Nuisances sonores : décision du 19 décembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 23/00782

·

·

Nuisances sonores : décision du 19 décembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 23/00782
Je soutiens LegalPlanet avec 5 ⭐

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 51A

1re chambre 2e section

ARRET N°

PAR DEFAUT

DU 19 DECEMBRE 2023

N° RG 23/00782 – N° Portalis DBV3-V-B7H-VVGJ

AFFAIRE :

S.A. HLM INTERPROFESSIONNELLE DE LA REGION PARISIENNE, SOCIETE ANONYME HLM INTERPROFESSIONNELLE DE LA REGION PARISIENNE

C/

M. [U] [L]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Novembre 2022 par le Juge des contentieux de la protection de Vanves

N° RG : 1122000399

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 19/12/23

à :

Me Ondine CARRO

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF DECEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A. HLM INTERPROFESSIONNELLE DE LA REGION PARISIENNE, SOCIETE ANONYME HLM INTERPROFESSIONNELLE DE LA REGION PARISIENNE

Ayant son siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Maître Ondine CARRO, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C212 – N° du dossier 14965

Représentant : Maître Karim BOUANANE de l’ASSOCIATION LEGITIA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1971 –

APPELANTE

****************

Monsieur [U] [L]

[Adresse 2],

[Localité 3]

Assigné à étude

INTIME DEFAILLANT

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 09 Novembre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne THIVELLIER, Conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe JAVELAS, Président,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Anne THIVELLIER, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,

EXPOSE DU LITIGE

Selon contrat en date du 26 juin 2015, la société Interprofessionnelle de la Région Parisienne a donné à bail à M. [L] un studio n°A44, sis [Adresse 2]).

Par contrat en date du 6 février 2018, la société Interprofessionnelle de la Région Parisienne a consenti à M. [L] un bail sur un emplacement de stationnement n°153 (lot 5042) situé à la même adresse.

Par acte d’huissier de justice du 4 août 2022, la société Interprofessionnelle de la Région Parisienne a assigné M. [L] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Vanves aux fins de voir :

– prononcer la résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs de M. [L],

– ordonner l’expulsion immédiate de M. [L] et de tous occupants de son chef avec l’assistance de la force publique et d’un serrurier s’il y a lieu, et ce sans le bénéfice du délai de deux mois prévu par l’article L 412-1 du code des procédures civiles d’exécution,

– ordonner le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux dans un garde-meuble qu’il désignera ou tel autre lieu au choix du bailleur et ce, en garantie de toutes sommes qui pourront être dues, aux frais risques et périls de M. [L],

– condamner M. [L] à lui payer des indemnités d’occupation dont les montants correspondront aux loyers actualisés, augmentés des charges, tels que M. [L] les réglait, et ce, à compter de la résiliation des baux jusqu’à parfaite libération des locaux par la remise des clés, un procès-verbal d’expulsion ou de reprise,

– condamner M. [L] à lui payer une somme de 800 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par jugement contradictoire du 17 novembre 2022, le juge des contentieux et de la protection du tribunal de proximité de Vanves a :

– débouté la société Interprofessionnelle de la Région Parisienne de l’ensemble de ses prétentions,

– condamné la société Interprofessionnelle de la Région Parisienne aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 3 février 2023, la société Interprofessionnelle de la Région Parisienne a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 25 avril 2023, elle demande à la cour de :

– la déclarer recevable et bien fondée en ses présentes écritures,

– infirmer le jugement en date du 17 novembre 2022, rendu par le juge des contentieux et de la protection de Vanves en ce qu’il l’a:

* déboutée de l’ensemble de ses prétentions,

* condamnée aux dépens,

Statuant à nouveau,

– juger que M. [L] a commis des nuisances locatives,

– juger que M. [L] a enfreint les dispositions de son contrat de bail et de l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989,

– prononcer la résiliation judiciaire du bail en date du 26 juin 2015 sur le local à usage d’habitation sis [Adresse 2] et du bail en date du 6 février 2018 sur l’emplacement de stationnement n°153 sis [Adresse 2] et ce, aux torts exclusifs du preneur,

En conséquence,

– ordonner l’expulsion immédiate de M. [L], et de tous occupants de son chef et ce, avec l’assistance du commissaire de police et de la force publique et d’un serrurier, s’il y a lieu,

– supprimer le bénéfice, au profit de M. [L], du délai de deux mois prévu à l’article L 412-1 du code des procédures civiles d’exécution,

– ordonner le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux dans un garde-meuble qu’il désignera ou tel autre lieu au choix du bailleur et ce en garantie de toutes sommes qui pourront être dues, aux frais, risques et périls de M. [L],

– condamner M. [L] à lui payer des indemnités d’occupation dont les montants correspondront aux loyers actualisés, augmentés des charges, tels que M. [L] les réglait et ce, à compter de la résiliation des baux jusqu’à parfaite libération des locaux par remise des clés, un procès-verbal d’expulsion ou de reprise,

– condamner M. [L] à lui payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, de première instance et d’appel.

