, les époux [G] ne sont redevables d’aucune somme au titre de la clause pénale.

Subsidiairement, si une faute était retenue à leur égard, au vu des circonstances et de l’absence de préjudice pour les époux [B] (qui ont finalement vendu leur bien au même prix), les époux [G] demandent à la cour de les exonérer de tout paiement au titre de la clause pénale, en retenant le caractère excessif de celle-ci.

S’agissant de la demande reconventionnelle de l’agence immobilière, ils s’opposent au versement de toute commission en application du contrat, considérant l’échec de la vente et leur absence de faute. Ils contestent également les dommages et intérêts sollicités sur un fondement extra-contractuel, dès lors que l’échec de la vente trouve également sa cause dans les manquements de l’agence immobilière, qui ne peut, en outre, justifier d’aucun préjudice, notamment au titre de la perte de chance de percevoir une rémunération, le bien ayant été finalement vendu par son entremise le 20 avril 2020, avec une commission supérieure.

En second lieu, les époux [G] estiment que la responsabilité des vendeurs, du notaire et de l’agence immobilière est engagée, en raison d’un dol manifeste ayant consisté à leur dissimuler l’existence de la servitude T5 de dégagement ainsi que les projets d’extension de l’aéroport de [Localité 4] en direction de la commune de [Localité 9], informations essentielles et déterminantes de leur consentement.

S’agissant de la responsabilité des vendeurs, ils font valoir que M. et Mme [B] ont été informés dès l’été 2018 du projet d’extension de l’aéroport en direction de [Localité 9] puis, à compter de mai 2019, spécialement en direction de leur habitation, ce dont ils ne les ont jamais informés, alors qu’il s’agissait d’une information fondamentale, de nature à impacter directement leur décision d’acheter, en ce qu’elle était susceptible de donner lieu à une dépréciation rapide du bien et surtout, à une dégradation de leur cadre de vie.

Ils soulignent la concomitance entre l’annonce du projet d’extension par la commune (juin 2018) et la mise en vente de leur bien par les époux [B] (septembre 2018) et insistent sur le fait que ces derniers ont attendu l’abandon définitif du projet de piste transversale pour remettre leur bien en vente.

Ils en concluent que les vendeurs, en leur dissimulant en toute conscience la situation réelle du bien, ont manqué à leur obligation générale de bonne foi et de loyauté en matière contractuelle ainsi qu’à leur obligation de délivrer une information complète et loyale.

À l’encontre du notaire, ils soulignent que l’étude de Me [M] est située à [Localité 9] de sorte qu’elle ne pouvait ignorer la situation du bien lors de la mise en vente et l’évolution des événements entre septembre 2018 et la date de signature fixée en juin 2019.

Ils lui font également grief d’avoir tardivement transmis le certificat d’urbanisme délivré le 14 décembre 2018, faisant état de la servitude T5 et de ne leur avoir communiqué aucun projet d’acte avant la signature fixée le 7 juin 2019. Ils en concluent que Me [M] a manqué à son devoir d’information et de conseil à leur égard.

À l’encontre de l’agence immobilière, M. et Mme [G] soutiennent, au visa des articles 1992 et 1240 du Code civil, que celle-ci a engagé sa responsabilité en raison des manquements commis dans sa mission de rédacteur du compromis et d’entremise. Ils lui reprochent particulièrement un manquement à ses obligations d’information et de vérification en ce qu’elle s’est abstenue d’attirer leur attention sur la situation urbanistique du bien et en leur dissimulant sciemment les projets d’extension en direction de la maison vendue, alors qu’elle ne pouvait ignorer ces informations fondamentales, ayant son agence sur la commune de [Localité 10], où est précisément situé l’aéroport de [15].

Ils entendent également rechercher sa responsabilité en tant que séquestre de la somme de 8.000 € versée à titre de dépôt de garantie que l’agence immobilière aurait dû restituer dès qu’elle a eu l’information que la vente serait impossible (le 7 juin 2019).

Ils invoquent le préjudice financier d’avoir vu la somme séquestrée sortir de leur patrimoine. Estimant que la déloyauté de l’agence immobilière a été à l’origine de ce préjudice, ils réclament la condamnation de cette dernière à leur payer les intérêts ayant couru sur cette somme, du 28 septembre 2018, date de son encaissement, au 10 septembre 2020, date de sa libération.

Outre ces intérêts, les époux [G] précisent, en dernier lieu, leurs préjudices.

Ils font état, d’une part, d’un préjudice moral évalué à la somme de 47 500 €, consécutif aux bouleversements subis par la famille, liés à l’obligation de trouver en urgence un nouveau logement susceptible d’accueillir cinq personnes, dont trois enfants en bas âge, aux deux déménagements successifs qui ont suivi, à la nécessité de rechercher un nouveau logement et d’annuler les diverses inscriptions sur la commune de [Localité 9]. Le préjudice moral allégué résulte encore d’avoir été exposés au risque d’acquérir un bien dont la dévalorisation rapide aurait pu avoir lieu et, enfin, du sentiment d’avoir été trompés.

Ils invoquent, d’autre part, un préjudice matériel à hauteur de 8.419,25 € (frais de déménagements, de stockage, de camping, perte de revenus..).

Ils précisent que sont sollicités, s’agissant des vendeurs, l’application de la clause pénale et s’agissant du notaire et de l’agent immobilier, des dommages et intérêts d’un montant équivalent à celui de la clause pénale. Ils ajoutent que les préjudices de nature économique sont différents des préjudices correspondant à la clause pénale. Ils exposent que leurs préjudices étant la conséquence de fautes trouvant une origine commune dans le comportement des défendeurs, une condamnation solidaire, ou à défaut in solidum, de M. et Mme [B], de Me [M] et de l’agence Rive Gauche Immobilier s’impose.

