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RÉFÉRÉ N° RG 23/00172 – N° Portalis DBVJ-V-B7H-NQNM
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S.A.S. FRIDA
c/
[M] [X] épouse [P], [V] [P], [C] [H], [A] [F], [S] [F], S.C.I. SCI MOANA, SDC IMMEUBLE SIS [Adresse 6] PRISE EN LA PERSONNE DE SON SYNDIC LA SARL AQUIGESTION
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DU 21 DECEMBRE 2023
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Grosse délivrée
le :
ORDONNANCE
Rendue par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Le 21 DECEMBRE 2023
Véronique LEBRETON, Première Présidente de Chambre à la Cour d’Appel de BORDEAUX, désignée en l’empêchement légitime de la Première Présidente par ordonnance en date du 06 juillet 2023, assistée de Séverine ROMA, Greffière,
dans l’affaire opposant :
S.A.S. FRIDA agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité [Adresse 8]
absente,
représentée par Me Pierre FONROUGE membre de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et par Me Marie Christine BALTAZAR, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX
Demanderesse en référé suivant assignations en date des 13,14 et 15 novembre 2023,
à :
Monsieur [V] [P]
né le [Date naissance 4] 1961 à [Localité 13], de nationalité Française, demeurant [Adresse 7]
présent,
assisté de Me Maleine PICOTIN-GUEYE de la SELARL PICOTIN AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
Madame [M] [X] épouse [P]
née le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 14], de nationalité Française, demeurant [Adresse 7]
Monsieur [C] [H]
né le [Date naissance 9] 1972 à [Localité 12], de nationalité Française, demeurant [Adresse 5]
Monsieur [A] [F]
né le [Date naissance 3] 1966 à [Localité 12], de nationalité Française, demeurant [Adresse 7]
Madame [S] [F]
née le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 12], de nationalité Française, demeurant [Adresse 7]
SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE [Adresse 6] prise en la personne de son syndic la SARL Aquigestion domicilié en cette qualité [Adresse 10]
absents,
représentés par Me Maleine PICOTIN-GUEYE de la SELARL PICOTIN AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
S.C.I. MOANA prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité [Adresse 11]
absente,
représentée par Me Amélie CAILLOL membre de la SCP EYQUEM BARRIERE – DONITIAN – CAILLOL, avocat au barreau de BORDEAUX
Défendeurs,
A rendu l’ordonnance contradictoire suivante après que la cause a été débattue en audience publique devant nous, assistée de Séverine Roma, Greffière, le 07 décembre 2023 :
EXPOSÉ DU LITIGE
Par jugement rendu le 02 février 2023, le tribunal judiciaire de Bordeaux, saisi par voie d’assignation du 29 octobre 2019, a, notamment :
ORDONNÉ à la S.A.S. Frida d’arrêter l’exploitation de la cour à 22 heures sous astreinte de 800 euros par infraction constatée et objectivement rapportée ;
INTERDIT à la S.A.S. Frida d’organiser des concerts sous astreinte de 800 euros par infraction constatée et objectivement rapportée ;
DÉBOUTÉ M. [V] [P] et Mme [M] [X] épouse [P], M. [A] [F] et Mme [S] [F], et M. [C] [H] et le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 6] représenté par son syndic la S.A.R.L. AquiGestion de leurs demandes tendant à faire cesser immédiatement toutes nuisances sonores constitutives de trouble anormal du voisinage, et de leurs demandes tendant à interdire à la S.A.S. Frida de placer des tables dans la partie longue de la cour ou de mettre de la musique sur la terrasse ;
CONDAMNÉ in solidum la S.A.S. Frida et la S.C.I. Moana à régler à M. [V] [P] et Mme [M] [X] épouse [P], M. [A] [F] et Mme [S] [F], et M. [C] [H] chacun la somme de 10.000 euros chacun en réparation du trouble anormal du voisinage et de leur préjudice moral et de jouissance ;
DÉBOUTÉ le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 6] représenté par son syndic la S.A.R.L. AquiGestion de sa demande au titre du trouble anormal du voisinage ;
DÉBOUTÉ la S.C.I. Moana de sa demande d’être garantie et relevée indemne par la S.A.S. Frida ;
CONDAMNÉ in solidum la S.A.S. Frida et la S.C.I. Moana aux entiers dépens en ce compris les frais de constats d’huissier ;
CONDAMNÉ in solidum la S.A.S. Frida et la S.C.I. Moana à régler à M. [V] [P] et Mme [M] [X] épouse [P], Monsieur [A] [F] et Mme [S] [F], M. [C] [H] et le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 6] représenté par son syndic la S.A.R.L. AquiGestion la somme de 1.500 euros chacun en application des dispositions d l’article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTÉ la S.A.S. Frida et la S.C.I. Moana de leurs demandes en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
ORDONNÉ l’exécution provisoire.
