Nuisances sonores : décision du 21 décembre 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 23/00940

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Nuisances sonores : décision du 21 décembre 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 23/00940
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République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ORDONNANCE DU 21/12/2023

*

* *

N° de MINUTE :23/425

N° RG 23/00940 – N° Portalis DBVT-V-B7H-UYZL

Jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dunkerque en date du 12 Décembre 2022

DEMANDEURS A L’INCIDENT

Monsieur [H] [O]

né le [Date naissance 4] 1973 à [Localité 17]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 19]

Madame [Y] [P] épouse [R]

née le [Date naissance 4] 1973 à [Localité 17]

de nationalité Française

[Adresse 20]

[Localité 16]

Madame [L] [D] épouse [I]

née le [Date naissance 13] 1931 à Couderque Branche

de nationalité Française

29/30 digue de mer

[Localité 17]

Madame [U] [Z] épouse [W]

née le [Date naissance 4] 1963 à Malo les [Localité 21]

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Localité 17]

Madame [E] [V] épouse [O]

née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 22]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 19]

Madame [S] [N]

née le [Date naissance 8] 1990 à [Localité 24]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 23]

Monsieur [A] [R]

né le [Date naissance 5] 1950 à Rosendael

de nationalité Française

[Adresse 20]

[Localité 16]

SDC [Adresse 12] représenté par son syndic bénévole M. [R] [A]

[Adresse 20]

[Localité 16]

Représentés par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistés de Me Gilles Grardel, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant, substitué par Me Stanislas Leroux, avocat au barreau de Lille,

DEFENDERESSE A L’INCIDENT

SCI FRK agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 2]

[Localité 18]

Représentée par Me Julien Sabos, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué

SARL Tango exerçant sous l’enseigne l’Espadrille prise en la personne de son représentant légal domicilie en cette qualité audit siège

[Adresse 14]

[Localité 17]

Représentée par Me Marianne Devaux, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué

SELARL WRA

[Adresse 6]

[Localité 17]

Défaillante, à qui la déclaration d’appel a été signifiée le 12 avril 2023

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT : Yasmina Belkaid

GREFFIER : Harmony Poyteau

DÉBATS : à l’audience du 15 Novembre 2023

ORDONNANCE prononcée par mise à disposition au greffe le 21/12/2023

***

EXPOSE DE L’INCIDENT

La société Tango est titulaire d’un bail commercial portant sur les locaux situés [Adresse 15] dans lesquels est exploité les restaurant l’Espadrille.

Le syndicat des copropriétaires et plusieurs copropriétaires de l’immeuble voisin du [Adresse 11] se plaignant de nuisances sonores en provenance du fonds exploité par la société Tango ont obtenu la désignation d’un expert acousticien en la personne de M. [C] par ordonnance du 8 février 2018.

Par acte du 18 octobre 2018, la Sci Frk a acquis la propriété de l’immeuble abritant les locaux donnés à bail à la société Tango.

Par jugement du 11 décembre 2018, le tribunal de commerce de Dunkerque a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société Tango.

A la suite du dépôt du rapport d’expertise le 27 février 2020, la copropriété et plusieurs copropriétaires ont fait assigner la société Tango, la Selarl Wra, prise en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan de la société Tango et la Sci Frk devant le tribunal judiciaire de Dunkerque aux fins d’obtenir la cessation des nuisances sonores et la réparation de leurs préjudices.

Par un jugement du 12 décembre 2022, le tribunal judiciaire de Dunkerque a :

– rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Tango

– condamné in solidum la société Tango et la Sci Frk à payer en réparation du préjudice découlant des troubles anormaux du voisinage les sommes de :

o 21 840 euros à Mme [U] [Z] épouse [W]

o 13 440 euros à Mme [L] [D] épouse [I]

o 25 200 euros M. [A] [R] et Mme [Y] [P] épouse [R]

o 8 400 euros à Mme [S] [N]

o 17 640 euros à M. [H] [O] et Mme [E] [V] épouse [O]

– condamné la société Tango à garantir la Sci Frk de toutes les sommes versées par elle en exécution de la présente condamnation

