Nuisances sonores : décision du 18 janvier 2024 Tribunal judiciaire de Paris RG n° 23/01756

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Nuisances sonores : décision du 18 janvier 2024 Tribunal judiciaire de Paris RG n° 23/01756
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TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le : 18/01/24
à : Me Catherine HENNEQUIN

Copie exécutoire délivrée
le : 18/01/24
à : Me Carole JOSEPH WATRIN

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 23/01756 – N° Portalis 352J-W-B7H-CZG5I

N° MINUTE :
2/2024

JUGEMENT
rendu le jeudi 18 janvier 2024

DEMANDERESSE
Madame [N] [G], demeurant [Adresse 2]
comparante en personne assistée de Me Carole JOSEPH WATRIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #E0791

DÉFENDERESSE
La Régie Immobilière de la Ville de [Localité 3] (RIV[Localité 3]), dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Catherine HENNEQUIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #P0483

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Anne TOULEMONT, Vice-présidente, juge des contentieux de la protection, assistée de Florian PARISI, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 09 novembre 2023

JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 18 janvier 2024 par Anne TOULEMONT, Vice-présidente assistée de Florian PARISI, Greffier

Décision du 18 janvier 2024
PCP JCP fond – N° RG 23/01756 – N° Portalis 352J-W-B7H-CZG5I

Par acte sous seing privée en date du 22 octobre 2008, la REGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE [Localité 3] ( RIV[Localité 3]) a consenti à bail à Madame [N] [G] un appartement à usage d’habitation situé [Adresse 2] pour un loyer mensuel de 627,38 euros hors charges.

Par acte d’huissier en date du 26 octobre 2022, Madame [N] [G] a fait assigner la REGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE [Localité 3] ( RIV[Localité 3]) devant le pôle de proximité du tribunal judiciaire de Paris aux fins :
– d’ordonner à la bailleresse de procéder à la mise en conformité du logement eu égard aux critères de décence légaux, et aux obligation contractuelles et légales découlant du bail,
– condamnation de la bailleresse à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance, au titre de la perte d’ensoleillement et des nuisances sonores subies
– condamnation de la bailleresse à lui verser la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles, outre aux dépens.

L’affaire a fait l’objet de deux renvois, dont un renvoi ordonné d’office au visa de l’article 82-1 du code de procédure civile afin de saisir le juge des contentieux de la protection, le deuxième renvoi étant sollicité pour permettre aux parties de se mettre en état.

A l’audience du 9 novembre 2023, Madame [N] [G], comparaît, assistée de son conseil. Elle dépose des écritures, soutenues oralement, aux termes desquelles elle réitère les demandes de son assignation, apportant des précisions sur les demandes formées au titre des travaux, les demandes écrites étant trop larges. Elle sollicite de ce fait que soient réalisés : tous les travaux nécessaires au fonctionnement sans nuisance sonore de la porte du parking de l’immeuble. Elle explique qu’elle vit au dessus de l’entrée du parking, les deux chambres à coucher se trouvant juste au dessus de l’ouverture, et que le bruit fait par la porte lorsqu’elle est actionnée, est très présent. Elle ajoute que des intrusions de personnes non désirées sont récurrentes. Elle renonce à la demande de verser le constat du 16 novembre 2022, cela ayant été fait. Par ailleurs, elle dénonce le manque d’ensoleillement, résultant des travaux réalisées au sein du groupe d’immeubles, au vu de l’installation d’algécos depuis août 2022, devant la fenêtre de son salon. Elle précise que le préjudice de jouissance sollicité se décompose en 5000 euros au titre des nuisances sonores et 5000 euros au titre de l’absence d’ensoleillement et ne conteste pas la prescription relevée, ne réclamant les préjudices que postérieurement à cette date. Au soutien de ses prétentions, Madame [N] [G] souligne que depuis 4 années, elle subit ses désagréments et a alerté son bailleur du dysfonctionnement du parking et du bruit engendré. Elle rappelle que le bailleur doit assurer la jouissance paisible des lieux à son locataire.