Par déclaration du 23 février 2023, la S.A.S. Frida a interjeté appel du jugement.
Par exploits de commissaire de justice en date des 13, 14 et 15 novembre, la S.A.S. Frida a fait assigner Mme [M] [X] épouse [P], M. [V] [P], M. [C] [H], M. [A] [F], Mme [S] [F], la S.C.I. Moana et le S.D.C. Immeuble sis [Adresse 6] pris en la personne de son syndic la S.A.R.L. AquiGestion, elle-même prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège devant la juridiction du premier président de la cour d’appel de Bordeaux, statuant en référé, aux fins de voir arrêter l’exécution provisoire du jugement rendu le 02 février 2023 par le tribunal judiciaire de Bordeaux et de voir condamner conjointement et solidairement Mme [S] [F], M. [A] [F], M. [V] [P], Mme [M] [P] et M. [C] [H] à lui verser la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens.
Elle soutient qu’il existe des moyens sérieux de réformation de la décision dont appel, car le trouble généré par son activité n’excède pas les inconvénients normaux du voisinage puisque, d’une part, l’exercice de son activité sur la terrasse est antérieure à l’installation des voisins et que d’autre part, les vues sur la terrasse résultent de l’érection de fenêtres par les plaignants eux-mêmes, sachant que nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. Elle indique en outre que le premier juge a excédé sa compétence et le principe de séparation des pouvoirs en lui interdisant d’exploiter la terrasse au-delà d’une certaine heure sous astreinte, puisqu’un tel pouvoir relève de la police administrative et qu’un arrêté préfectoral l’y autorise.
Par ailleurs, elle fait valoir que l’exécution de la décision entraînerait des conséquences manifestement excessives dès lors que la fermeture à 22h00 des activités professionnelles sur la terrasse nuit à sa rentabilité financière, d’autant alors que cette terrasse est un atout commercial identifié par ses clients, et que le maintien de la restriction au cours d’une nouvelle saison générerait des licenciements.
Par conclusions déposées le 30 novembre 2023, et soutenues à l’audience, Mme [M] [X] épouse [P], M. [V] [P], M. [C] [H], M. [A] [F], Mme [S] [F] et le S.D.C. Immeuble sis [Adresse 6] pris en la personne de son syndic la S.A.R.L. AquiGestion, elle-même prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège, sollicitent que la société Frida soit déboutée de l’intégralité de ses demandes et soit condamnée aux dépens et à leur payer chacun la somme de 1200 € et de l’article 700 du code de procédure civile.
Ils font valoir que compte tenu des textes applicables l’argumentation tenant à l’existence de moyens sérieux d’annulation ou de réformation est inopérante, mais précisent qu’il n’existe aucune antériorité de l’exploitation dans les mêmes conditions, puisque le fond était exploité par des restaurants gastronomiques sans utilisation de la terrasse, qu’un précédent litige a été afférent à une irrégularité de quatre ouvertures, mais elle était afférente à une servitude de vue, et qu’enfin le juge judiciaire peut prononcer une astreinte assortissant une obligation de faire.