– condamné la société Tango à faire cesser toutes nuisances sonores dans le cadre de son exploitation de l’établissement l’Espadrille en se conformant à la réglementation acoustique en vigueur, notamment en se conformant aux prescriptions du code de la santé publique et des articles R. 571-25 à R. 571-31 du code de l’environnement, et au respect subséquent de l’utilisation conforme d’un limiteur de pression acoustique, et ce, sous astreinte de 2 000 euros par infraction constatée dont la preuve pourra être rapportée par toutes voies utiles, pendant un délai de 6 mois à compter de la signification du présent jugement, à la suite de quoi le juge de l’exécution pourra liquider cette astreinte et au besoin, fixer une nouvelle astreinte

– débouté la société Tango de l’ensemble de ses demandes

– débouté la Sci Frk du surplus de ses demandes

– condamné la société Tango aux entiers dépens de l’instance comprenant les frais d’expertise judiciaire

– condamné la société Tango à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– rejeté le surplus des demandes.

Par déclaration du 24 février 2023, la Sci Frk a formé appel de ce jugement en toutes ses dispositions.

Dans leurs conclusions notifiées le 11 août 2023 et le 13 novembre 2023, Mme [S] [N], Mme [U] [Z] épouse [W], M. [H] [O], Mme [Y] [P] épouse [R], le syndicat des copropriétaires du [Adresse 10], Mme [E] [V] épouse [O] et M. [A] [R] demandent au conseiller de la mise en état au visa de l’article 524 du code de procédure civile, de :

– prononcer la radiation de la procédure d’appel actuellement pendante sous le RG 23/940 pour défaut d’exécution du jugement rendu le 13 décembre 2022 par le tribunal judiciaire de Dunkerque pourtant assorti de l’exécution provisoire

– débouter la Sci Frk de toutes ses demandes

– condamner la Sci Frk à leur verser à chacun la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Ils font valoir que les dispositions de l’article 524 du code de procédure civile ont vocation à s’appliquer dès lors que le jugement critiqué, assorti de l’exécution provisoire, n’a pas été exécuté et qu’il n’est pas démontré que la Sci FRK se trouve dans l’impossibilité de l’exécuter.

Ils rappellent que le 6 juillet 2023, le premier président a rejeté la demande de dispense de l’exécution provisoire formée par la Sci Frk qui reprend dans le cadre de la présente procédure d’incident les moyens qu’elle avait développés dans la première procédure.

En toute hypothèse, ils soutiennent que la Sci Frk ne justifie pas que les conséquences manifestement excessives qu’elle invoque sont apparues postérieurement au jugement critiqué, rappelant que la société Tango a été condamnée à la garantir et qu’elle ne démontre pas qu’elle a contraint son locataire au paiement des condamnations. Ils soulignent que faute pour la Sci de s’être opposée à l’exécution provisoire dans ses conclusions de première instance, elle a perdu la possibilité de l’invoquer au stade de l’appel.

Ils ajoutent que la preuve de l’insuffisance de l’actif net de la Sci n’est pas rapportée.

Ils font par ailleurs valoir que contrairement aux assertions de la Sci, les nuisances sonores persistent malgré la décision de première instance, le juge de l’exécution ayant d’ailleurs condamné la société Tango au règlement d’une astreinte par jugement du 15 septembre 2023.

Ils estiment par ailleurs que le rapport d’expertise de M. [C] du 27 février 2020 est opposable à la Sci dès lors qu’il a été versé aux débats et soumis à la libre discussion des parties et alors en outre qu’il est corroboré par d’autres pièces du dossier.

Ils soutiennent que la responsabilité de la Sci découle de sa qualité de propriétaire de l’immeuble voisin donné à bail commercial à l’origine du trouble anormal de voisinage dont la mise en oeuvre n’est pas subordonnée à la démonstration d’une faute ajoutant qu’il appartenait au bailleur de prendre toute mesure utile pour mettre un terme à ces troubles notamment en sollicitant la résiliation du bail.