La RIV[Localité 3], représentée par son conseil, a déposé des écritures, soutenues oralement, aux termes desquelles elle a relevé la prescription des demandes antérieures au 26 octobre 2019, et a sollicité le rejet des demandes et renconventionnellement la condamnation de sa locataire à lui verser la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens. Au soutien de ses prétentions, la RIV[Localité 3] souligne que la porte d’entrée ne souffre d’aucun dysfonctionnement, la RIV[Localité 3] ayant missionné la société FERMATIC pour vérifier l’installation de la porte, que les intrusions ne sont pas de sa responsabilité, une vidéo étant de plus installée, la locataire pouvant saisir les services de police, que la perte d’ensoleillement n’est que temporaire liée aux travaux dans le groupe d”immeuble, et que l’emplacement des préfabriqués, posés sur le domaine public, relève de la responsabilité de la ville de [Localité 3]. Elle ajoute enfin que les travaux sollicités ne sont pas détaillés de façon précise et que la demande est trop vague, aucun devis n’ayant été produit pour expliciter la nature des travaux demandés. Elle fait valoir également que la locataire ne demande pas le déplacement des algécos, déposés sur le domaine public.

L’affaire a été mise en délibéré au 18 janvier 2023 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la prescription

L’article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989, modifié par la loi dite ALUR du 24 mars 2014, entrée en vigueur le 27 mars 2014, dispose que : ‘Toutes actions dérivant d’un contrat de bail sont prescrites par trois ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer ce droit’.

La locataire précise que ses demandes indemnitaires portent effectivement sur la période postérieure, ne contestant pas que la prescription est acquise avant la date du 26 octobre 2019.

Sur le manquement à l’obligation de jouissance paisible du bailleur

Aux termes de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989, applicable aux locations meublées conformément aux dispositions de l’article 25-3, le bailleur est obligé de délivrer au locataire le logement en bon état d’usage et de réparation.

Le bailleur est par ailleurs tenu d’assurer au locataire la jouissance paisible du logement et, sans préjudice des dispositions de l’article 1721 du code civil, lequel dispose qu’il est dû garantie au preneur pour tous les vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l’usage. S’il résulte de ces vices ou défauts quelque perte pour le preneur, le bailleur est tenu de l’indemniser.

De telles obligations sont des obligations de résultat et ne nécessitent pas de rapporter la preuve d’une faute du bailleur ou d’un défaut de diligences.

En cas de méconnaissance par le bailleur de son obligation de délivrance et de jouissance paisible, le locataire dispose de l’action en exécution des travaux avec demande d’indemnisation pour les préjudices subis tels que la restriction d’usage ou le préjudice d’agrément.

En l’espèce, Madame [N] [G] dénonce deux griefs qu’il conviendra d’examiner successivement.

sur la présence de préfabriqués

La production des constats d’huissier présentés datés des 28 août et 25 novembre 2022 permettent de vérifier que la seule fenêtre de la pièce à vivre de l’appartement de Madame [N] [G] est obstruée au deux tiers par l’installation des préfabriqués, la durée des travaux étant fixée initialement à 18 mois, à compter du mois de mai 2022. Selon la demanderesse, les travaux affichent du retard, non contesté par la société bailleresse.

Toutefois, l’article 1725 du Code civil dispose précise que le “ bailleur n’est pas tenu de garantir le preneur du trouble que des tiers apportent par voies de fait à sa jouissance, sans prétendre d’ailleurs aucun droit sur la chose louée”. Par tiers, il faut entendre toute personne autre que le bailleur et ceux qui tiennent leurs droits de lui-même. Le bailleur n’engage pas sa responsabilité du fait des dommages causés au preneur lorsqu’il n’est en son pouvoir ni de prévoir ni d’empêcher l’action de celui par la faute duquel ce dommage est arrivé. L’action indemnitaire tendant à obtenir réparation du préjudice résultant d’un dommage de travaux publics ne peut être dirigée que contre la collectivité publique maître d’ouvrage ou contre la personne à qui cette collectivité a confié l’exécution desdits travaux

Elle sera donc déboutée de cette demande.

le dysfonctionnement de la porte d’entrée du parking

Il ressort des pièces de la demanderesse que plusieurs courriers ont été transmis à la RIV[Localité 3], non contestés, depuis l’année 2018, faisant état de bruits et d’intrusions dans le parking se situant sous ses fenêtres, plus précisément sous les fenêtres des deux chambres à coucher.

