Nuisances sonores : décision du 15 décembre 2023 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 22/00576

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Nuisances sonores : décision du 15 décembre 2023 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 22/00576
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ARRÊT N°23/

EF

R.G : N° RG 22/00576 – N° Portalis DBWB-V-B7G-FVZZ

[Y]

C/

[KH]

[A]

[L]

[E]

[E]

RG 1ERE INSTANCE : 16/02113

COUR D’APPEL DE SAINT – DENIS

ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2023

Chambre civile TGI

Appel d’une décision rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 14] en date du 22 FEVRIER 2022 RG n° 16/02113 suivant déclaration d’appel en date du 06 MAI 2022

APPELANT :

Monsieur [D] [I] [Y]

[Adresse 6]

[Localité 14]

Représentant : Me Didier ANTELME, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMES :

Madame [Z] [ZO] [T] [KH]

[Adresse 12]

[Localité 14]

Représentant : Me Cindy LAMPLÉ-OPÉRÉ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Monsieur [CY] [A]

[Adresse 8]

[Localité 14]

Représentant : Me Cindy LAMPLÉ-OPÉRÉ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Madame [K] [H] [L]

[Adresse 8]

[Localité 14]

Représentant : Me Cindy LAMPLÉ-OPÉRÉ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Monsieur [W] [E]

[Adresse 7]

[Localité 14]/FRANCE

Représentant : Me Florent MALET, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Madame [O] [FN] [G] [E]

[Adresse 5]

[Localité 14]/FRANCE

Représentant : Me Florent MALET, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/002966 du 23/06/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de [Localité 14])

CLOTURE LE : 09/03/2023

DÉBATS : En application des dispositions de l’article 804 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 13 octobre 2023 devant la cour composée de :

Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre

Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère

Conseiller : Monsieur Eric FOURNIE, Conseiller

Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.

A l’issue des débats, le président a indiqué que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 15 décembre 2023.

Greffiere lors des débats et de la mise à disposition : Madame Nathalie BEBEAU, Greffière.

ARRÊT : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 15 décembre 2023.

* * *

LA COUR

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte notarié de partage des 6 et 21 juin 1964, Monsieur [D] [Y] est devenu propriétaire d’une parcelle de terrain située sur la Commune de [Localité 14], [Adresse 6].

Le terrain de Monsieur [Y], qui avait une superficie déclarée suivant acte de 4.083 m², a été ensuite été divisé comme suit:

Par acte notarié du 8 octobre 1968, Monsieur [Y] a vendu un lot aux époux [G] [F] [YD]. Il s’agit aujourd’hui de la propriété cadastrée EM [Cadastre 2] de Madame [SR] [E].

Par acte notarié du 1er septembre 1972, Monsieur [Y] a vendu un autre lot aux mêmes époux [F]. Il s’agit aujourd’hui du terrain cadastré EM [Cadastre 4] de Monsieur [CY] [A] et Madame [K] [L], qui l’ont racheté de Monsieur [N] qui lui-même l’avait acquis des Consorts [E].

Par acte notarié du 3 avril 1975, Monsieur [Y] a vendu un lot cadastré EM [Cadastre 10] aux époux [P] en leur accordant un droit de passage.

Par acte notarié du 17 novembre 1989, Monsieur [Y] a vendu un lot à Monsieur [V] [X] [E]. Cette parcelle, aujourd’hui cadastrée EM [Cadastre 9] appartient désormais à Madame [Z] [KH].

Enfin la propriété bâtie restante, cadastrée EM [Cadastre 11] appartient à Monsieur [Y]

A ce jour, le terrain qui avait été initialement attribué à Monsieur [D] [I] [Y] est divisé en six parcelles cadastrées comme suit:

EM [Cadastre 11] appartenant à Monsieur [D] [I] [Y]

EM [Cadastre 9] appartenant à Madame [Z] [KH]

EM [Cadastre 10] appartenant à Monsieur [GG]

EM [Cadastre 4] appartenant à Monsieur [CY] [A] et Madame [K] [L]

EM [Cadastre 3] appartenant à Madame [O] [E] et Monsieur [W] [E]

EM [Cadastre 2] appartenant à Madame [FN] [SR] [E].

Monsieur [D] [Y] soutient qu’il n’est débiteur d’une servitude de passage qu’au seul profit de la parcelle EM [Cadastre 10] appartenant à Monsieur [GG]. Il s’ensuit que ses voisins circuleraient à tort sur son terrain pour accéder à leurs propriétés.

Suivant actes d’huissier des 30 juin 2016, Monsieur [D] [Y] a assigné Monsieur [CY] [A], Madame [K] [L], Madame [O] [E], Monsieur [W] [E] et Madame [Z] [KH] devant le tribunal de grande instance de Saint-Denis aux fins de juger que ces derniers ne sont titulaires d’aucune servitude sur son terrain et d’obtenir réparation de ses préjudices.

Par jugement mixte du 27 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Saint-Denis a:

– rejeté la fin de non-recevoir de défaut de qualité à agir de Monsieur [D] [I] [Y] et déclaré ses demandes recevables,

– ordonné, avant dire droit, une mesure d’expertise et désigné pour y procéder Monsieur [U] [TJ], expert près la cour d’Appel de Saint-Denis, lequel aura notamment pour mission de :

Donner au tribunal tous éléments d’information permettant de déterminer, dans le respect des prescriptions des articles 682 et suivants du code civil, la réalité de l’état d’enclave invoqué par les défendeurs et, dans cette hypothèse, l’assiette du passage permettant d’y mettre fin qu’il s’agisse d’un accès à la voie publique ou aux réseaux “VRD”,

Donner au tribunat tous éléments d’information permettant de déterminer matériellement l’assiette du passage sur la parcelle de Madame [O] [E] et le coût de cette mise en place,

Donner au tribunal tous éléments d’information permettant d’évaluer, au vu des propositions formulées, le montant de l’indemnité susceptible d’être due par application des dispositions de l’article 682 du code civil.