Enfin, ils précisent que si trois copropriétaires résident habituellement à [Localité 23], ils se rendent néanmoins dans leur appartement tous les week-ends.

Dans ses conclusions notifiées le 10 octobre 2023, la Sci Frk demande au conseiller de la mise en état de débouter les intimés de leurs demandes et de condamner ces derniers à lui payer la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l’instance.

Elle prétend que la radiation constitue une simple faculté pour le conseiller de la mise en état en rappelant que l’appel est un droit fondamental et que l’exécution ne doit pas être de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives. Elle précise, à cet égard, que l’appréciation se fait in concreto.

Elle invoque, d’une part, une trésorerie obérée compte tenu du remboursement de l’emprunt contracté aux fins d’acquisition de l’immeuble litigieux, d’une saisie attribution pratiquée au profit d’un copropriétaire et de la cessation du paiement des loyers commerciaux par son locataire qui fait l’objet d’une saisie et d’autre part, ses diligences afin d’éviter l’état de cessation des paiements, notamment la suspension de son emprunt et enfin, l’insuffisance de son actif net.

Elle considère par ailleurs que l’indemnisation du préjudice de jouissance au titre d’un trouble qui n’existe plus et alors en outre que les intimés, exceptés deux d’entre eux, sont copropriétaires non occupants n’est plus une nécessité justifiant son placement en liquidation judiciaire.

Elle précise qu’un paiement partiel est intervenu dans la mesure où les créanciers ont saisi les loyers dus par la société Tango.

Elle se prévaut par ailleurs de moyens sérieux d’annulation ou de réformation.

Elle reproche en effet à l’expert d’avoir retenu sa responsabilité alors qu’elle n’avait pas été appelée dans la cause et qu’elle n’était pas propriétaire pour une partie de la période retenue au titre des troubles de jouissance. A cet égard, elle considère que le rapport d’expertise ne lui est pas opposable.

Elle reproche également au premier juge d’avoir retenu le préjudice de jouissance des copropriétaires alors que la plupart d’entre eux ne réside pas dans l’immeuble litigieux.

La Selarl Wra, à laquelle la déclaration d’appel a été régulièrement signifiée, n’a pas conclu.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l’article 524 du code de procédure civile, lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider, à la demande de l’intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l’article 521, à moins qu’il lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision.

La radiation pour défaut d’exécution de la décision de première instance assortie de l’exécution provisoire est une simple faculté pour le juge ; il s’agit d’une mesure d’administration judiciaire non susceptible de recours.

En l’espèce, la demande de radiation est recevable pour avoir été présentée le 11 août 2023, soit avant l’expiration du délai de trois mois prescrit aux articles 909 à 911 du code de procédure civile ayant couru à compter du 17 mai 2023, date des conclusions de l’appelant.

Il résulte de l’article 524 du code de procédure civile précité que le caractère manifestement excessif des conséquences de l’exécution provisoire ordonnée ou de droit ne doit être apprécié qu’au regard de la situation du débiteur, compte tenu de ses facultés et des facultés de remboursement de la partie adverse et non au regard de la régularité ou du bien -fondé du jugement frappé d’appel ni même de la régularité d’une mesure d’instruction.

La cour relève que la Sci Frk a saisi le premier président d’une demande de suspension de l’exécution provisoire et que, par ordonnance du 6 juillet 2023, celui-ci a déclaré cette demande irrecevable.

Dans le cadre de la présente procédure d’incident, la Sci Frk formule les mêmes moyens au soutien de sa demande de rejet de la mesure de radiation.

Toutefois, l’argumentaire de la Sci Frk tendant à établir le caractère sérieux des moyens d’annulation ou de réformation de la décision querellée est totalement inopérant s’agissant d’une demande de radiation fondée sur l’article 524 du code de procédure civile et non sur celles de l’article 514-3 du même code.