La RIV[Localité 3] justifie de l’intervention de techniciens les 30 avril et 30 juin 2022, antérieurement à la réalisation des deux constats d’huissier, versés aux débats, dont un à l’initiative de la RIV[Localité 3] daté du 16 novembre 2022 et l’autre à l’initiative de Madame [G] daté du 25 août 2022. En l’espèce, il résulte de ces constats d’huissier que l’ouverture et la fermeture de la porte du parking sont à l’origine de bruit «  généré par la mise en fonctionnement du contrepoids et au glissement des roulettes dans le rail » ( PV de constat du 25 août 2022). A cela s’ajoute : « je constate tant à l’ouverture qu’à la fermeture les bruit perceptibles d’un roulement lorsque la porte s’ouvre et se ferme » ( PV de constat du 16 novembre 2022).

La divergence des constatations ne vient donc pas de la matérialité du bruit entendu lors de l’ouverture et de la fermeture du parking mais de la perception du clac de fermeture, perçu faiblement pour le constat du 16 novembre 2022 et de façon importante dans le cadre du constat du 25 août 2022. Force est de relever que les deux constats ont été réalisés à 16 heures, donc en pleine journée, avec les bruits environnants.

Les deux constats ne permettent, toutefois, pas d’évaluer en quoi les nuisances sonores sont constitutives d’un préjudice, et dépassent les bruits acceptables. Si dans le corps du texte, la locataire demande une expertise, à la charge de la société bailleresse, cette demande n’est pas reprise dans le dispositif. Pour autant, elle verse un rapport d’expertise daté du 12 août 2023, réalisé par une entreprise spécialisée en problème acoustique, expert près la cour d’appel de Paris. Au cours de cette expertise, il est rappelé les conditions légale non contestées par la bailleresse, à savoir le respect de la norme de 30dB(A) lorsqu’il s’agit qu’équipements collectifs, tels que les garages ou parkings. Il y est indiqué que, sur le plan réglementaire, le niveau de pression sonore constaté sur les lieux atteint 33 dB(A), donc supérieure à la norme mais avec une tolérance admise de 3dB(A). En revanche, il est conclu que l’audibilité, sa répétition dans le temps et les horaires auxquels le bruit est susceptible d’apparaître est de nature à engendrer une gêne pendant les périodes de sommeil.

Il convient d’en déduire l’existence d’un préjudice réel dont la matérialité est démontré par la locataire. Le préjudice sera réparé sur les trois années durant, à hauteur de 5000 euros comme sollicité, correspondant à environ 20% du loyer mensuel.

La réalisation de travaux telle que définie par la locataire à l’oral sera ordonnée.

Sur les mesures accessoires

La RIV[Localité 3], perdante sur le principal, supportera les dépens, en application de l’article 696 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la locataire les frais exposés dans la présente instance et non compris dans les dépens. La somme de 1 000 euros sera donc allouée à son conseil.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l’article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe contradictoire et en premier ressort,

CONDAMNE la RIV[Localité 3] à faire réaliser, dans un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision, tous travaux nécessaires au fonctionnement sans nuisances sonores de la porte du parking de l’immeuble situé au dessous de l’appartement de Madame [N] [G] ;

CONDAMNE la RIV[Localité 3] à verser à Madame [N] [G] les sommes de 5000 euros au titre de son préjudice de jouissance lié aux nuisances sonores

DEBOUTE Madame [N] [G] de ses demandes au titre de son préjudice de jouissance lié aux nuisances visuelles ;

CONDAMNE la RIV[Localité 3] à verser au conseil de Madame [N] [G] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE La RIV[Localité 3] aux dépens ;

REJETTE le surplus des demandes des parties ;

RAPPELLE que la présente décision est de plein droit exécutoire à titre provisoire.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition les jour, mois et an susdits par le Président et le Greffier susnommés.

Le Greffier,La présidente.

 


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