****

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées et transmises le 27 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens et prétentions, M. [W] [B] et Mme [Z] [A] épouse [B] demandent à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. et Mme [G] de leurs demandes à leur encontre, les a condamnés à leur payer la somme de 47.500 € au titre de la clause pénale figurant au compromis ainsi qu’à leur payer la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens,

à titre subsidiaire,

– condamner Me [M], notaire et l’agence Rive gauche Immobilier à garantir M. et Mme [B] de toute condamnation qui pourrait intervenir à leur encontre,

– condamner in solidum Me [M], notaire et l’agence Rive gauche Immobilier ou, à défaut, l’un de l’autre, à leur payer la somme forfaitaire de 10.000 € au titre de leur préjudice financier ;

en tout état de cause,

– condamner tout succombant à payer à M. et Mme [B] une somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

M. et Mme [B] entendent préciser que la servitude aéronautique T5 de dégagement n’est pas une servitude d’urbanisme et qu’elle n’est pas de nature à déprécier la valeur du bien ou à le rendre impropre à sa destination de sorte que les époux [G] ne peuvent se prévaloir de la non réalisation de la condition suspensive.

Ils ajoutent que le compromis de vente a été signé bien après l’abandon officiel du projet d’aéroport à [Localité 16] au profit d’une extension du site actuel. Ils exposent que l’hypothèse d’une piste transversale, susceptible d’avoir un impact sur la commune de [Localité 9], a été annoncée dès janvier 2018 par les médias comme devant être proposée au débat public annoncé par l’État, qu’il s’agissait donc d’une information publique.

Ils soulignent que les craintes alléguées par M. et Mme [G] ne reposaient sur aucune base sérieuse, puisqu’il ne s’agissait, à ce stade, que d’une concertation publique sur de simples hypothèses de projets d’extension des pistes de l’aéroport de [15]. Aucune option n’ayant alors été retenue par l’État, ils estiment qu’il ne saurait leur être sérieusement reproché d’avoir manqué à leur obligation d’information pré-contractuelle à l’égard des acquéreurs.

Ils ajoutent qu’il n’est d’ailleurs nullement établi que l’un quelconque des projets d’extension des pistes aurait entraîné pour les habitants de [Localité 9] une augmentation des nuisances sonores ainsi qu’une dépréciation de la valeur des biens, de même qu’aucun élément sérieux ne démontre que la commune de [Localité 9] aurait été plus impactée que celle de [Localité 4] par le projet de création de piste transversale sur la commune de [Localité 10].

Ils assurent à cet égard, que l’option de piste transversale n’aurait impacté que la partie Nord de la commune de [Localité 9] alors que la maison est située au Sud.

Le refus persistant de M. et Mme [G] d’acquérir le bien une fois connu l’abandon de la création d’une piste transversale, les conduit à conclure que leur décision de se rétracter était en réalité indépendante du prétendu risque de nuisances allégué.

Ils considèrent que les appelants n’établissent donc pas que la découverte du projet d’extension de l’aéroport – qui constituait un fait de notoriété publique – ait entraîné une erreur déterminante de leur consentement et que ces derniers sont mal fondés à invoquer un prétendu manquement des vendeurs à leur obligation d’information et de loyauté contractuelle.

À titre subsidiaire, si la cour estimait que les époux [G] s’étaient légitimement rétractés, ils sollicitent la garantie de Me [M] et de l’agence immobilière, en invoquant le manquement de ces professionnels de l’immobilier locaux à leur obligation de conseil et d’information.

Sur les préjudices, ils entendent rappeler que la clause pénale lorsqu’elle est acquise, est destinée à réparer l’ensemble des frais et préjudices subis. Ils contestent que la clause pénale soit acquise à M. et Mme [G], alors qu’ils se sont rétractés sans raison valable.

À titre reconventionnel, ils soulignent qu’ils n’ont jamais fait obstacle à la vente et qu’ils sont dès lors fondés à réclamer le versement de la clause pénale à leur profit.

À titre subsidiaire, la résiliation du compromis n’ayant été officiellement actée entre les parties que le 6 novembre 2019, ils exposent que leur bien a été immobilisé pendant 6 mois, de sorte qu’ils n’ont pu le remettre en vente rapidement et qu’ils ont dû continuer à régler les prêts et charges y afférents. Ils s’estiment donc fondés à solliciter la condamnation in solidum de Me [M] et de l’agence Rive Gauche Immobilier, ou l’un à défaut de l’autre, à leur payer la somme forfaitaire de 10 000 € au titre de leur préjudice financier.

****

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées et transmises le 04 août 2023, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens et prétentions, la Sarl Rive gauche Immobilier demande à la cour de :

à titre principal :

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris à l’égard de la Sarl Rive Gauche Immobilier,

en conséquence :

– débouter les époux [G] de l’ensemble de leurs prétentions à l’encontre de la Sarl Rive Gauche Immobilier,

– les condamner à lui payer d’une part, la somme de 11.400 € en indemnisation de son intervention et dire que le règlement intervenu en cours d’instance bénéficiera définitivement à l’Agence Rive Gauche Immobilier et d’autre part, la somme de 2.000 € pour les frais de défense en première instance,

– les condamner à lui payer la somme de 4.000 € pour ses frais de défense en appel,

– les condamner aux dépens.

au besoin du subsidiaire des époux [B],

– débouter ceux-ci de leur action en garantie et en paiement de dommages et intérêts comme infondée en droit et en fait.

– et d’une façon générale condamner la ou les parties perdantes au paiement de l’indemnité de défense de 4.000 € et aux dépens.

À titre liminaire, l’agence immobilière rappelle que dès le mois de janvier 2018, tous les habitants de Loire-Atlantique savaient que l’extension de l’aéroport de [15] ne pouvait se faire qu’à proximité des installations existantes, sans pour autant avoir une idée précise des modalités, ni du calendrier. Elle estime donc que les requérants ne peuvent, sans mauvaise foi, dire qu’ils ignoraient une situation connue de tous.

Elle entend, par ailleurs, souligner que son rôle a été circonscrit à la période du 18 au 25 septembre 2018, le dossier étant ensuite géré par les notaires.

S’agissant de sa responsabilité, recherchée selon elle à tort sur le fondement du mandat au lieu de la responsabilité contractuelle de droit commun, elle conteste le défaut d’information allégué.

À cet égard, elle souligne que la situation d’engorgement de la zone aéroportuaire était de notoriété publique et la nécessité de son agrandissement, suite à l’abandon du projet de [Localité 16], ne pouvait qu’être connue de M. et Mme [G]. La seule information dont disposait l’agent immobilier est que différents projets allaient être étudiés, sans que leurs contours ne soient connus.

Elle en conclut que l’agent immobilier ne disposait alors d’aucune information fiable et certaine relevant de son devoir d’information.

Elle ajoute que la mention de la servitude T5 sur le certificat d’urbanisme ne pouvait pas être un motif de rétractation, ne constituant pas à proprement parler une servitude d’urbanisme.

Sur le préjudice allégué, elle soutient, d’une part, que la clause pénale est res inter alios acta et ne peut donc la concerner et, d’autre part, que les divers frais allégués sont pour la plupart la conséquence de la manière dont les acquéreurs ont entendu gérer les modalités de leur achat.

Elle fait, en outre, valoir qu’elle ne pouvait en aucun cas, en sa qualité de séquestre, se dessaisir de la somme de 8.000 € versées à titre de dépôt de garantie, tant que le vendeur n’avait pas donné son accord, ce qui a été fait le 11 juillet 2020.

Pour s’opposer à la demande de garantie des vendeurs, l’agence immobilière fait valoir que les vendeurs ne précisent pas quelle information précise était détenue par leur mandataire (autre que celles qui étaient du domaine de la notoriété publique) qui n’aurait pas été révélée tant à eux-mêmes qu’aux acquéreurs. Elle ajoute que les vendeurs n’établissent aucune défaillance dans la gestion de leurs intérêts, ce d’autant qu’ils lui ont confié avec succès la remise en vente de leur bien.

À l’appui de sa demande reconventionnelle, l’agence immobilière expose qu’elle ne conteste pas la décision du tribunal ayant retenu un préjudice résultant de la perte de chance de percevoir sa rémunération, qui a été évaluée à 60%, ce dont elle sollicite la confirmation.

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Aux termes de ses dernières conclusions notifiées et transmises le 03 novembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens et prétentions, Me [C] [M] demande à la cour de :

– confirmer le jugement,

– débouter les époux [G] de leurs demandes, fins et prétentions à l’encontre de Me [M],

– débouter les époux [B] de leurs demandes, fins et prétentions à l’encontre de Me [M],

– condamner les époux [G] ou tout succombant à verser à Me [M] la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, – condamner les mêmes aux entiers dépens.

En premier lieu, Me [M] fait valoir que les époux [G] n’étaient pas fondés à refuser de réitérer la vente, en ce que :

– d’une part, la servitude T5 de dégagement de l’aérodrome figurant au certificat d’urbanisme n’était pas de nature à déprécier sensiblement la maison vendue, ni à la rendre impropre à sa destination et ce d’autant que les acquéreurs n’avaient aucun projet tendant à la surélévation de la maison.

Elle ajoute que la révélation de cette servitude par le certificat d’urbanisme ne nécessitait d’ailleurs pas qu’il soit offert aux acquéreurs un nouveau délai de rétractation ou de réflexion en application de l’article L.271-1 du Code de la construction et de l’habitation,

– d’autre part, elle précise qu’il était difficile pour les vendeurs de donner une information précise, dès lors que si l’allongement de la piste vers le Sud a été évoqué dans la presse en juin 2018, ce n’est qu’en mai 2019 qu’une concertation a été ouverte au public,

– en tout état de cause, elle estime que les époux [G] qui habitaient [Localité 4] ne pouvaient ignorer qu’une réflexion était amorcée sur le réaménagement des pistes, susceptible d’impacter les communes aux alentours.

En second lieu, elle fait valoir que les conditions de sa responsabilité civile professionnelle ne sont pas réunies en ce que :

– s’agissant de la transmission tardive du certificat d’urbanisme, elle rappelle que la pratique notariale est d’adresser un projet d’acte avec toutes les pièces du dossier à l’acquéreur ou à son conseil quelques jours avant la date prévue pour la signature de l’acte authentique, et non d’adresser les pièces administratives du dossier au fur et à mesure qu’elles parviennent à l’étude et qu’en tout état de cause, l’absence de transmission immédiate n’a généré aucun préjudice, dès lors que la servitude T5 n’était pas de nature à rendre la vente caduque ou à nécessiter l’ouverture d’un nouveau délai de rétractation.

– s’agissant du manquement allégué à son devoir d’information, elle fait observer que l’enquête publique préalable au réaménagement de l’aéroport s’est ouverte le 27 mai 2019 et qu’elle a adressé au notaire des acquéreurs un projet d’acte informant ces derniers d’une concertation publique quant au réaménagement de l’aéroport actuel et exposant les quatre hypothèses envisagées par la Direction générale de l’aviation civile, dont la création d’une piste transversale avec des nuisances pour les habitants de [Localité 9] et de [Localité 17]. Elle en conclut qu’au vu d’un rendez-vous de signature prévu le 7 juin suivant, il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir communiqué cette information plus tôt.

– s’agissant des préjudices invoqués, elle souligne que le bien a été négocié par l’agence Rive Gauche Immobilier, rédactrice du compromis et que la vente est devenue parfaite dès la signature de l’acte sous seing privé du 28 septembre 2018, de sorte que ses conséquences dommageables se seraient développées même sans la faute qui lui est imputée.

Elle souligne qu’elle ne saurait être condamnée au paiement de la clause pénale, qui a vocation à sanctionner une inexécution contractuelle. Elle en déduit que le notaire n’étant pas partie au contrat, la clause pénale lui est inopposable.

Elle ajoute que les préjudices économiques allégués ne lui sont pas imputables.

