Nuisances sonores : décision du 25 janvier 2024 Tribunal judiciaire de Paris RG n° 23/05696

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Nuisances sonores : décision du 25 janvier 2024 Tribunal judiciaire de Paris RG n° 23/05696
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TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Monsieur [D] [L]

Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Maître Audrey KANDALA

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 23/05696 – N° Portalis 352J-W-B7H-C2JX4

N° MINUTE :

JUGEMENT
rendu le jeudi 25 janvier 2024

DEMANDERESSE
La société SGCE – Société Générale Commerciale de l’Est
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Maître Audrey KANDALA de la SELARL KMK AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #B204

DÉFENDEUR
Monsieur [D] [L]
demeurant [Adresse 3]
non comparant, ni représenté

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Sandra MONTELS, Juge des contentieux de la protection
assistée de Coraline LEMARQUIS, Greffière,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 10 novembre 2023

JUGEMENT
réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 25 janvier 2024 par Sandra MONTELS, juge des contentieux de la protection, assistée de Coraline LEMARQUIS, Greffière

Décision du 25 janvier 2024
PCP JCP fond – N° RG 23/05696 – N° Portalis 352J-W-B7H-C2JX4

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 12 novembre 2020, la Société Générale Commerciale de l’Est a consenti un bail d’habitation à Monsieur [D] [L] sur des locaux situés au [Adresse 3]), moyennant le paiement d’un loyer mensuel de 2329 euros et d’une provision pour charges de 266 euros.

Par assignation délivrée le 22 juin 2023 par commissaire de justice, la Société Générale Commerciale de l’Est a saisi le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris aux fins de :
– Faire prononcer la résiliation du bail,
– Condamner Monsieur [D] [L] à libérer les lieux sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la présente décision,
– Ordonner l’expulsion de Monsieur [D] [L] et obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :
– une indemnité mensuelle d’occupation de 2595 euros par mois,
– 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile – outre aux entiers dépens.

Au visa des articles 7 de la loi du 6 juillet 1989, 1728 et suivants du code civil elle soutient que Monsieur [D] [L] ne respecte pas ses obligations, par ailleurs prévues au contrat, d’une part de régler le loyer aux termes convenus et d’autre part d’user paisiblement des locaux loués en causant des nuisances sonores anormales pour l’ensemble du voisinage.

À l’audience du 10 novembre 2023, la Société Générale Commerciale de l’Est sollicite le bénéfice de son acte introductif d’instance.

Bien que régulièrement assigné par acte de commissaire de justice délivré à étude, Monsieur [D] [L] n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter.

À l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré jusqu’à ce jour, où elle a été mise à disposition des parties au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

En application de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant alors droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur la demande de résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers

La Société Générale Commerciale de l’Est ne justifie pas avoir notifié l’assignation au représentant de l’État dans le département plus de deux mois avant l’audience.

Son action est donc irrecevable au regard des dispositions de l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989.

Sur la demande de résiliation du bail pour défaut d’usage paisible des locaux

Aux termes des articles 1728 1° et 1729 du code civil le preneur est tenu d’user de la chose louée raisonnablement, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d’après les circonstances, à défaut de convention. Si le preneur n’use pas de la chose louée raisonna-blement ou emploie la chose louée à un autre usage que celui auquel elle a été destinée, ou dont il puisse résulter un dommage pour le bailleur, celui-ci peut, suivant les circonstances, faire résilier le bail.

Aux termes de l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989 le locataire est obligé d’user paisiblement des lo-caux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location.

Aux termes des articles 1224, 1227, 1228 et 1229 du code civil la résolution d’un contrat résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notifi-cation du créancier au débiteur ou d’une décision de justice. La résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice. Le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l’exécution du contrat. Lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat, il n’y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n’ayant pas reçu sa contrepartie ; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.

Aux termes de l’article 9 du code procédure civile il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En application de l’article 1353 du code civil celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

