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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-8
ARRÊT AU FOND
DU 10 JANVIER 2024
N° 2024/ 003
N° RG 22/00272
N° Portalis DBVB-V-B7G-BIUXF
[N] [Y]
C/
[O] [W]
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Isabelle BARACHINI FALLET
Me Alexandra BOISRAME
Décision déférée à la Cour :
Jugement du tribunal judiciaire de TARASCON en date du 26 Novembre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 20/01587.
APPELANTE
Madame [N] [Y]
née le 04 Mai 1962 à [Localité 3], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Isabelle BARACHINI FALLET, avocat au barreau de TARASCON
INTIME
Monsieur [O] [W]
né le 06 Mai 1969 à [Localité 2], demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Alexandra BOISRAME, membre de la SELARL AV AVOCATS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée et plaidant par Me Vincent PENARD, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 07 Novembre 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Philippe COULANGE, Président
Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère
Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Maria FREDON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Janvier 2024.
ARRÊT
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Janvier 2024, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Mme [Y] [N] a pris à bail un logement à usage mixte situé [Adresse 4] à M.[W] [O] pour un loyer mensuel de 700 € en date du ler mars 2020.
Mme [Y] a quitté le logement au mois d’août 2021.
Par acte du 12 octobre 2021, Mme [Y] [N] a assigné devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Tarascon M.[W] [O] pour le voir condamner à lui payer une somme de 10 000 € à titre de dommage et intérêts et faire effectuer des travaux sous astreinte.
Un jugement a été rendu le 28 mai 2021 et a ordonné la réouverture des débats à l’audience du 23 septembre 2021, invitant le bailleur à produire une matrice cadastrale représentant tant la propriété que son environnement immédiat afin de visualiser les différents éléments des procès verbaux d’huissier dressés à la demande de la locataire.
Par jugement rendu le 26 novembre 2021, le Tribunal a:
Pris acte du retrait de la demande de résiliation de bail de M.[W] [O] ;
Dit n`y avoir lieu à statuer sur les demandes d’obligation de faire sous astreinte Mme [Y] [N] du fait de son départ ;
Débouté Mme [Y] [N], de sa demande au titre de dommages et intérêts ;
Condamné Mme [Y] [N] aux dépens ;
Condamné Madame [Y] [N] à payer à Monsieur [W] [O] la somme de 1 000 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rappelle que 1’exécution provisoire est de droit.
Par déclaration au greffe en date du 7 janvier 2022, Mme [Y] a interjeté appel de cette décision.
Elle sollicite:
Réformer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de TARASCON en date du 26 novembre 2021 ;
Condamner M. [W] à verser à Mme [Y] la somme de 5.000 € au titre du préjudice de jouissance ;
Condamner M. [W] à verser à Mme [Y] la somme de 3.000 € au titre de son préjudice moral;
Condamner M.[W] à verser à Mme [Y] la somme de 2.000 € au titre de la perte du chiffre d’affaires au cours des années 2020 et 2021 ;
Condamner M.[W] à verser à Mme [Y] la somme de 710 € (350€ + 360 €) correspondant aux frais d’huissier engagés ;
Condamner M.[W] aux dépens de l’instance d’appel et à payer 1.500 € par application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
A l’appui de son recours, elle fait valoir :
-que dès son entrée dans les lieux, elle dénonçait de nombreux désordres affectant le logement loué,
– Absence de volet à l’une des fenêtres ;
– Absence de boîte aux lettres individuelle ;
– Absence de sonnette ;
– Absence de détecteur de fumée ;
– Absence de remise de DPE ;
– Portail électrique qui ne fonctionne pas ;
– Mauvaises odeurs des canalisations ;
– Absence d’eau chaude ;
– Eau des canalisations de couleur verte / marron
ainsi que des nuisances dues aux importants travaux entrepris dans l’immeuble mitoyen appartenant au bailleur, de manière continue et ininterrompue durant toute la durée du bail, démontrés par les nombreux mails et courriers adressés par elle à son bailleur, puis par les constats d’huissiers,
-que lors de l’entrée dans les lieux, en mars 2020, le bailleur s’était engagé à effectuer plusieurs réparations, et devait également procéder à l’isolation et l’insonorisation du logement, ces travaux n’ont jamais été effectués,
-qu’elle exerce pour majeure partie de son activité professionnelle à son domicile, les nuisances subies ayant eu un impact néfaste à son activité professionnelle de mandataire immobilier dans les Alpilles, et ce d’autant, que cette activité était en plein essor durant la crise du COVID, lui occasionnant une perte importante de chiffre d’affaire,
-que l’attitude du bailleur, qui n’a procédé à aucune réparation et a fait perdurer les travaux à toute heure du jour et de la nuit, a contribué à la détérioration de son état de santé,
-que le bailleur a fait changer les serrures du sous-sol l’empêchant d’avoir accès à sa machine à laver et son sèche-linge et la contraignant à faire intervenir un huissier de justice.
