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TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
■
N° RG 23/56362
N° Portalis 352J-W-B7H-C2NTK
N°: 3
Assignation du :
02 et 16 août 2023
EXPERTISE[1]
[1] 2 copies exécutoires
+ 1 expert
délivrées le :
ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 09 janvier 2024
par François VARICHON, Vice-président au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,
Assisté de Arnaud FUZAT, Greffier.
DEMANDERESSE
Madame [H] [L]
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Maître Alexis BARBIER de la SELARL BARBIER ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS – #J042
DEFENDEURS
Monsieur [W] [V]
[Adresse 4]
[Localité 6]
Madame [B] [K]
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Maître Gwenaël KERVEILLANT, avocat au barreau de PARIS – #E0938
DÉBATS
A l’audience du 28 novembre 2023,tenue publiquement, présidée par François VARICHON, Vice-président, assisté de Arnaud FUZAT, Greffier,
EXPOSE DU LITIGE
Mme [H] [L] est propriétaire occupante d’un appartement situé au 17ème étage d’un immeuble édifié [Adresse 4].
Faisant valoir que M. [W] [V], occupant du local situé au dessus de son appartement, était responsable d’importantes nuisances sonores, Mme [H] [L] l’a fait assigner devant le juge des référés de ce tribunal, ainsi que Mme [B] [K] prise en sa qualité de bailleresse de M. [W] [V], par acte des 2 et 16 août 2023.
Aux termes de ses conclusions déposées et développées oralement à l’audience, Mme [H] [L] demande au juge, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, de:
– la dire recevable en sa demande de mesure d’instruction;
– désigner un expert judiciaire pour donner son avis sur l’existence et les causes des nuisances sonores ainsi que sur les moyens d’y remédier;
– condamner sous astreinte M. [W] [V] à communiquer le contrat de bail le liant à Mme [B] [K];
– débouter M. [W] [V] et Mme [B] [K] de leurs demandes à son encontre;
– réserver les dépens.
Aux termes de leurs conclusions déposées et développées oralement à l’audience, M. [W] [V] et Mme [B] [K] demandent au juge de:
– dire irrecevable l’action introduite par Mme [H] [L];
– sur le fond, la débouter de sa demande d’expertise judiciaire;
– en tout état de cause, condamner Mme [H] [L] à leur payer à chacun la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, à l’assignation introductive d’instance et aux écritures déposées par les parties.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la fin de non-recevoir soulevée par M. [W] [V] et Mme [B] [K]
Les défendeurs soutiennent que l’action introduite à leur encontre par Mme [H] [L] est irrecevable au motif qu’elle n’a pas été précédée de la tentative de conciliation ou de médiation prévue par l’article 4 de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016.
Mme [H] [L] conteste la fin de non-recevoir qui lui est opposée. Elle fait valoir que l’article 750-1 du code de procédure civile n’est pas applicable en l’espèce s’agissant d’une demande indéterminée au sens de l’article 40 du code de procédure civile.
L’article 4 de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, tel que modifié par la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 et la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, prévoit que lorsque la demande tend au paiement d’une somme n’excédant pas un certain montant ou est relative à un conflit de voisinage ou à un trouble anormal de voisinage, la saisine du tribunal judiciaire doit, à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, être précédée d’une tentative de conciliation, de médiation, ou de procédure participative, sauf dans certains cas prévus par le texte.
M. [W] [V] et Mme [B] [K] soulignent qu’ils fondent leur fin de non-recevoir exclusivement sur ces dispositions légales et non sur l’article 750-1 du code de procédure civile, qui a été annulé par le Conseil d’Etat aux termes de son arrêt du 22 septembre 2022 en raison de l’imprécision des modalités et délais selon lesquels l’indisponibilité du conciliateur de justice peut être regardée comme établie.
Il convient toutefois de rappeler que l’article 750-1 du code de procédure civile a été créé par le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 afin de permettre l’application de l’article 4 de la loi du 18 novembre 2016, et ce conformément au dernier alinéa dudit article 4 aux termes duquel « Un décret en Conseil d’Etat définit les modalités d’application du présent article, notamment les matières entrant dans le champ des conflits de voisinage ainsi que le montant en-deçà duquel les litiges sont soumis à l’obligation mentionnée au premier alinéa.»
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel, en formulant une réserve d’interprétation au sujet de l’article 4 de la loi du 18 novembre 2016 dans sa décision n°2019-778 DC du 21 mars 2019, a pointé la nécessité pour le pouvoir réglementaire d’en préciser certains termes, exigence également mise en exergue par la décision précitée du Conseil d’Etat du 22 septembre 2022.
Dans ces conditions, il convient de juger que l’article 4 de la loi du 18 novembre 2016 ne peut être mis en oeuvre en l’absence de mesures réglementaires nécessaires à son application. Par voie de conséquence, les défendeurs ne peuvent fonder leur fin de non-recevoir sur ces seules dispositions légales.
L’article 750-1 du code de procédure civile créé par le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 pour permettre l’application de l’article 4 de la loi du 18 novembre 2016 a été retiré de l’ordonnancement juridique à compter de la décision d’annulation rendue par le Conseil d’Etat le 22 septembre 2022. Le décret n°2023-357 du 11 mai 2023 est venu rétablir cet article dans une nouvelle mouture dont les dispositions ne sont toutefois applicables qu’aux instances introduites à compter du 1er octobre 2023, conformément à l’article 4 du décret.
En l’espèce, l’assignation délivrée les 2 et 16 août 2023 à M. [W] [V] et Mme [B] [K] a été enrôlée au greffe de ce tribunal le 24 août 2023. Il s’ensuit que le nouvel article 750-1 du code de procédure civile exigeant la mise en oeuvre d’une tentative préalable de règlement amiable du litige n’est pas applicable à la présente instance.
M. [W] [V] et Mme [B] [K] seront donc déboutés de leur fin de non-recevoir.
Sur la demande de désignation d’un expert judiciaire
Mme [H] [L] explique que les nuisances sonores causées par M. [W] [V] sont à l’origine d’un trouble anormal de voisinage.
M. [W] [V] et Mme [B] [K] s’opposent à la demande de mesure d’instruction au motif que l’existence d’un motif légitime n’est pas établie en l’absence de preuve de nuisances sonores imputables à M. [W] [V].
Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
L’application de ce texte, qui subordonne le prononcé d’une mesure d’instruction à la seule démonstration d’un intérêt légitime à établir ou à préserver une preuve en vue d’un litige potentiel, n’implique aucun préjugé sur la recevabilité et le bien-fondé des demandes formées ultérieurement, sur la responsabilité des personnes appelées comme partie à la procédure, ni sur les chances du procès susceptible d’être engagé.
En l’espèce, Mme [H] [L] verse notamment aux débats:
– le procès-verbal de constat dressé dans son logement par un commissaire de justice le 23 janvier 2023, qui relate l’existence d’un « bruit rapide, vif et fort » provenant « de l’appartement supérieur »;
– plusieurs attestations établies en 2023 rapportant l’existence de bruits provenant de l’appartement situé au dessus de celui de la demanderesse.
Au vu de ces pièces, le motif légitime prévu par l’article 145 du code de procédure civile est suffisamment caractérisé. L’expertise sollicitée sera donc ordonnée dans les termes du dispositif ci-après.
La provision à valoir sur les frais et honoraires de l’expert sera mise à la charge de Mme [H] [L], demanderesse.
Sur la demande de condamnation de M. [W] [V] à communiquer le bail conclu avec Mme [B] [K]
Le bail ayant été produit par les défendeurs à l’occasion de la présente instance, Mme [H] [L] sera déboutée de cette demande désormais sans objet.
Sur les demandes accessoires
Les dépens de l’instance seront laissés à la charge de Mme [H] [L].
L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. M. [W] [V] et Mme [B] [K] seront donc déboutés de leurs demandes de ce chef.
PAR CES MOTIFS
Statuant par ordonnance de référé, par mise à disposition au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique, par décision contradictoire et en premier ressort,
Déboutons M. [W] [V] et Mme [B] [K] de leur fin de non-recevoir,
Ordonnons une mesure d’expertise;
Désignons en qualité d’expert :
M. [U] [E]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 6]
Tel: [XXXXXXXX03]
Courriel: [Courriel 7]
lequel pourra prendre l’initiative de recueillir l’avis d’un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne,
avec mission de :
– se rendre sur place dans l’immeuble situé [Adresse 4], aux domiciles de Mme [H] [L] et de M. [W] [V];
– donner son avis sur l’existence de la gêne sonore invoquée par Mme [H] [L] dans son assignation et, le cas échéant, sur l’importance de cette gêne ;
– pour ce faire, fournir tous les éléments descriptifs de la gêne éventuellement constatée en procédant à des mesures acoustiques ;
– au besoin, réaliser des interventions inopinées, compte-tenu de la nature du litige, en tous lieux et à tous moments estimés opportuns par l’expert, et en rendre contradictoirement compte aux parties après exécution ;
– rechercher l’origine, l’étendue et la cause de la gêne éventuellement constatée;
– caractériser d’éventuels manquements aux prescriptions législatives, réglementaires ou contractuelles et aux règles de l’art pouvant avoir un lien avec les désordres allégués;
– fournir tous les éléments permettant à la juridiction éventuellement saisie de déterminer si les nuisances sont de nature à constituer un trouble anormal de voisinage ;
– donner son avis sur la nature des éventuels travaux ou actions nécessaires à la correction de la situation, si besoin, en invitant une ou des parties à faire effectuer une étude acoustique ;
– donner son avis sur les devis descriptifs et estimatifs des éventuels traitements correctifs transmis par les parties ;