En l’espèce, à l’appui de sa demande en résiliation du contrat de bail pour défaut d’usage paisible des lieux, la Société Générale Commerciale de l’Est fait valoir que Monsieur [D] [L] cause régulièrement du tapage nocturne dont se plaignent les autres locataires.
Elle produit :
– Une mise en demeure qu’elle a adressée à Monsieur [D] [L] le 26 août 2022 de cesser toute activité susceptible de causer des troubles du voisinage et notamment des tapages nocturnes fréquents entre 22h et 7h du matin (cris, bruits de fête, musique) dont se sont plaints les locataires de l’immeuble et des immeubles voisins ; mise en demeure dont Monsieur [D] [L] a accusé réception par courriel du 27 septembre 2022 en exprimant à la bailleresse son intention d’user paisiblement de l’appartement dans le respect de la tranquillité du voisinage contrairement aux mois précédents, présentant ses sincères excuses et garantissant que plus aucun dérangement ne sera infligé au voisinage.
– Un courrier du 12 septembre 2022 adressée par la bailleresse à Monsieur [D] [L] après avoir été informée de nouvelles nuisances sonores pour la nuit du 10 au 11 septembre 2022 (envoi du courrier non justifié).
– Une plainte déposée le 27 août 2022 au commissariat du [Localité 1] pour tapage nocturne par Mme [B], résidente de l’immeuble, relatant que depuis l’arrivée de Monsieur [D] [L] les occupants de l’immeuble subissent des tapages continus de la part de ce dernier, qu’il met de la musique à haut volume sonore, que les services de police sont intervenus à plusieurs reprises, qu’elle-même ne dort plus à cause de ce tapage.
– Une déclaration de main courante effectuée le 31 août 2022 par la bailleresse exposant être régulièrement contactée par les locataires au sujet des nuisances nocturnes, que certains invités de Monsieur [D] [L] se promènent dans les parties communes en état d’ébriété ou dorment dans la cage d’escalier, qu’un locataire et la police ont dû intervenir à la suite de violences commises par Monsieur [D] [L] sur une femme.
– Une déclaration de main courante effectuée le 11 septembre 2022 par M. [N], voisin de Monsieur [D] [L], qui relate que ce dernier est auteur de nuisances sonores la nuit depuis l’été.
– Un procès-verbal de constat de commissaire de justice du 26 septembre 2022 lequel le même jour à 1h40 a constaté depuis le hall de la musique, des voix et des rires de plusieurs personnes en provenance de l’appartement de Monsieur [D] [L], a effectué par sonomètre à une distance de 50 cm de la porte de l’appartement des mesures comprises entre 55 et 73 dbA, a constaté des bruits sourds de type basse fréquence depuis la chambre d’un appartement situé au 4ème étage, puis au premier étage des bruits de musique nettement audibles, dans les escaliers donnant sur les étages supérieurs et les parties communes une musique résonnant soit très fort soit moins fort mais toujours audible de même que des voix et des rires
– Une sommation délivrée par commissaire de justice le 29 septembre 2022 de cesser les troubles du voisinage et notamment le tapage nocturne (remise à étude).
– Une pétition signée par 12 résidents ayant constaté de multiples tapages nocturnes émanant de l’appartement occupé par Monsieur [D] [L] adressée le 1 décembre 2022 à la Société Générale Commerciale de l’Est par M. [T] et Mme [B] lesquels rapportent également que la police a dû intervenir dans la nuit à la suite de hurlements et d’une altercation dans le hall de l’immeuble à 5h du matin, Monsieur [D] [L] se disputant avec une femme dans les parties communes et son appartement.
– Un courriel de M. [V] à la Société Générale Commerciale de l’Est du 12 janvier 2023 indiquant que le tapage a repris durant la nuit pendant deux heures à partir de 3h50.
– Un courriel de Mme [B] du 15 mai 2023 rapportant qu’une fête a eu lieu chez Monsieur [D] [L] du vendredi 3h du matin à la nuit du dimanche au lundi, ” fenêtres ouvertes, musique à fond, certains chantant en pleine nuit “, que la police a été appelée, que celui-ci empoisonne la vie des locataires depuis deux ans sans gêne ; des courriels similaires les 28 avril 2023, 12 mai 2023, 15 mai 2023.

L’ensemble de ces éléments permet d’établir que Monsieur [D] [L] occasionne aux résidents de l’immeuble, de par son comportement comme celui de personnes reçues à son domicile, des nuisances sonores nocturnes régulières injustifiées.

En effet, ces troubles, constatés par commissaire de justice pour la nuit du 26 septembre 2022, sont rapportés en des termes circonstanciés par plusieurs locataires de l’immeuble et décrits comme étant récurrents, contraignant ces derniers à effectuer de multiples démarches tant envers la bailleresse (pétition, courriels) qu’envers les autorités de police (plainte, déclaration de main-courante, appels) afin de les faire cesser. Monsieur [D] [L] les a par ailleurs admis.
Ces nuisances, réitérées, ne sauraient relever de la célébration d’un événement exceptionnel ou annuel laquelle pourrait être tolérée.
Sont en outre rapportées des altercations voire des violences de la part de Monsieur [D] [L] envers une femme et la présence de personnes en état d’ébriété dans les parties communes.
Bien qu’informé à plusieurs reprises par son bailleur des doléances de ses voisins et alerté des possibles conséquences de ses agissements à savoir la résiliation du bail, Monsieur [D] [L] n’y a pas mis fin.

