Nuisances sonores : décision du 12 janvier 2024 Tribunal judiciaire de Paris RG n° 23/00052

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Nuisances sonores : décision du 12 janvier 2024 Tribunal judiciaire de Paris RG n° 23/00052
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TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me David BENSADON
Me Jérémie ASSOUS

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 23/00052 – N° Portalis 352J-W-B7H-CYXHM

N° MINUTE : /JCP

JUGEMENT
rendu le vendredi 12 janvier 2024

DEMANDEURS

Monsieur [I] [U], demeurant [Adresse 7] – [Localité 2] (PORTUGAL) –

Madame [J] [U], demeurant [Adresse 1] – [Localité 5], COLORADO (USA)

représentée par Me David BENSADON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #P0074

DÉFENDEURS

Monsieur [M] [C], demeurant [Adresse 3] – [Localité 4]
comparant en personne assisté de Me Jérémie ASSOUS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #K0021

Madame [Z] [H], demeurant [Adresse 3] – [Localité 4]
représentée par Me Jérémie ASSOUS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #K0021

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Frédéric GICQUEL, Juge, juge des contentieux de la protection
assisté de Laura DEMMER, Greffier,

DATE DES DÉBATS

Audience publique du 04 septembre 2023

JUGEMENT

contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 12 janvier 2024 par Frédéric GICQUEL, Juge assisté de Laura DEMMER, Greffier
Décision du 12 janvier 2024
PCP JCP fond – N° RG 23/00052 – N° Portalis 352J-W-B7H-CYXHM

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 10 décembre 2016, Madame [B] [U] a donné à bail à Monsieur [M] [C] et Madame [Z] [H] un logement à usage d’habitation situé [Adresse 3] à [Localité 6] moyennant un loyer mensuel de 3 540 euros et 430 euros de provision sur charges.

Par acte d’huissier de justice du 28 avril 2022, Monsieur [I] [U] et Madame [J] [U] venant aux droits de l’ancienne bailleresse ont fait signifier à Monsieur [M] [C] et Madame [Z] [H] un congé pour vente au prix de 2 550 000 euros et à effet au 14 décembre 2022.

Monsieur [M] [C] et Madame [Z] [H] étant demeurés dans les lieux, Monsieur [I] [U] et Madame [J] [U] les ont, par acte de commissaire de justice du 29 décembre 2022, fait assigner devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris en validation congé, expulsion et en paiement solidaire d’une indemnité d’occupation égale au dernier loyer charges comprises, ainsi qu’à une somme de 2 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive outre 1 500 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens comprenant le coût du congé.

À l’audience du 4 septembre 2023 à laquelle l’affaire a été retenue, Monsieur [I] [U] et Madame [J] [U], représentés par leur conseil, ont maintenu leurs demandes et ont sollicité le rejet des conclusions et prétentions adverses.

Monsieur [M] [C], assisté par son avocat et Madame [Z] [H], représentée, ont sollicité la nullité du congé, le rejet des demandes et la condamnation solidaire de Monsieur [I] [U] et de Madame [J] [U] à leur verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, subsidiairement l’octroi d’un délai de huit mois pour se reloger, et en tout état de cause la condamnation solidaire des demandeurs à leur verser la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance ainsi que celle de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.

Un diagnostic social et financier a été reçu au greffe dont les conclusions ont été lues à l’audience.

En application du deuxième alinéa de l’article 446-2 et de l’article 455 du code procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties visées à l’audience pour l’exposé de leurs moyens.

La décision été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 16 novembre 2023, puis a été prorogée au 12 janvier 2024.

MOTIFS

Sur le rejet des conclusions des défendeurs

Aux termes de l’article 446-2 alinéa 4 du code de procédure civile, applicable à la procédure orale, le juge peut écarter des débats les prétentions, moyens et pièces communiquées sans motif légitime après la date fixée pour les échanges et dont la tardiveté porte atteinte aux droits de la défense.