Elle relève enfin qu’il n’existe aucun lien entre la mention de la servitude T5 dans le certificat d’urbanisme et la discussion relative au projet d’aéroport et que M. et Mme [G] ont refusé de réitérer la vente malgré l’abandon du projet de piste impactant la commune de [Localité 9], de sorte qu’ils ne peuvent soutenir que le projet d’aménagement des pistes de l’aéroport était déterminant de leur consentement.

En dernier lieu, elle s’oppose à la demande subsidiaire de garantie présentée par M. et Mme [B], en faisant valoir que si la cour estime les époux [B] redevables de la clause pénale et de dommages et intérêts complémentaires, c’est qu’elle aura retenu l’existence de manquements contractuels. Or, elle ne peut les garantir des conséquences de leur propre faute.

S’agissant de leur demande subsidiaire de condamnation in solidum du notaire et de l’agence immobilière au paiement de la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts, elle expose n’être en rien responsable de l’absence de réitération de l’acte par M. et Mme [G], ni de l’absence de remise en vente immédiat du bien par les vendeurs, seuls décisionnaires.

MOTIVATION DE LA COUR

1°/ Sur la responsabilité de l’échec de la vente et l’application de la clause pénale

Les époux [G] font valoir qu’ils étaient fondés à ne pas signer l’acte authentique dans la mesure où le certificat d’urbanisme du 14 décembre 2018 a révélé que la maison était grevée d’une servitude T5 de dégagement de l’aérodrome (couloir d’envol) et en raison de la révélation, après la signature du compromis, d’une information déterminante de leur consentement, tenant au projet d’extension de l’aéroport de [Localité 4] en direction de la commune de [Localité 9], que leur ont dissimulée les vendeurs.

a. Sur la réalisation de la condition suspensive tenant à l’obtention d’un certificat d’urbanisme ne révélant pas de servitude grave pouvant déprécier la valeur de l’immeuble vendu

La promesse synallagmatique signée entre les parties le 28 septembre 2018 contient la condition suspensive suivante :

« Le certificat d’urbanisme ne devra pas révéler de servitude grave pouvant déprécier la valeur de l’immeuble vendu.

Le seul alignement ne sera pas considéré comme une condition suspensive à moins qu’il ne rende l’immeuble impropre à sa destination. »

Le certificat d’urbanisme délivré le 14 décembre 2018 a révélé que l’immeuble en cause était grevé d’une servitude T5 de dégagement de l’aérodrome (couloir d’envol).

Il résulte des documents du Ministère du logement et de l’habitat durable, produits par l’agence immobilière et le notaire, que cette servitude aéronautique de dégagement, figurant dans le Code des transports, vise à sécuriser la circulation des aéronefs à proximité des aérodromes.

Elle permet à l’intérieur d’une zone délimitée par le plan de dégagement d’interdire de créer, ou obligent à supprimer, les obstacles susceptibles de constituer un danger pour la circulation aérienne, ou qui pourraient empêcher le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité.

À ce titre, elle peut entraîner des limitations de hauteur pour les constructions, les arbres ou diverses installations (pilonne, antenne, cheminée d’usine) ou la suppression de certains obstacles gênants.

Les travaux de grosses réparations et améliorations des bâtiments et ouvrages frappés des servitudes sont par ailleurs soumis à autorisation administrative (L 6351-3 du Code des Transports).

En premier lieu, les époux [G] tentent vainement de conférer à cette servitude des conséquences qu’elle n’a pas.

Tout d’abord, cette servitude T5, est sans rapport avec les projets d’extension de l’aéroport.

En effet, comme le souligne Me [R] dans le courriel adressé à M. et Mme [G] le 5 juin 2019, cette servitude T5 de dégagement de l’aérodrome (couloir d’envol) était déjà existante.

Son existence n’est d’ailleurs pas surprenante dès lors que la commune de [Localité 9] jouxte celle de [Localité 10] et de [Localité 19] où est implanté l’aéroport [15].

Ensuite, une zone de sécurisation de l’espace aérien jouxtant l’aérodrome n’est pas synonyme de couloir aérien.

D’ailleurs, bien que grevée de cette servitude, la maison vendue n’était pas survolée par les avions (sinon, les époux [G] ne l’auraient pas achetée) Contrairement à ce qu’ils soutiennent, la découverte de cette servitude aéronautique n’impliquait pas nécessairement un risque de survol de la maison.

Par ailleurs, cette servitude T5 ne se confond pas avec le plan d’exposition au bruit des aérodromes (seul document devant figurer au PLU de la commune conformément aux articles R. 151-51 et R.151-52 du Code de l’urbanisme).

Il est constant que la commune de [Localité 9] n’était pas au moment de la signature du compromis (ni actuellement), contrairement aux communes voisines, soumise à un plan d’exposition au bruit, ni à un plan de prévention du bruit dans l’environnement ni même à un plan de gêne sonore, ainsi qu’il ressort des pièces produites par le notaire (pièces 18 et 20).

Au moment de la vente, la commune de [Localité 9], bien que située à grande proximité de l’aéroport, n’était donc aucunement concernée par le survol des avions. La révélation de l’existence de la servitude T5 en tant que telle, n’apportait aucune modification substantielle à cette situation.

Enfin, les incidences sur la valeur du bien des limitations aux droits de propriété découlant de cette servitude ne sont pas établies, étant précisé que les élévations et constructions ne sont pas interdites mais seulement soumises à autorisations administratives.

Il est d’ailleurs observé que cette servitude n’empêche pas la commune d’envisager l’édification d’immeubles de 16 mètres de hauteur dans le centre-ville (d’après l’édition de la gazette locale « [Localité 9] Ensemble » n°108 du mois d’octobre 2018). Il s’en déduit que les restrictions de plantations ou d’élévations apportées aux droits des propriétaires de maison individuelle ne peuvent avoir en réalité qu’un impact très limité.

En second lieu, les époux [G] échouent à démontrer le risque de dépréciation de la maison découlant de cette servitude T5.