L’expert a déposé son rapport le 25 février 2021.

Par jugement en date du 22 février 2022, le tribunal judiciaire de Saint-Denis a statué en ces termes:

– DÉCLARE irrecevable la fin de non-recevoir pour défaut de qualité et intérêt à agir eu égard à l’autorité de la chose jugée,

– DÉBOUTE Monsieur [D] [Y] de l’intégralité de ses demandes,

-CONSTATE l’état d’enclave des parcelles EM [Cadastre 9] appartenant à Madame [Z] [KH], EM [Cadastre 3] appartenant à Monsieur [W] [E] et Madame [O] [E] et EM [Cadastre 4] appartenant à Monsieur [CY] [A] et Madame [H] [L],

– DIT que ces parcelles bénéficient d’une servitude légale de passage prise le long des parcelles cadastrées EM [Cadastre 9], EM [Cadastre 10] et EM [Cadastre 11] appartenant à Monsieur [D] [Y] dans les conditions suivantes:

– parcelle EM [Cadastre 9] appartenant à Madame [KH] : une emprise de servitude ABCDA (telle que déterminée sur le plan établi par le rapport de l’expert judiciaire Monsieur [TJ]),

– DIT qu’en conséquence Madame [Z] [KH] doit verser à Monsieur [D] [Y] une indemnité de 324 €,

– parcelle EM [Cadastre 4] de Monsieur [A] [CY] et Madame [L] [H] emprise de servitude ABCHGFEDA (telle que déterminée sur le plan établi par le rapport de l’expert judiciaire Monsieur [TJ]),

– DIT qu’en conséquence Monsieur [CY] [A] et Madame [H] [L] doivent verser à Monsieur [D] [Y] une indemnité de 700 €,

– parcelle EM [Cadastre 3] des consorts [E] : emprise de servitude ABCHGFEDA (telle que déterminée sur le plan établi par le rapport de l’expertise judiciaire Monsieur [TJ]),

– DIT qu’en conséquence Monsieur [W] [E] et Madame [O] [E] doivent verser à Monsieur [D] [Y] une indemnité de 720 €,

– DÉBOUTE les défendeurs de leurs demandes de paiement de sommes du chef de procédure abusive,

– CONDAMNE Monsieur [D] [Y] aux entiers dépens.

– ORDONNE l’exécution provisoire.

Par déclaration du 6 mai 2022, Monsieur [D] [Y] a interjeté appel du jugement précité.

L’affaire a été renvoyée à la mise en état suivant ordonnance en date du 09 mai 2022.

Monsieur [D] [Y] a déposé ses premières conclusions d’appelant le 29 juillet 2022.

Madame [Z] [KH], Monsieur [CY] [A] et Madame [L] ont déposé leurs uniques conclusions d’intimés le 12 octobre 2022.

Monsieur [W] [E] et Madame [O] [E] ont déposé leurs uniques conclusions d’intimés le 18 octobre 2022.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 9 mars 2023.

PRETENTIONS ET MOYENS

Aux termes de ses dernières conclusions d’appelant déposées le 12 décembre 2022, Monsieur [D] [Y] demande à la cour de :

DECLARER M. [D] [Y] recevable et fondé en son appel.

DECLARER les Consorts [KH], [L], [A] & [E] mal fondés en leurs appels incidents, et les en débouter.

En conséquence,

– CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté comme irrecevable la fin de non-recevoir opposée en défense et comme infondées les demandes reconventionnelles des Consorts [KH], [L], [A] & [E] aux fins de dommages et intérêts et frais irrépétibles.

– INFIRMER pour le surplus le jugement dont est appel et, en particulier :

– INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a instauré une servitude au profit des propriétés des intimés « dans les conditions suivantes :

Parcelle EM [Cadastre 9] appartenant à Mme [KH] : une emprise de servitude ABCDA (telle que déterminée sur le plan établi par le rapport de l’expert judiciaire M. [TJ]) ;

Parcelle EM [Cadastre 4] de M. [A] et Mme [L] : une emprise de servitude ABCHGFEDA (telle que déterminée sur le plan établi par le rapport de l’expert judiciaire M. [TJ]) ;

Parcelle EM [Cadastre 3] des Consorts [E] : une emprise de servitude ABCHGFEDA (telle que déterminée sur le plan établi par le rapport de l’expert judiciaire M. [TJ]) »

Et en ce qu’il a subséquemment fixé les indemnités mises à la charge des intimés.

Statuant à nouveau de ces chefs,

Déclarer Mmes [KH], [L] & [E], ainsi que MM. [A] et [E], sans droit, ni titre, les habilitant à utiliser la parcelle EM n° [Cadastre 11] de M. [D] [Y] à des fins de passage ou à toute autre fin.

Leur faire interdiction d’utiliser ladite parcelle à des fins de passage ou à toute autre fin.

Assortir cette interdiction d’une astreinte de 3.000€ par infraction constatée.

Ordonner aux Consorts [KH], [L], [A] & [E] de procéder à l’enlèvement du portail empiétant sur la parcelle AM n° [Cadastre 11] de M. [D] [Y], et de tous éléments liés audit portail y compris l’ouvrage en dur (poteau en béton soutenant le battant droit du portail dans le sens descendant) ainsi que les autres aménagements prenant appui ou fixés sur le mur de M. [Y] tels que boîtes aux lettres, interphone, sonnette, compteurs, gaines et conduits d’eau et d’électricité.