Ils soutiennent enfin qu’il n’existe aucune conséquence manifestement excessive à l’exécution de la décision, la santé financière de la société ayant été rendue possible par une exploitation illicite des lieux.
La SCI Moana s’en remet à l’audience à la décision de la juridiction du premier président.
L’affaire a été mise en délibéré au 21 décembre 2023.
MOTIFS de la DÉCISION
L’article 524 du code de procédure civile, dans sa version applicable au présent litige, puisque l’acte introductif d’instance devant le premier juge est antérieur au 1er janvier 2020, dispose que, lorsque l’exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d’appel, que par le premier président et dans les cas suivants :
1° Si elle est interdite par la loi ;
2° Si elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives ; dans ce dernier cas, le premier président peut aussi prendre les mesures prévues aux articles 517 à 522.
Le risque de conséquences manifestement excessives doit être apprécié au regard des facultés de paiement du débiteur ou des facultés de remboursement du créancier, ces deux critères étant alternatifs, et il suppose la perspective d’un préjudice irréparable et d’une situation irréversible en cas d’infirmation.
Les moyens relatifs à l’existence de motifs sérieux de réformation ou d’annulation n’étant pas opérants compte tenu des textes applicables, il n’y a pas lieu de les examiner.
En l’espèce, la S.A.S. Frida produit une attestation établie par son expert comptable le 27 octobre 2023 qui procéde à une analyse comparative du chiffre d’affaires réalisé entre les mois de juillet et septembre sur l’année 2022 et sur l’année 2023 et qui évalue à 192.819, 68 € la perte de chiffres d’affaires entre les deux périodes. Il explique également qu’une « diminution prolongée du chiffre d’affaires contraindra probablement la société à licencier ; pour maintenir la viabilité du restaurant et faire face à la baisse des recettes, la société devra réduire ses effectifs et licencier huit employés ».
La réduction de la masse salariale est donc présentée comme une hypothèse et non comme une mesure nécessaire directement en lien avec une baisse globale de chiffre d’affaires de la S.A.S. Frida, qui ne verse au demeurant aux débats aucun autre document comptable de nature à éclairer la juridiction sur la réalité de sa situation financière, et surtout la diminution du chiffre d’affaires telle qu’elle est exposée n’est pas présentée comme étant de nature à compromettre la pérennité de l’entreprise, alors qu’une baisse de rentabilité ne peut constituer en elle-même une situation irréversible dépassant les risques normaux inhérents à toute exécution provisoire, d’autant qu’elle peut être multifactorielle.
En conséquence, à défaut pour la S.A.S. Frida de rapporter la preuve que l’exécution de la décision aura pour elle des conséquences manifestement excessives, il convient de la débouter de sa demande tendant à l’arrêt de l’exécution provisoire résultant du jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 2 février 2023.
La S.A.S. Frida, partie succombante dans la présente instance, au sens des dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile, sera condamnée aux entiers dépens.
Il apparaît conforme à l’équité de la condamner M. [V] [P] et Mme [M] [X] épouse [P], M. [A] [F] et Mme [S] [F], et M. [C] [H] et le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 6] représenté par son syndic la S.A.R.L. AquiGestion, ensemble, la somme de 1000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Elle sera déboutée de sa demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS
Déboute la S.A.S. Frida de sa demande tendant à l’arrêt de l’exécution provisoire résultant du jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 2 février 2023 ;
Condamne la S.A.S. Frida à payer à M. [V] [P] et
Mme [M] [X] épouse [P], M. [A] [F] et
Mme [S] [F], et M. [C] [H] et le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 6] représenté par son syndic la S.A.R.L. AquiGestion, ensemble, la somme de 1000€ au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la S.A.S. Frida aux entiers dépens de la présente instance.
La présente ordonnance est signée par Véronique LEBRETON, Première Présidente de Chambre et par Séverine ROMA, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière La présidente