Nuisances sonores : décision du 10 janvier 2024 Cour d’appel de Lyon RG n° 22/03111

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Nuisances sonores : décision du 10 janvier 2024 Cour d’appel de Lyon RG n° 22/03111
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N° RG 22/03111 -N°Portalis DBVX-V-B7G-OIP7

Décision du Juge des contentieux de la protection de lyon au fond du 17 mars 2022

RG : 11-21-0043

[Y]

C/

S.A. BATIGERE RHONE ALPES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

8ème chambre

ARRET DU 10 Janvier 2024

APPELANT :

M. [T] [Y]

né le 11 Février 1985 à [Localité 4] (Rhône)

[Adresse 5]

[Localité 2]

(bénéficiaire d’une aide juridictionnelle totale numéro 2022/006884 du 14/04/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Lyon)

Représenté par Me Adeline FIRMIN, avocat au barreau de LYON, toque : 2553

INTIMÉE :

La société S.A BATIGERE RHONE ALPES, société anonyme d’habitations à loyers modérés au capital de 21.147.867,00 € Inscrite au RCS LYON sous le numéro B 778 596 510, ayant son siège social [Adresse 1], [Localité 3].

Représentée par Me Richard DE LAMBERT de la SELARL DE LAMBERT AVOCAT ASSOCIE (ERDEEL AVOCATS), avocat au barreau de LYON, toque : 2673

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 14 Novembre 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 13 Novembre 2023

Date de mise à disposition : 10 Janvier 2024

Audience présidée par Bénédicte BOISSELET, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de William BOUKADIA, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré :

– Bénédicte BOISSELET, président

– Véronique MASSON-BESSOU, conseiller

– Véronique DRAHI, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Par acte sous seing privé en date du 26 décembre 2019, la société Batigere Rhône Alpes, a donné à bail à M. [T] [Y] un appartement d’habitation dans un ensemble dénommé Résidence sweet garden situé au [Adresse 5] à [Localité 2].

Par acte d’huissier de justice en date du 21 octobre 2021, la SA Batigere Rhône Alpes a assigné M. [Y] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lyon afin de voir prononcer la résiliation du bail, l’expulsion du locataire et la condamnation de celui-ci au paiement d’une indemnité d’occupation.

La SA Batigere Rhône Alpes faisait valoir que depuis plusieurs mois, le locataire troublait gravement la tranquillité de ses voisins en raison de nuisances sonores et olfactives, de dégradations, d’altercations, de fumées, d’exhibitions sexuelles.

Par jugement contradictoire en date du 17 mars 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lyon a :

Prononcé la résiliation, pour défaut de jouissance paisible des lieux, du bail en date du 26 décembre 2019 portant sur l’appartement situé [Adresse 5] à [Localité 2], liant, d’une part, la société Batigere Rhône Alpes, et d’autre part, M. [T] [Y],

Autorisé, à défaut de libération volontaire des lieux, la société Batigere Rhône Alpes à faire procéder à l’expulsion de M. [T] [Y] ainsi qu’à celle de tous occupants de son chef, avec le concours de la force publique et d’un serrurier si besoin est,

Rappelé que par application des articles L.411-1 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution, cette expulsion ne pourra être pratiquée avant l’expiration d’un délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement d’avoir à libérer les lieux,

Dit que conformément aux dispositions des articles L.433-1 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution, les meubles se trouvant sur les lieux sont remis, aux frais de M. [Y] en un lieu qu’il aura choisi et qu’à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l’huissier de justice chargé de l’exécution, avec sommation d’avoir à les retirer dans le délai d’un mois,

Condamné M. [T] [Y] à payer, en deniers ou quittances valables, à la société Batigere Rhône Alpes, une indemnité d’occupation égale au montant du loyer augmenté des charges à compter de la résiliation du bail et jusqu’à la libération effective des lieux,

Condamné M. [T] [Y] à payer à la société Batigere Rhône Alpes, la somme de 300 euros (trois cent euros) au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

Rappelé que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire du droit,

Condamné M. [T] [Y] aux dépens.

Le tribunal a retenu en substance :

Que le bailleur verse aux débats outre le contrat de bail, la sommation d’avoir à cesser les troubles du voisinage, la sommation interpellative du 31 août 2021,

Que la deuxième personne requise évoque une exhibition sexuelle commise par M. [Y], avoir vu ce dernier fumer dans les espaces communs, encombrer les couloirs, déposer des ordures dans le hall d’entrée, que M. [Y] a eu une altercation avec un voisin, et qu’il commet des nuisances sonores,

Que la quatrième personne requise dénonce avoir vu M. [Y] se masturber devant la porte d’entrée de l’immeuble,

Que la cinquième personne requise dénonce des nuisances sonores et le fait que M. [Y] fume dans les parties communes.

Par déclaration en date du 28 avril 2022, M. [T] [Y] a interjeté appel sur l’ensemble des chefs de jugement.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées par voie électronique le 26 octobre 2022, M. [T] [Y] demande à la cour d’appel de Lyon de :

Vu l’article 7, 6-1, de la loi du 6 juillet 1989,

Vu les articles L. 412-3 et suivants du code de procédure civile d’exécution,

Infirmer le jugement du 17 mars 2022 et le réformer en ce sens :

A titre principal

Débouter la société Batigère de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

Dire et juger que le bail de M. [Y] n’est pas résilié et se poursuit,

Réformer le jugement de première instance en ce qu’il a condamné M. [Y] à une somme de 300 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens et condamner la société Batigère aux entiers dépens.

A titre subsidiaire

Suspendre l’exécution de l’expulsion de M. [Y],

Accorder à M. [Y] un délai de 24 mois à compter de la signification du présent arrêt pour quitter les lieux.

Statuer ce que de droit sur les dépens, comme il est dit en matière d’aide juridictionnelle.

A l’appui de ces moyens, M. [T] [Y] soutient essentiellement :

Sur le trouble de jouissance

Que les sommations délivrées à M. [Y] de cesser les troubles ont été réalisées sur une unique période en août 2021 alors que M. [Y] a lui-même reconnu avoir rencontré d’importantes difficultés,

Qu’aucun élément récent n’est apporté par la société Batigère Rhône Alpes,

Que M. [Y] n’a incontestablement pas été en mesure de se défendre lors de l’audience de première instance et ne nie pas l’ensemble des troubles reprochés mais sollicite de la présente juridiction une appréciation proportionnée au regard des troubles actuels et certains.

Subsidiaire : sur les délais pour quitter les lieux

Que M. [Y] dispose de faibles ressources qui s’élèvent à un montant de 1 236, 88 euros (APL de 228,51 euros comprises),

Qu’il s’acquitte de son loyer et de ses charges mais ne pourrait en aucun cas aspirer à se reloger dans le parc privé. Il a donc effectué une demande de logement social et une demande de mutation.

Que M. [Y] bénéficie d’un suivi important ayant comme objectif de l’aider au maintien dans son logement ou le cas échéant, à son relogement.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées par voie électronique le 03 août 2022, la SA Batigère Rhône Alpes demande à la cour d’appel de Lyon de :

Vu les dispositions des articles 1719 et 1728 du Code Civil,

Vu les dispositions de l’article 7b de la loi du 6 juillet 1989,

Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Lyon du 17 mars 2022 (RG 11-21-004301) en toutes ses dispositions.

Juger que M. [Y] a manqué gravement et de manière répétée à son obligation légale et contractuelle de jouir paisiblement du local loué à la société Batigere.

Prononcer en conséquence la résiliation judiciaire du bail d’habitation du 26 décembre 2019.

Ordonner l’expulsion immédiate de M. [T] [G] [Y] ou de tout occupant de son chef des locaux loués sis [Adresse 5], [Localité 2], et au besoin avec le concours de la force publique.

Condamner M. [T] [G] [Y] à payer et porter à la société Batigère, une indemnité d’occupation correspondant au loyer en cours à compter de la signification du jugement à intervenir et jusqu’à libération complète des lieux.

Rejeter la demande nouvelle en délais de grâce de M. [Y] comme irrecevable faute d’avoir été sollicitée en première instance.

Subsidiairement,

Rejeter la demande M. [Y] en délais de grâce,

Condamner M. [Y] au paiement d’une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Condamner M. [Y] aux entiers dépens d’instance en ce compris les frais de sommation d’avoir à cesser les troubles signifiée le 03 août 2021 et de sommation interpellative du 31 août 2021.

A l’appui de ces moyens, la SA Batigère Rhône Alpes soutient essentiellement :

Sur la résiliation du bail

Que les déclarations des occupants de la résidence ont été consignées par un d’huissier de justice, de sorte qu’ils font foi jusqu’à inscription de faux,

Que l’argument de M. [Y] qui consiste à dire que les troubles ont cessé est inopérant, bien au contraire la situation de santé qu’il présente démontre l’incapacité pour celui-ci de vivre seul.

Sur le rejet de la demande de délai pour quitter le logement

Que M. [Y] n’a pas fait état d’une telle demande devant le Juge de première instance,

Que M. [Y] a d’ores et déjà bénéficié de larges délais tels que consentis par le traitement même de l’affaire.

Vu l’ordonnance de clôture de la procédure ordonnée le 14 novembre 2022,

Il convient de se référer aux conclusions des parties pour plus amples exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS ET DÉCISION

A titre liminaire, il sera rappelé que les ‘demandes’ tendant à voir ‘constater’ ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du Code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; il en est de même des ‘demandes’ tendant à voir ‘dire et juger’ lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

I- Sur la résiliation du bail pour trouble de jouissance

Il résulte de l’article 1124 du Code civil, qu’un contrat de bail peut être résilié en cas d’inexécution suffisamment grave d’une obligation par le locataire.

En droit, l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989 dispose que le locataire est obligé ‘d’user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location’. Le bailleur quant à lui doit, au regard de l’article 6 et 6-1 de cette même loi, ‘assurer au locataire la jouissance paisible du logement’.

D’autre part, l’article 1728 du Code civil prévoit que « Le preneur est tenu de deux obligations principales :

1° D’user de la chose louée raisonnablement, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d’après les circonstances, à défaut de convention ;

2° De payer le prix du bail aux termes convenus. »

L’article suivant de ce même code précise par ailleurs que si le preneur n’use pas de la chose raisonnablement, le bailleur est en droit de demander la résiliation du bail.

En l’espèce, par acte sous seing privé en date du 26 décembre 2019, la société Batigere Rhône Alpes, a donné à bail à M. [T] [Y] un appartement d’habitation dans un ensemble dénommé Résidence sweet garden, situé au [Adresse 5] à [Localité 2].

La société Batigere Rhône-Alpes a produit :

le contrat de bail indiquant comporter en pièce annexe le règlement intérieur, outre le règlement intérieur lui-même comportant un paragraphe relatif à la tranquillité du voisinage, le locataire s’interdisant tout action comportement susceptible de nuire aux rapports de voisinage, ne devant pas troubler la jouissance paisible et le repos de ses voisins (…). Ce règlement détaille également l’usage des parties communes.

un courrier du 5 juin 2021 adressé à M. [Y] et lui rappelant l’interdiction de fumer dans toutes les parties communes y compris dans les ascenseurs.

une lettre recommandée avec avis de réception adressée à M.M. [Y] le 13 juillet 2021 relative à l’usage abusif du palier et dépôt de déchets dans le hall,

une sommation délivrée par huissier de justice le 4 août 2021 d’avoir à cesser les troubles du voisinage mentionnant des actes de violence, des nuisances sonores, hyginéniques, et des outrages sexuels.

une sommation interpéllative en date du 31 août, et 1er septembre 2020 interrogeant avec respect de leur anonymat 5 personnes demeurant [Adresse 5]. Sur le fait que M. [Y] avait :

essayé de forcer la porte d’entrée,

sonné à tous les interphones pour que quelqu’un lui ouvre,

avoué être coutumier du fait de taper un coup de pied dans la porte pour ouvrir,

fait le tour du deuxième étage en sonnant aux portes et en fouillant sous les paillassons,

été vu, se masturbant, devant la porte d’entrée, par plusieurs personnes.

La réalité de ces faits était confirmée par des réponses aux questions posées.

M. [Y] avait de plus, été vu par le requis n°2 à de nombreuses reprises fumer dans les parties communes que ce soit au deuxième étage, ou dans l’ascenseur et dans le hall d’entrée malgré les messages d’avertissement. Cela déclenchait les trappes de desenfumage et l’alarme.

M. [Y] a versé aux débats une lettre manuscrite non datée adressée au bailleur s’excusant de son geste dégradant durant l’été 2021.Il disait souffrir de troubles psychologiques et se trouvait en convalescence à l’hôpital [6]. Il produit par ailleurs un certificat médical émanant de cet hôpital en date du 29 juillet 2021 préconisant une mesure de protection sous sauvegarde de justice.

La cour ignore si M.[Y] a reçu les courriers du 5 juin et du 13 juillet 2021 par lesquels le bailleur lui rappelait ses obligations.

Dans les réponses à la sommation interpéllative du 30 août et 1er septembre 2021, il est principalement fait état de troubles sur le mois de juillet 2021 jusqu’au 29 de ce mois.

Si les comportements reprochés à M. [Y] sont des manquements à son obligation de jouir paisiblement du logement loué, en l’absence de preuve de leur persistance dans le temps au delà du seul mois de juillet 2021 et de la réception des rappels au règlement, il n’est pas établi de manquement suffisamment grave justifiant la résiliation du contrat de bail.

En conséquence, la cour infirme la décision attaquée et rejette la demande en prononcé de la résiliation du bail. Les dispositions du jugement attaqué en découlant sont également infimées.

III- Sur les demandes accessoires

La cour infirme la décision attaquée sur les dépens et sur l’application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile et statuant à nouveau, condamne la SA Batigere Rhône-Alpes aux dépens de première instance et d’appel.

Ses demandes d’application en première instance et à hauteur d’appel, des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ne peuvent qu’être rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme la décision attaquée,

Statuant à nouveau,

Rejette les demandes de la SA Batigere Rhône-Alpes,

Condamne la SA Batigere Rhône-Alpes aux dépens,

Y ajoutant,

Condamne la SA Batigere Rhône-Alpes aux dépens à hauteur d’appel,

Rejette la demande d’application de l’article 700 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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