Assortir cette obligation d’une astreinte de 500,00€ par jour de retard à compter du trentième jour suivant la signification de l’arrêt à intervenir.

Ordonner aux Consorts [KH], [L], [A] & [E] de clore leur propriété en condamnant de façon définitive et inamovible toute ouverture créée sur la parcelle AM n° [Cadastre 11] de M. [D] [Y]

Assortir cette obligation d’une astreinte de 500,00€ par jour de retard à compter du trentième jour suivant la signification de l’arrêt à intervenir.

– Ordonner la publication de l’arrêt à intervenir à la requête de la partie la plus diligente, aux fins notamment de rectification, en tant que de besoin, des droits et tracés résultant de toute décision administrative ou judiciaire antérieure.

– Condamner solidairement les intimés à verser à M. [Y] une somme de 25.000, 00 € au titre de la privation de son bien.

– Condamner solidairement les mêmes à verser à M. [Y] la somme de 10.000€ en réparation de son préjudice moral.

– Dire que l’ensemble des condamnations portera intérêts de droit au taux légal à compter de l’assignation de première instance jusqu’à complet règlement.

– Ordonner la capitalisation des intérêts échus.

– Condamner solidairement les Consorts [KH], [L], [A] & [E] à verser à la M. [Y] une somme de 15.000€ au titre des frais irrépétibles de première instance.

– Condamner solidairement les mêmes à verser à M. [Y] une somme de 7.000€ au titre des frais irrépétibles d’appel.

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

Débouter les Consorts [KH], [L], [A] & [E] de toutes leurs demandes reconventionnelles, fins et conclusions.

Condamner solidairement les mêmes aux entiers dépens de première instance et d’appel, avec distraction au profit de la SCP CANALE GAUTHIER ANTELME BENTOLILA CLOTAGATIDE, Avocat aux offres de droit, pour les dépens dont elle aurait fait l’avance

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE,

Ordonner une nouvelle expertise confiée à tel expert qu’il appartiendra, avec la même mission que celle précédemment confiée à M. [TJ], en y ajoutant mission de positionner sur plan tous ouvrages et aménagements réalisés par les intimés ou à leur profit et empiétant sur la propriété de M. [Y].

*****

Aux termes de leurs uniques conclusions d’intimés déposées le 12 octobre 2022, Madame [Z] [KH], Monsieur [CY] [A] et Madame [L] demandent à la cour de:

– Débouter purement et simplement Monsieur [D] [Y] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

– Confirmer le jugement rendu le 22 février 2022 par le tribunal judiciaire en ce qu’il a :

Débouté Monsieur [D] [Y] de l’intégralité de ses demandes,

Constaté l’état d’enclave des parcelles EM [Cadastre 9] appartenant à Madame [Z] [KH], EM 21 1 appartenant à Monsieur [W] [E] et Madame [O] [E] et EM [Cadastre 4] appartenant à Monsieur [CY] [A] et Madame [H] [L],

Dit que ces parcelles bénéficient d’une servitude légale de passage prise le long des parcelles cadastrées EM [Cadastre 9], EM [Cadastre 10] et EM [Cadastre 11] appartenant à Monsieur [D] [Y] dans les conditions suivantes :

Parcelle EM [Cadastre 9] appartenant à Madame [KH] : une emprise de servitude ABCDA (telle que déterminée sur le plan établi par le rapport de l’expert judiciaire Monsieur [TJ]),

Dit qu’en conséquence Madame [Z] [KH] doit verser à Monsieur [D] [Y] une indemnité de 324 €,

Parcelle EM [Cadastre 4] de Monsieur [A] [CY] et Madame [L] [H] emprise de servitude ABCHGFEDA (telle que déterminée sur le plan établi par le rapport de l’expert judiciaire Monsieur [TJ]),

Dit qu’en conséquence Monsieur [CY] [A] et Madame [H] [L] doivent verser à Monsieur [D] [Y] une indemnité de 700 €,

– Infirmer le jugement en ce que le Tribunal a débouté Madame [KH], Madame [L] et Monsieur [A] de leur demande d’indemnisation au titre d’une procédure abusive.

Et statuant à nouveau :

– Condamner Monsieur [Y] à verser à chacun des intimés une somme de 10.000€ de dommages intérêts pour procédure abusive.

*****

Aux termes de leurs uniques conclusions d’intimés déposées le 18 octobre 2022, Monsieur [W] [E] et Madame [O] [E] demandent à la cour de :

– Confirmer le jugement rendu le 22 février 2022 par le Tribunal Judiciaire de Saint-Denis (RG n° 16/02113), sauf en ce qu’il n’a pas mis hors de cause Madame [O] [E] et l’a condamnée avec Monsieur [W] [E] à verser à Monsieur [D] [Y] une indemnité de 720 €, et en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive présentée par les consorts [E],

Y ajoutant et statuant à nouveau,

– Juger que Madame [O] [E] n’emprunte pas le passage litigieux et ne peut être concernée par la présente procédure,

– Juger en conséquence l’action de Monsieur [I] [Y] à l’encontre de Madame [O] [E] et de Monsieur [W] [E] mal fondée,

– Juger que Madame [O] [E] doit donc être mise hors de cause,

-Condamner Monsieur [I] [Y] à payer à Madame [O] [E] la somme de 10.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Condamner Monsieur [I] [Y] à payer à Monsieur [W] [E] la somme de 10.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– Débouter Monsieur [I] [Y] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires dirigées contre Madame [O] [E] et Monsieur [W] [E],