Au contraire, il est constant que la maison des époux [B] a été remise en vente en novembre 2019 et qu’elle a rapidement trouvé acquéreur (un compromis a été signé le 20 décembre 2019) au même prix de 475.000 €, alors même que le compromis attirait spécifiquement l’attention des acquéreurs sur l’implantation voisine de l’aéroport.

En dernier lieu, il est admis qu’un nouveau délai de réflexion ou de rétractation doit être offert à l’acquéreur en cas de modification substantielle intervenue entre l’avant contrat et l’acte authentique. (Cass. Civ. 26 septembre 2007 06-17187)

En l’espèce, il ressort des échanges de courriels produits, qu’après la réception le 5 juin 2019 par Me [R] (notaire des acquéreurs) du certificat d’urbanisme révélant l’existence d’une servitude de dégagement T5, une discussion s’est manifestement engagée entre les notaires sur l’opportunité de purger un nouveau délai de rétractation ou de réflexion en vertu de l’article L271-1 du Code de la Construction et de l’habitation. Or, Me [M] et Me [R] ont finalement jugé que cela n’était pas nécessaire, actant ainsi le caractère non substantiel de cette information.

C’est, par conséquent, à juste titre que le premier juge a considéré qu’une telle servitude ne pouvait constituer une servitude grave pouvant déprécier sensiblement la maison vendue, ou la rendre impropre à sa destination.

Dans ces conditions, M. et Mme [G] ne peuvent utilement invoquer la non-réalisation de la condition suspensive figurant au compromis pour justifier leur rétractation, sans frais ni indemnité.

b. Sur la non connaissance d’une information déterminante et la responsabilité des vendeurs

*En droit

Aux termes de l’article 1103 du Code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

L’article 1104 du même code énonce que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public.

L’article 1137 du même code énonce que le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des man’uvres ou des mensonges. Constitue également un dol, la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.

Il est admis que la victime du dol peut agir, d’une part, en nullité du contrat mais également en réparation de son préjudice, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun.

L’article 1139 du même code précise que l’erreur qui résulte d’un dol est toujours excusable.

En vertu de l’article 1112-1 du Code Civil, celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre, doit l’en informer dès lors que légitimement cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.

Il incombe à celui qui prétend qu’une information lui était due de prouver que l’autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu’elle l’a fournie.

*En fait

Les époux [G] reprochent aux vendeurs de leur avoir caché l’existence d’une servitude de dégagement T5 ainsi que le projet d’extension de l’aéroport de [Localité 4] vers la commune de [Localité 9] et plus particulièrement l’hypothèse de la création d’une piste transversale, impactant directement la maison vendue.  

La promesse de vente a été signée le 28 septembre 2018, soit quelques mois après l’abandon très médiatisé du projet de transfert de l’aéroport à [Localité 16] au profit d’un réaménagement du site existant, dont les modalités restaient à définir (décision annoncée le17 janvier 2018).

Il était donc évident pour tout habitant de Loire Atlantique et en particulier pour les époux [G], demeurant à [Localité 4], qu’une extension de l’aéroport existant était à prévoir. Ces derniers admettent d’ailleurs en page 14 de leurs conclusions, qu’il était de notoriété publique que « suite à l’abandon du projet Notre Dames des Landes, un agrandissement de l’aéroport était envisagé ».

Ils ne pouvaient donc ignorer qu’une réflexion était amorcée sur les modalités de cet agrandissement et que les communes situées à proximité immédiates étaient susceptibles d’être directement impactées.

C’est cependant en connaissance de ce risque qu’ils ont choisi d’acheter une maison sur la commune de [Localité 9], limitrophe des communes de [Localité 10] et de [Localité 19], où est implanté l’aéroport.

S’agissant du projet de création d’une piste transversale impactant directement la commune de [Localité 9], que M. et Mme [G] reprochent aux vendeurs, à l’agence immobilière et au notaire de leur avoir caché, il y a lieu de relever, à l’instar du tribunal, les éléments suivant :

– un article publié dans l’hebdomadaire local Ouest-France, le 8 juin 2018, intitulé : « Les premières pistes du futur aéroport nantais’, indique notamment : ‘Ouest-France s’est procuré un document de travail de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC). En rien un projet définitif. Loin de là même. Ce ‘schéma de composition générale’ évoque plutôt des pistes de réflexion sur le réaménagement possible, les surfaces nécessaires, l’état des lieux du foncier disponible ou à acquérir ».

Un schéma reprenant l’hypothèse de la piste transversale ainsi que celle de l’extension de la piste actuelle vers le Sud est reproduit. Le journaliste conclut que l’Aviation civile retient l’allongement de la piste vers le Sud et que si une piste transversale Est-Ouest reste tracée sur le document de la DGAC, « cette hypothèse, écartée dans les toutes les études précédentes, imposerait des acquisitions foncières très importantes ».

– le 28 juin 2018, le conseil municipal de [Localité 9], a adopté à l’unanimité une délibération pour s’opposer à l’extension de l’aéroport par la création d’une nouvelle piste transversale. Cette motion indique que: « Lors de récentes réunions en Préfecture, l’hypothèse d’une piste transversale est annoncée comme devant être proposée au débat public annoncé par l’État pour l’automne 2018. Cette hypothèse a déjà été étudiée en 2006 par le Conseil général puis en 2013 par la DGAC. A chaque fois, elle a été écartée pour son coût et son impact considérable sur une population qui serait alors soumise tant au Plan d’Exposition au Bruit qu’au Plan de Gêne Sonore qui en découleraient. En décembre 2017, le rapport de la mission de médiation explique à nouveau pourquoi elle a été conduite à écarter cette solution. »

– un article publié sur le site [Localité 4].Maville.com par Ouest-France le 30 juin 2018 a rapporté l’opposition du conseil municipal à la construction d’une piste transversale. L’article rappelle que « l’hypothèse d’une piste transversale devrait être soumise au débat public à l’automne 2018. Cette hypothèse a déjà été étudiée en 2006 par le conseil général, puis en 2013 par la DACG. À chaque fois, elle a été écartée pour son coût et son impact considérable sur la population, qui serait alors soumise au Plan d’exposition au bruit et au Plan de gêne sonore qui en découleraient ». L ‘article se termine par l’invitation du conseil municipal aux Boscéens « à s’informer des conséquences graves induites par ce projet et à définir collectivement les modalités de mobilisation contre tout projet de piste transversale à [15]. » , le maire précisant toutefois qu’il ne connaît pas encore « la teneur du débat public ».