En l’espèce, Monsieur [I] [U] et Madame [J] [U] sollicitent le rejet des conclusions de Monsieur [M] [C] et de Madame [Z] [H] transmises le 1er septembre 2023, ainsi qu’il ressort de la mention y figurant en haut à gauche, soit bien après le délai imparti pour leur réplique, fixé dans le calendrier de procédure établi lors de l’audience du 10 mars 2023 au 12 juillet 2023.

Cependant, les demandeurs n’indiquent pas les prétentions et les moyens ajoutés aux précédentes écritures adverses, dont la date de transmission est d’ailleurs ignorée, pas plus qu’ils ne justifient de la date à laquelle ils ont notifié leurs propres écritures, qui auraient été également transmises tardivement.

Ils ont été entendus en leurs observations à l’audience et ont ainsi pu débattre des arguments de fait et de droit qui leur sont opposés.

Enfin ils n’ont pas sollicité le renvoi pour répliquer aux écritures adverses, ni demandé à être autorisé à produire une note en cours de délibéré pour transmettre de nouvelles pièces.

Il s’ensuit que Monsieur [I] [U] et Madame [J] [U] ne démontrent pas que la tardiveté de la transmission des dernières écritures de leurs adversaires ait conduit à les priver du principe de la contradiction.

Dès lors, ils seront déboutés de leur demande de rejet des dernières conclusions adverses.

Sur la validité du congé pour vente et ses conséquences

En application des dispositions de l’article 15-I et II de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, le bailleur peut délivrer un congé pour vendre, six mois au moins avant l’échéance du bail. Le locataire dispose d’un droit de préemption qu’il doit exercer pendant un délai de deux mois. A l’expiration du délai de préavis, le locataire est déchu de tout titre d’occupation.

Le congé doit être notifié par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, signifié par acte d’huissier ou remis en main propre contre récépissé ou émargement. Ce délai court à compter du jour de la réception de la lettre recommandée, de la signification de l’acte d’huissier ou de la remise en main propre.

En cas de contestation, le juge peut, même d’office, vérifier la réalité du motif du congé et le respect des obligations prévues au présent article. Il peut notamment déclarer non valide le congé si la non-reconduction du bail n’apparaît pas justifiée par des éléments sérieux et légitimes.

En l’espèce, le bail consenti à Monsieur [M] [C] et Madame [Z] [H] à effet au 15 décembre 2016 nous pour une durée de trois ans a été tacitement reconduit le 15 décembre 2019 pour une nouvelle durée de trois ans pour expirer le 14 décembre 2022, conformément à l’article 10 de la loi du 6 juillet 1989.

Le congé des bailleurs délivré le 28 avril 2022 a donc été régulièrement délivré plus de six mois avant l’échéance précitée.

Il sera relevé en outre que le congé rappelle le motif du congé, délivré pour vente du bien loué, mentionne le prix et les conditions de la vente projetée, contient une offre de vente, ainsi que la reproduction des cinq premiers alinéas de l’article 15 II.

Dès lors, le congé a été délivré dans les formes et délais légaux.

Mais, Monsieur [I] [U] et Madame [J] [U] ne justifient d’aucune démarche positive pour procéder à la vente du bien litigieux depuis la délivrance du congé, telle que la conclusion d’un mandat de vente, la publication d’annonces, l’affichage de panneaux ou de visites d’acquéreurs éventuels.

Or il est constant que si l’intention de vendre le bien loué constitue un motif péremptoire de congé dispensant le bailleur de toute justification préalable de la réalité d’un projet de vente, lorsque le locataire conteste la réalité de cette intention, il appartient au bailleur de justifier des démarches mises en œuvre

En outre, les demandeurs ne produisent aucun élément pour justifier de la réalité du prix mentionné dans le congé à hauteur de 2 550 000 euros, lequel est contesté par les locataires qui versent aux débats une estimation de l’agence immobilière GROUPE BABYLONE évaluant la valeur du bien, compte-tenu de l’état de l’appartement, de l’adresse, de l’étage de l’immeuble et des dernières transactions réalisées dans la rue, à la somme de 1 990 000 euros

Or, si le prix est fixé librement par le bailleur et qu’un prix de vente élevé ne suffit pas à caractériser l’intention frauduleuse, il est admis l’annulation d’un congé aux fins de vente en cas de fraude caractérisée par une disproportion manifeste de l’ordre de 20 % entre le prix proposé par le bailleur et la valeur du bien, un tel prix ayant pour effet d’empêcher le locataire d’exercer son droit légal de préemption.

Dès lors, en l’absence de justification de la réalité du motif du congé et d’un prix supérieur de 25 % à la seule estimation produite, il convient de prononcer la nullité du congé délivré le 28 avril 2022.

Monsieur [I] [U] et Madame [J] [U] seront par conséquent déboutés de leurs demandes d’expulsion et en paiement d’une indemnité d’occupation ainsi que de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral

En application des dispositions de l’article 1240 du code civil tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Afin d’obtenir des dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle, Monsieur [M] [C] et Madame [Z] [H] doivent prouver que Monsieur [I] [U] et Madame [J] [U] ont commis une faute qui leur a causé un dommage, ainsi que la réalité du dommage.

En l’espèce, ils sollicitent une somme de 20 000 euros pour préjudice moral à raison de la menace d’une expulsion imminente et de l’angoisse de ne pas trouver un logement adapté aux besoins de leur famille.

Ils n’apportent toutefois aucun élément permettant de prouver qu’ils ont subi un tel préjudice et en tout état de cause se sont maintenus dans le logement litigieux.

Monsieur [M] [C] et Madame [Z] [H] seront par conséquent déboutés de leur demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.

Sur les dommages et intérêts pour préjudice de jouissance

Les articles 1719 du code civil et 6 de la loi du 6 juillet 1989 mettent à la charge du bailleur, sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, l’obligation de faire jouir paisiblement le preneur de la chose louée pendant la durée du bail.

Cette obligation trouve ses limites dans les dispositions de l’article 1725 du même code, selon lesquelles le bailleur n’est pas tenu de garantir le preneur du trouble que des tiers apportent par voies de fait à sa jouissance, sans prétendre d’ailleurs aucun droit sur la chose louée, sauf au preneur à les poursuivre en son nom personnel.

En l’espèce, Monsieur [M] [C] et Madame [Z] [H] sollicitent une somme de 10 000 euros pour trouble de jouissance à raison des nuisances sonores liées à des travaux de réhabilitation de l’hôtel contigu à leur immeuble.

Ainsi, les troubles de jouissances qu’ils dénoncent et dont ils demandent réparation sont le fait d’un tiers à leur bailleur. Dès lors, en application de l’article 1725 du code civil, il convient de rejeter leurs demandes de dommages et intérêts au titre de leur trouble de jouissance.

Sur les demandes accessoires

Monsieur [I] [U] et Madame [J] [U], qui perdent le procès, seront condamnés in solidum aux dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [M] [C] et de Madame [Z] [H] les frais exposés par eux dans la présente instance et non compris dans les dépens. La somme de 1 500 euros leur sera donc allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l’article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe contradictoire et en premier ressort,

DÉBOUTE Monsieur [I] [U] et Madame [J] [U] de leur demande de rejet des dernières écritures de Monsieur [M] [C] et Madame [Z] [H],

PRONONCE la nullité du congé aux fins de vente délivré par Monsieur [I] [U] et Madame [J] [U] le 28 avril 2022 à Monsieur [M] [C] et Madame [Z] [H],

DÉBOUTE Monsieur [I] [U] et Madame [J] [U] de leurs demandes d’expulsion et en paiement d’une indemnité d’occupation,

DÉBOUTE Monsieur [I] [U] et Madame [J] [U] de leurs demandes de dommages et intérêts pour résistance abusive,

DÉBOUTE Monsieur [M] [C] et Madame [Z] [H] de leur demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,

DÉBOUTE Monsieur [M] [C] et Madame [Z] [H] de leur demande de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance,

CONDAMNE in solidum Monsieur [I] [U] et Madame [J] [U] à verser à Monsieur [M] [C] et Madame [Z] [H] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum Monsieur [M] [C] et Madame [Z] [H] aux dépens,

RAPPELONS que l’exécution provisoire est de droit.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition les jour, mois et an susdits par le Juge des contentieux de la protection et la Greffière susnommés.

La Greffière, Le Juge des contentieux de la protection

 


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