Il a ainsi manqué tant à ses obligations légales que contractuelles, l’article 7 du contrat de bail stipulant que le locataire s’engage à ne commettre aucun abus de jouissance paisible.

Le caractère répété des agissements de Monsieur [D] [L] comme le nombre élevé de résidents s’en plaignant et la persistance délibérée dans le comportement fautif caractérisent une gravité certaine justifiant la résiliation du contrat aux torts exclusifs de Monsieur [D] [L] et son expulsion.

Cependant, dès lors qu’aucune circonstance ne justifie la réduction du délai prévu à l’article L.412-1 du code des procédures civiles d’exécution, il convient de rappeler que l’expulsion ne pourra avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la délivrance au locataire d’un commandement de quitter les lieux.

En cas de maintien dans les lieux du locataire ou de toute personne de son chef malgré la résolution du bail, il convient de le condamner au paiement d’une indemnité d’occupation laquelle a une double nature, compensatoire compte tenu des pertes de loyers, et indemnitaire en réparation du préjudice causé par l’indisponibilité du logement.

Il y a lieu de fixer l’indemnité d’occupation mensuelle à la somme de 2595 euros, équivalant au loyer et charges actuels, tel que sollicité par la Société Générale Commerciale de l’Est.

L’indemnité d’occupation sera payable et révisable dans les mêmes conditions que l’étaient le loyer et les charges, et ne cessera d’être due qu’à la libération effective des locaux avec remise des clés à la Société Générale Commerciale de l’Est ou à son mandataire.

Sur la demande d’astreinte

Aux termes de l’article L131-1 du code des procédures civiles d’exécution tout juge peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision.

En application de l’article L421-1 dudit code, par exception aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 131-2, les astreintes fixées pour obliger l’occupant d’un local à quitter les lieux ont toujours un caractère provisoire et sont révisées et liquidées par le juge une fois la décision d’expulsion exécutée.
En l’espèce, Monsieur [D] [L] ayant délibérément manqué à ses obligations con-tractuelles et légales malgré les multiples demandes des locataires et mises en garde de la bailleresse, il y a lieu, afin d’assurer l’exécution de la décision de faire droit à la demande d’astreinte sollicitée par cette dernière à hauteur de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de la présente décision et pendant trois mois.

Sur les demandes accessoires

Monsieur [D] [L], qui succombe à la cause, sera condamné aux dépens de la présente instance, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.

Il sera condamné à payer à la Société Générale Commerciale de l’Est la somme de 1000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’exécution provisoire est de plein droit conformément à l’article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

DECLARE irrecevable la demande de la Société Générale Commerciale de l’Est en résiliation du contrat de bail pour défaut de paiement régulier des loyers ;

PRONONCE la résiliation du bail d’habitation conclu le 12 novembre 2020 entre la Société Générale Commerciale de l’Est, d’une part, et Monsieur [D] [L], d’autre part, concernant les locaux situés au [Adresse 3]), aux torts exclusifs de ce dernier

ORDONNE à Monsieur [D] [L] de libérer de sa personne, de ses biens, ainsi que de tous occupants de son chef, les lieux situés au [Adresse 3]) ainsi que, le cas échéant, tous les lieux loués accessoirement au logement, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard à compter de la signification du présent jugement et pendant trois mois,

DIT qu’à défaut de libération volontaire, il pourra être procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef avec l’assistance de la force publique,

DIT que le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d’exécution,

RAPPELLE que l’expulsion ne pourra avoir lieu qu’hors période hivernale et à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement d’avoir à libérer les lieux,

CONDAMNE Monsieur [D] [L] au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle égale au loyer et aux charges qui auraient été dus en cas de poursuite du bail, soit 2595 euros par mois,

DIT que cette indemnité d’occupation, qui se substitue au loyer dès la résiliation du contrat de bail, est payable dans les mêmes conditions que l’étaient le loyer et les charges, jusqu’à libération effective des lieux et remise des clés à la bailleresse ou à son mandataire,

REJETTE toute autre demande ;

CONDAMNE Monsieur [D] [L] aux dépens ;

CONDAMNE Monsieur [D] [L] à payer à la Société Générale Commerciale de l’Est la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de plein droit.

Ainsi jugé par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2024, et signé par la juge des contentieux de la protection et la greffière susnommées.

La Greffière La juge des contentieux de la protection

 


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