– une réunion publique a été organisée à [Localité 9] le 10 juillet 2018 (relayée par le site de la ville) sur le thème: ‘Aéroport: quelles pistes pour demain ”, avec pour objectifs de : « partager les informations qui sont transmises ce jour au Maire et définir les modalités d’organisation pour réussir la mobilisation contre tout projet de piste transversale ».

– dans la gazette de la ville (édition n°108) d’octobre 2018, le maire encourage ses administrés à se mobiliser en participant à l’assemblée générale constitutive d’une association locale de défense des citoyens exposés aux nuisances aériennes (COCETA) et indique : « Face aux risques de nuisances que pourraient potentiellement subir les Boscéens dans les années à venir, j’ai pris l’initiative d’informer le plus vite possible nos concitoyens (‘).

– le 25 octobre 2018, le directeur régional de l’aviation civile a saisi la commission nationale du débat public, laquelle a décidé le 7 novembre 2018, d’ouvrir une concertation préalable du public. Celle-ci a été ouverte du 27 mai au 31 juillet 2019, comprenant notamment une réunion publique d’ouverture organisée à [Localité 4] le 4 juin 2019, dont la presse s’est faite l’écho. (pièce 8, Me [E]).

Il résulte de ce qui précède, qu’à la date du compromis, les seules informations certaines tenaient au futur agrandissement de l’aéroport de [15] et que différents projets allaient être étudiés. Ces informations étaient de notoriété publique.

Le projet de piste transversale susceptible d’affecter la commune de [Localité 9] n’était alors en rien un projet officiel. Il n’était alors pas encore certain qu’il ferait partie des hypothèses soumises à la concertation publique préalable, dont la tenue n’était même pas encore actée, ni la teneur connue.

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Il s’évince des pièces susvisées que cette hypothèse de piste transversale avait déjà été discutée en 2006, avant d’être écartée en 2013 puis en 2017 et que le Maire de [Localité 9], craignant que les petites communes autour de l’aéroport ne soient sacrifiées au profit du centre-ville de [Localité 4] (« aujourd’hui, j’ai l’impression qu’il faut protéger [Localité 4] et [Localité 18] », article Ouest France du 30 juin 2018) a manifestement voulu prendre les devants, en tentant de mobiliser ses administrés contre un éventuel retour de ce projet avant même qu’il ne soit officiellement présenté comme tel.

Ainsi, avant la signature du compromis, la création d’une piste transversale n’était en aucun cas un projet actuel et certain. Elle constituait seulement une option ancienne, déjà débattue et qui n’était d’ailleurs pas celle privilégiée par les pouvoirs publics, puisqu’elle avait déjà été écartée à deux reprises.

Ce n’est que postérieurement à la signature du compromis que cette hypothèse a été officiellement envisagée, lorsqu’elle a intégré le périmètre de la concertation publique. Le projet de piste transversale constituait alors une information publique et parfaitement accessibles aux acquéreurs. Ces derniers ne peuvent en effet raisonnablement soutenir qu’ils l’ignoraient, dès lors que résidant à [Localité 4], ils étaient appelés à participer à cette concertation publique, notamment pour se prononcer sur l’une des hypothèses (celle dite en « V » ) affectant significativement le centre-ville de [Localité 4].

En définitive, comme l’a justement retenu le tribunal, M. et Mme [G] ne peuvent sérieusement reprocher aux vendeurs d’avoir gardé le silence sur des informations anciennes, publiques et hypothétiques, qui ne relevaient pas des obligations d’information pré-contractuelle et d’exécution de bonne foi du compromis de vente.

Il n’existe, en outre, aucune réticence dolosive imputable aux vendeurs, susceptible d’avoir occasionné pour M. et Mme [G] une erreur sur les qualités substantielles du bien objet du compromis.

Au surplus, par une correspondance officielle du 31 octobre 2019, le conseil des époux [B] précisait au conseil des époux [G] que l’option finalement retenue par l’État était de prolonger la piste actuelle de l’aéroport de [15] et souhaitait savoir, compte tenu de cette évolution, si ses clients seraient toujours disposés à acquérir ou s’ils autorisaient les vendeurs à remettre le bien en vente.

Le 6 novembre 2019, l’avocat des époux [G] répondait que ses clients avaient pris la décision ferme et définitive de ne plus acquérir dès le 7 juin 2019.

Il s’en infère que la décision prise par les époux [G] de se rétracter était en réalité indépendante du risque de nuisances alléguées par l’éventuelle création d’une piste transversale.

M. et Mme [G] ne sont donc pas fondés à invoquer la dissimulation d’une information essentielle et déterminante de leur consentement pour justifier leur refus de signer l’acte notarié.

Ils échouent par ailleurs à rapporter la preuve d’un vice du consentement, d’un défaut d’information pré-contractuelle ou d’une exécution déloyale du contrat, susceptibles d’engager la responsabilité des vendeurs.

M. et Mme [G] doivent donc être déboutés de leur demande tendant au versement de la clause pénale à leur profit et au paiement de dommages-et-intérêts complémentaires.

c. Sur la condamnation de M. et Mme [G] au paiement de la clause pénale

Leur refus de réitérer la vente, au mépris des engagements pris en ce sens dans la promesse synallagmatique signée le 28 septembre 2018, engage en revanche leur responsabilité contractuelle à l’égard des époux [B].

Il en résulte que les vendeurs sont fondés à demander le versement de la clause pénale contractuellement prévue, sanction du manquement d’une des parties à ses obligations, qui s’applique du seul fait de cette inexécution.

M. et Mme [B] justifient du préjudice subi, notamment du fait de l’immobilisation de leur bien pendant plusieurs mois.

Aucune circonstance ne justifie de modérer le montant de la clause pénale dont les parties ont convenu conformément à la pratique usuelle (10% du prix de vente) et dont le caractère excessif n’est pas établi.

Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné M. et Mme [G] au paiement de la clause pénale.

2°/ Sur la responsabilité du notaire

Le notaire, en sa qualité de professionnel et officier public ministériel doit assurer la validité et l’efficacité des actes auxquels il prête son concours. Il est également tenu à un devoir de conseil envers chacune des parties. Il doit dans ce cadre procéder à toute vérification utile avant l’établissement de l’acte. Sa responsabilité extracontractuelle peut être engagée à ce titre, en l’espèce, sur le fondement de l’article 1240 du code civil aux termes duquel : « que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer».

En l’espèce, le certificat d’urbanisme délivré le 14 décembre 2018 révélant que l’immeuble en cause était grevé d’une servitude T5 de dégagement de l’aérodrome (couloir d’envol) n’a été transmis à Me [R] (notaire des acquéreurs) que l’avant-veille de la signature de l’acte authentique.

Si l’acte aurait pu être transmis plus tôt par Me [M], aucune responsabilité n’est encourue dès lors qu’il a déjà été jugé que ce certificat d’urbanisme ne révélait aucune servitude grave pouvant déprécier la valeur du bien ou le rendant impropre à sa destination. 

 

Cette information n’était donc pas de nature à entraîner la caducité de la vente. Par ailleurs, il ne pouvait se déduire de l’existence de cette servitude aucun risque avéré de survol de la maison par des avions de sorte qu’elle n’était pas non plus susceptible de constituer une information sur les qualités substantielles du bien, déterminante du consentement des acquéreurs.

S’agissant du défaut d’information et du dol reproché par M. et Mme [G] à Me [M], ainsi qu’il a été précédemment exposé, jusqu’à l’ouverture de l’enquête publique, il n’existait aucun projet officiel et certain de création d’une piste transversale susceptible d’impacter le bien vendu.

Le fait que l’étude de Me [M] soit située sur la commune de [Localité 9] est totalement inopérant dès lors que celle-ci n’avait pas à relayer dans un acte authentique des informations incertaines.

En outre, les époux [G], demeurant à [Localité 4], étaient parfaitement informés de la décision de ne plus transférer l’aéroport[15]e et de la réflexion des pouvoirs publics sur les modalités d’agrandissement des installations actuelles.

L’hypothèse de la piste transversale n’est devenue un projet officiel que lorsque l’enquête publique a été ouverte le 27 mai 2019.

Me [M] a adressé au notaire des époux [G] un projet d’acte informant les acquéreurs d’une concertation publique quant au réaménagement de l’aéroport actuel et exposant les quatre hypothèses envisagées par la Direction Générale de l’aviation civile, dont la création d’une piste transversale avec des nuisances pour les habitants de [Localité 9] et de [Localité 17].

 

Dans ce contexte, au vu d’un rendez-vous de signature prévu le 7 juin suivant, il ne saurait être reproché à Me [M] de ne pas avoir communiqué cette information plus tôt.

Enfin, il ne saurait encore être valablement reproché au notaire d’avoir mentionné dans l’acte du 10 avril 2020 des précisions obtenues ultérieurement sur le projet d’aéroport, s’agissant d’ informations dont il ne disposait pas à l’époque, étant rappelé que Me [M] n’était pas le rédacteur du compromis.

En définitive, la vente n’a pas pu aboutir en raison de la rétractation sans motif légitime des époux [G], sans qu’il puisse être reproché au notaire un défaut de validité ou d’efficacité de son acte ni un défaut d’information de nature à vicier leur consentement.

En l’absence de faute, les conditions de la responsabilité de Me [M] ne sont pas réunies.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté les époux [G] de leur demande tendant à la condamnation in solidum du notaire au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 47.000 € outre la somme de 8.419,25 euros avec intérêts.

4°/ Sur la responsabilité de l’agence immobilière

a. En tant que rédacteur d’acte et dans sa mission d’entremise

L’agent immobilier, en tant que professionnel, est tenu à un devoir d’information et de conseil à l’égard de toutes les parties à la vente à laquelle il prête son concours. Il a, à ce titre, un devoir de vérification, afin d’assurer l’efficacité de son acte.

Les époux [G] recherchent à tort la responsabilité de l’agence immobilière sur le fondement contractuel en visant les articles 1992 et 1231-1 du Code civil, alors qu’à leur égard, celle-ci n’a pu engager sa responsabilité que sur un fondement extra-contractuel, en l’occurrence l’article 1240 du Code civil.

S’agissant de la servitude T5, l’agent immobilier a inséré dans le compromis de vente signé par les époux [G], une condition suspensive liée à la révélation éventuelle par le certificat d’urbanisme d’une servitude grave pouvant déprécier le bien. Il ne saurait lui être reproché le contenu du certificat d’urbanisme ultérieurement levé par le notaire ni le fait que la servitude T5 ne soit pas considérée comme une servitude grave.

S’agissant de la dissimulation des projets d’extension de l’aéroport, il sera renvoyé aux motifs déjà exposés s’agissant de la responsabilité des vendeurs et du notaire, étant précisé que le seul fait pour l’agence immobilière d’être implantée sur la commune de [Localité 10] est totalement inopérant.

Aucune faute ne peut être retenue à l’encontre de la Sarl Rive Gauche Immobilier, ni en tant que rédacteur d’acte ni dans sa mission d’entremise.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté les époux [G] de leur demande tendant à la condamnation in solidum de l’agence immobilière au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 47.000 €, outre la somme de 8.419,25 euros avec intérêts.

b. En qualité de séquestre

Il résulte de l’article 1955 du Code civil que le séquestre est conventionnel ou judiciaire.

