Nuisances sonores : décision du 21 décembre 2023 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 22/00626

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Nuisances sonores : décision du 21 décembre 2023 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 22/00626
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ARRÊT N°23/

CO

R.G : N° RG 22/00626 – N° Portalis DBWB-V-B7G-FV42

[F]

C/

[Z]

RG 1èRE INSTANCE : 21/01193

COUR D’APPEL DE SAINT- DENIS

ARRÊT DU 21 DECEMBRE 2023

Chambre civile TGI

Appel d’une décision rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE SAINT-PIERRE en date du 18 FEVRIER 2022 RG n°: 21/01193 suivant déclaration d’appel en date du 12 MAI 2022

APPELANT :

Monsieur [T] [D] [F]

[Adresse 8]

[Localité 7]

Représentant : Me Jean claude DULEROY, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

INTIME :

Monsieur [K] [X] [Z]

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentant : Me Farid ISSE-ALY, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

CLÔTURE LE : 23/03/2023

DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été appelée à l’audience publique du 22 septembre 2023 devant Monsieur Cyril OZOUX, Président de chambre, assisté de Sarah HAFEJEE, greffière, les parties ne s’y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué, à l’issue des débats, que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 22 novembre 2023. A cette date, le délibéré a été prorogé au 21 décembre 2023.

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Monsieur Cyril OZOUX, Président de chambre

Conseiller : Madame Chantal COMBEAU, Présidente de chambre

Conseiller : Monsieur Vincent ALDEANO-GALIMARD, Président de chambre

Qui en ont délibéré

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 21 décembre 2023.

Greffière lors de la mise à disposition : Madame Nathalie BEBEAU.

* * *

LA COUR

EXPOSÉ DU LITIGE

1- M. [T] [D] [F] est propriétaire d’une parcelle de terrain sise [Adresse 5] à [Localité 7], cadastrée HD [Cadastre 4], qui supporte une servitude de passage au profit de deux autres parcelles, respectivement cadastrées HD [Cadastre 2] et HD [Cadastre 1], propriété de Mme [L] [J] [A] et de M. [K] [X] [Z].

2- Soutenant que M. [K] [X] [Z], propriétaire de la parcelle cadastrée HD [Cadastre 1], a installé des boîtiers électriques et téléphoniques sur l’assiette de la servitude de passage, M. [T] [D] [F] a saisi le tribunal judiciaire de Saint-Pierre par acte d’huissier du 22 avril 2021 aux fins de voir ordonner la libération de la servitude et rétablir les bornes entre les parcelles HD [Cadastre 1] et HD [Cadastre 2].

3- Par jugement rendu le 18 février 2022, le Tribunal judiciaire de Saint-Pierre a :

– Déclaré recevable les demandes de M. [T] [F] ;

– Débouté les parties de l’ensemble de leurs prétentions ;

– Condamné M. [T] [F] à payer à M. [K] [X] [Z] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

3- Par déclaration enregistrée au greffe le 13 mai 2022, M. [T] [D] [F] a interjeté appel de ce jugement.

4- Aux termes de ses dernières écritures communiquées par RPVA le 30 janvier 2023, M. [T] [D] [F] a demandé à la cour de :

– CONFIRMER le jugement rendu le 18 février 2022 par le tribunal judiciaire de Saint-Pierre en ce qu’il a déclaré recevables les demandes de M. [T] [D] [F] et débouté M. [K] [X] [Z] de ses prétentions;

– INFIRMER le jugement rendu le 18 février 2022 par le Tribunal judiciaire de Saint-Pierre en ce qu’il a débouté M. [T] [D] [F] de ses demandes et également en ce qu’il l’a condamné à payer à M. [K] [X] [Z] la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance ;

ET STATUANT A NOUVEAU :