À titre subsidiaire,

Vu les articles 692 et 693 du code civil,

Vu l’article 32-1 du code de procédure civile,

– Infirmer le jugement rendu le 22 février 2022 par le Tribunal Judiciaire de Saint-Denis (RG n° 16/02113), en ce qu’il n’a pas retenu que le passage litigieux devait s’analyser en une servitude par destination du père de famille, en ce qu’il a condamné Monsieur [W] [E] et Madame [O] [E] à verser à Monsieur [D] [Y] une indemnité de 720 €, et en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive présentée par les consorts [E],

– Juger que Madame [O] [E] n’emprunte pas le passage litigieux et ne peut être concernée par la présente procédure,

– Juger en conséquence l’action de Monsieur [I] [Y] à l’encontre de Madame [O] [E] et de Monsieur [E] mal fondée,

– Juger que Madame [O] [E] doit donc être mise hors de cause,

– Juger que Monsieur [W] [E] bénéficie, s’agissant du passage litigieux pris le long des parcelles enregistrées au cadastre sous les numéros EM [Cadastre 9], EM [Cadastre 10] et EM [Cadastre 11], d’une servitude par destination du père de famille,

– Juger en conséquence l’action de Monsieur [I] [Y] à l’encontre de Monsieur [W] [E] et Madame [O] [E] mal fondée,

– Condamner Monsieur [I] [Y] à payer à Madame [O] [E] la somme de 10.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– Condamner Monsieur [I] [Y] à payer à Monsieur [W] [E] la somme de 10.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– Débouter Monsieur [I] [Y] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires dirigées contre Madame [O] [E] et Monsieur [W] [E],

En tout état de cause,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner Monsieur [I] [Y] à payer à Madame [O] [E] et Monsieur [W] [E] la somme de 5.000,00 € chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Florent MALET, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du même code.

*****

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées, figurant au dossier de la procédure, auxquelles il est expressément référé en application de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n’examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentés au soutien de ces prétentions.

Vu les dernières conclusions des parties auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties;

Vu l’ordonnance de clôture du 9 mars 2023.

Sur la demande de désenclavement et de création d’une servitude de passage.

Sur le fond

A titre liminaire, la cour relève qu’il résulte des éléments non contestés de la procédure que l’ensemble des six parcelles concernées par le litige sont issues de la division d’un seul et même terrain à l’origine appartenant à l’appelant Monsieur [I] [Y], qui a ensuite vendu séparément chacun des lots, comme cela a été sus-évoqué, par acte notarié du 8 octobre 1968 pour la première vente et par acte du 17 novembre 1989 pour la dernière cession.

Sur la servitude légale

Monsieur [Y] soutient que les intimés occupent de manière indue la servitude de passage prévue au seul profit du lot cadastré EM [Cadastre 10] vendu par acte notarié du 3 avril 1975 aux époux [P] en leur accordant un droit de passage.

Il soutient que les intimés, notamment les consorts [E] se sont volontairement enclavés et ont profité de la voie créée au profit exclusif des époux [GG].

Il soutient qu’il n’est débiteur que de la servitude conventionnelle au profit de ces derniers exclusivement. Il conteste la servitude légale retenue par le tribunal. Il ajoute que les consorts [E] se sont volontairement enclavés en séparant en deux parties basse et haute la parcelle EM [Cadastre 3] et qu’ils sont irrecevables à solliciter un désenclavement.

S’agissant de la parcelle de Mme [KH], il soutient qu’il lui appartient de rouvrir ou d’ouvrir son accès direct sur l'[Adresse 15] au lieu d’user sans aucune autorisation du passage, créé au seul profit des époux [GG].

Monsieur et Mme [E] s’opposent à l’ensemble des demandes de l’appelant.

Mme [KH] et les consorts [A] [L] s’opposent à l’ensemble des demandes de l’appelant.

Ils invoquent le fait que l’ensemble des parcelles sont issues de la division de la parcelle donnée à Monsieur [Y]. Ils soulignent que ladite parcelle n’était pas enclavée à l’origine mais que l’état d’enclave a été créé par l’appelant lui-même au gré des cessions de parcelle l’obligeant à créer un chemin de passage utilisé par tous depuis de très nombreuses années, même si cela n’apparaît pas dans les actes notariés. Ils invoquent les conclusions des rapport d’expertise amiable et judiciaire qui ne sont pas sérieusement contestables sur l’origine de l’état d’enclave et la solution de désenclavement des parcelles proposée.

Ils ajoutent que le chemin proposé correspond manifestement à celui le plus court et le moins dommageable conformément aux dispositions de l’article 683 du code civil.

Sur quoi,

Sur l’origine de l’état d’enclave

En vertu des dispositions de l’article 684 du code civil, si l’enclave résulte de la division d’un fonds par suite d’une vente, d’un partage ou de tout autre contrat, le passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l’objet de ces actes.

Toutefois, dans le cas où un passage suffisant ne pourrait être établi sur le fonds divisés, l’article 682 serait applicable.

Il est admis en droit (Cassation 3ème chambre civile 12 mai 2009 numéro 08-13.421 qu’il appartient au juge de rechercher, si l’état d’enclave du terrain n’est pas volontaire.