M.[W] conclut :
Débouter Mme [Y] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions
Confirmer la décision rendue le 26 novembre 2021 en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
Condamner Mme [Y] à payer à M.[W] la somme de 5000€ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Condamner Mme [Y] au paiement de la somme de 3000 € au titre de l’Article 700 du CPC, outre les entiers dépens.
Il soutient :
-qu’il a acquis avec son épouse le bien immobilier par l’intermédiaire de Mme [N] [Y], en sa qualité d’Agent commerciale en immobilier, qui connaissait dès 2017 parfaitement les caractéristiques techniques du bien,
-que suite à son divorce la maison a été divisée et une partie des travaux a été réalisée sur factures, par le propre fils de Mme [Y],
-qu’étant devenu ami avec Mme [Y] cette dernière a insisté pour louer la partie du bien rénovée en étant parfaitement consciente de la rénovation en cours pour l’autre partie,
-qu’il lui a donc consenti en conséquence de tous ces paramètres un bail avec un loyer bien inférieur à la valeur locative,
-qu’il devait apprendre après signature du bail, que Mme [Y] avait quitté son précédent logement dans une situation très conflictuelle avec son précédent propriétaire,
-que tout allait bien jusqu’à la dégradation de leur relation par l’arrivée de sa nouvelle compagne,
-que Mme [Y] s’est arrogée une partie complémentaire située en sous-sol, qu’elle a désigné sous le vocable laverie, alors qu’il avait juste accepté qu’elle puisse avoir son lave-linge et lave-vaisselle à cet endroit, dans son garage sur lequel le bail ne lui octroie aucun droit,
-que la locataire dispose d’une boîte aux lettres,
-que la réhabilitation de la sonnette d’entrée du logement de Mme [Y], qui ne constitue nullement une obligation légale incombant au bailleur, s’inscrit dans les réparations locatives,
-qu’il est totalement infondé et injustifié que la locataire revendique le bénéfice d’un jardin complètement clôturé,
-qu’il appartenait à Mme [Y] de souscrire complémentairement, au système de fermeture existant sur l’ensemble des huisseries, le contrat de son choix dont l’obligation n’incombe nullement au bailleur, pour obtenir l’assurance dont elle ne justifie pas d’ailleurs,
-que le logement est accessible à la 4G,
-que la demande relative au détecteur de fumée était devenue sans objet, dans la mesure où le bailleur a immédiatement fait le nécessaire pour pallier cette omission, Mme [Y] ayant en revanche refusé l’accès au bailleur pour leur installation, celle-ci s’étant engagée à les installer elle-même,
-que les diagnostics DPE ont été produits en première instance alors même que Mme [Y] en avait eu connaissance avant,
-que Mme [Y] ne supporte aucun voisinage, qu’elle confond jouissance paisible et jouissance exclusive,
-que la locataire pâtit de problèmes psychologiques, les prescriptions médicales produites quasiment dès son entrée dans les lieux démontrent un état préexistant à la conclusion du contrat de bail,
-que les constats d’huissiers qui font état des enregistrements d’images et de sons illégaux de la locataire démontrent non pas le trouble de jouissance qu’elle allègue mais le harcèlement dont le propriétaire et son entourage font l’objet de la part de cette dernière,
-que plusieurs analyses de l’eau ont été faites démontrant que tout est parfaitement normal, ainsi que la pression,
-que le portail de l’entrée principal étant cassé, il l’a fait réparer,
-qu’il justifie avoir tout mis en ‘uvre, à chaque réclamation de Mme [Y] tout aussi injustifiée qu’elle soit,
-que les faits objet du litige ont lieu en pleine crise sanitaire et que le baisse du chiffre d’affaire est seulement lié aux confinements successifs et aucunement aux conditions de travail de Mme [Y].