– fournir tout élément technique et de fait de nature à permettre à la juridiction éventuellement saisie de déterminer les responsabilités encourues et d’évaluer le cas échéant tous les préjudices subis;
– faire toutes observations utiles au règlement du litige;
Disons que pour procéder à sa mission l’expert devra :
✏ convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l’occasion de l’exécution des opérations ou de la tenue des réunions d’expertise ;
✏ se faire remettre toutes pièces utiles à l’accomplissement de sa mission, notamment, s’il le juge utile, les pièces définissant le marché, les plans d’exécution, le dossier des ouvrages exécutés ;
✏ se rendre sur les lieux et si nécessaire en faire la description, au besoin en constituant un album photographique et en dressant des croquis ;
✏ à l’issue de la première réunion d’expertise, ou dès que cela lui semble possible, et en concertation avec les parties, définir un calendrier prévisionnel de ses opérations; l’actualiser ensuite dans le meilleur délai :
→ en faisant définir un enveloppe financière pour les investigations à réaliser, de manière à permettre aux parties de préparer le budget nécessaire à la poursuite de ses opérations ;
→ en les informant de l’évolution de l’estimation du montant prévisible de ses frais et honoraires et en les avisant de la saisine du juge du contrôle des demandes de consignation complémentaire qui s’en déduisent, sur le fondement de l’article 280 du code de procédure civile, et dont l’affectation aux parties relève du pouvoir discrétionnaire de ce dernier au sens de l’article 269 du même code ;
→ en fixant aux parties un délai impératif pour procéder aux interventions forcées ;
→ en les informant, le moment venu, de la date à laquelle il prévoit de leur adresser son document de synthèse ;
✏ au terme de ses opérations, adresser aux parties un document de synthèse, sauf exception dont il s’expliquera dans son rapport (par ex : réunion de synthèse, communication d’un projet de rapport), et y arrêter le calendrier impératif de la phase conclusive de ses opérations, compte-tenu des délais octroyés devant rester raisonnable ;
→ fixant, sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse ;
→ rappelant aux parties, au visa de l’article 276 alinéa 2 du code de procédure civile, qu’il n’est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au delà de ce délai.
Fixons à la somme de 5.000 € le montant de la provision à valoir sur les frais d’expertise qui devra être consignée par Mme [H] [L] à la Régie d’avances et de recettes du Tribunal judiciaire de Paris avant le 10 mars 2024 ;
Disons que faute de consignation de la présente provision initiale dans ce délai impératif, ou demande de prorogation sollicitée en temps utile, la désignation de l’expert sera aussitôt caduque et de nul effet, sans autre formalité requise, conformément aux dispositions de l’article 271 du code de procédure civile ;
Disons que l’expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1 du code de procédure civile et qu’il déposera l’original de son rapport au Greffe du tribunal judiciaire de Paris avant le 1er octobre 2024, sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée en temps utile de manière motivée auprès du Juge du Contrôle ;
Disons que l’exécution de la mesure d’instruction sera suivie par le juge du service du contrôle des expertises, spécialement désigné à cette fin en application des articles 155 et 155-1 du même code ;
Déboutons Mme [H] [L] de sa demande de condamnation de M. [W] [V] à lui communiquer le bail conclu avec Mme [B] [K] ;
Déboutons M. [W] [V] et Mme [B] [K] de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamons Mme [H] [L] aux dépens de l’instance.
Fait à Paris le 09 janvier 2024
Le Greffier,Le Président,
Arnaud FUZATFrançois VARICHON
Service de la régie :
Tribunal de Paris, [Adresse 9]
☎ [XXXXXXXX02]
Fax [XXXXXXXX01]
✉ [Courriel 10]
Sont acceptées les modalités de paiements suivantes :
➢ virement bancaire aux coordonnées suivantes :
IBAN : [XXXXXXXXXX08]
BIC : [Numéro identifiant 11]
en indiquant impérativement le libellé suivant :
C7 “Prénom et Nom de la personne qui paye” pour prénom et nom du consignataire indiqué dans la décision + Numéro de RG initial
➢ chèque établi à l’ordre du régisseur du Tribunal judiciaire de Paris (en cas de paiement par le biais de l’avocat uniquement chèque CARPA ou chèque tiré sur compte professionnel)
Le règlement doit impérativement être accompagné d’une copie de la présente décision. En cas de virement bancaire, cette décision doit être envoyée au préalable à la régie (par courrier, courriel ou fax).
Expert : Monsieur [U] [E]
Consignation : 5000 € par Madame [H] [L]
le 10 Mars 2024
Rapport à déposer le : 01 Octobre 2024
Juge chargé du contrôle de l’expertise :
Service du contrôle des expertises
Tribunal de Paris, [Adresse 9].