M. [L] n’a pas constitué avocat. Par acte de commissaire de justice délivré le 7 avril 2023, la déclaration d’appel lui a été signifiée par remise à l’étude. Par acte de commissaire de justice en date du 12 mai 2023, les conclusions de l’appelante lui a été signifiées par remise à l’étude.

L’arrêt sera donc rendu par défaut en application de l’article 474 alinéa 2 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 5 octobre 2023.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il convient de rappeler, qu’en application de l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Il n’est alors fait droit à la demande que dans la mesure où elle est régulière, recevable et bien fondée.

Sur la résiliation du bail

La société Interprofessionnelle de la Région Parisienne fait grief au premier juge de l’avoir déboutée de sa demande de résiliation du bail au motif qu’elle ne respectait pas la clause du bail prévoyant une sommation préalable adressée au locataire afin qu’il adopte un comportement conforme aux conditions générales du contrat de location tout en soulignant que les faits reprochés à M. [L], répétés, multiples et graves, manifestement de nature à créer un climat d’insécurité dans un immeuble collectif, étaient susceptibles de justifier la résiliation du bail.

Elle fait valoir que M. [L] cause des troubles du voisinage et ne jouit pas paisiblement du local loué en contrariété avec les articles 1728 du code civil, 7 b de la loi du 6 juillet 1989 et R. 1334-31 du code de la santé publique. Elle relève que bien que connaissant parfaitement les termes du bail, M. [L] multiplie les infractions à ce contrat et aux dispositions légales, y compris depuis le jugement déféré.

Elle soutient que les locataires sont terrorisés par M. [L] qui agit en toute impunité et qu’elle se doit de garantir la sécurité de son personnel et de ses salariés, étant débitrice à leur égard d’une obligation de sécurité de résultat. Elle affirme que M. [L] attente à la sécurité de la gardienne qui a peur d’être en contact avec lui et qu’il n’a cessé de s’en prendre à elle depuis le jugement dont appel. Elle relève que la jouissance paisible comprend celle de ne pas troubler la jouissance des locataires voisins et de ne pas agresser le personnel du bailleur.

Elle conclut que les actes dénoncés ci-dessus sont constitutifs de manquements graves aux obligations tant légales que conventionnelles pensant sur le locataire indépendant d’une mise en demeure préalable, devant être sanctionnés par la résiliation du bail.

Sur ce,

Aux termes de l’article 7 b) de la loi du 6 juillet 1989 que le locataire est obligé d’user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location.

En application de l’article 1228 du code civil dispose que le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l’exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.

Dans le cadre de la résiliation d’un bail, il appartient au juge de vérifier si les manquements invoqués par le bailleur sont établis et s’ils sont suffisamment graves pour justifier la résiliation aux torts du locataire.

En l’espèce, le contrat de bail, signé par les parties, mentionne, au titre des conditions générales de la location et des obligations du locataire que celui-ci :

– est tenu d’user paisiblement des lieux loués suivant la destination qui lui a été donnée par le contrat de location.

– s’engage, en outre, à satisfaire à diverses obligations concernant la tenue générale de l’immeuble et de ses voisins ainsi que le respect de règlements élémentaires d’hygiène et de police.

– est tenu de jouir des lieux calmement en s’interdisant tout acte pouvant nuire à la tranquillité des voisins; en conséquence, tous actes brutaux, rixes, scènes de désordre sont formellement interdites.

Il dispose en outre dans son article VII (Dénonciation du contrat du contrat de bail – résiliation du contrat par le bailleur) que ‘En cas d’inexécution des conditions qui précèdent et plus spécialement en cas de nuisances à la tranquillité ou à la sécurité des voisins, un mois après une sommation de se conformer aux clauses de ce contrat restées infructueuse, le présent contrat de location pourra être résilié et l’expulsion du locataire et de quiconque, pourra être poursuivie par le bailleur devant le tribunal d’instance.’

La société Interprofessionnelle de la Région Parisienne verse aux débats de nombreux courriels de la gardienne de l’immeuble (2 août 2021, 21 octobre 2021, 11 novembre 2021, 3 décembre 2021, 28 mars 2022, 12 mai 2022) faisant état d’un comportement agressif, d’insultes, de propos menaçants et parfois incohérents de la part de M. [L], et de coups portés sur la vitre de la porte de son bureau. Elle y fait part de ses craintes à l’égard de l’intimé qui est selon elle dangereux et malade et en rupture de soins.

L’appelante produit également:

– la plainte de M. [B] du 25 mars 2022 qui fait état de différends avec M. [L], résidant au-dessus de son domicile, qui l’accuse de regarder à travers la caméra de son ordinateur. Il explique avoir reçu ce jour-là un appel de son épouse pour lui dire que M. [L] tapait sur le murs des parties communes et qu’en rentrant à son domicile, celui-ci lui a sauté dessus et a essayé de le frapper à plusieurs reprises avant de lui courir après et de le menacer à plusieurs reprises. Il ajoute qu’avant l’arrivée de la police, il a frappé violemment un autre voisin, M. [T].