Les intimés versent aux débats le rapport rédigé par Monsieur [C] qui conclut de manière suivante :

« Lorsque les époux [L] [A] ont acquis la parcelle EM [Cadastre 4] en 2006, celle-ci était physiquement desservie par l’allée litigieuse. Mais l’acte ne mentionnait que l’ancienne servitude [Adresse 15] qui n’avait plus lieu d’être puisque cette rue était devenue publique. Ceci démontre que l’allée litigieuse était alors d’usage commun entre les riverains, qu’il n’y avait pas de contestation sur ce point et donc que les contractants ont cru que le droit de passage sur le chemin de propriété mentionné dans les divers titres se référait à cette allée.

Cette allée litigieuse est l’évolution d’un sentier qui existait déjà en 1971 et qui servait de desserte interne des différentes cases situées sur la propriété d'[D] [Y]. Lorsqu’en 1972 celui-ci vendit à [B] [E] la seconde partie de son terrain ce dernier ne pouvait y accéder qu’en passant par ce sentier. En effet cette seconde portion était séparée de la première par un mur de soutènement de 5,90 m de haut. Le passage existait donc lors du morcellement final du terrain [Y] (vente [GG] en 1975 et [V] [E] en 1989).

Il a ensuite continué à être utilisé sans contestation par l’ensemble des riverains puisqu’en 1994 [V] [E], auteur de Mme [KH] construisit sur sa parcelle une maison dont le garage donnait sur l’allée en cause. Le droit de passage sur cette allée semblait évident au point que lors du morcellement du terrain [E] de 1996 à 2002, les contractants crurent que l’ancienne servitude sur l'[Adresse 15] concernait cette allée.

Dans la mesure où l’accès en cause existait lors du morcellement du terrain d'[D] [Y] et qu’il n’a pas été contesté pendant 46 ans, il semble qu’il puisse être qualifié de servitude par destination du père de famille au sens de l’article 693 du code civil, au bénéfice des ayants droit du propriétaire d’origine. »

Ces conclusions sont confortées par plusieurs témoignages versés aux débats, à savoir :

. L’attestation de Mme [YD] et Monsieur [B] [E] (cf pièce numéro 5 des intimés) qui relatent « qu’ils ont fait l’acquisition des parcelles EM [Cadastre 2] et [Cadastre 3] auprès de Monsieur [Y] en 1969 et 1972. Ils ont construit sur la parcelle EM[Cadastre 3] en empruntant la servitude de passage en terre à cette époque qui longeait le mur en moellons construit par Monsieur [D] [Y] et qui fixe la limite de sa propriété. A la demande de Monsieur [Y] nous avons réalisé les accotements, caniveaux, bétonnage de la servitude à titre gracieux. Nous l’avons viabilisé afin que Monsieur [D] [Y] puisse vendre à Monsieur [GG] la parcelle [Cadastre 10] sur laquelle se trouve le passage. Ainsi les travaux de viabilisation ont ainsi été réalisés avant la vente à Monsieur [GG] en 1975. »

. L’attestation de Monsieur [U] [CO] (pièce numéro 7) relate le 2 mars 2017 « que son oncle Monsieur [S] [CO] habitant sur la parcelle de Monsieur [W] [E] avant l’achat de la part de [E] le petit chemin à a toujours été le seul accès pour aller chez mon oncle. Nous y allions très souvent après l’école chaque jour. »

. L’attestation de Mme [GZ] [OI] (pièce numéro 8) relate « qu’elle a acheté son terrain en 1964 face à la parcelle de Monsieur [Y] [D]. A cette époque existait un chemin en terre qu’empruntait Monsieur [CO] [UC] pour rejoindre sa maison en bois sous tôle. Il a quitté ce lieu à la construction de Monsieur [E] [B]. Ce chemin en terre a ensuite été bétonné avant les constructions des maisons de Monsieur [E] [B], Monsieur [GG] et [PU]. Ce passage continue à desservir les différentes maisons. »

. L’attestation de Mme [RF] en date du 20 février 2017 souligne qu’elle a vécu de 1975 à 1995 au [Adresse 13] au domicile de ses parents et qu’elle a toujours vu les habitants du [Adresse 7] passer par le chemin à pied ou en voiture qui descend de l'[Adresse 15] et qui correspond au passage actuel pour rejoindre les habitations.

Elle l’a elle-même emprunté pour rendre visite à une amie locataire du [Adresse 7] entre 1985 et 1990. A cette époque, ses parents passaient en voiture par ce même chemin. Il n’y a jamais eu un autre passage pour se rendre à cette maison.

. L’attestation de Monsieur [J] en date du 13 février 2017 qui indique que la desserte bétonnée et servant au [Adresse 7] et menant à la propriété de Monsieur [E] est la seule empruntée par moi depuis les années 1976 et qu’il a lui-même participé à sa réalisation étant employé dans l’entreprise de Monsieur [E].

. L’attestation de Monsieur [R] en date du 15 février 2017 qui précise qu’il habite l'[Adresse 15] depuis 1969 et que l’allée où habite Monsieur [E] [W] existait déjà et était en terre. C’est la seule allée et qui mène à son domicile.

Le rapport d’expertise judiciaire de Monsieur [TJ] conclut notamment:

. Que les parcelles EM [Cadastre 3] et EM [Cadastre 4] sont enclavées et que la seule solution de désenclavement est d’emprunter le chemin existant qui a d’ailleurs été toujours utilisé par les défendeurs depuis l’achat de leurs parcelles.

. Que le seul accès possible à la parcelle EM [Cadastre 9] de Mme [KH] est le chemin existant.

. Qu’il existe un dénivelé important pour accéder en contre bas aux parcelles EM [Cadastre 3] et EM [Cadastre 4] et que tout accès des Spinelles par la servitude de passage de la parcelle EM [Cadastre 2] du 14 mai 2003 s’avère impossible.