– CONDAMNER M. [K] [X] [Z] à libérer l’assiette du chemin de servitude partant de la voie dénommée [Adresse 5] et aboutissant aux parcelles situées sur la Commune de [Localité 7], cadastrées section HD n° [Cadastre 1] et HD n° [Cadastre 2], en procédant à l’enlèvement des boîtiers électriques (EDF) et téléphoniques qu’il a installés dans ce chemin, et ce dans le délai d’un mois à compter de la signification de l’arrêt à intervenir ;

– DIRE que cette condamnation sera assortie d’une astreinte d’un montant de 100 euros par jour de retard, laquelle commencera à courir un mois à compter de la signification de l’arrêt à intervenir et jusqu’à l’enlèvement des boîtiers électriques (EDF) et téléphoniques du chemin de servitude ;

– CONDAMNER M. [K] [X] [Z] à payer à M. [T] [D] [F] la somme de 1275,99 euros en réparation de son préjudice matériel;

– DÉBOUTER M. [K] [X] [Z] de l’ensemble de ses prétentions;

– CONDAMNER M. [K] [X] [Z] à payer à M. [T] [D] [F] la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure

civile ;

– CONDAMNER M. [K] [X] [Z] aux entiers dépens de première instance

et d’appel.

5- Pour l’essentiel, M. [T] [D] [F] fait valoir :

– que le propriétaire d’un terrain grevé d’une servitude de passage conserve le droit d’user de son assiette sauf disposition contraire de l’acte constitutif de la servitude ;

– que le propriétaire du fonds dominant ne peut jouir de la servitude que suivant son titre ou suivant les besoins de son fonds sans pouvoir aggraver la situation du fonds servant ;

– qu’il emprunte pour partie le passage existant afin d’accéder sur sa propriété;

– que les boîtiers électriques (EDF) et téléphoniques installés par M. [X] [Z] sur l’assiette de la servitude de passage ont pour effet de réduire la largeur du chemin de servitude de 3,50 m à 3,13, ce qui gène la circulation des véhicules ;

– qu’en installant des boîtiers sur l’assiette de la servitude, M. [X] [Z] a commis une faute dont il doit réparer les conséquences dommageables ;

– que l’entretien du chemin incombe au propriétaire du fonds dominant.

7- Par des écritures transmises par RPVA le 27 février 2023, M. [K] [X] [Z] a demandé à la cour de :

– CONFIRMER le Jugement du Tribunal Judiciaire de Saint-Pierre du 18 février 2022 en ce qu’il a jugé que la présence du boîtier électrique raccordé au réseau EDF pour alimenter en électricité l’habitation de M. [Z] [K] [X] sur sa parcelle HD [Cadastre 1] ne constitue pas une gêne à la circulation sur la servitude de passage ;

– INFIRMER le Jugement du Tribunal Judiciaire de Saint-Pierre du 18 février 2022 en ce qu’il a débouté M. [Z] [K] [X] de sa demande de réparation au titre du trouble anormal de voisinage ;

STATUANT A NOUVEAU

– CONDAMNER M. [F] [T] [D] à entretenir les abords de sa parcelle HD [Cadastre 4] et à cesser immédiatement toutes les nuisances sonores et olfactives causées par la présence de ses animaux sur la parcelle nue HD [Cadastre 2] (chiens, oies et les pintades), et ce sous astreinte de 100,00 € par jour à compter de la signification de la décision à intervenir ;

– CONDAMNER M. [F] [T] [D] à payer à M. [Z] [K] [X] une somme de 3.000,00 € en réparation de son préjudice moral ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE

– CONDAMNER M. [F] [T] [D] à payer à M. [Z] [K] [X] une indemnité de 4.000,00 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens tant de l’instance d’appel que de première instance ;

– ET DIRE QUE, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile, Maître Farid ISSE pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l’avance sans en avoir reçu provision.