– la plainte de M. [T], voisin, du 26 mars 2022 qui indique que la veille, il était en train de fermer la porte de sa voiture quand un individu est arrivé sans rien lui dire, a commencé à le frapper (coup de poing au niveau du torse gauche), l’a poussé et lui a donné deux coups de pieds sur le dos. Il lui a dit: ‘que s’il me croisait dans la rue, ce sera pire’. Il ressort de ce procès-verbal que M. [L] était alors en garde à vue dans les locaux de la police.

– l’attestation de Mme [H], épouse de M. [T], du 25 mars 2022 qui relate des nuisances sonores survenues vers 17h30, à savoir que M. [L] montait et descendait en tapant dans les coffrages de chaque étage jusque 18h30 / 19h ainsi que les violences subies par son époux et M. [T]. Elle fait état de leur peur de sortir de chez eux au vu du comportement de M. [L].

Il résulte des courriels de la gardienne (pièce 11 et 13) que M. [T] et sa famille ont par la suite quitté leur appartement avec leurs enfants pour aller dans leur famille et que M. [B] [O] est parti au pays étant en dépression.

Il apparaît en outre que ce comportement inquiétant de M. [L] a perduré après la délivrance de l’assignation et le jugement, ainsi qu’il en ressort des courriels de la gardienne (2et 5 août et 7 décembre 2022) qui y relate le comportement énervé et agressif de M. [L] qui a de nouveau tapé très fort contre la vitre de son bureau entraînant un sentiment d’insécurité chez cette employée de la bailleresse.

Il sera ajouté que le premier juge avait relevé que M. [L] avait convenu avoir été à l’origine de nuisances et d’altercations qui avaient justifié une mesure de garde à vue.

Ainsi, il est établi que le comportement et les agissements agressifs, dangereux et imprévisibles de M. [L], tant à l’égard de voisins que de la gardienne de l’immeuble, de nature à créer un climat d’insécurité dans un immeuble collectif comme l’a justement relevé le premier juge, sans que ce point soit contesté en cause d’appel, constituent une violation grave à l’une des clauses essentielles du bail qui lui impose de n’importuner quiconque par son attitude et de quelque façon que ce soit.

Le caractère répété et la gravité de ces faits justifient de prononcer la résiliation des baux et ce même en l’absence de sommation préalable adressée au locataire par le bailleur, étant rappelé qu’une action en résiliation judiciaire du bail n’a pas à être précédée d’une mise en demeure préalable et que l’assignation suffit à mettre en demeure la partie qui n’a pas rempli son obligation.

Il convient en conséquence d’ordonner l’expulsion de M. [L] et celle de tous occupants de son chef selon les modalités prévues au dispositif, étant précisé qu’il y a lieu de supprimer le délai de deux mois pour procéder à l’expulsion prévu par l’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution, compte tenu de la nature et de la réitération des faits reprochés au locataire.

Le sort des meubles sera réglé selon les dispositions des des articles L 433-1 et L 433-2 du Code des procédures civiles d’exécution.

Enfin, M. [L] sera condamné au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du loyer qui aurait été dû si les baux s’étaient poursuivis, augmenté des charges, à compter de la résiliation des baux et jusqu’à la libération des lieux se matérialisant soit par l’expulsion, soit par la remise des clés.

Le jugement déféré est en conséquence infirmé de ces chefs.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

M. [L], qui succombe, doit être condamné aux dépens, les dispositions du jugement critiqué relatives aux dépens de première instance et à l’article 700 du code de procédure civile étant infirmées.

La somme qui doit être mise à la charge de M. [L] au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance et en cause d’appel par la société Interprofessionnelle de la Région Parisienne peut être équitablement fixée à 1 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt rendu par défaut et par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Prononce, aux torts exclusifs de M. [L], la résiliation judiciaire des baux conclus entre la société Interprofessionnelle de la Région Parisienne et M. [L] le 26 juin 2015 portant sur le logement n°A44, sis [Adresse 2]) et le 6 février 2018 portant sur un emplacement de stationnement n°153 (lot 5042) situé [Adresse 2]) ;

Par conséquent,

Ordonne, à défaut de départ volontaire des lieux, l’expulsion de

M. [L] et celle de tous occupants de son chef, avec l’assistance de la force publique et d’un serrurier si besoin est ;

Supprime le délai de deux mois prévu à l’article l’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution ;

Dit que le sort des meubles sera réglé selon les dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d’exécution ;

Condamne M. [L] à verser à la société Interprofessionnelle de la Région Parisienne une indemnité mensuelle d’occupation égale au montant du loyer qui aurait été dû si les baux s’étaient poursuivis, augmenté des charges, à compter de la résiliation des baux et jusqu’à la libération des lieux se matérialisant soit par l’expulsion, soit par la remise des clés ;

Condamne M. [L] à verser à la société Interprofessionnelle de la Région Parisienne la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [L] aux dépens de première instance et d’appel.

– prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x