. Que l’allée existante contestée par Monsieur [Y] est la seule possibilité pour accéder aux parcelle EM [Cadastre 2] et [Cadastre 3] sachant qu’un relevé de terrain effectué avec un technicien démontre que le dénivelé entre la parcelle EM [Cadastre 4] et la parcelle EM [Cadastre 1] est de l’ordre de 16 mètres entre les points F et Q et de 20,60 mètres entre les points F et N ce qui engendre des pentes de terrain qui excluent toute possibilité de création de voie d’accès.

Sur la demande de mise hors de cause présentée par Madame [O] [E]

Mme [O] [E] soutient qu’elle n’emprunte pas le passage litigieux et doit être mise hors de cause. Elle souligne qu’elle est bénéficiaire d’une autre servitude de passage à savoir celle sur la parcelle cadastrée EM [Cadastre 2] appartenant à Mme [SR] [E], épouse [JO]. Elle souligne que sa situation foncière est distincte de celle de Monsieur [W] [E] et que l’amalgame a été effectué à tort par le tribunal. Elle invoque le contenu du rapport d’expertise réalisé par Monsieur [C] le 5 février 2019 qui sera confirmé par le rapport d’expertise judiciaire ultérieur.

L’appelant s’y oppose soutenant qu’il appartient à Mme [O] [E] de prévoir un droit de passage en faveur de son frère [W] [E], copropriétaire indivis de la parcelle EM [Cadastre 3]. Il souligne que ce dernier a fait le choix sans droit, ni titre de desservir sa parcelle en passant par le terrain du concluant. Il ajoute qu’il est admis en droit que les juges du fond doivent raisonner par rapport à l’accessibilité globale du terrain, de sorte qu’une parcelle déjà desservie ne peut, pour des raisons de commodité, exiger un autre accès (cf Cassation 3ème civile 28 janvier 2021 numéro 20-10.777).

Sur quoi,

Il n’est pas contestable au regard des documents versés aux débats et notamment du rapport d’expertise judiciaire que l’immeuble édifié sur la parcelle EM [Cadastre 3] présente deux niveaux distincts, un niveau haut attribué à Mme [O] [E] et un niveau bas attribué à [W] [E], marqué par un dénivelé conséquent de plusieurs mètres (5,90 mètres). Les deux parties d’immeubles ont des entrées distinctes, sans aucune communication entre eux.

En l’état de cette situation, la partie de Mme [O] [E] est situé au même niveau que la parcelle cadastrée EM [Cadastre 2], appartenant à Mme [SR] [E], épouse [JO]. Elle bénéficie d’une servitude de passage conventionnelle sur cette parcelle qui lui permet d’accéder à la voie publique.

Il n’est donc pas contestable que Mme [O] [E] n’utilise pas le passage litigieux sur la propriété de Monsieur [Y].

Au regard de l’ensemble de ces éléments, l’implication de Mme [E] dans le présent litige n’est pas contestable qu’elle que soit son étendue réelle. Sa présence dans le débat était donc nécessaire et il n’est pas conforme à une bonne administration de la justice de la mettre hors de cause.

Sur quoi,

S’agissant de la parcelle EM [Cadastre 9]

Par acte notarié du 17 novembre 1989, Monsieur [Y] a vendu un lot à Monsieur [V] [X] [E]. Cette parcelle, aujourd’hui cadastrée EM [Cadastre 9] appartient désormais à Madame [Z] [KH].

Elle a été acquise par Mme [KH] en vertu d’un acte notarié en date du 24 avril 2003 de Monsieur [PU] et de Mme [PB], aucune servitude de passage n’a été spécifiée dans l’acte. Le rapport conclut en conséquence à l’absence de toute servitude conventionnelle. Il souligne que la configuration de lieux montre qu’il est totalement impossible à Mme [KH] d’accéder en véhicule à sa propriété et à son garage sans utiliser la voie existante contestée par Monsieur [Y].

Monsieur [Y] conteste l’état d’enclave de cette parcelle soutenant qu’elle dispose depuis l’origine d’un accès direct sur l'[Adresse 15] et qu’elle utilise à tort la voie litigieuse.

Mme [KH] souligne que si elle peut disposer d’un accès théorique direct sur la voie publique, l’accès à son garage s’effectue depuis toujours par la voie existante, seul accès possible et ce depuis l’origine de l’acquisition de la parcelle.

Elle ajoute qu’il est admis en droit que l’état d’enclave est reconnu si les travaux nécessaires pour le propriétaire de se ménager un accès sur la voie publique s’avère totalement excessif c’est à dire disproportionné par rapport à la valeur du fonds du bénéficiaire (cf Cassation 1ère 2 mai 1961 numéro 59-11.651).

Sur quoi,

S’il est exact que la parcelle litigieuse peut bénéficier d’un accès sur la voie publique qui longe la parcelle, la cour souligne que, depuis l’origine de la construction sur la parcelle, celle-ci a été implantée en fonction de l’accès sur la voie litigieuse, qui était effectivement plus conforme à la configuration des lieux.

En l’état de la configuration de l’immeuble dont le garage donne sur la voie d’accès litigieuse, la création d’un nouvel accès sur la voie publique serait manifestement d’un coût totalement disproportionné par rapport à la valeur de l’immeuble.

L’état d’enclave de la parcelle EM [Cadastre 9] n’est donc pas sérieusement contestable.