8- Pour l’essentiel, M. [K] [X] [Z] fait valoir :

– que les titres de propriété n’ont organisé aucune servitude de passage au profit de M. [F] [T] [D], dont la parcelle HD [Cadastre 4] n’est pas enclavée ;

– que la parcelle HD [Cadastre 4] de M. [F] [T] [D] n’est grevée d’une servitude que sur une bande de 2,50 mètres de large de sorte qu’il n’est pas autorisé à utiliser sur toute sa largeur l’assiette de la servitude ;

– que la preuve n’est pas rapportée que l’assiette de la servitude est effectivement rétrécie à 3.13 m du fait de la présence des boîtiers litigieux ;

– que les véhicules de toutes dimensions peuvent circuler sur l’assiette de la servitude sans rencontrer d’obstacle ;

– que le lieu d’implantation du boîtier EDF litigieux ne relève pas d’un choix personnel de sa part, mais des préconisations techniques du concessionnaire EDF ;

– qu’un déplacement du boîtier n’est pas possible ;

– que les chiens et autres animaux de basse-cour de M. [F] [T] [D] lui causent des nuisances sonores et olfactives anormales qu’il est en droit de voir cesser.

9- La procédure a été clôturée par une ordonnance du 23 mars 2023.

10- La cause a été appelée à l’audience du 22 septembre 2023.

MOTIFS

Sur les demandes de M. [T] [F] :

En ce qui concerne l’enlèvement des boîtiers recevant les éléments nécessaires à l’alimentation électrique du fonds de M. [Z] [K] [X] :

11- Aux termes des dispositions de l’article 702 du code civil, celui qui a un droit de servitude ne peut en user que suivant son titre, sans pouvoir faire dans le fonds qui doit la servitude de changement qui aggrave sa condition.

12- En outre, l’assiette d’une servitude de passage reste la propriété du fonds servant de sorte que son propriétaire conserve sur celle-ci, sauf convention contraire, un droit d’usage et de jouissance concurrent à celui du propriétaire du fonds dominant.

13- En l’espèce, il est établi par les pièces versées aux débats que les parcelles litigieuses appartenaient à l’origine à un même fonds, propriété d’une indivision, laquelle a fait l’objet d’un partage par acte du 10 novembre 2006.

14- Lors de ce partage, emportant morcellement du fonds d’origine en 4 parcelles distinctes (HD [Cadastre 1], HD [Cadastre 2], HD [Cadastre 3] et HD [Cadastre 4]), une servitude de passage a été instituée, pour l’usage et l’utilité de la parcelle HD [Cadastre 1], sur une bande de 3,50 m de large, prise en limite de propriété sur les parcelles HD [Cadastre 3] et HD [Cadastre 4] qui se confrontent.

15- L’assiette de la servitude de passage a été répartie entre les parcelles HD [Cadastre 3] et HD [Cadastre 4], la parcelle cadastrée HD [Cadastre 3] supportant la servitude sur une largeur de 1 m et la parcelle cadastrée HD [Cadastre 4], propriété de M. [F] [T] [D], sur celle de 2, 50 m.

16- La procédure révèle aussi que M. [F] [T] [D] accède à son fonds en empruntant l’assiette de la servitude.

17- Il est constant enfin que M. [Z] [K] [X] a fait installer sur l’assiette de la servitude deux boîtiers pour l’alimentation en électricité de son fonds.

18- Ces installations sont contraires aux stipulations du titre dont peut se prévaloir M. [Z] [K] [X] lequel prévoit que le passage doit être libre à toute heure du jour et de la nuit, sans jamais être encombré ni obstrué.

19- Au droit des boîtiers, le passage se voit nécessairement réduit ce qui inévitablement rend moins commode le passage d’un véhicule.

20- Il ressort cependant des propres pièces de M. [F] [T] [D], en particulier le procès-verbal de constat dressé par Maître [N], huissier de justice à [Localité 7] le 10 juin 2022 et le plan de bornage réalisé à sa demande par ATLAS GEO CONSEIL, que les boîtiers litigieux ont été implantés sur la partie du passage supportée par la parcelle HD [Cadastre 3].

21- M. [F] [T] [D] ne peut se prévaloir d’aucun droit d’usage sur cette partie de l’assiette de la servitude dans la mesure où il n’est pas le propriétaire de la parcelle HD [Cadastre 3].

22- Il ne dispose d’aucun titre l’autorisant à se prévaloir de la servitude de passage litigieuse, un accès direct à son fonds depuis le [Adresse 5] étant d’ailleurs parfaitement possible hors le passage litigieux.

23- C’est par conséquent à bon droit que le premier juge l’a débouté de sa demande aux fins d’enlèvement des boîtiers litigieux.

En ce qui concerne la demande de dommages et intérêts :

24- En procédant à l’installation des boîtiers litigieux sur l’assiette de la servitude de passage, M. [K] [X] [Z] a méconnu les obligations résultant de son titre.

25- Il a commis une faute susceptible d’engager sa responsabilité en application des dispositions de l’article 1240 du code civil.

26- M. [F] [T] [D] ne rapporte pas la preuve cependant que les dommages dont il demande réparation sont en lien de cause à effet direct avec la faute de M. [K] [X] [Z].

27- La décision du premier juge sera sur ce point également confirmée.

Sur les demandes reconventionnelles de M. [K] [X] [Z] :

En ce qui concerne le trouble du voisinage :

28- Toute situation de voisinage représente nécessairement un trouble lequel ne devient fautif que lorsqu’il est établi qu’il présente un caractère anormal.

29- Ainsi, les aboiements d’un chien et plus généralement les bruits ou les odeurs inhérents à l’élevage d’animaux, ne peuvent constituer un trouble anormal du voisinage qu’au-delà d’une certaine fréquence ou intensité.

30- En l’espèce, M. [K] [X] [Z] a produit deux témoignages (MM [S] et [M]) faisant état de la présence d’animaux bruyants, à l’origine de mauvaises odeurs, sur le fonds de M. [F] [T] [D].

31- Ces témoignages ne sont pas suffisamment précis et circonstanciés pour caractériser un trouble anormal du voisinage.

32- C’est donc là encore à juste titre que le premier juge a débouté M. [K] [X] [Z] de ses demandes aux fins de cessation du trouble et de réparation d’un préjudice moral.

En ce qui concerne l’entretien du passage :

33- L’acte constitutif de la servitude litigieuse met l’entretien du passage à la charge exclusive du propriétaire du fonds dominant, en l’espèce M. [K] [X] [Z].

34- M. [K] [X] [Z] ne rapporte pas non plus la preuve que la végétation présente sur la propriété de M. [F] [T] [D], aux abords de l’assiette du passage, vient à diminuer l’usage de la servitude ou même simplement à le rendre plus incommode.

35- Il ne saurait par conséquent obtenir de la juridiction qu’elle condamne M. [F] [T] [D] à des travaux d’entretien.

Sur les dépens et les frais irrépétibles:

36- Les dépens de première instance et d’appel seront supportés M. [F] [T] [D], partie succombante au principal.

37- En tant qu’il doit supporter les dépens, M. [F] [T] [D] n’est pas fondé à se prévaloir des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

38- Il serait inéquitable de laisser M. [K] [X] [Z] supporter la charge des frais irrépétibles qu’il a été amené à exposer en première instance puis en cause d’appel.

39- La décision du premier juge sera confirmée et il sera alloué à M. [K] [X] [Z] une nouvelle indemnité d’un montant de 1000 € pour ses frais irrépétibles d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile, par mise à disposition au greffe, conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 18 février 2022 par le tribunal judiciaire de Saint-Pierre ;

Statuant à nouveau,

Condamne M. [F] [T] [D] à verser à M. [K] [X] [Z] la somme de 1000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel;

Condamne M. [F] [T] [D] aux dépens de l’appel avec distraction au profit de Maître Farid ISSE pour ceux dont il a fait l’avance sans en avoir reçu provision.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Cyril OZOUX, Président de chambre, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

 


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