L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 octobre 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le trouble de jouissance et le préjudice moral
Il résulte de l’article 1719 du code civil comme de l’article 6 b de la loi du 6 juillet 1989 que le bailleur est obligé de faire jouir paisiblement le preneur de la chose louée pendant la durée du bail.
Mme [Y] prétend que dès son entrée dans les lieux, elle a dénoncé par plusieurs mails et courriers recommandés avec accusé de réception, de nombreux désordres affectant le logement, à savoir:
– Absence de volet à l’une des fenêtres, mail du 20 mai 2020, constat d’huissier des 20 et 21 juillet 2020,
– Absence de boîte aux lettres individuelle ; constat d’huissier des 17, 19 et 23 février 2021
– Absence de sonnette ;constat d’huissier des 20 et 21 juillet 2020,
– Absence de détecteur de fumée ;constat d’huissier des 20 et 21 juillet 2020,
– Absence de remise de DPE ;
– Portail électrique qui ne fonctionne pas ; constat d’huissier du 1er décembre 2020 et du 4 décembre 2020, constat d’huissier des 17, 19 et 23 février 2021
– Mauvaises odeurs des canalisations ;
– Absence d’eau chaude ; mail du 26 février 2021, constat d’huissier des 17, 19 et 23 février 2021,
– Eau des canalisations de couleur verte / marron, mail du 26 février 2021, LRAR du 16 mars 2021, constat d’huissier des 17, 19 et 23 février 2021, du 18 mars 2021 outre des nuisances sonores dues à des travaux réalisés sur l’autre partie du logement et ce jour et nuit (mail du 19 mai 2020, mail du 5 juin 2020, mail du 4 octobre 2020, dépôt de plainte du 21 octobre 2020, constats d’huissier).
S’il ressort des constats d’huissier, l’absence d’un volet à l’une des fenêtres et que la locataire verse aux débats un mail du 20 mai 2020, dans lequel, en PS, elle indique ‘profitez de l’occasion pour commander le volet de la chambre’, cette dernière ne justifie pas avoir véritablement sollicité le bailleur à ce titre, ni en quoi cette absence de volet, alors que l’huissier a constaté un dispositif sommaire d’occultation, lui causerait un préjudice de jouissance.
Il résulte des constats d’huissier fait à la demande de la locataire qu’est présent sur site une seule boîte aux lettres.
Lors d’un constat, l’huissier indique que le seul nom lisible est celui de la locataire et lors d’un autre constat que les noms de la locataire et du bailleur sont présents sur cette boîte aux lettres.
Pour autant, la locataire ne justifie nullement, par les pièces versées aux débats, avoir sollicité le bailleur pour l’installation d’une boîte aux lettres individuelle, ni le trouble de jouissance qu’il résulterait pour elle de la présence d’une seule boîte aux lettres pour les deux logements.
Concernant l’absence de sonnette, elle résulte d’un seul constat d’huissier des 20 et 21 juillet 2020 et ne ressort plus des multiples constats qui ont suivi.