S’agissant des parcelles EM [Cadastre 2] et EM [Cadastre 3]

En vertu d’un acte de donation partage en date du 14 mai 2023, les époux [B] [E] ont donné à leurs enfants :

La parcelle EM [Cadastre 2] à Mme [SR] [E], épouse [JO]

La parcelle EM [Cadastre 3] lot numéro 1 à Monsieur [W] [E]

La parcelle EM [Cadastre 3] lot numéro 2 à Mme [O] [E]

En page 14 sur les servitudes, il est mentionné :

Mme [FN] [SR] [E], donataire aux présentes, déclare constituer à titre de servitude réelle et perpétuelle un droit de passage en tous temps et toutes heures avec véhicules sur la parcelle cadastrée EM [Cadastre 2] au profit de la parcelle cadastrée EM [Cadastre 3] propriété de [O] et [W] [E] ‘.

Il s’exercera le long de la borne Nord de parcelle EM [Cadastre 2] pour permettre l’accès à l'[Adresse 15].

S’agissant de la parcelle EM [Cadastre 4],

Elle a été acquise par Monsieur [CY] [A] et Mme [K] [L] en vertu d’un acte notarié en date du 28 juin 2006, qui mentionne en page 13 sur les servitudes: A ce sujet il est rappelé que l’immeuble attribué à Mme [E] bénéficie d’un droit de passage sur le chemin de propriété qui donne accès à la route CD 42 avec charge d’entretien à frais communs.

Il n’y a donc pas de servitude conventionnelle.

S’agissant de la demande de l’appelant aux fins d’imposer le désenclavement de Monsieur [E] [W], de Mme [H] [L] et de Monsieur [A] en utilisant la parcelle EM [Cadastre 2], la cour relève comme le tribunal que la réalisation d’une servitude de passage est radicalement impossible en l’état de la configuration des lieux et de l’importance du dénivelé entre les parcelles concernées (cf rapport amiable de Monsieur [C] en date du 5 février 2019.). Seul un passage piétons serait envisageable.

Contrairement à ce qui est soutenu par l’appelant, le dénivelé du terrain résulte de l’état naturel et n’a pas été créé par les intimés, mais plutôt subi. La propre parcelle de Monsieur [Y] EM80 comporte d’ailleurs un mur de soutènement relativement important.

Cette conclusion a été confirmée par l’expert judiciaire dans son rapport en date du 25 février 2021 qui note: «la liaison entre la partie basse de la parcelle EM [Cadastre 3] et la servitude sur la parcelle EM [Cadastre 2] était impossible à appliquer de par le dénivelé extrêmement important avec la parcelle EM [Cadastre 2] et la présence de constructions. La parcelle EM [Cadastre 3] est bornée à l’Est par une ravine, qui interdit tout franchissement. Au Sud de la parcelle EM [Cadastre 3], se situe la parcelle EM [Cadastre 4] et au-delà des terrains privés qui ont une origine de propriété différente. L’accès ne peut donc se faire sur ces terrains en application des dispositions de l’article 684 du code civil. La seule possibilité est donc d’emprunter le chemin existant et de créer une servitude de terrain sur la partie de terrain ABCHGFEDA qui correspond à la voie existante et dont la superficie est de 180 m² »

L’état d’enclave des parcelles EM [Cadastre 3] (partie basse de [W] [E]) et [Cadastre 4] n’est donc pas sérieusement contestable au regard de l’ensemble de ces éléments.

Il se déduit du rapport de l’expert ayant recherché l’origine des parcelles à désenclaver que les parcelles sont issues d’une même parcelle originelle, suite aux différentes cessions d’un même fonds existant alors.

L’état d’enclave potentiel résulte donc des ventes successives réalisées par Monsieur [Y] et les vendeurs ultérieurs.

Il est également amplement établi que Monsieur [Y] a accepté le passage des intimés et de leurs vendeurs sur cette voie depuis l’origine du démembrement de sa propriété, ce qui explique que les actes de vente ne font pas état de servitudes conventionnelles, à l’exception de la parcelle EM [Cadastre 10] des époux [GG].

A cet égard, la présente procédure initiée par Monsieur [Y] apparaît pour le moins surprenante, comme le tribunal l’a déjà justement relevé.

En l’état de cette tolérance depuis l’origine de la création des parcelles, il n’y pas lieu de considérer que l’état d’enclave a été volontairement créé par les intimés, comme le soutient l’appelant.

Sur la détermination de l’assiette de la servitude de passage.

Si l’ensemble des parcelles concernées sont toutes issues de la division d’un même fonds d’origine appartenant à l’appelant, ce qui implique que le passage ne pourrait être créé que sur les parcelles objets de ces ventes en vertu de l’article 684 du code civil, les deux rapports d’expertise amiable et judiciaire démontrent amplement que cela est impossible en raison de la configuration du terrain.

En conséquence, il appartient à la cour de déterminer l’assiette de la servitude de passage uniquement sur les parcelles issues de la division de la parcelle en faisant application des dispositions des articles 682 et 683 du code civil qui prévoient que le passage doit être régulièrement pris du côté où le trajet est le plus court du fonds enclavé à la voie publique. Néanmoins, il doit être fixé dans l’endroit le moins dommageable à celui sur le fonds auquel il est accordé.

Les emprises de servitude proposées par l’expert judiciaire sur la voie existante seront donc confirmées, aucune autre solution n’étant envisageable.

Le jugement sera intégralement confirmé sur ce point.

Sur l’indemnisation du fonds servant

Vu l’article 682 du code civil,

L’expert judiciaire sur ce point a proposé :

. Pour la parcelle EM [Cadastre 9] une emprise de servitude en ABCDA d’une superficie de 81 m² et une indemnisation d’un montant de 324€.

. Pour la parcelle EM [Cadastre 3] une emprise de servitude en ABCHGFEDA d’une superficie de 180 m² et une indemnisation d’un montant de 720€,

. Pour la parcelle EM [Cadastre 4] une emprise de servitude en ABCHGFEDA d’une superficie de 180 m² et une indemnisation d’un montant de 720€,

Il est admis en droit que l’indemnisation accordée en la matière est de l’ordre de 0 à 50% de la valeur du terrain au regard de l’ampleur du dommage causé.

L’expert a chiffré la valeur du m² des parcelles à la somme de 400€.

Il a indiqué que le dommage était minime pour Monsieur [Y] dans la mesure où les nuisances sonores engendrées par le passage des véhicules sont très faibles compte tenu de la situation de la servitude en contrebas de sa propriété et que la création de la servitude n’entraîne aucune aggravation de la situation actuelle. En conséquence il a proposé l’application d’un coefficient d’un pour cent (1%).

Monsieur [Y] sollicite l’infirmation du jugement sur l’indemnisation au motif qu’il n’y a pas d’état d’enclave.

Les intimés sollicitent la confirmation du jugement à l’exception de la condamnation de Mme [E] à payer l’indemnité d’occupation.

Sur quoi,

Il est effectivement démontré que Mme [E] n’utilise pas la voie litigieuse pour desservir la partie haute de la parcelle qu’elle occupe. La demande de condamnation à une indemnité d’occupation la concernant sera donc rejetée et le jugement infirmé uniquement sur ce point.

Le jugement sera confirmé sur les indemnisations allouées pour le surplus.

Sur les demandes d’interdiction de passage sous astreinte et d’enlèvement présentées par Monsieur [Y]

En l’état des décisions sus-évoquées sur l’état d’enclave des parcelles concernées et des solutions de désenclavement adoptées, les demandes d’interdiction de passage et d’enlèvement présentées par l’appelant ne peuvent qu’être rejetées.

Sur les demandes de dommages et intérêts présentées par Monsieur [Y]

I-Sur la demande au titre de la privation de jouissance.

Monsieur [Y] réclame l’octroi d’une somme de 25.000€ à ce titre.

Les intimés s’y opposent.

Sur quoi,

Il est amplement établi par les éléments sus-évoqués que la voie de passage litigieuse a été utilisée par les intimés depuis de très nombreuses années avec l’assentiment manifeste de Monsieur [Y], qui de manière étonnante est venu contester cette utilisation très tardivement et de manière infondée.

En conséquence, sa demande d’indemnisation de ce chef ne peut qu’être rejetée.

II-Sur la demande au titre du préjudice moral

Monsieur [Y] réclame l’octroi d’une somme de 10.000€ à ce titre.

Les intimés s’y opposent.

Sur quoi,

Monsieur [Y] n’a pas motivé sa demande en réparation du préjudice moral qu’il invoque.

Cette demande sera rejetée pour les mêmes motifs que ci-dessus.

Sur les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive

Sur les demandes présentées par Mme [KH], Monsieur [A] et Mme [L], Mme [O] [E] et Monsieur [W] [E]

Les intimés réclament à ce titre l’octroi à chacun d’une somme de dix mille Euros (10.000€). Ils invoquent l’acharnement procédural de l’appelant totalement infondé.

Monsieur [Y] s’y oppose.

Si le comportement procédural de Monsieur [Y], âgé à ce jour de 86 ans, est pour le moins surprenant, de même que son acharnement à diligenter une procédure d’appel d’un jugement parfaitement motivé, alors qu’il a accepté pendant de très nombreuses années, l’utilisation de la voie de passage par les intimés, la cour relève cependant que la présente procédure a au moins un intérêt, celui de fixer clairement l’existence de servitudes de passages en faveur des parcelles des intimés, qui ne bénéficiaient jusqu’à ce jour d’aucune servitude conventionnelle à tort.

En conséquence le caractère manifestement abusif de la procédure n’est pas suffisamment caractérisé.

Les demandes de dommages et intérêts de ce chef seront rejetées.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les frais irrépétibles

L’équité commande de rejeter la demande de frais irrépétibles présentée par Monsieur [D] [Y].

Il serait inéquitable de laisser supporter aux intimés les frais irrépétibles exposés à l’occasion de la présente procédure d’appel.

En conséquence, Monsieur [D] [Y] devra verser:

A Monsieur [W] [E] et à Mme [O], [FN], [G] [E] globalement la somme de trois mille euros (3000€) sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

A Monsieur [CY], [M] [A], Mme [K], [H] [L] et à Mme [Z], [ZO], [T] [KH] globalement la somme de quatre mille euros (4.000€) sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur les dépens

Vu l’article 696 du code de procédure civile

Les dépens seront supportés par Monsieur [D] [Y], qui succombe.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, en matière civile, par mise à disposition au greffe conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Confirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions, à l’exception de la condamnation de Mme [O] [E] à payer l’indemnité de jouissance d’un montant de 720 euros au profit de Monsieur [D] [Y] ;

Y ajoutant,

Condamne Monsieur [D] [Y] à verser à :

Mme [Z] [ZO] [T] [KH], Mme [K] [H] [L], Monsieur [CY] [M] [A] globalement :

-La somme de quatre mille euros (4.000€) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Monsieur [W] [E] et à Mme [O] [E] globalement :

-La somme de trois mille cinq cents euros (3000€) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de mise hors de cause Mme [O] [E] ;

Dit que Monsieur [D] [Y] supportera les dépens de la procédure, en ce compris les frais d’expertise judiciaire.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

 


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