L’article 1956 du même code définit le séquestre conventionnel comme le dépôt fait par une ou plusieurs personnes, d’une chose contentieuse, entre les mains d’un tiers qui s’oblige de le rendre, après la contestation terminée, à la personne qui sera jugée devoir l’obtenir.

L’article 1960 du même code précise que le dépositaire chargé du séquestre ne peut être déchargé, avant la contestation terminée que du consentement de toutes les parties intéressées ou pour une cause jugée légitime.

La promesse synallagmatique signée le 28 septembre 2018 désigne l’agence Rive Gauche Immobilier représentée par son gérant en qualité de séquestre du dépôt de garantie de 8.000 € versé par M. et Mme [G] et précise que :

‘- en cas de non-réalisation de l’une quelconque des conditions suspensives, la somme séquestrée sera immédiatement restituée à l’acquéreur. Toutefois, en cas de contestation durable et avérée sur cette restitution, contestation ayant pour fondement la faute, la négligence, la passivité, la mauvaise foi ou un abus de droit de l’acquéreur et d’une façon générale tout comportement de nature à ce que la non-réalisation de l’une quelconque des conditions suspensives puisse être imputable à l’acquéreur, le séquestre ne pourra se dessaisir de la somme qu’il détient qu’en vertu d’un accord amiable signé des deux parties ou d’une décision de justice.

-en cas de refus de l’une des parties de réitérer la vente par acte authentique, alors que toutes les conditions suspensives des présentes seraient réalisées, le séquestre ne pourra se dessaisir de la somme qu’il détient qu’en vertu d’un accord amiable signé des deux parties ou d’une décision de justice’.

En l’espèce, les vendeurs ont élevé une contestation en estimant que le refus des époux [G] de réitérer la vente n’était pas légitime et que toutes les conditions suspensives étaient réalisées. Ils n’ont donné leur accord écrit à la levée du séquestre et à la restitution des fonds aux époux [G] que le 11 juillet 2020 et le règlement a été opéré le 20 juillet suivant (pièce [G], n°30).

Contrairement à ce que soutiennent les époux [G], l’agence immobilière ne pouvait sans engager sa responsabilité, se dessaisir des fonds du seul fait de leur rétractation, annoncée le 7 juin 2019.

Aucune faute ne pouvant être reprochée à l’agence immobilière en qualité de séquestre, M. et Mme [G] ne pourront qu’être déboutés de leur demande en paiement des intérêts courus sur la somme séquestrée entre le 28 septembre 2018 et le 10 septembre 2020 (date d’encaissement du chèque).

5°/ Sur la demande reconventionnelle de l’agence immobilière

L’agence immobilière estime que les époux [G] ont, sur le fondement de l’article 1240 du Code civil, engagé leur responsabilité à son égard en ce que leur refus de réitérer la vente par acte authentique alors que celle-ci était parfaite, l’a privée de sa rémunération.

Elle sollicite la confirmation du jugement ayant retenu un préjudice de perte de chance de percevoir la rémunération contractuelle, évaluée à 60%.

M. et Mme [G] ont fait appel de cette condamnation estimant que l’agence immobilière ne pouvait se prévaloir d’aucun préjudice.

Sur ce point, il n’est pas contesté que l’agence Rive Gauche Immobilier a reçu mandat des époux [B] aux fins de remettre en vente leur maison, au mois de novembre 2019 et que celle-ci s’est rapidement vendue puisqu’un compromis a été signé dès le 20 décembre 2019 avec de nouveaux acquéreurs.

La vente s’est faite avec une commission légèrement supérieure pour l’agent immobilier qui a perçu à cette occasion la somme de 21.600 € (pour mémoire, la commission avait été fixée à 19.000 € dans la promesse du 28 septembre 2018).

Par ailleurs, l’agence immobilière ne justifie pas des diligences particulières accomplies dans le cadre de cette seconde vente.

Il convient de rappeler que la vente [B] / [G] avait elle aussi été très rapide puisque le mandat exclusif de vente donné par les époux [B] est daté du 18 septembre 2018 et que le compromis a été signé avec M. et Mme [G] seulement 10 jours plus tard, après trois visites.

Au vu de ces éléments, il convient de considérer que l’agence Rive Gauche Immobilier échoue à démontrer quel préjudice lui a finalement causé la rétractation fautive des époux [G].

Il convient donc de la débouter de sa demande reconventionnelle, le jugement étant infirmé sur ce point.

6°/ Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il y a lieu de confirmer les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

Succombant à nouveau pour l’essentiel en appel, M. et Mme [G] seront condamnés aux dépens d’appel et déboutés de leur demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il n’est pas inéquitable de les condamner à payer sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d’appel :

-la somme de 3.000 € à M. et Mme [B],

-la somme de 2.500 € à Me [M].

La demande de la société Rive Gauche Immobilier sur ce fondement sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement rendu le 19 mai 2022 par le tribunal judiciaire de Nantes sauf en ce qu’il a condamné M. [P] [G] et Mme [K] [F] épouse [G] à payer à la Sarl Rive Gauche Immobilier la somme de 11.400 € à titre de dommages-et-intérêts,

Statuant à nouveau des chefs du jugement infirmés et y ajoutant :

Déboute la Sarl Rive Gauche Immobilier de sa demande reconventionnelle ;

Déboute M. [P] [G] et Mme [K] [F] épouse [G] de leur demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne M. [P] [G] et Mme [K] [F] épouse [G] à payer à M. [W] [B] et Mme [Z] [A] épouse [B] la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne M. [P] [G] et Mme [K] [F] épouse [G] à payer à Me [C] [M] la somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Rejette les demandes de la Sarl Rive Gauche Immobilier et des époux [G] fondées sur l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne M. [P] [G] et Mme [K] [F] épouse [G] aux dépens d’appel ;

Autorise les avocats qui en ont fait la demande à recouvrer directement contre eux ceux des dépens dont ils auraient pu faire l’avance sans avoir reçu provision.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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