Il résulte du jugement critiqué du 12 décembre 2022 que l’exécution provisoire s’attache notamment à la condamnation de la Sci Frk à payer les sommes de 21 840 euros à Mme [U] [Z] épouse [W], 13 440 euros à Mme [L] [D] épouse [I], 25 200 euros M. [A] [R] et Mme [Y] [P] épouse [R], 8 400 euros à Mme [S] [N] et 17 640 euros à M. [H] [O] et Mme [E] [V] épouse [O].

Il est constant que la Sci Frk n’a pas exécuté les condamnations en paiement prononcées avec exécution provisoire de droit par le tribunal judiciaire de Dunkerque malgré la demande en ce sens formée par courriel 29 mars 2023 du conseil des intimés.

Les pièces produites par la Sci Frk ne tendent nullement à démontrer en quoi l’exécution de la décision attaquée serait de nature à entraîner à son égard des conséquences excessives, ni en quoi elle serait dans l’impossibilité de l’exécuter.

Si la Sci Frk justifie avoir demandé à sa banque prêteuse la suspension du paiement des échéances de son prêt immobilier contracté le 17 octobre 2018 et qu’elle produit un avenant au contrat de crédit signé le 6 juin 2023 par lequel le Cic a accepté de consentir de nouvelles modalités de remboursement du prêt, il convient d’observer que cet avenant n’est pas produit dans son intégralité puisqu’il est amputé des pages 2 et 4 de sorte que les modalités de l’accord des parties sur les nouvelles conditions d’exécution du contrat sont ignorées.

Par ailleurs, la Sci Frk,ne saurait valablement se prévaloir du refus de prêt d’un montant de 80 000 euros opposé par le Cic alors qu’il s’agissait d’une demande de prêt d’une durée indéterminée.

En toute hypothèse, les pièces comptables produites font apparaître au titre de l’exercice clos au 31 décembre 2022 un résultat net de 1 517,33 euros, un actif net évalué à

160 255,43 euros dont 4 213,49 euros au titre des créances locataire et des capitaux propres d’un montant de 9 121,24 euros.

Il résulte de ces éléments que la SCI, qui disposait de facultés contributives, ne justifie d’aucun paiement partiel des causes du jugement critiqué.

La cour observe que seules des procédures de saisies attributions en exécution du jugement dont appel ont permis le recouvrement partiel des créances des copropriétaires de sorte que la volonté de la Sci Frk de commencer à exécuter le jugement critiqué n’est nullement caractérisée.

Il s’ensuit que la Sci Frk échoue à démontrer les conséquences manifestement excessives qui s’attacheraient pour elle à l’exécution du jugement, et ne démontre pas davantage être dans l’impossibilité d’exécuter celui-ci.

En conséquence, il convient d’ordonner la radiation de l’affaire du rôle de la cour, faute pour l’appelant de justifier d’avoir exécuté la décision frappée d’appel.

La Sci Frk, qui succombe, sera condamnée aux dépens de l’incident.

L’équité commande enfin de condamner la Sci Frk à payer à la copropriété et aux copropriétaires, demandeurs à l’incident, chacun, une somme de 100 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le conseiller de la mise en état, statuant par mesure d’administration judiciaire insusceptible de recours ;

Déclare recevable l’incident formé par Mme [S] [N], Mme [U] [Z] épouse [W], M. [H] [O], Mme [Y] [P] épouse [R], le syndicat des copropriétaires du [Adresse 10], Mme [E] [V] épouse [O] et M. [A] [R] ;

Ordonne la radiation de l’affaire du rôle en application de l’article 526 du code de procédure civile ;

Dit que la réinscription de l’affaire au rôle de la cour sera autorisée sur justification par la Sci Frk de l’exécution du jugement rendu le 12 décembre 2022 par le tribunal judiciaire de Dunkerque ;

Condamne la Sci Frk aux dépens de l’incident,

La condamne en outre à payer à Mme [S] [N], Mme [U] [Z] épouse [W], M. [H] [O], Mme [Y] [P] épouse [R], le syndicat des copropriétaires du [Adresse 10], Mme [E] [V] épouse [O] et M. [A] [R], chacun, la somme de 100 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La Greffière Le Conseiller de la mise en état

Harmony Poyteau Yasmina Belkaid

 


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