Le bailleur justifie de l’achat de deux détecteurs de fumée par ticket de caisse du 30 octobre 2020, qui ont été remis à l’huissier de justice pour la locataire suivant rendez vous fixé au 30 novembre 2020.
Quant à la remise du DPE, Mme [Y] ne conteste pas avoir été l’agent immobilier qui a fait réaliser le DPE en 2017 lors de l’acquisition du bien par le bailleur, de sorte qu’elle ne peut alléguer ne pas en avoir eu connaissance.
S’il est établi que le portail électrique dysfonctionnait, selon constat d’huissier de décembre 2020, et de février 2021, le bailleur justifie avoir commandé un nouveau moteur en février 2021 et force est de constater que les constats d’huissier, qui ont été réalisés postérieurement, ne mentionnent plus ce dysfonctionnement, dont la locataire n’établit, d’ailleurs pas, qu’elle a demandé réparation au bailleur.
Les mauvaises odeurs de canalisation ne sont établies par aucune des pièces versées aux débats.
Concernant l’absence d’eau chaude, dénoncée par un mail du 26 février 2021, après avoir été constatée par huissier de justice en février 2021, rien ne permet d’établir la durée du phénomène, dans un contexte de travaux sur l’autre partie du bâtiment, qui ont pu occasionner légitimement des coupures, dont l’abus et le trouble de jouissance qui en résulterait ne sont pas établis.
Sur la couleur de l’eau des canalisations, s’il a pu être constaté par huissier de justice en février et en mars 2021 que l’eau chaude présentait une couleur marron claire, une fois la baignoire remplie, avec dépôt de la même couleur, le bailleur verse aux débats une analyse d’eau démontrant la normalité de cette dernière, ainsi que la facture de la visite du plombier de novembre 2020 et de la visite du contrôle de forage de mars 2021, attestant de la conformité de l’installation.
Enfin, quant aux nuisances sonores dues à des travaux réalisés sur l’autre partie du logement et ce jour et nuit, force est de constater que les procès verbaux des huissiers versés aux débats ne font que relater des photos et vidéos prises par la locataire à l’aide de son portable, sans certitude sur leurs dates et heures, manipulables, et sans que l’huissier ait constaté, par lui même, les nuisances dénoncées, qui auraient dues l’être, eu égard à leur importance alléguée et aux nombreuses visites de ce dernier.
Ainsi, le jugement est confirmé par substitution de motifs en ce qu’il a rejeté les demandes de Mme [Y] au titre du préjudice de jouissance et moral.
Sur l’indemnisation au titre du chiffre d’affaire
Considérant que selon les comptes annuels arrêtés au 31 décembre 2019, Mme [Y] a réalisé un chiffre d’affaires net de 55 462€ en 2018 et de 96 150€ en 2019, qu’elle est entrée dans les lieux en mars 2020, que selon déclaration comptable du 7 août 2020, son chiffre d’affaire pour 2021 a été de 80 375€, et que l’année 2020 présente une baisse de chiffre d’affaires limitée à 15% s’expliquant par le contexte de crise sanitaire impactant particulièrement les négociations immobilières, c’est à juste titre que le premier juge a retenu que Mme [Y] ne justifie pas que cette baisse soit liée aux différents avec son bailleur et l’a déboutée de ses demandes indemnitaires à ce titre.
Sur les autres demandes
Mme [Y] étant déboutée de l’intégralité de ses demandes, ne saurait être indemnisée de ses frais d’huissier de justice.
Mme [Y] est condamnée à 1 500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 26 novembre 2021 par le Tribunal judiciaire de TARASCON, juge des contentieux de la proximité;
Y ajoutant,
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
CONDAMNE Mme [Y] à régler à M.[W] la somme de 1500€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure Civile,
CONDAMNE Mme [Y] aux entiers dépens de l’appel.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT